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19/07/2013 | LUXEMBOURG | N°32551

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2013, 32551


Tribunal administratif N° 32551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 19 juillet 2013 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 32551 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 19 juillet 2013 Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32551 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bénin), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 6 mai 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 juin 2013.

En date du 11 avril 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du 12 avril 2012.

Monsieur … fut entendu en date du 8 avril 2013 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. A cette occasion, l’intéressé, déclarant être de nationalité béninoise, exposa qu’il aurait fui le Bénin pour échapper au sort jeté sur sa famille par les adeptes de la religion goun. Il expliqua être issu d’une famille de confession musulmane dont le père serait imam à …. Sa famille aurait fait l’objet de menaces de mort de la part des adeptes de la religion goun afin de les contraindre à fermer la mosquée, voisine du temple vaudou. Les fidèles se rendant à la mosquée pour prier auraient subi des menaces identiques, ce qui aurait occasionné des disputes et des bagarres. La police, informée de la situation, aurait conseillé de régler le problème à l’amiable. Finalement, les menaces se seraient réalisées puisqu’entre janvier et mars 2012, il aurait perdu successivement son père, sa mère, son frère et sa sœur aînés, tous décédés des suites d’une maladie causée par un envoûtement vaudou. N’ayant plus aucun soutien familial, Monsieur … aurait alors trouvé temporairement refuge chez un ami de son père, maître dans une école coranique, sur les conseils duquel il aurait décidé de quitter son pays pour éviter de subir le même sort que les membres de sa famille. Il aurait embarqué à bord d’un bateau à … pour rejoindre l’Europe et se serait retrouvé au Luxembourg après des heures de marche puis d’autostop. Il soutint qu’il ne pourrait pas s’installer dans une autre région du Bénin pour échapper aux menaces dont il ferait l’objet.

Par une décision du 6 mai 2013, notifiée a l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 8 mai 2013, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du Bénin ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

La décision du ministre est motivée par la considération que les motifs invoqués par Monsieur … à l’appui de sa demande, à les supposer établis, ne sauraient être considérés comme des persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006, qui garantissent une protection aux personnes craignant d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social. Le ministre considère qu’il s’agirait de difficultés d’ordre privé rencontrées avec des personnes inconnues de la religion vaudou, elles ne sauraient être qualifiées de persécutions au sens des textes précités.

De plus, des personnes non identifiées ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Ensuite, le demandeur n’apporterait aucune raison valable justifiant une impossibilité de s’installer dans une autre région du Bénin, ni ne démontrerait que les autorités étatiques de son pays d’origine ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection adéquate.

En l’absence de toute pièce ou document étayant ses déclarations, et face aux invraisemblances du récit du demandeur, le ministre émet finalement de sérieux doutes quant aux raisons véritables de sa venue au Luxembourg et quant à la crédibilité même du récit du demandeur. L’autorité administrative relève ainsi que le terme « goun » ne désignerait pas une religion comme le prétend l’intéressé, mais une ethnie dont 66,6 % des membres pratiqueraient la religion chrétienne tandis que 16% seraient musulmans. Par suite, seule une minorité de ce groupe ethnique pratiquerait le vaudou. Elle s’étonne également qu’il soit le seul de sa famille à avoir été épargné par l’envoûtement vaudou. Ensuite elle constate que l’intéressé a pu vivre chez le maître de l’école coranique sans y être inquiété par les personnes qui l’auraient menacé et que ce ne serait qu’après y avoir été incité par l’ami de son père qu’il aurait décidé de quitter son pays. Il en déduit que le demandeur disposerait encore de soutien au Bénin où il aurait très bien pu continuer à vivre sans être en danger. Enfin, le ministre est dubitatif, notamment quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne saurait pas combien de temps aurait duré son voyage en bateau ni dans quel pays il aurait débarqué à son arrivée en Europe, pas plus qu’il n’aurait eu une idée du pays dans lequel il se trouvait en arrivant en autostop au Luxembourg. C’est pourquoi le ministre est d’avis que ce sont sans doute des raisons économiques qui sous-tendent en réalité la demande de protection internationale de Monsieur … et conclut qu’un tel motif ne saurait davantage justifier l’octroi du statut de réfugié.

Le ministre estima qu’il n’existerait pas non plus de motifs sérieux et avérés de croire qu’il court un risque réel de subir une atteinte grave au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine, dès lors que seules des raisons privées motiveraient sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 6 mai 2013 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où le ministre a refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 6 mai 2013 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision du ministre. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

Le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir évalué correctement sa situation en décidant d’user de la procédure accélérée au motif qu’il tomberait sous les dispositions de l’article 20 (1) sous a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

S’agissant de l’article 20 (1) a), le demandeur soutient avoir fait état de motifs pertinents à l’appui de sa demande de protection internationale. Il estime que le ministre n’aurait pas mesuré les implications des difficultés rencontrées en les qualifiant de problèmes de droit commun. D’après lui, les menaces proférées à son encontre par les membres de la religion goun, eu égard à ce qu’il est advenu aux membres de sa famille, constitueraient une torture psychologique au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH », et ce serait bien en raison de persécutions morales et psychologiques qu’il aurait été contraint de quitter son pays. Monsieur … ne se serait plus senti en sécurité et aurait craint pour sa vie, d’autant plus que les autorités policières auprès desquelles il serait allé se plaindre n’auraient pas jugé utile d’intervenir pour le protéger.

S’agissant ensuite de contester le recours à la procédure accélérée sur le fondement des dispositions de l’article 20 (1) b), le demandeur invoque une série d’éléments se rapportant à la situation politique et sociale au Bénin. Il explique qu’une certaine agitation sociale y règnerait à la suite de la réélection contestée du président Boni Yayi en mars 2011, ainsi qu’en raison d’une hausse des prix des produits de base. Des opposants politiques auraient été mis en garde à vue à la suite d’une manifestation et, en mai 2011, des fonctionnaires se seraient mis en grève pour réclamer une hausse des salaires. Il souligne que les conditions de détention seraient très éprouvantes au Bénin en raison de la surpopulation carcérale et que la peine de mort serait toujours en vigueur dans son pays.

Aussi il est d’avis que les conditions d’obtention du statut de la protection internationale seraient réunies dans son chef, de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande dans le cadre de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée et conclut au rejet de ce volet du recours.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 aux termes desquelles « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 20 (1) précité, visant l’hypothèse où il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il appartient au tribunal, statuant en tant que juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20(4) de la loi du 5 mai 2006 de vérifier, sur base des moyens invoqués, si c’est à bon droit que le ministre a fait application de l’article précité afin de décider sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée.

Le demandeur a expliqué s’être enfui du Bénin par crainte de subir le même sort que ses parents et frère et sœur, tous décédés des suites d’une maladie causée par un ensorcellement vaudou et parce qu’il n’aurait plus de soutien familial au Bénin. Les membres de sa famille auraient été envoûtés par les adeptes de la religion goun, parce qu’ils se seraient opposés à la fermeture de la mosquée dont son père était l’imam à …, mosquée voisine d’un temple vaudou.

Dans la mesure où le demandeur n’a mentionné dans le cadre de son audition par les services du ministère des Affaires étrangères, aucune autre menace pesant sur lui que celle d’être victime d’un ensorcellement vaudou, force est au tribunal de constater qu’il ne craint pas « avec raison » de persécution et qu’il n’existe pas non plus de « motif sérieux et avéré » de croire qu’il risque de subir les atteintes graves prévues par l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, la peur d’être victime d’un ensorcellement vaudou seul n’est ni à qualifier de persécution ni d’atteinte grave au sens de la loi du 5 mai 2006.

Ainsi, en l’absence de toute autre explication du demandeur, le tribunal est amené à conclure qu’il apparaît clairement qu’il ne remplit pas les conditions requises par les articles 2 c) et 2 e) de la loi du 5 mai 2006 pour prétendre au statut de la protection internationale.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 6 mai 2013 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet de la requête, le demandeur reproche au ministre de s’être livré à une interprétation erronée des faits en retenant qu’il ne remplissait pas les conditions pour se voir octroyer le statut conféré par la protection internationale.

Il estime que les faits invoqués seraient qualifiables de persécutions au sens de l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 et de la Convention de Genève, et devraient lui ouvrir droit au statut de réfugié. Il estime en effet que les rites vaudous caractérisés en l’espèce par des menaces de mort par maladie, constitueraient une forme de persécution mentale et morale admise et reconnue par les dispositions de l’article 31(2) sous a) de la loi du 5 mai 2006 précitée et par la Convention de Genève. C’est cette persécution morale qui aurait déterminé le demandeur à fuir et qui serait à craindre en cas de retour dans son pays d’origine.

A défaut, les faits seraient de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de la protection subsidiaire telle que définie par l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, puisqu’il serait incontestable qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que s’il était renvoyé au Bénin, il courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 b) loi du 5 mai 2006, à savoir « des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ». Il fait état lors de son entretien du risque qu’il courrait de subir le même sort que les autres membres de sa famille et de mourir des suites de la maladie causée par l’envoûtement vaudou, cette circonstance devant être considérée comme un traitement inhumain et dégradant. Il s’agirait à ses yeux d’une situation irrémédiable emportant le risque d’atteinte à sa vie en cas de retour dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours. Il maintient les doutes exprimés par le ministre dans sa décision quant à la crédibilité du récit du demandeur, en raison tant de l’absence de tout document permettant de corroborer ses déclarations que des nombreuses invraisemblances émaillant son récit. Il est d’avis que les véritables raisons ayant motivé sa fuite sont sans doute d’ordre économique.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d ) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » En vertu des dispositions de l’article 31(2) sous a), les actes de persécution peuvent notamment prendre la forme de violences physiques ou mentales.

Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou le atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » […] Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, le demandeur ne peut obtenir le statut de réfugié que dans le cas où il n’a pas obtenu de protection de la part des autorités de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption simple que les persécutions antérieures d’ores et déjà subies se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas.

Par conséquent l’analyse du tribunal devra en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance et de la situation générale existant dans son pays d’origine, du caractère fondé de la crainte d’être persécuté en cas de retour au Bénin.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur ne fait état d’aucune crainte fondée de persécution.

Le demandeur a expliqué s’être enfui du Bénin par crainte de subir le même sort que ses parents et frère et sœur, tous décédés des suites d’une maladie causée par un ensorcellement vaudou et parce qu’il n’aurait plus de soutien familial au Bénin. Les membres de sa famille auraient été envoûtés par les adeptes de la religion goun, parce qu’ils se seraient opposés à la fermeture de la mosquée dont son père était l’imam à …, mosquée voisine d’un temple vaudou.

Il convient de constater que les menaces de mort mises en avant par le demandeur pourraient a priori être qualifiées de persécutions au sens des dispositions de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006. Il s’agit en effet de menaces graves par nature et qui sont motivées par l’appartenance du demandeur à la religion musulmane. En outre, elles s’apparentent encore à l’une des formes prévues par les dispositions de l’article 31(2) sous a) de la loi du 5 mai 2006, lesquelles prévoient que les actes de persécution peuvent notamment prendre la forme de violences mentales.

S’il convient également de relever que la crainte que lui inspirent les menaces d’une mort par voie d’envoûtement vaudou peut être subjectivement réelle chez le demandeur, pour des raisons culturelles qui lui sont propres, cette crainte n’est pas pour autant éprouvée avec raison, nul n’ayant le pouvoir d’infliger la maladie et la mort par ensorcellement.

De plus, l’absence de crainte fondée est corroborée par les informations produites par l’administration sur la situation générale du pays. A ce titre, il se dégage du rapport de « l’ United States Department of State » ainsi que de celui de « Freedom House » sur la situation religieuse au Bénin pour l’année 2011 que la majorité des Béninois s’identifie comme étant soit chrétiens soit musulmans, tout en pratiquant aussi des formes de rites vaudous, et qu’il n’y est pas fait état de quelconques conflits au niveau des pratiquants du vaudou et de ceux relevant de la religion musulmane. En outre les rapports constatent que le gouvernement et la police s’attachent à faire respecter la liberté de religion constitutionnellement garantie, que les confrontations entre les groupes religieux sont rares et que seuls des conflits occasionnels entre adeptes du vaudou et chrétiens ont nécessité l’intervention de la police.

Par suite, la crainte du demandeur d’être persécuté pour les raisons qu’il invoque n’est pas fondée.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’en cas de retour au Bénin, il courrait un risque réel de se voir infliger des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006.

En effet, si le risque mis en avant par le demandeur de se voir infliger la mort pourrait a priori être considéré comme constituant une atteinte grave au sens de l’article 37 b) précité, il n’est fait en revanche état d’aucun « motif sérieux et avéré » de croire que le risque de subir ladite atteinte se réalise en cas de retour au Bénin, dans la mesure où la réalisation de ce risque repose en l’espèce sur la seule croyance dans les effets des rites vaudous d’envoûtement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 6 mai 2013 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 6 mai 2013 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 6 mai 2013 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 6 mai 2013 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Hélène Steichen, attachée de justice, et lu à l’audience publique extraordinaire du 19 juillet 2013 par le vice-président, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 juillet 2013 Le Greffier du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 32551
Date de la décision : 19/07/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-07-19;32551 ?

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