Tribunal administratif N° 30667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 juin 2012 1re chambre Audience publique du 8 juillet 2013 Recours formé par Monsieur ..,, …, contre une décision du ministre au Développement durable et aux Infrastructures en matière de chasse
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 30667 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juin 2012 par Maître Laurent METZLER, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..,, demeurant à L-…, tendant à la réformation, de la décision du ministre au Développement durable et aux Infrastructures du 24 mai 2012 refusant d’approuver le contrat de bail conclu le 7 janvier 2012 entre le syndicat de chasse de .., et Monsieur … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé en date du 5 novembre 2012 au greffe du tribunal administratif ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 6 décembre 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Laurent METZLER au nom du demandeur ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé en date du 3 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Laurent METZLER et Madame le délégué du gouvernement Marie-Anne KETTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er juillet 2013.
___________________________________________________________________________
Le syndicat de chasse de .., fut appelé en date du 25 octobre 2011 à délibérer sur le sort à réserver au lot de chasse n°… de …, le bail de chasse afférent étant venu à terme.
L’assemblée générale ayant été convoquée conformément à l’article 88(5) de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse pour élire le collège des syndics et pour décider si le droit de chasse sur les fonds non bâtis et non retirés composant le lot devait être donné en location par voie d’adjudication publique ou si le contrat de bail devait prorogé pour un terme supplémentaire, elle décida le 25 octobre 2011, par 5 voix contre 4, en faveur d’une mise en location par voie d’adjudication publique.
L’adjudication publique ayant eu lieu en date du 7 janvier 2012, Monsieur .., s’adjugea le droit de chasse et conclut le même jour un contrat de bail de chasse avec le syndicat de chasse de ..,.
Par décision du 24 mai 2012, le ministre au Développement durable et aux Infrastructures, ci-après « le ministre », appelé à approuver ledit contrat de bail en application de l’article 36 de la loi du 25 mai 2011 sur la chasse, refusa son approbation pour les motifs suivants :
« Retourné à Monsieur le Commissaire de district de et à Diekirch avec l’information que je ne suis pas en mesure d’approuver le contrat de bail conclu suite à l’adjudication publique, étant donné que les procurations non légalisées présentées par Monsieur … auraient dû être acceptées.
Conformément à l’article 88 (4) de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, le droit de chasse sera donc attribué par adjudication publique.
Veuillez informer les concernés que la présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, conformément à l’article 36 de la loi du 25 mai 2011.
Le syndicat de chasse est invité à publier la présente décision aux lieux usités ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2012, Monsieur .., a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision de refus du ministre au Développement durable et aux Infrastructures du 24 mai 2012.
Conformément aux dispositions de l’article 36, alinéa 3, de la loi du 25 mai 2011 sur la chasse, ci-après « la loi du 25 mai 2011 », un recours au fond est prévu à l’encontre des décisions du ministre au Développement durable et aux Infrastructures, ayant la chasse en ses attributions, statuant en vertu de ladite loi, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
Avant de procéder à l’examen de la recevabilité du prédit recours, il convient en premier lieu d’examiner le moyen relatif à la tardiveté du mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 6 décembre 2012 tel que soulevé par la partie étatique dans son mémoire en duplique.
L’article 5 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (5) et (6) que « (5) Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.
(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».
Dans la mesure où le mémoire en réponse de la partie défenderesse a été déposé au greffe du tribunal en date du 5 novembre 2012, mais qu’il a été notifié au demandeur, ensemble le dossier administratif, le même jour par le greffe par voie postale, la communication de ce mémoire en réponse au demandeur est nécessairement intervenue postérieurement au 5 novembre 2012, la notification par voie postale ne pouvant en effet être considérée comme immédiate. Or, comme c’est à partir de la réception du mémoire en réponse par la partie demanderesse que court le délai de fourniture de la réplique1 et que la date de cette réception ne résulte pas du dossier du tribunal, le dépôt et la notification du mémoire en réplique intervenu le 6 décembre 2012, soit 31 jours après la date de l’envoi postal, doivent être considérés, à défaut de preuve de la date exacte de communication du mémoire au demandeur, comme étant intervenus dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion.
Il s’ensuit que le moyen de tardiveté du mémoire en réplique est à rejeter.
La partie étatique soulève encore l’irrecevabilité du recours introduit par Monsieur .., pour défaut d’intérêt à agir, en relevant que nonobstant le refus du ministre d’approuver le contrat de bail de chasse conclu en sa faveur, un nouveau contrat de bail pour le même montant de ….- euros aurait été postérieurement signé avec Monsieur .., suite à une adjudication publique et que ce contrat de bail aurait été approuvé par le ministre le 11 octobre 2012.
Force est cependant de constater que l’intérêt mis en avant par Monsieur .., revêt les conditions requises relativement à son caractère personnel, né, actuel, suffisant et légitime pour justifier son action contentieuse dirigée à l’encontre des décisions attaquées. En effet, en tant que destinataire direct de la décision de refus d’approbation du contrat de bail de chasse conclu à son bénéfice, le demandeur fait valoir un lien personnel avec l’acte attaqué, de même qu’une lésion individuelle par le fait de l’acte, alors qu’il résulte des pièces versées en cause que si le demandeur a certes, postérieurement à la décision de refus d’approbation, obtenu aux mêmes conditions un nouveau contrat de bail de chasse relatif au même lot de chasse, il l’est toutefois devenu en tant que co-locataire, le demandeur devant en effet actuellement partager le lot de chasse avec deux autres chasseurs co-adjudicataires, alors qu’aux termes du premier contrat de bail, non approuvé par le ministre, il était le seul chasseur bénéficiant du droit de chasse sur ce lot.
Le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt présenté laisse partant d’être fondé.
Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai et de la loi, est partant recevable.
Quant au fond, le demandeur fait exposer à l’appui de son recours que le lot de chasse n°… de ..,, dont les précédents locataires étaient lui-même ainsi que Messieurs …et … … faisait l’objet d’un contrat de bail sous l’empire de l’ancienne loi du 20 juillet 1925 sur l’amodiation de la chasse et l’indemnisation des dégâts causés par le gibier, qui était venue à son terme le 31 juillet 2012.
Or, selon l’article 88 (4) de la loi du 25 mai 2011 « pour les baux venant à terme le 31 juillet 2012 » l’assemblée générale des membres du syndicat de chasse aurait le choix entre proroger le contrat de bail avec les locataires sortants ou alors organiser une adjudication publique.
1 Cour adm. 18 mai 2006, n° 21112C, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 678.
En l’espèce, deux des co-locataires sortants, à savoir lui-même et Monsieur …, auraient toutefois exprimé leur intention de ne pas vouloir signer de prorogation du contrat de bail, de sorte que lors de l’assemblée générale du syndicat de chasse du 25 octobre 2011, la seule décision possible aurait été de retenir l’allocation du droit de chasse par voie d’adjudication publique, une prorogation n’étant en effet compte tenu de leur opposition pas envisageable.
Le demandeur expose encore que lors de cette même assemblée générale du 25 octobre 2011, le troisième locataire du droit de chasse sur le lot en question et membre du syndicat de chasse, Monsieur … aurait, en cette dernière qualité, soumis à l’assemblée deux procurations en sa faveur et aurait voté en faveur de la prorogation du contrat de bail, option que le demandeur, comme exposé ci-avant, estime irréalisable.
Dès lors, l’assemblée générale aurait refusé ces procurations pour ne pas avoir été légalisées - décision que le demandeur admet être juridiquement discutable -, pour ensuite prendre la seule et unique décision légalement admissible à ses yeux, à savoir celle de procéder à une adjudication publique suite au refus des deux autres colocataires de chasse de proroger le bail. C’est suite à cette adjudication publique, tenue en date du 7 janvier 2012, que le demandeur se serait vu adjuger le droit de chasse afférent.
Monsieur .., critique dès lors la décision ministérielle déférée, au motif que si le ministre a refusé l’approbation sous prétexte que les procurations non légalisées présentées par Monsieur … auraient dû être acceptées, il n’en resterait pas moins, même si ces procurations avaient dû être acceptées, que l’assemblée générale aurait nécessairement dû décider d’organiser une adjudication publique, puisqu’une prorogation du bail ne se concevait pas suite au refus de deux des trois locataires.
Le demandeur critique par ailleurs la base légale invoquée par le ministre dans sa décision d’approbation, à savoir l’article 88 (4) de la loi du 25 mai 2011, ledit article ne permettant pas de l’avis du demandeur de justifier le refus d’approbation.
Dès lors, il estime que la décision critiquée serait à réformer et le contrat signé suite à l’adjudication publique du 7 janvier 2012 à approuver.
Il convient en l’espèce de rappeler que si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les motifs de refus spécifiques à l’acte déféré, mais que son rôle ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation du demandeur.
Il convient ensuite de relever que la décision ministérielle déférée a été prise en application de l’article 36 de la loi du 25 mai 2011, libellé comme suit : « Le contrat de bail de chasse établi conformément au cahier de charge-type arrêté par règlement grand-ducal, ne devient définitif qu’après l’approbation du ministre. (…) L’approbation peut être refusée pour cause d’inobservation des règles de la présente loi et de ses règlements d’exécution ».
Le pouvoir ainsi dévolu au ministre compétent se limite à celui d’une tutelle d’approbation, dans le cadre de laquelle il appartient au ministre compétent, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions soumises à son approbation ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général, ce qui implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure, sans que le ministre ne soit toutefois habilité à substituer sa propre décision à celle soumise à son aval. Ce principe découle de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général2.
En l’espèce, le tribunal constate de concert avec la partie étatique que le seul motif à la base du refus d’approbation ministériel réside dans le fait que la décision de l’assemblée générale du syndicat de chasse de .., du 25 octobre 2011, décidant du recours à l’adjudication publique, au terme de laquelle le demandeur obtint seul le bénéfice du droit de chasse sur le lot n° …, était viciée pour avoir refusé à tort de tenir compte de procurations non légalisées.
Le tribunal constate encore, de concert avec toutes les parties, que ni la loi du 25 mai 2011 ni ses règlements d’exécution ne soumettent le recours à un vote par procurations à la légalisation préalable desdites procurations : c’est par conséquent à tort que le collège des syndics du syndicat de chasse a écarté les votes afférents par procuration pour ensuite constater que 5 voix contre 4 se seraient prononcées pour l’adjudication publique, alors qu’en fait la majorité des votes valablement émis était en faveur de la prorogation du bail de chasse.
Dès lors, c’est à juste titre que le ministre a refusé d’approuver le contrat de bail basé sur une délibération viciée.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation factuelle du demandeur selon laquelle, en tout état de cause, la prolongation du contrat de chasse aurait été vouée à l’échec au vu du désintérêt de deux des co-locataires sortants de reconduire le contrat de bail de chasse arrivé à terme, cette argumentation, outre d’être basée sur un élément factuel sans incidence sur l’illégalité avérée de la délibération de l’assemblée générale, reposant sur une confusion entre deux étapes temporelles distinctes de la procédure de location du droit de chasse.
En effet, tel que lui signalé par le ministre dans la décision déférée, il aurait appartenu à l’assemblée générale, conformément aux voix valablement exprimées, de décider de la prorogation du bail de chasse.
Ce n’est qu’ensuite, confrontée au refus éventuel de deux des trois co-locataires de signer le contrat de bail prorogé, que l’assemblée générale aurait dû constater, conformément à l’article 88 (4) de la loi du 25 mai 2011, l’impossibilité de conclure un nouveau contrat de bail avant le 15 décembre 2011, de sorte que « à défaut de conclusion de contrat dans ce délai, (…), il sera procédé à l’adjudication publique du droit de chasse au plus tard le 31 mars 2012 ».
2 Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p.117, n° 149.
Aussi, ce n’est qu’une fois le délai du 15 décembre 2011 révolu sans que le contrat de bail prorogé n’ait été signé qu’il aurait pu être procédé par la voie de l’adjudication publique.
En l’espèce, l’assemblée générale en décidant directement, sous le prétexte de la non-
prise en compte de procurations non légalisées, de procéder à une adjudication publique, a, peut-être pour des raisons pragmatiques, mais néanmoins de manière illégale, pris une décision erronée, de sorte que le ministre se devait de refuser l’approbation du contrat de bail pris en exécution d’une telle délibération erronée.
Enfin, c’est encore à juste titre que le ministre, après avoir refusé en date du 24 mai 2012 d’approuver le contrat de bail conclu au seul bénéfice du demandeur, a constaté qu’aucun contrat de bail n’avait été valablement conclu avant l’échéance du 15 décembre 2011 et que le délai du 31 mars 2012 pour procéder à une adjudication publique en application de l’article 88 (4) était également révolu, de sorte qu’il a retenu qu’il convenait de procéder à une nouvelle adjudication publique.
Il se dégage dès lors des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé, aucun autre moyen n’ayant été soulevé par .., à l’encontre de la décision ministérielle déférée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
le déclare cependant non fondé et en déboute ;
met les frais à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 juillet 2013 par :
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 juillet 2013 Le Greffier du Tribunal administratif 6