Tribunal administratif N° 32643 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 5 août 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 32643 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2013 par Maître Eva-Marie HUG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Allemagne), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 14 mai 2013 de statuer sur le bien-
fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Eva-Maria Hug et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 juillet 2013.
Le 15 avril 2013, Monsieur … déposa auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Monsieur … fut entendu le 6 mai 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à l’origine de sa demande de protection internationale. A cette occasion, Monsieur … déclara avoir quitté la Bosnie-Herzégovine pour échapper aux mauvais traitements infligés depuis son enfance par un père alcoolique et violent. Il expliqua qu’après un licenciement il serait sans ressources financières et, par suite, contraint de vivre chez ses parents. L’Etat ne l’aiderait pas à trouver un travail et ne lui verserait ni allocation de chômage ni aucune autre aide sociale. Les autorités de son pays ne seraient pas non plus en mesure de le protéger contre les agissements de son père. Monsieur … ne souhaiterait pas retourner chez lui de peur que son père ne le tue, comme il aurait déjà tenté de le faire avec un couteau, alors qu’il se serait interposé entre sa mère et lui pour l’empêcher de la frapper. A la suite de ce dernier incident, Monsieur … aurait quitté le domicile familial pour être hébergé par un ami et il ne serait plus retourné chez lui. Il n’aurait jamais porté plainte contre son père et ne souhaiterait pas le faire par peur de représailles de sa part.
Estimant que, dans ces conditions, il ne pourrait plus vivre décemment dans son pays d’origine, Monsieur … aurait finalement quitté Sarajevo le 7 avril 2013 et serait arrivé le lendemain au Luxembourg où il espère trouver une protection pour sa vie et du travail.
Par une décision du 14 mai 2013, notifiée à l’intéressé en mains propres le 23 mai 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) sous a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la Bosnie-Herzégovine ou de tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner.
La décision du ministre est motivée par la considération que les motifs invoqués par Monsieur … ne seraient de nature ni à lui ouvrir droit au statut de réfugié ni au statut de la protection subsidiaire. En effet, sa demande serait essentiellement motivée par des raisons d’ordre privé et économique, de sorte que les faits invoqués ne sauraient être considérés comme des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006, qui garantissent une protection aux personnes craignant d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social.
Le ministre rappella que la Bosnie-Herzégovine est reconnue comme un pays d’origine sûr par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, c’est-à-dire un pays dans lequel il n’existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Monsieur … n’apporterait aucun élément valable sur sa situation personnelle permettant d’ébranler ce constat.
De plus le ministre estima que, s’agissant de mauvais traitements infligés par une personne privée, le statut de réfugié ne pourait être accordé que si le demandeur met en évidence qu’il n’a pu obtenir aucune protection des autorités nationales. Tel ne serait pas le cas en l’espèce puisque le demandeur n’aurait jamais souhaité porter plainte contre son père.
A contrario, sa mère, qui aurait porté plainte à plusieurs reprises, aurait obtenu un jugement condamnant son mari. L’existence en Bosnie-Herzégovine d’une protection effective contre les violences infligées dans un cadre familial serait par ailleurs corroborée par un examen de la situation institutionnelle du pays.
Le ministre considéra encore que les raisons économiques et familiales motivant la demande de protection internationale de Monsieur … ne pourraient davantage lui ouvrir droit au bénéfice de la protection internationale subsidiaire prévue par la loi du 5 mai 2006 parce qu’il n’existerait pas de motif sérieux et avéré de croire qu’il court de ce fait un risque réel de subir une atteinte grave au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.
Enfin, le ministre soutint que le demandeur n’apporterait pas de raison valable pour justifier qu’il ne pourrait recourir à la possibilité de fuite interne dans une autre partie de son pays d’origine pour échapper aux difficultés familiales auxquelles il se heurte.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2013, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 14 mai 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision du ministre en tant qu’elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision du ministre.
Dans la mesure où aucun moyen de légalité n’est exposé à l’appui du recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, il y a lieu de rejeter ce volet de la requête comme étant non fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête, le demandeur fait valoir à titre principal qu’il ressortirait suffisamment des faits exposés qu’il craint avec raison des persécutions susceptibles de rendre sa vie intolérable en cas de retour dans son pays d’origine, dans la mesure où il ne pourrait s’attendre à aucune protection des autorités policières contre les mauvais traitements infligés par son père. Par suite, il estime qu’il remplirait les conditions d’octroi du statut de réfugié qu’il conviendrait de lui accorder.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite l’octroi de la protection subsidiaire au motif que les faits invoqués permettraient d’établir qu’il risquerait de subir, en méconnaissance des dispositions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, des actes de torture, des traitements inhumains ou dégradants ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.
(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les difficultés dont il est fait état ne trouvent pas leur origine dans un des motifs de persécution énoncés à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. En effet, les difficultés rencontrées par le demandeur sont liées exclusivement à des considérations familiales et économiques.
En effet, le départ du demandeur pour le Luxembourg a été motivé par les mauvais traitements infligés par son père, chez lequel il est contraint d’habiter faute de moyens financiers lui permettant de s’installer ailleurs. Son père l’aurait dernièrement menacé avec un couteau, alors qu’il cherchait à protéger sa mère lors d’une violente dispute. Le requérant, âgé de vingt ans, invoque également sa difficulté à trouver du travail en Bosnie-Herzégovine et l’absence de toute forme d’aide matérielle de l’Etat pour y remédier. Par voie de conséquence le tribunal est amené à conclure qu’à défaut d’autres explications fournies par le demandeur, les difficultés rencontrées ne peuvent être reliées à l’un des motifs de persécution énoncés par les dispositions de l’article 1, section A, paragraphe 2 de la Convention de Genève, repris à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est donc à bon droit que le ministre a rejeté sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) ou c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 f), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que des persécutions antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Force est au tribunal de retenir que les faits invoqués et plus amplement exposés ci-
avant ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un conflit armé interne ou international, de sorte que la demande de protection subsidiaire n’est pas fondé en ce qu’elle se base sur l’article 37 c) de la loi du 5 mai 2006.
Ensuite, le demandeur soutient qu’en cas de retour en Bosnie-Herzégovine, il courrait un risque réel de subir les atteintes graves prévues par les dispositions de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants.
S’agissant des difficultés économiques dont fait état le demandeur, force est au tribunal de constater, d’une part que l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 se réfère à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que des problèmes financiers liés au chômage, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’ils auraient été infligés ou qu’ils résulteraient d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.
Quant aux difficultés encore rencontrées par le demandeur dans le cadre familial, il convient de rappeler que, dans la mesure où l’auteur des atteintes dont se plaint le demandeur, en l’occurrence son père, est une personne privée, celui-ci n’est à considérer comme acteur d’atteintes graves au sens de l’article 28 c) de la loi du 5 mai 2006 que si les autorités de Bosnie-Herzégovine ne peuvent pas ou ne veulent pas lui accorder une protection contre les atteintes subies. L’article 29 (2) de la même loi définit la protection comme suit : « Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que les éléments qui lui ont été soumis ne permettent pas de conclure que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de garantir à l’intéressé une protection adéquate ou qu’elles ne le voudraient pas. En premier lieu, il ressort des déclarations du demandeur lors de son audition du 6 mai 2013 qu’il n’a jamais porté plainte contre son père et ne souhaite pas le faire, de sorte qu’il n’est pas fondé à soutenir que les autorités de son pays ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection, dès lors qu’il n’a jamais recherché cette protection. En second lieu, Monsieur … indique que la police s’est déplacée suite à l’agression à l’arme blanche commise par son père. Sa mère aurait déposé une déclaration. Toujours selon ses dires, une comparution aurait eu lieu le 11 février 2013 devant le tribunal qui aurait proposé une condamnation de son père, soit au paiement d’une amende, soit à une peine d’emprisonnement, ce à quoi sa mère aurait finalement renoncé par crainte d’aggraver la situation. Au regard des interventions sus-
décrites par les autorités policières et judiciaires suite au plaintes déposé par la mère du demandeur, il y a lieu de conclure que le demandeur a pu avoir accès à un système judiciaire effectif permettant de poursuivre et sanctionner les actes invoqués.
Ainsi, dans la mesure où il n’est pas démontré que les autorités bosniennes seraient défaillantes, il n’y a pas de motif sérieux et avéré de croire que l’intéressé court un risque de subir les atteintes graves prévues par l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.
Partant, c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 14 mai 2013 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire au motif que la décision portant refus de la protection internationale encourrait la réformation.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire, étant précisé que la simple affirmation de l’existence d’une prétendue impossibilité morale ou matérielle d’un retour forcé n’est pas de nature à mettre en échec la légalité de la décision prise à l’égard du demandeur.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 14 mai 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 14 mai 2013 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 14 mai 2013 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 5 août 2013 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
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