Tribunal administratif N° 30379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 avril 2012 1re chambre Audience publique du 1er juillet 2013 Recours formé par la société anonyme … s.a., … , contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt sur le revenu
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 30379 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2012 par Maître Manuel LENTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses organes sociaux actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 janvier 2012 rejetant comme non fondée sa réclamation dirigée contre les bulletins d’impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins de l’impôt commercial communal des années 2005, 2006 et 2007, tous émis en date du 16 juin 2010 :
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2012 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2012 par Maître Manuel LENTZ pour compte de la société anonyme … s.a. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Manuel LENTZ et Madame le délégué du gouvernement Monique ADAMS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2013.
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Le 16 juin 2010, le bureau d’imposition Luxembourg sociétés 6 émit à l’attention de la société anonyme … s.a. pour les exercices fiscaux 2005 à 2007 chaque fois un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et un bulletin de l’impôt commercial communal.
Par courrier daté au 15 septembre 2010, Monsieur …, administrateur unique de la société … s.a. introduisit une réclamation à l’encontre des prédits bulletins d’impôt contestant la majoration du revenu imposable opérée au titre des années 2005, 2006 et 2007.
Le directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », rejeta cette réclamation par décision du 12 janvier 2012, motivée comme suit :
« Vu la requête introduite le 16 septembre 2010 par le sieur …, administrateur, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L- …, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins de l’impôt commercial communal des années 2005, 2006 et 2007, tous émis le 16 juin 2010 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que les bulletins de l’impôt commercial communal des années 2005, 2006 et 2007 sont critiqués à l’aide de moyens qui visent les bulletins de la base d’assiette y afférentes :
qu’en application du paragraphe 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 et de la GewStR 13 (cf. paragraphe 7 GewStG.), les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2005, 2006 et 2007 se trouvent affectés d’office pour le cas où il résulterait du recours sous analyse une variation du bénéfice d’exploitation soumis à l’impôt commercial communal ;
Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir opéré une majoration du revenu imposable de montants respectifs de … euros, de … euros et de … euros au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause sans égard aux moyens et conclusions du requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’en établissant les bases d’imposition des années 2005, 2006 et 2007, le bureau d’imposition a majoré le revenu imposable de la réclamante par la mise en compte d’une marge d’intérêts de 3,55 ;
Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que la réclamante a abandonné son statut de holding 1929 au cours de l’année 2003 ;
Considérant qu’en vertu de ses statuts, la réclamante a pour objet, tant à Luxembourg qu’à l’étranger, toutes opérations généralement quelconques, industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières se rapportant directement ou indirectement à la création, la gestion et le financement, sous quelque forme que ce soit, de toutes entreprises et sociétés ayant pour objet toute activité, sous quelque forme que ce soit, ainsi que la gestion et la mise en valeur, à titre permanent ou temporaire, du portefeuille créée à cet effet, dans la mesure où la Société sera considérée selon les dispositions applicables comme « Société de Participations Financières » ;
Considérant que les majorations de revenus des années 2005 à 2007 représentent la mise en compte d’intérêts en relation avec les créances de l’actif ;
Considérant que les comptes annuels des années 2005, 2006 et 2007 font ressortir les créances suivantes ;
2005 2006 2007 Prêt … € € p.m.
Prêt … p.m.
p.m.
€ SCI … € € € Considérant qu’en guise de motivation la réclamante fait valoir que le prêt accordé à la société « … » aurait été acquis par elle et qu’il serait remboursé pour un montant de …euros ;
Considérant qu’elle expose encore qu’à la fin du prêt, i.e. en date du 15 novembre 2010, elle réaliserait une plus-value de …euros qui devrait être intégrée dans le rendement du prêt ;
Considérant qu’en date du 24 août 2011, le directeur a notifié une mesure d’instruction à la réclamante lui demandant de fournir les contrats de prêt en relation avec les prêts consentis aux sociétés … et … ;
Considérant que dans sa réponse du 28 septembre 2011, la réclamante reconnaît que la créance envers la société … base sur un accord verbal des années 90 et qu’elle ne dispose pas d’une documentation en relation avec ce prêt ; qu’aucun intérêt n’a été comptabilisé en rapport avec cette créance et que la créance aurait été refinancée d’une part, par une dette envers les actionnaires ne portant pas d’intérêts et, d’autre part, par des fonds propres ;
qu’en 2007, la société … aurait remboursé ledit prêt par le biais de la cession de sa créance sur la société … à la réclamante ;
Considérant que la réclamante a versé une copie du contrat de cession de la créance qui est rédigé en langue italienne ;
Considérant qu’en ce qui concerne le prêt envers la société « … », la réclamante a versé un extrait bancaire de l’année 2010 documentant un paiement de la part de la société « … » d’un montant de … euros ;
Considérant que des prêts consentis à des sociétés sans contrepartie effective peuvent constituer une distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164 alinéa 3 L.I.R. ;
qu’un dirigeant même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’accorderait pas à un tiers non associé l’avantage de versements réguliers de sommes dépassant la valeur de la mise à disposition de biens appartenant à la société sans autre contrepartie (tribunal administratif du 29 mars 1999, n° 10428, Cour administrative du 11 janvier 2000, n° 11285C) ;
Considérant que sur un marché de pleine concurrence, les relations entre la société et les actionnaires/bénéficiaires économiques de la société doivent se nouer comme entre tiers (principe de la pleine concurrence) ;
Considérant qu’en l’occurrence, la réclamante est restée en défaut de fournir des preuves ou des explications concluantes quant à l’absence des recettes provenant des prêts ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le bureau pouvait admettre une diminution des recettes ;
Considérant que le paragraphe 217 AO prévoit le procédé de la taxation, lorsque les bases d’imposition ne peuvent pas être déterminées autrement ;
Considérant qu’en ce qui concerne la détermination de la distribution cachée de bénéfices, il y a lieu de retenir que le bureau d’imposition a mis en compte une marge de 3,5 % et qu’il a tenu compte des intérêts créditeurs effectifs ; que les montants des majorations du revenu évaluées par le bureau d’imposition des années litigieuses sont à confirmer ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2012, la société anonyme … s.a. a introduit un recours tendant à la réformation de la décision directoriale précitée du 12 janvier 2012.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale du 12 janvier 2012, lequel est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse fait plaider que par courrier du 19 janvier 2010 l’administration des Contributions directes l’aurait informée qu’elle entendait s’écarter sur différents points de ses déclarations d’impôts sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des années 2005 à 2007 en appliquant « une marge de 3,5% sur les financements afin de garantir le principe de la pleine concurrence ». La demanderesse souligne que par courrier de sa fiduciaire du 16 février 2010, elle aurait demandé à l’administration des Contributions directes de revoir sa position tout en lui rappelant que pour les années 2003 et 2004 celle-ci aurait accepté de voir appliquer, pour les mêmes financements, un taux bien inférieur, à savoir 0,75%.
Après s’être vue refuser sa demande de révision, la demanderesse affirme s’être adressée en date du 15 septembre 2010 au directeur en lui expliquant qu’elle aurait acquis le « prêt » d’un montant de …,- euros accordé à la société de droit français SCI … le 16 mai 2003 sur base d’un contrat de cession de créance entre elle-même, en sa qualité de cessionnaire et la société anonyme de droit suisse … s.a., en qualité de cédant et que lors de l’extinction dudit « prêt », elle aurait fait une plus-value de …,- euros. D’après la demanderesse cette plus-value devrait être intégrée dans le rendement du prêt pour la période 2003 à 2010, étant entendu que ladite plus-value correspondrait au différentiel d’intérêts à ajouter aux montants des intérêts d’ores et déjà comptabilisés dans ses comptes annuels (0,50% pour 2003 et 2004 et 0,75% pour les années 2005 à 2010), faisant ainsi nettement augmenter le taux d’intérêt global de l’opération de financement et ce, conformément aux conditions de marché. La demanderesse affirme que cette plus-value serait taxée selon le taux d’imposition courant et que les comptes annuels de la SCI … seraient au surplus clôturés avec une charge d’intérêts de 0,75% de sorte qu’en cas de redressement au Luxembourg, la charge d’intérêts supplémentaire ne pourrait être déduite par ladite société civile immobilière, ce qui correspondrait à une situation de double imposition du montant supplémentaire d’intérêt. La demanderesse souligne que dans cette même réclamation, elle aurait encore mis en exergue le fait que pour les bulletins d’imposition concernant l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des années 2003 et 2004, l’Administration des Contributions directes aurait procédé à un redressement de 0,25% par rapport au taux de 0,5% appliqué par elle-même pour cette même opération de financement et qu’à ce titre, elle aurait été en droit, au regard de la sécurité juridique, d’appliquer le taux révisé de 0,75% pour les exercices suivants.
En date du 24 août 2011, le directeur lui aurait demandé de fournir différents renseignements complémentaires, ce qu’elle aurait fait par courrier du 28 septembre 2011, dans lequel elle aurait notamment précisé que le « prêt » … s.a., sur lequel aucun intérêt n’aurait été comptabilisé, aurait été basé sur un accord verbal et que la société anonyme … s.a. aurait procédé au remboursement de ce « prêt » en 2007 moyennant cession d’une créance que cette dernière aurait détenu envers la société …. En ce qui concerne le « prêt » …, la demanderesse aurait encore précisé d’une part, que le poste d’actif envers la société … (…,- euros au 31 décembre 2007) serait en réalité constitué de la prédite créance qui lui aurait été cédée par la société anonyme … s.a. et non pas d’un prêt qu’elle aurait consenti à cette dernière, de sorte qu’elle n’aurait pas perçu d’intérêts et, d’autre part, que le montant de …,- euros aurait été entièrement remboursé en 2009.
En ce qui concerne les taux d’intérêt en relation avec les dettes (comptes courants actionnaires et dette envers … s.a.), la demanderesse affirme avoir expliqué qu’aucun intérêt n’aurait été appliqué sur les dettes envers les actionnaires ou envers la société anonyme … s.a., de sorte qu’aucune charge relative à ces dettes n’aurait été déduite. La dette envers les actionnaires aurait été utilisée pour le financement des activités du groupe et les fonds reçus par la société anonyme … s.a. auraient été utilisés pour l’achat d’une participation dans une autre entité italienne du groupe. Finalement et en ce qui concerne les comptes annuels, ceux-ci n’auraient pas encore été finalisés, la demanderesse ayant encore précisé que la SCI … aurait, en date du 14 décembre 2010, procédé au remboursement d’un montant correspondant au montant principal de la dette avec la plus- value de …- euros.
La demanderesse souligne que malgré toutes ces précisions, le directeur aurait rejeté sa réclamation par décision du 12 avril 2012.
Au fond, la demanderesse affirme maintenir l’ensemble des développements repris dans sa réclamation du 24 août 2011, ainsi que dans son prédit courrier du 28 septembre 2011. La demanderesse ajoute que bien qu’elle ne disposerait plus de document écrit relatif au « prêt » consenti à la société anonyme … s.a., il n’en demeurerait pas moins qu’en application du « principe de sécurité administrative », il aurait appartenu à l’administration des Contributions directes de continuer à appliquer le taux d’intérêt de 0,75% à cette créance et ce, conformément à ce qu’elle aurait fait au titre des bulletins des années 2003 et 2004, de sorte que la décision directoriale attaquée serait à réformer dans le sens qu’il y aurait lieu d’appliquer le taux de 0,75% comme suit :
0,75% sur …au titre de l’année 2005 ;
0,75% sur … au titre de l’année 2006.
En ce qui concerne le prêt SCI …, la demanderesse fait plaider que la créance de …,-euros qu’elle détiendrait envers la SCI … ne serait pas non plus à proprement parler un « prêt » qu’elle aurait consenti à cette dernière, mais qu’il s’agirait d’une créance d’une valeur de…,- euros que … S.A. aurait détenu envers la SCI … et lui aurait cédé en date du 16 mai 2003 au prix de …,-
euros ; la demanderesse précisant encore que le contrat gisant à la base de ladite créance serait un contrat de prêt du 25 octobre 1996 conclu entre … S.A. et la SCI … et aux termes duquel … S.A.
aurait prêté la somme de … ,- francs français à cette dernière. Elle souligne que suivant les dispositions de l’article 4, premier alinéa dudit contrat de prêt, la somme prêtée serait productive d’intérêts « au taux d’intérêt déterminant pour le calcul des prestations appréciables en argent fixé par l'administration des contributions fédérales suisses » et que suivant les dispositions de l’article 4, deuxième alinéa dudit contrat de prêt, les parties se seraient réservées la possibilité de renégocier chaque année le taux d’intérêt. Ainsi un avenant audit contrat de prêt aurait été signé en date du 21 juillet 1997, duquel il résulterait que la société … aurait cédé à … S.A. une créance d’un montant total de …,- francs français qu’elle aurait détenu envers la SCI …, de sorte que … S.A. se serait retrouvée créancière de la SCI … pour la somme totale de …,- francs français ( … + …), soit … ,- euros. La demanderesse explique encore qu’au jour de la signature du contrat de cession de créance du 16 mai 2003, la créance en question aurait été déterminée au montant de 4.893.597,- euros, lequel correspondrait au nominal de la créance plus les intérêts conventionnellement encourus à cette date. La société anonyme … s.a. explique que conformément à l’article 4, alinéa 2 du contrat de prêt du 25 octobre 1996, la SCI … lui aurait, par courrier du 12 mai 2004, demandé de ne pas appliquer les intérêts conventionnels à la créance tout en s’engageant en contrepartie à rembourser la globalité de la dette, à savoir 4.073.138,-
euros plus les intérêts, argent qu’elle aurait compté récupérer de la vente d’un immeuble lui appartenant. La demanderesse précise encore que sur base des indications fournies par son conseil fiscal, elle aurait déclaré la perception d’intérêts au taux de 0,5% dans ses déclarations d’impôts des années 2003 et 2004 alors même qu’elle n’en aurait pas perçus et ce, pour être en conformité des pratiques fiscales luxembourgeoises, taux qui aurait été augmenté de 0,25% par l’administration des Contributions directes. Elle souligne que sur base de l’augmentation du taux requis par l’administration des Contributions directes, elle aurait émis quatre factures d’un montant total de …,- euros à l’encontre de la SCI … pour payement des intérêts redus sur la somme de …,- euros au titre des années 2003 à 2004 (au taux de 0,5%) et au titres de ceux redus au titre des années 2005 à 2007 (au taux de 0,75%). La demanderesse précise que suite à la vente de l’immeuble mentionné ci-avant, la SCI … aurait procédé, moyennant 4 versements, au payement en sa faveur de la somme de…,- euros, de sorte que sa plus-value s’élèverait à … ,-
euros et devrait être intégrée dans le rendement du prêt pour la période 2003 à 2010, de sorte que la décision directoriale serait à réformer en ce sens.
Le délégué du gouvernement conclut pour sa part au rejet du recours, étant donné que ce serait à juste titre que le bureau d’imposition Sociétés 6 a opéré une majoration du revenu imposable de la société anonyme … s.a. de montants respectifs de …,- euros, de …,- euros et de …,- euros au titre des années 2005, 2006 et 2007 et ceci notamment par la mise en compte d’une marge d’intérêts de 3,5%. Ainsi, il affirme que la société anonyme … s.a. n’aurait pas déclaré de recettes (intérêts) en provenance des trois prêts accordés respectivement à … s.a., à … et à la SCI … et il estime que les explications fournies par la demanderesse pour justifier l’absence de recettes resteraient à l’état de pures allégations, dans la mesure où elles ne seraient pas étayées par des pièces suffisantes, la partie étatique affirmant plus particulièrement que certaines pièces produites par la société … s.a. ne serait ni enregistrées, ni signées et donneraient « ainsi l’impression qu’elles ont été confectionnées à posteriori pour les besoins de la présente cause ».
En affirmant que d’après les règles habituelles des marchés financiers, une entreprise indépendante n’aurait certainement pas procédé à la réalisation de transactions où l’octroi d’un prêt à une entreprise indépendante ne procure aucune recette, le délégué du gouvernement assimile les agissements de la demanderesse à une distribution cachée de bénéfices.
Le délégué du gouvernement retient par ailleurs que la demanderesse serait restée en défaut de rapporter une preuve telle qu’exigée à l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de sorte que ce serait à juste titre que le revenu des trois prêts litigieux a été fixé par voie de taxation et il estime que le taux de 3,5% serait justifié en l’espèce .
Finalement, la partie étatique, en s’emparant du principe de l’annualité de l’impôt, estime que ce serait à tort que la demanderesse revendique un redressement identique à celui qui a été retenu par le bureau d’imposition pour les années 2003 et 2004.
Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, la demanderesse fait en substance valoir que contrairement aux affirmations de la partie étatique, elle n’aurait accordé aucun prêt aux trois sociétés … s.a., … et la SCI …, de sorte qu’elle n’aurait pas non plus comptabilisé de recettes provenant d’éventuels intérêts, la demanderesse expliquant en effet, que les montants en question seraient à qualifier de créances pour lesquelles aucun intérêt n’aurait été comptabilisé.
Le directeur a quant à lui conclu à une distribution cachée des bénéfices et a confirmé la décision de l’administration des Contributions directes de procéder à une taxation d’office en mettant en compte une marge de 3,5%.
Concernant la distribution cachée de bénéfices, l’article 164 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », dispose ce qui suit :
« (1) Pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit.
(2) Sont à considérer comme distribution dans le sens de l’alinéa qui précède, les distributions de quelque nature qu’elles soient, faites à des porteurs d’actions, de parts bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation.
(3) Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ».
Les distributions cachées de bénéfices visées par l’article 164 (3) LIR existent si un associé ou un actionnaire, respectivement un intéressé comme c’est le cas en l’espèce, reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qu’il n’aurait pu obtenir en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers. C’est ainsi notamment que des avances de fonds consenties par une société à un intéressé sans mise en compte d'intérêts débiteurs du chef de ces sommes peuvent constituer une distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164 alinéa 3 LIR. En effet, un dirigeant même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’accorderait pas à un tiers non associé l’avantage de versements réguliers de sommes dépassant la valeur de la mise à disposition de biens appartenant à la société sans autre contre-partie.
L’administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées1 et ce en conformité avec l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives aux termes duquel « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ».
1 Cour adm. 1er février 2000, n° 11318C du rôle, Pas. adm. 2012, v° Impôts, n° 351 La charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices repose donc en premier lieu sur le bureau d’imposition. Celui-ci doit en effet procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever des éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions cachées de bénéfices. Ainsi, c’est essentiellement lorsque le bureau d'imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable et qui n’ont pas été éclairées ou documentées par le contribuable que le prédit bureau peut mettre en cause la réalité économique des opérations et supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise sans avoir à la justifier exactement.
En l’espèce, et en ce qui concerne le prêt accordé à la société anonyme … s.a. au début des années 90, force est de constater que la demanderesse est en aveu de ne disposer d’aucune pièce susceptible de documenter les conditions exactes dans lesquelles le prêt en question a été accordé et d’expliquer pourquoi la demanderesse n’aurait pas touché d’intérêts, la demanderesse ayant en effet affirmé que le prêt en question, s’élevant à environ … ,- euros, aurait été conclu oralement.
De même, et en ce qui concerne le prêt société …, si la demanderesse affirme certes que ce montant à savoir …, -euros, trouverait son origine dans la créance qui lui aurait été cédée par la société anonyme … s.a. en 2007, elle reste cependant en défaut de produire des pièces susceptibles de confirmer ses dires, la demanderesse se contenant en effet de soumettre au tribunal une pièce en langue italienne, traduite par ses propres soins, et qui constitue une copie d’une simple lettre d’information adressée par la société … s.a. à la société … ayant pour objet d’informer cette dernière que la société … s.a. a cédé à la société anonyme … s.a. une créance qu’elle aurait détenue envers elle. Abstraction faite que le montant renseigné sur la lettre en question, à savoir … ,- euros, ne correspond pas au montant inscrit au poste d’actif afférent envers la société …, lequel s’élevait quant à lui à …, - euros au 31 décembre 2007, cette lettre ne donne aucune précision sur la raison ayant poussé la société … s.a. à procéder à la cession de créance, respectivement sur les conditions éventuellement assorties à la cession de créance, et en particulier sur une éventuelle contrepartie.
Force est dès lors lieu de retenir en ce qui concerne ces deux prêts, que la demanderesse ne verse non seulement aucune pièce susceptible de confirmer son allégation selon laquelle elle n’aurait pas accordé de prêt en bonne et due forme aux sociétés … et …, mais qu’il résulte en outre du bilan joint à sa déclaration d’impôt pour l’année 2007 et établi par une fiduciaire, lequel bénéficie d’une présomption de véracité au fond et ceci conformément au paragraphe 208, alinéa 1er AO, lequel instaure la présomption de véracité au fond en faveur d'une comptabilité reconnue régulière en la forme2, que les montants respectifs de … ,- euros et …,- euros figurent audit bilan comme « Prêts … S.A. » et « Prêt … », de sorte qu’elle est actuellement malvenue d’affirmer qu’elle n’aurait pas accordé de prêts à ces deux sociétés.
Or, et dans la mesure où le tribunal vient de retenir que des avances de fonds consenties par une société à un intéressé sans mise en compte d'intérêts débiteurs du chef de ces sommes peuvent constituer une distribution cachée de bénéfices au sens de l’article 164 alinéa 3 LIR, dans la mesure où un dirigeant même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’accorderait pas à un tiers non associé l’avantage 2 Trib. adm. 8 juin 2010 n°26074 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n°511 d’avances de fonds conséquentes sans autre contre-partie3, c’est à juste titre que le directeur a pu conclure à une distribution cachée des bénéfices en ce qui concerne les prêts … s.a. et ….
Force est encore de constater qu’en l’espèce, et conformément aux principes dégagés ci-
dessus, la demanderesse a fait l’objet d’une taxation d’office, le bureau d’imposition ayant en effet évalué la distribution cachée des bénéfices en mettant en compte une marge de 3,5% et en tentant compte des intérêts créditeurs effectifs.
Le principe de la taxation d’office est inscrit au paragraphe 217(1) AO, lequel dispose que : « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. (2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt4. Ainsi, en vertu du paragraphe 217 (2) AO, la taxation des revenus est possible si le contribuable ne peut pas fournir d’explications suffisantes à l’appui de ses déclarations ou si le contribuable devant effectuer une comptabilité ne peut pas présenter sa comptabilité ou si cette dernière est incomplète respectivement formellement ou matériellement incorrecte : le paragraphe 217 AO consacre ainsi le principe de la taxation d’office par voie d’estimation du bénéfice d’après les éléments et circonstances d’exploitation dans l’hypothèse d’une irrégularité au niveau de la comptabilité non clarifiée à suffisance de droit et de fait5.
Comme retenu ci-avant, l’imposition retenue, actuellement critiquée, a été établie, à défaut de toute pièce justificative probante fournie par le contribuable, par voie de taxation, laquelle, conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), consiste « à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible6 ». Ce procédé comporte nécessairement et par définition une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération7.
Il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité. Au cas cependant où comme en l’espèce le 3 Voir par analogieTrib. adm. 29 mars 1999, n° 10428 du rôle, confirmé par arrêt du 11 janvier 2000, 11285C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôt, n°358 et autres références y citées.
4 Trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts n° 485 et autres références y citées.
5 Trib. adm 17 mai 1999, n° 10651 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 514 et autres références y citées.
6 J. Olinger, La Procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales n°s 81 à 85, novembre 1989, page 117 n° 190, ainsi que trib. adm. 26 avril 1999, no 10156 du rôle, Pas. adm. 2012, Vo Impôts, n° 485 et autres références y citées.
7 Cour adm. 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2012, Vo Impôts, n° 520 et autres références y citées.
contribuable met le bureau d’imposition dans l’impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable, il est censé se contenter de cette approximation, qu’elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d’impôt établi par voie de taxation, respectivement par après devant les juridictions administratives au seul motif que la cote d’impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s’il rapporte la preuve que ses revenus s’écartent de manière significative des bases d’imposition fixées par le bulletin d’impôt8.
Dans le cadre de la preuve à rapporter ainsi, ses déclarations ne bénéficient en effet d’aucune présomption de véracité. Aussi, le contribuable qui veut renverser la présomption découlant d’une taxation d’office doit se ménager des preuves9.
C’est sur cette toile de fond que le tribunal se propose d’examiner la décision lui déférée par rapport aux moyens développés par la demanderesse, étant encore souligné que le tribunal n’a pas vocation à procéder de sa propre initiative à l’examen de la situation fiscale du contribuable sur base du dossier fiscal afférent, mais uniquement à examiner les décisions administratives lui soumises, le tribunal n’étant en effet pas appelé à faire œuvre d’administration par rapport à une situation générale donnée, mais à juger une décision administrative par rapport aux moyens lui opposés par un administré, quitte à réformer celle-ci en les points jugés illégaux ou erronés.
En l’espèce, la demanderesse se contente de contester d’avoir touché des intérêts et estime de ce fait ne pas devoir être imposé à ce titre, tout en précisant que si elle devait néanmoins être imposée, il faudrait appliquer un taux de 0,75% tel qu’il fut auparavant accepté par le bureau d’imposition pour les années 2003 et 2004.
Force est de rappeler que la taxation consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n'est pas possible. La taxation procède en règle générale par voie de généralisation à partir de données constantes, ses calculs reposant sur des présomptions de probabilité, de sorte que ce procédé, par définition, comporte une certaine marge d'incertitude et d'inexactitude, cette marge étant d'autant plus grande que la collaboration du contribuable est plus faible.
Or, en l’espèce, la demanderesse ne verse non seulement aucune pièce susceptible d’établir la plus-value réelle qu’elle a effectuée sur les prêts accordés aux sociétés … s.a. et …, mais affirme même n’avoir touché aucun intérêt et n’avoir de ce fait effectué aucune plus-value.
Dans la mesure où le contribuable n’a ainsi pas collaboré avec l’administration des Contribution directes en vue d’établir le rendement réel des prêts en question, et que le tribunal vient de retenir que l’administration des Contributions directes a valablement pu conclure à une distribution cachée des bénéfices, de sorte qu’elle a de ce fait dû procéder à une taxation d’office, laquelle comporte nécessairement une marge d’incertitude, elle a valablement pu estimer le taux d’intérêt sur les deux prêts litigieux à 3,5% de l’an.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la demanderesse selon laquelle il y aurait lieu d’appliquer le même taux que pour les années 2003 et 2004, étant donné qu’en vertu du principe de l’annualité de l’impôt, le contribuable ne saurait tirer profit, pour une année fiscale, du fait que le bureau d’imposition a accepté un taux d’intérêt au titre de l’année fiscale 8 Cour adm. 19 février 2009, n° 24907C, Pas. adm. 2012, Vo Impôts, n° 526 et autres références y citées.
9 Par analogie Cour adm. 19 mai 2009, n° 25152C Pas. adm. 2012, Vo Impôts, n° 511.
antérieure. En effet, en vertu de ce principe, consacré notamment à l’article 1er LIR, ainsi qu’à l’article 100 de la Constitution, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment. Ainsi, les bases d’imposition du chef d’une année d’imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d’imposition antérieure et l’autorité compétente n’est ainsi pas liée par ses appréciations antérieures, sauf l’hypothèse d’une décision expresse en faveur du contribuable10 .
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de déclarer le recours non fondé en ce qui concerne le volet de la décision directoriale attaquée relatif aux prêts … s.a. et ….
En ce qui concerne la créance SCI … pour laquelle l’administration fiscale a également conclu à une distribution cachée des bénéfices, il y a lieu de rappeler que tel que développé ci-
avant, si le bureau d’imposition a mis en cause la réalité économique des opérations et a supposé une diminution indue des bénéfices de l’entreprise, il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées.
Or, il résulte tant des pièces versées en cause que des explications circonstanciées de la société anonyme … s.a. que celle-ci a effectué une plus-value d’un montant de 896.320,- euros sur la créance qu’elle détenait envers la SCI ….
En effet, il résulte des pièces versées par la demanderesse et plus particulièrement du contrat de prêt conclu entre la société anonyme … s.a. et la SCI … en date du 25 octobre 1996 que la société anonyme … s.a. a prêté à la prédite société civile immobilière la somme de … ,- francs français, l’article 4 dudit contrat de prêt ayant prévu que « La somme prêtée portera intérêt au taux d’intérêt déterminant pour le calcul des prestations appréciables en argent fixé par l’administration des contributions fédérales suisses, Division principale des droits de timbres et de l’impôt anticipé dans les conditions visées à l’article 5.2. des présentes ». La demanderesse a encore versé un avenant audit contrat de prêt lequel fut signé en date du 21 juillet 1997 et duquel il résulte qu’une société dénommée … a cédé à la société … s.a. une créance qu’elle détenait envers la SCI …, créance s’élevant à … ,- francs français, de même que la créance d’intérêts courus laquelle s’est élevée quant à elle à…,- francs français, de sorte qu’après la signature dudit avenant, la société anonyme … s.a. disposait d’une créance totale de …,- francs français, c’est-à-
dire de … ,- euros envers la SCI …. Il résulte encore des pièces versées en cause, et plus particulièrement d’un contrat de cession de créance daté du 16 mai 2003, que la société anonyme … s.a. a cédé la créance qu’elle détenait envers la SCI …, à la société anonyme … s.a. et ceci moyennant un prix fixé à …,- euros. Par courrier du 12 mai 2004, courrier également produit par la demanderesse, la SCI … demanda à la société anonyme … s.a. de ne pas appliquer les intérêts prévus à l’article 4 précité du contrat de prêt initial, au motif que lesdits intérêts ne sauraient « constituer une correcte référence entre une société française (la société civile immobilière …) et une société luxembourgeoise (la société … s.a.) » et elle s’engagea en contrepartie de rembourser l’intégralité du prêt en question, à savoir … ,- euros. Cette demande fut acceptée par la demanderesse en date du même jour, celle-ci ayant apposé la mention de « Lu et approuvé » sur le courrier en question. Il résulte par ailleurs des explications de la demanderesse que celle-ci 10 Voir par analogie Trib. adm. 19 janvier 2011 n°26701 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n°15 a, afin de se conformer « aux pratiques fiscales luxembourgeoises », émis des factures d’intérêts sur emprunt pour les années 2007 à 2010, envers la SCI …, factures également versées en cause, laquelle a finalement remboursé l’ensemble de sa dette par quatre versements consécutifs, à savoir :
- un premier versement du 31 janvier 2009 d’un montant de …,- euros, - un deuxième versement du 26 novembre 2009 d’un montant de … ,- euros, - un troisième versement du 14 décembre 2010 d’un montant de … ,- euros, - un dernier versement du 7 octobre 2011 d’un montant de … ,- euros.
Force est dès lors de constater que la société SCI … a remboursé un montant total de 5.196-320,- euros, de sorte que c’est-à-juste titre que la demanderesse soutient avoir effectué une plus-value de 896.320,- euros sur la créance qu’elle détenait envers la SCI …. Dans la mesure où la demanderesse a, moyennant ses explications circonstanciées et les pièces versées en cause, rapporté la preuve que l’opération financière en question était économiquement justifiée, la prémisse de l’administration des Contributions directes, selon laquelle il y aurait distribution cachée des bénéfices, est erronée.
Au vu de ce qui précède, et compte tenu des éléments actuellement soumis au tribunal, étant rappelé que dans le cadre d'un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d'y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s'opère au moment où il est appelé à statuer11, c’est à tort que l’administration des Contributions directes a conclu à l’existence d’une distribution cachée des bénéfices en ce qui concerne la créance de la société anonyme … s.a. envers la société SCI … et qu’elle a procédé à une taxation d’office, de sorte qu’il y a lieu de réformer en ce sens la décision directoriale déférée.
Etant donné qu’il était dans l’intention du législateur de ne pas faire du tribunal un « taxateur » et de ne pas l’amener à « s’immiscer dans le domaine de l’administration » sous peine de « compromettre son statut judiciaire »12 , son rôle consiste à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt13.
En application des développements qui précèdent, il y a en conséquence lieu de renvoyer l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes aux fins de transmission au bureau d'imposition compétent afin que celui-ci procède à l’imposition conformément au dispositif du présent jugement ensemble les motifs à sa base.
Au vu de ce qui précède le recours de la demanderesse est à déclarer partiellement fondé.
11 Trib. adm. 13 décembre 2006 n°21522 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en réformation, n°15 et autres références y citées.
12 cf. doc. parl. 3940A2, p. 11, ad (3) 8. et doc. parl. 3940A4, avis complémentaire du Conseil d’Etat, p. 7, ad amendement 5 13 trib.adm. 29 mars 1999, n° 10428, confirmé par Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 759 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en réformation contre la décision directoriale du 12 janvier 2012 recevable en la forme ;
au fond, le déclare non justifié en ce qui concerne le volet de la décision directoriale du 12 janvier 2012 ayant trait aux prêts … s.a. et …, partant en déboute ;
le déclare justifié pour le surplus ;
partant et par réformation de la décision directoriale déférée dit qu’il n’y a pas lieu de procéder à une majoration de revenu par rapport au prêt, respectivement créance du contribuable envers la société … SCI ;
renvoie l’affaire devant le directeur en prosécution de cause conformément au présent jugement ;
fait masse des frais et les laisse pour moitié à chacune des parties ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er juillet 2013 par:
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit s. Arny Schmit s. Marc Sünnen 14