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02/08/2013 | LUXEMBOURG | N°32924

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 août 2013, 32924


Tribunal administratif Numéro 32924 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2013 Audience publique extraordinaire du 2 août 2013 Recours formé par Monsieur …, … (Suisse), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32924 du rôle et déposée le 20 juin 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Michaël Dandois, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à ...

Tribunal administratif Numéro 32924 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2013 Audience publique extraordinaire du 2 août 2013 Recours formé par Monsieur …, … (Suisse), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32924 du rôle et déposée le 20 juin 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Michaël Dandois, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Suisse), … , tendant à l’annulation d’une injonction du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 mai 2013 de fournir des renseignements en vertu de la loi du 31 mars 2010 portant approbation des conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d’échange de renseignements sur demande, adressée à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2013 ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Michaël Dandois ainsi que Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 juillet 2013.

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Par courrier du 21 mai 2013 le directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », enjoignit à la société anonyme … S.A., ci-après désignée par la « … », de lui fournir certains renseignements concernant Monsieur …, au motif que ce dernier ferait l’objet d’un contrôle par les autorités fiscales suédoises, ladite injonction étant libellée comme suit :

« Suite à une demande d'échange de renseignements du 25 avril 2013 de la part de l'autorité compétente suédoise sur la base de la convention fiscale modifiée entre le Luxembourg et la Suède du 14 octobre 1996, je vous prie par la présente de me fournir les renseignements suivants pour le 26 juin 2013 au plus tard.

Identité de la personne concernée par la demande :

Monsieur … Date et lieu de naissance :

Numéro d'identification fiscal :

Adresses connues :

L'objectif de la demande d'échange de renseignements résulte de ce qui suit.

Afin de clarifier la situation fiscale de Monsieur …, qui, selon les autorités fiscales suédoises, détiendrait au moins un compte bancaire auprès de la Banque … SA, anciennement Banque … SA, et à travers lequel Monsieur … aurait dépensé des sommes importantes en Suède avec une carte bancaire liée à un des comptes, celles-ci nécessitent certaines informations bancaires, alors que Monsieur … ne semble pas coopérer.

Je vous prie de bien vouloir fournir, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, tous les renseignements dont vous êtes détenteur, afin de permettre à l'autorité compétente luxembourgeoise de transmettre à l'autorité compétente suédoise les renseignements vraisemblablement pertinents :

- Veuillez identifier le ou les numéros de compte ouverts au nom de Monsieur … ou pour lesquels Monsieur … dispose d'une procuration auprès de votre établissement ;

- Veuillez fournir le(s) nom(s) de la (des) personne(s) étant autorisée(s) à effectuer des opérations sur ce ou ces comptes) bancaire(s) ;

- Veuillez fournir le nom de la (des) personne(s) ayant ouvert ce(s) compte(s), si la date d'ouverture tombe dans la période visée ;

- Veuillez préciser les soldes d'ouverture et de clôture du (des) compte(s) pour la période visée ;

- Veuillez préciser le montant des intérêts payés ainsi que le montant des impôts payés sur les intérêts de ce(s) compte(s) pour la période visée ;

- Veuillez fournir les relevés bancaires de ce(s) compte(s) pour la période visée ;

- Veuillez préciser si la carte bancaire n° … est liée à un de ces comptes ;

- Veuillez fournir tout document reçu par la banque de la part de Monsieur …, sous quelque forme que ce soit (lettre, email, fax, …), dans lequel celui-ci demande qu'un paiement ou un transfert soient effectués à partir de ce(s) compte(s).

Selon les autorités fiscales suédoises, l'Etat requérant a épuisé toutes les sources habituelles de renseignements internes pour l'obtention des renseignements requis, sans courir le risque de compromettre le résultat de l'enquête.

Après examen, la demande satisfait, à mon avis, aux conditions légales de l'octroi de l'échange de renseignements tel que prévu par l'article 26 de la prédite convention fiscale et de l'échange de lettres y relatif. Elle contient toutes les informations nécessaires pour établir la pertinence vraisemblable des renseignements demandés.

Il y a lieu de préciser que les dispositions du paragraphe 178bis de la loi générale des impôts, pour ce qui est de l'imposition des contribuables en droit interne, sont pleinement respectées.

Au vu de ce qui précède, vous êtes obligé de fournir les renseignements demandés dont vous êtes détenteur dans le délai imparti. Si vous rencontrez des difficultés objectives pour déférer à la présente injonction, vous voudrez me le signaler dans les plus brefs délais.

La présente décision d'injonction est susceptible d'un recours en annulation devant le tribunal administratif qui est ouvert à toute personne visée par ladite décision ainsi qu'a tout tiers concerné. Le recours doit être introduit dans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés et a un effet suspensif. […] ».

Monsieur … a fait introduire, par requête déposée le 20 juin 2013 au greffe du tribunal administratif, un recours tendant à l’annulation de l’injonction précitée du 21 mai 2013.

La loi du 16 juillet 2011 portant approbation des conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d’échange de renseignement sur demande, désignée ci-

après par la « loi du 16 juillet 2011 », portant notamment approbation du Protocole et de l’échange de lettres y relatif, signés à Bruxelles, le 7 septembre 2010, modifiant la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume de Suède tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Stockholm le 14 octobre 1996, désignée ci-après par « la Convention », prévoit en son article 2 que les demandes de renseignements introduites par application de l’échange de renseignements prévu par les conventions visées par son article 1er sont traitées suivant la procédure instituée par les articles 2 à 6 de la loi du 31 mars 2010 portant approbation des conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d’échange de renseignements sur demande, désignée ci-après par « la loi du 31 mars 2010 ».

L’article 6 (1) de la loi du 31 mars 2010 dispose que « Contre les décisions visées à l’article 4, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif à toute personne visée par ladite décision ainsi qu’à tout tiers concerné. Contre les décisions visées à l’article 5, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements. Le recours contre les décisions visées aux articles 4 et 5 doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés. Le recours a un effet suspensif. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive d’instance […] ».

S’agissant en l’espèce d’un recours introduit contre une décision portant injonction de l’administration fiscale adressée au détenteur des renseignements concerné de fournir les renseignements demandés prévue à l’article 4 sus-visé, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision querellée, lequel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévu par la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que l’article 26 de la Convention restreindrait l’échange de renseignements aux seuls renseignements vraisemblablement pertinents et il souligne que le but de ladite convention serait d’éviter que les parties contractantes aillent « à la pêche aux renseignements » ou demandent des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé.

Il invoque ensuite l’échange de lettres du 7 septembre 2010 entre le Ministre des Finances du Grand-Duché de Luxembourg et le Ministre des Finances du Royaume de Suède, faisant partie intégrante de la Convention et plus particulièrement les modalités de la demande visant à obtenir des renseignements y figurant et notamment les informations devant impérativement y être mentionnées. Il estime, au regard de ces principes, qu’en l’espèce, la décision directoriale déférée qui se limiterait après un très bref résumé des faits gisant à la base de la demande suédoise à affirmer que la demande satisferait aux conditions légales de l’octroi de l’échange de renseignements et qu’elle contiendrait toutes les informations nécessaires pour démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, pêcherait par une motivation stéréotypée et largement insuffisante. Il donne à considérer qu’il serait de jurisprudence constante que l’existence de motifs soit une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif, et que le fait, pour l’administration, de se limiter à reprendre comme seuls motifs des formules générales et abstraites prévues par la loi sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, les raisons de fait permettant de justifier la décision équivaudrait à une absence de motivation, de sorte que la décision violerait la loi, respectivement les droits de la défense.

Le délégué du gouvernement estime que la décision d'injonction déférée serait suffisamment motivée, de sorte que le recours serait à rejeter pour ne pas être fondé, tout en se réfèrant dans ce contexte aux principes dégagés par la Cour administrative dans une affaire analogue ayant donné lieu à un arrêt du 17 mai 2013, inscrit sous le numéro 32221C du rôle.

Le représentant étatique estime encore que la décision déférée serait régulière tant quant à la forme que quant à son fond, et qu'elle aurait été prise dans le respect et en conformité avec la loi du 16 juillet 2011. Ainsi, le contenu de la décision déférée correspondrait au contenu de la demande de renseignements de l'autorité compétente suédoise telle qu'elle aurait été adressée en date du 25 avril 2013 à l'autorité compétente luxembourgeoise. De plus, il résulterait clairement de l'analyse de la demande de renseignements suédoise elle-même que celle-ci remplit toutes les conditions fixées par l'échange de lettres signé le 7 septembre 2010 faisant partie intégrante de la Convention. En particulier, la demande contiendrait l'identité de la personne faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête, à savoir l'identité de Monsieur …, ayant sa résidence à …, Suède voire à…, Suisse qui, ensemble avec son épouse, Madame … … serait depuis mai 2008 président et membre du conseil d'administration de la société … AG, établie à …, Suisse. De plus, la demande contiendrait toutes les indications nécessaires concernant les renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle l'Etat suédois souhaiterait recevoir les renseignements de l'Etat luxembourgeois. D’ailleurs, le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés serait clairement exposé dans la demande suédoise, à savoir la détermination de l'impôt sur le revenu de l'année 2010 et 2011 et la demande de renseignements suédoise contiendrait un descriptif précis et détaillé des faits et opérations de contrôle en cours de même que les résultats de recherche d'ores et déjà obtenus par les autorités fiscales suédoises, de sorte qu'il serait démontré à l'exclusion de tout doute que celles-ci auraient utilisé tous les moyens disponibles sur leur propre territoire pour obtenir les renseignements litigieux. Ainsi, les informations précises et autres explications fournies par les autorités fiscales suédoises prouveraient que celles-ci auraient des raisons qui donnent à penser que les renseignements demandés sont tenus dans l'Etat requis ou sont en la possession ou sous le contrôle d'une personne relevant de la compétence de l'Etat luxembourgeois. Le délégué du gouvernement ajoute encore que l'autorité compétente suédoise aurait rempli la condition concernant l'indication du nom et l'adresse de toute personne dont il y aurait lieu de penser qu'elle serait en possession des renseignements demandés, à savoir la … (anc. Banque … S.A.). Ainsi, l'autorité compétente suédoise aurait fourni le nom du titulaire du compte et de la carte bancaire en relation avec ce compte, en particulier le numéro de cette carte émise par la …, à savoir :…. Il serait partant clairement établi que l'autorité compétente suédoise aurait rempli toutes les conditions prévues par l'échange de lettres du 7 septembre 2010 faisant partie intégrante de la Convention et ainsi démontré la pertinence vraisemblable des renseignements demandés tel que requis par le standard OECD. Par conséquent, il ne s'agirait pas d'une « pêche aux renseignements » mais la demande des autorités suédoises aurait pour objet un cas précis et déterminé. Enfin, le délégué du gouvernement souligne encore le rôle restreint dévolu en l’espèce au tribunal administratif, siégeant en tant que juge de l’annulation, à qui il n’appartiendrait pas d’apprécier le bien-fondé des motifs à la base de la demande de l’autorité étrangère. Il en conclut qu’il ne s’agirait donc pas d’une demande formulée de manière spéculative, mais que les renseignements demandés présenteraient prima facie un lien direct avec le contrôle fiscal suédois, de sorte qu’ils sont à considérer comme vraisemblablement pertinents pour l’administration fiscale suédoise. Il considère partant que le recours est à rejeter dans son intégralité.

Quant au moyen du demandeur tiré d’une indication insuffisante de la motivation à la base de la décision déférée, et partant d’une violation de ses droits de la défense le tribunal est à titre liminaire appelé à préciser qu’aux termes de l’article 26, paragraphe 2 de la Convention : « Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un Etat contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet Etat et ne sont communiqués qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au paragraphe 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède. Ces personnes ou autorités n’utilisent ces renseignements qu’à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d’audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. (…) ».

Ensuite, il y a lieu de rappeler les termes des articles 3 et 4 de la loi du 31 mars 2010 :« Art. 3. (1) Les administrations fiscales sont autorisées à requérir les renseignements qui sont demandés pour l’application de l’échange de renseignements tel que prévu par les Conventions visées par l’article 1er auprès du détenteur de ces renseignements.

(2) Le détenteur des renseignements est obligé de les fournir endéans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés.

Art. 4. Après avoir examiné que la demande d’échange de renseignements émanant de l’autorité compétente de l’Etat requérant satisfait aux conditions légales de l’octroi de l’échange de renseignements tel que prévu par les Conventions visées par l’article 1er, l’administration fiscale compétente notifie par lettre recommandée sa décision portant injonction de fournir les renseignements demandés au détenteur des renseignements. La notification de la décision au détenteur des renseignements demandés vaut notification à toute autre personne y visée ».

Quant au moyen, invoqué par le demandeur, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement s’est référé à un arrêt de la Cour administrative du 17 mai 2013, inscrit sous le numéro 32221C du rôle, retenant en substance que les articles 26 de la Convention et 3 et 4 de la loi du 31 mars 2010 organisent la procédure à suivre par les autorités compétentes luxembourgeoises suite à une demande de renseignements étrangère de manière telle que la décision d’injonction directoriale visée à l’article 4 précité a comme destinataire exclusif le tiers détenteur des informations faisant l’objet de la demande étrangère.

Par voie de conséquence, le contenu d’une telle décision doit être conforme aux exigences découlant du caractère confidentiel de la demande de renseignements imposé par l’article 26, paragraphe 2 de la Convention et de sa soumission au secret fiscal régi par le § 22 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, dite « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

Dès lors, tout comme une injonction à un tiers en droit interne prise sur base du § 175 AO, une décision d’injonction directoriale visée à l’article 4 précité doit comporter une motivation suffisante en fait permettant au tiers de retracer que les conditions légales de sa mise à contribution se trouvent réunies sans que le secret fiscal ne soit violé. Il en découle, comme le précise le commentaire de l’article 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, ci-après visé comme « Modèle de convention », sous son numéro 11 tel qu’amendé le 17 juillet 2012, que la demande de renseignements étrangère ne doit pas être recopiée intégralement ou communiquée en copie avec une décision d’injonction à un tiers détenteur de renseignements.

Au vu des dispositions conventionnelles de l’article 26, paragraphe 2 de la Convention et légales du § 22 AO limitant le contenu d’une décision d’injonction à un tiers détenteur de renseignements et du fait que la décision litigieuse du 21 mai 2013 est destinée, d’après l’article 4 de la loi du 31 mars 2010, non pas au demandeur en sa qualité de contribuable soumis au contrôle en Suède, mais à la seule … en sa qualité de tiers détenteur de renseignements, le caractère suffisant de sa motivation et partant sa validité doivent être vérifiés par rapport aux dispositions conventionnelles et légales limitant son contenu, à sa finalité et à son destinataire, ainsi qu’à la possibilité pour ce dernier de préparer utilement sa défense.

En l’espèce, la décision du 21 mai 2013 relate quasiment en son intégralité le descriptif du cas d’imposition de Monsieur … tel qu’exposé dans la demande de renseignements des autorités suédoises afin d’établir la pertinence vraisemblable des renseignements demandés et identifie ce dernier comme contribuable faisant l’objet du contrôle en Suède. Ainsi, la décision déférée relate que la personne visée par la demande suédoise serait Monsieur …, dont il s’agirait pour les autorités suédoises de clarifier sa situation fiscale. La décision indique encore, que selon les autorités fiscales suédoises, Monsieur … détiendrait au moins un compte bancaire auprès de la …, à travers lequel il aurait dépensé des sommes importantes en Suède avec une carte bancaire liée à un des comptes, tout en ajoutant que Monsieur … ne semblerait pas coopérer. La décision directoriale du 21 mai 2013, répond ainsi à l’exigence d’une motivation suffisante, étant précisé qu’un caractère lacuneux du descriptif du cas d’imposition tel que contenu dans la demande de renseignements suédoise et repris dans la décision directoriale du 21 mai 2013 aurait pour conséquence une annulation de la décision directoriale en raison du défaut de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités et non pas en raison d’un défaut d’une motivation suffisante.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le moyen du demandeur tiré d’une indication insuffisante de la motivation à la base de la décision déférée est à rejeter.

Le demandeur a encore soulevé que selon l’article 26 de la Convention l’échange de renseignements serait restreint aux seuls renseignements vraisemblablement pertinents tendant de la sorte à éviter que les parties contractantes aillent « à la pêche aux renseignements ».

Il échet de rappeler que les dispositions de l’article 26 de la Convention, citées ci-

avant, ont fait l’objet, d’un échange de lettres des ministres des Finances des deux pays signataires en date du 7 septembre 2010, lesquelles « constituent ensemble un Accord entre nos gouvernements lequel deviendra partie intégrante de la Convention à la date d’entrée en vigueur du Protocole ». Sous son point 2, ledit Accord précise les conditions auxquelles une demande de renseignements doit suffire dans les termes suivants :

« L’autorité compétente de l’Etat requérant fournit les informations suivantes à l’autorité compétente de l’Etat requis lorsqu’elle soumet une demande de renseignements concernant les cas visés au paragraphe 5 de l’article 26 de la Convention, afin de démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés:

(a) l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête;

(b) les indications concernant les renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle l’Etat requérant souhaite recevoir les renseignements de l’Etat requis;

(c) le but fiscal dans lequel les renseignements sont demandés;

(d) les raisons qui donnent à penser que les renseignements demandés sont détenus dans l’Etat requis ou sont en la possession ou sous le contrôle d’une personne relevant de la compétence de l’Etat requis;

(e) dans la mesure où ils sont connus, les nom et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des renseignements demandés;

(f) une déclaration précisant que l’Etat requérant a utilisé pour obtenir les renseignements tous les moyens disponibles sur son propre territoire, hormis ceux qui susciteraient des difficultés disproportionnées ».

A travers la modification de l’article 26 de la Convention opérée par le Protocole et l’échange de lettres y relatif, le Luxembourg a entendu convenir avec la Suède un « échange de renseignements sur demande selon le standard OCDE, tel qu’il est consacré par l’article 26 paragraphe 5 du Modèle de Convention de l’OCDE en sa version de 2005 »1, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’interprétation de l’article 26 de la Convention s’appuie sur le commentaire du Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune2, ci-après visé comme « Modèle de Convention», relatif à l’article 26 dans sa teneur de l’année 2005, ainsi que sur le Manuel de l’OCDE sur la mise en œuvre des dispositions relatives aux échanges de renseignements en matière fiscale du 23 janvier 2006, ci-après désigné par le « Manuel », dans la mesure de leur compatibilité avec le contenu de l’échange de lettres susvisé.

L’article 26 prévoit un échange de renseignements dans la mesure la plus large possible3, l’échange de renseignements portant sur toutes les informations dont on peut penser qu’elles seront pertinentes pour l’administration ou l’application de la législation nationale 1 projet de loi portant approbation de plusieurs conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d'échange de renseignements sur demande, doc. parl. 6257, exposé des motifs 2 v. en ce sens : Cour adm. 24 mai 2012, n° 30251C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu 3 v. en ce sens : trib. adm. 20 mars 2012, n° 29592a du rôle, confirmé par Cour adm. 24 mai 2012, n° 30251C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu.

des parties contractantes en matière fiscale, mais qu’il n’est pas loisible aux États contractants « « d’aller à la pêche aux renseignements » ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé »4, l’équilibre entre ces deux considérations concurrentes devant être recherché dans la condition de la « pertinence vraisemblable ».

Or, la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements demandés implique que la demande porte sur un cas d’imposition précis et spécifique et qu’elle soit relative à un contribuable déterminé5, les renseignements demandés devant être vraisemblablement pertinents afin de permettre à l’Etat requérant de solutionner le cas d’imposition en cause. Le Manuel précise ainsi que « l’échange de renseignements sur demande correspond au cas dans lequel l’autorité compétente d’un pays demande des renseignements pour un cas précis à l’autorité compétente d’une autre partie contractante »6.

L’échange de lettres entre les ministres des Finances suédois et luxembourgeois confirme l’applicabilité de cette condition dans le cadre de l’application de l’article 26 de la Convention en précisant en son point 2 sub a) qu’une demande de renseignements doit indiquer « l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ».

Dans la mesure où la demande de renseignements suédoise indique le demandeur comme personne faisant l’objet du contrôle et où elle comporte des informations sur les autres points requis par l’échange de lettres susvisé, il y a lieu de conclure que la demande suédoise répond aux exigences formelles quant au contenu d’une demande de renseignements.

Par ailleurs dans la mesure où les autorités suédoises ont clairement indiqué que selon leurs recherches et informations Monsieur … était détenteur d’au moins un compte bancaire auprès de la … établie au Luxembourg et étant donné qu’elles ont indiqué que Monsieur … était, par ailleurs, titulaire d’une carte de crédit émise par la … portant le numéro …, en relation avec un compte auprès de la …, et que moyennant cette carte de crédit il avait dépensé de grandes sommes d’argent en Suède, il y a lieu de conclure que les autorités suédoises ont à suffisance établi l’existence de relations entre le demandeur et la …, de sorte qu’il y a lieu d’admettre la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités au regard des dispositions précitées de la Convention.

Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Enfin, à l’audience des plaidoiries, le mandataire du demandeur a encore affirmé que les autorités fiscales suédoises n’auraient pas pu solliciter des renseignements de la part de l’administration des Contributions directes concernant Monsieur … pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012 puisque la Convention ne serait pas applicable à cette période. Selon les mêmes motifs, le mandataire du demandeur a reproché au directeur d’avoir recadré la demande des autorités suédoises et d’avoir sollicité des renseignements de la part de la … concernant Monsieur … pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

4 projet de loi portant approbation de plusieurs conventions fiscales et prévoyant la procédure y applicable en matière d'échange de renseignements sur demande, doc. parl. 6027, commentaire des articles, p. 27 ; idem Modèle de convention, commentaire de l’article 26, n° 5 5 Modèle de convention, commentaire de l’article 26, nos 5, 5.1 et 9 6 module sur les aspects généraux et juridiques de l’échange de renseignements, p. 7 Indépendamment du fait que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, de sorte qu’un moyen formulée exclusivement de manière orale à l’audience des plaidoiries est en principe à rejeter, il échet de constater que sur question afférente du tribunal à l’audience publique, le mandataire du demandeur a affirmé que la demande adressée par les autorités fiscales suédoises à l’administration des Contributions directes, précisait certes que le contrôle fiscal qu’elles effectuaient concernant Monsieur … portait sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012, mais qu’elle indiquait expressément solliciter des renseignements de la part des autorités luxembourgeoises pour la seule période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011.

Au-delà de ce constat, il échet encore de retenir qu’en vertu de l’article II du protocole de la Convention, approuvé par la loi du 16 juillet 2011, l’article 26 de la Convention, relative à l’échange de renseignements, est « applicable aux périodes imposables commençant le ou après le 1er janvier 2010 »7, de sorte que la Convention est applicable à la période visée par la décision déférée.

En l’absence de tout autre moyen invoqué à l’encontre de la décision déférée, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Anouk Dumont, attaché de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 2 août 2013, à 11h00, par Claude Fellens, vice-président, en présence de Arny Schmit greffier en chef.

s. Arny Schmit s. Claude Fellens 7 v. à ce sujet également : Cour adm. 24 mai 2012, n° 30251C du rôle, disponible sur : www.ja.etat.lu 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 32924
Date de la décision : 02/08/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-08-02;32924 ?

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