Tribunal administratif Numéro 29788 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2012 2e chambre Audience publique du 24 juin 2013 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme en matière d’autorisation d’établissement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29788 du rôle et déposée le 27 janvier 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Agnès Durdu, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., demeurant à ….., tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 27 octobre 2011 portant refus de lui délivrer une autorisation d’établissement en qualité d’urbaniste/aménageur ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement en date du 16 avril 2012 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2012 par Maître Agnès Durdu au nom de Monsieur ….. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Agnès Durdu et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques, en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 13 mai 2013.
Monsieur ….., architecte, administrateur délégué, dirigeant salarié de la société anonyme ….. ….., s’adressa par courrier du 27 juillet 2011 au ministre des Classes Moyennes et du Tourisme, désigné ci-après par « le ministre », pour solliciter la délivrance d’une autorisation d’établissement en qualité d’urbaniste/aménageur.
Par décision du 27 octobre 2011, le ministre refusa de faire droit à la demande de Monsieur …… Ladite décision est libellée comme suit :
« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 11 octobre 2011 ainsi qu'aux pièces supplémentaires versées au dossier à cette occasion. Votre demande a fait entre temps l'objet d'une nouvelle instruction prévue à l'article 28 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.
Il en résulte que le dirigeant social, Monsieur ….., ne remplit pas la condition de qualification professionnelle légalement requise à l'article 3 de la loi du 2 septembre 2011 pour l'exercice de la profession d'urbaniste/aménageur.
Au vu des pièces ajoutées et des explications fournies, il s'avère que contrairement à ce qu'affirme le sieur précité dans son courrier du 11 octobre 2011, sa formation ne constitue pas un master d'urbanisme ou son équivalent, mais seulement une formation apparentée, conformément aux dispositions de l'article 17, 1. de la loi d'établissement précitée.
C'est donc précisément parce que sa formation contient des éléments d'urbanisme et d'aménagement du territoire que le deuxième paragraphe de cet article a vocation à s'appliquer.
Or, cette dernière disposition précise qu'en pareil cas, la formation apparentée doit être complétée par une formation spécifique, telle celle dispensée par l'uni.lux.
Par conséquent, je vous informe qu'en l'absence de tout élément probant nouveau, je suis au regret de maintenir la décision du 20 septembre 2011 (cf copie annexée).
A toutes fins utiles, je vous rappelle que la poursuite de la profession d'urbaniste/aménageur que le sieur précité sollicite est soumise, plus particulièrement, aux exigences de qualification suivantes, prescrites à l'article 17 de la loi d'établissement du 2 septembre 2011.
”La qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d'urbaniste/aménageur résulte:
1. de la possession d'un grade ou diplôme délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat du siège de l'établissement et sanctionnant l'accomplissement avec succès d'un master en urbanisme ou en aménagement du territoire ou de son équivalent, est reconnue comme équivalente à la qualification professionnelle susmentionnée, une qualification résultant de la possession d'un grade ou diplôme délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat du siège de l'établissement et sanctionnant l'accomplissement avec succès d'un master ou de son équivalent dans un autre domaine apparenté ayant trait à l'organisation du territoire et complétée par une formation d'une durée d'au moins un an, spécifique à l'urbanisme ou à l'aménagement du territoire, et 2. de l'accomplissement d'une pratique professionnelle de deux ans auprès d'un urbaniste/aménageur établi, à effectuer postérieurement à l'obtention des diplômes, certificats ou autres titres.(…). ».
Par requête déposée le 27 janvier 2012 au greffe du tribunal administratif Monsieur ….. fit introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision de refus précitée du ministre du 27 octobre 2011.
Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.
Etant donné qu’aucune disposition légale n’attribue compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en matière d’autorisation d’établissement, seule une demande en annulation a pu être introduite contre la décision ministérielle déférée.
Le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt de l'administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.
A l’appui de son recours, le demandeur conteste la base légale sur laquelle le ministre se serait fondé pour adopter la décision déférée. Il explique dans ce contexte qu’il aurait introduit sa demande d’autorisation d’établissement en tant qu’urbaniste/aménageur en date du 27 juillet 2011 de sorte à ne pas tomber dans le champ d’application de la loi du 28 juillet 2011 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 28 juillet 2011 », dont l’article 44 (2) ajouta un point i) à l’article 19 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant et d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par « la loi du 28 décembre 1988 », pour y introduire la profession d’urbaniste ou aménageur. Il prétend avoir rempli les conditions pour exercer le métier d’urbaniste ou aménageur sous l’empire de la loi du 28 décembre 1988 telle que modifiée et reproche au ministre d’avoir rendu sa décision sous l’empire de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi du 2 septembre 2011 », modifiant la loi du 28 décembre 1988, qui lui aurait été moins favorable.
Le délégué du gouvernement rétorque que le demandeur se fonderait juridiquement sur une prétendue rétroactivité de la loi dont le principe serait proscrit.
Il est constant en cause que le demandeur a introduit sa demande en obtention d’une autorisation d’établissement auprès du ministère des Classes moyennes et du Tourisme en date du 27 juillet 2011, soit à un moment où la loi du 28 décembre 1988 était encore en vigueur.
Cependant en date du 26 septembre 2011, la loi du 2 septembre 2011, est entrée en vigueur, portant aux termes de son article 46 (1) abrogation de la loi du 28 décembre 1988 sans toutefois prévoir de dispositions transitoires, notamment quant aux procédures administratives d’ores et déjà engagées sous le régime de la loi du 28 décembre 1988 et toujours en cours au moment de son entrée en vigueur.
1 trib. adm. 21 novembre 2001, Pas. adm. 2012, V° Procédure contentieuse, n° 392 et les autres références y citées.
Il est encore constant en cause que la décision déférée, refusant de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation d’établissement du demandeur, a été prise par le ministre en date du 27 octobre 2011, soit à un moment où la loi du 28 décembre 1988 était abrogée et où la loi du 2 septembre 2011 était entrée en vigueur.
En l’absence de dispositions transitoires à ce sujet dans la loi du 2 septembre 2011, il convient donc de se référer aux deux grands principes qui régissent les conflits de lois dans le temps, soit, d’une part, le principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle et, d’autre part, celui de sa non-rétroactivité, afin de déterminer si la nouvelle loi du 2 septembre 2011 a valablement pu être appliquée par le ministre à la demande introduite sous l’ancienne législation.
Chacun de ces deux principes répond à un objectif distinct. Le principe de l’effet immédiat tend à assurer à la fois l’efficacité de la loi nouvelle, considérée comme étant la plus adaptée aux conditions et aux besoins du moment et l’unité de législation à un moment donné, étant donné que la survivance de la loi ancienne entraîne une dualité de législation. Le principe de non-rétroactivité de son côté répond à une préoccupation de sécurité juridique. Ce principe est une garantie donnée aux situations juridiques valablement acquises et consolidées sous la loi ancienne et répond, en ce sens, à un besoin de paix et de stabilité sociale2. L’article 2 du Code civil, en ce qu’il dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif», met l’accent sur le principe de non-rétroactivité pour l’application des règles juridiques. Etant inséré au titre préliminaire du Code civil, qui a une portée générale, la règle de non-rétroactivité vaut pour tous les domaines du droit, y compris le droit administratif, économique et social3.
La jurisprudence ancienne et bien assise distingue en ce qui concerne l’effet de la loi nouvelle entre les droits acquis et ce qu’elle appelle les simples expectatives. La loi ne modifie pas les droits acquis sous le régime de la loi ancienne ; en d’autres mots, reporter la loi nouvelle à des situations juridiques pleinement formées sous l’empire de la loi ancienne, ce serait lui faire produire un effet rétroactif. Au contraire, la loi nouvelle se substitue à la loi ancienne pour autant qu’il ne s’agisse que de simples expectatives.
La solution doctrinale consiste à faire une distinction entre l’acquisition des droits ou, plus largement, la formation de situations juridiques et les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé. L’acquisition d’un droit ou la création d’une situation juridique, que ce soit par l’effet d’un fait ou d’un acte juridique, est régie et reste régie par la loi en vigueur au moment de l’acquisition ou de la création du droit. Au contraire, les effets successifs d’un rapport de droit antérieurement formé sont régis, avec effet immédiat, par la loi nouvelle4.
Ainsi, en résumé, si elle ne peut, sans rétroactivité, revenir sur la constitution et les effets passés d’un rapport de droit réalisés avant son entrée en vigueur, la loi nouvelle peut en revanche s’appliquer aux situations juridiques en cours, à commencer par celles en cours de constitution. En ce qui concerne par exemple les actes juridiques nécessitant une autorisation, les formalités de constitution, valablement accomplies avant l’entrée en vigueur de la loi 2 Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, éditions Bruylant 2009, 2e réimpression, n° 215, p. 315 et voir dans le même sens : trib. adm. 25 juin 2009, n° 24354 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Lois et Règlements, n° 39 3 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317 4 Pierre Pescatore, op. cit. n° 217, p. 317 nouvelle, pourront relever de la loi ancienne, en revanche l’autorisation acquise à compter de l’entrée en vigueur, sera généralement appréciée au regard de la loi nouvelle5.
Dès lors, en l’espèce, à défaut par le législateur d’en avoir autrement disposé, par l’effet de dispositions transitoires, la loi du 2 septembre 2011 est applicable aux procédures en cours et relevant de son champ d’application à compter de son entrée en vigueur, soit à compter du 26 septembre 2011.
La procédure relative à la demande de Monsieur ….. tendant à l’obtention d’une autorisation d’établissement en qualité d’aménageur/urbaniste, était toujours en cours le 26 septembre 2011, soit au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 2 septembre 2011, étant donné que jusqu’à cette date seule la demande afférente avait été introduite par Monsieur …..
sans qu’un droit n’ait été acquis et sans qu’une situation juridique n’ait été consolidée. Il s’ensuit que le ministre a valablement pu baser le refus déféré d’accorder une autorisation d’établissement en qualité d’aménageur/urbaniste sur la loi du 2 septembre 2011, sans se tromper de base légale.
Le moyen tendant à l’annulation de la décision déférée au motif d’une violation du principe de non-rétroactivité de la loi et d’une base légale erronée est partant à rejeter pour manquer de fondement.
Le demandeur fait encore valoir en substance que par l’effet de l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 28 juillet 2011 et du 2 septembre 2011, il se verrait imposer de produire des diplômes qui n’auraient pas existé au moment de ses études universitaires et il se verrait contraint de respecter des conditions qui n’auraient pas été exigées avant l’entrée en vigueur des lois précitées. Il en conclut à une violation par les lois précitées des articles 6 et 11 de la Constitution.
Le délégué du gouvernement rétorque que ces deux dispositions constitutionnelles n’érigeraient pas la liberté d’entreprise en un droit absolu mais limiteraient au contraire expressément celui-ci aux exigences à mettre en place par le législateur.
Il échet de rappeler que l’article 6 de la Constitution dispose comme suit : « Si à la mort du Grand-Duc Son successeur est mineur, la régence est exercée conformément au pacte de famille. » de sorte qu’il y a lieu de constater que la prétendue violation de cet article est sans aucun rapport avec la présente matière. Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 6 de la Constitution est à écarter pour manquer de pertinence.
L’article 11 de la Constitution dispose quant à lui dans son paragraphe 6 que : « (6) La liberté du commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale et du travail agricole sont garantis, sauf les restrictions à établir par la loi.».
S’il est vrai que l’article 11 (6) de la Constitution garantit la liberté du commerce sauf les restrictions à établir par la loi, selon une jurisprudence bien établie, ces restrictions sont d’interprétation stricte6 mais n’en restent pas moins conformes à l’article 11 (6) précité7.
5 Jurisclasseur, Civil Code, Vol. art. 2 : fasc. 20, n°30, p. 11 et voir en ce sens : Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle.
6 trib. adm. 27 février 1997, Pas. adm. 2012, n° 9601 et les autres références y citées.
7 trib.adm. 25 juillet 2001, Pas. adm. 2012, n° 12471.
Force est au tribunal de constater que, contrairement aux affirmations du demandeur, il ne se voit pas interdire l’accès à la profession d’urbaniste aménageur en raison de sa qualité d’architecte mais l’accès à ladite profession, nouvellement réglementée par les dispositions des lois du 28 juillet 2011 et du 2 septembre 2011 précitées, s’en trouve en revanche encadré aux termes de l’article 17 (2) de la loi du 2 septembre 2011 de sorte que, par voie de conséquence, l’accès à ladite profession fait désormais l’objet de restrictions au sens de l’article 11 de la Constitution entraînant, le cas échéant, dans le chef du demandeur le suivi d’une formation continue qu’il refuse de suivre précisément au nom d’une prétendue violation de la liberté de commerce. Or, dans la mesure où le législateur a décidé, en raison de l’évolution des techniques d’élaboration des projets d’aménagement général, d’établir des conditions visant à ne réserver l’accès à cette profession qu’aux seules personnes répondant à la qualification professionnelle requise par la loi précitée du 2 septembre 2011, force est au tribunal de constater que les conditions ainsi fixées à l’article 17 (2) de la loi du 2 septembre 2011 ne sauraient aucunement être assimilée à une violation de l’article 11 de la Constitution dès lors qu’elles ne font qu’encadrer cette liberté. Ce constat s’en trouve d’autant plus renforcé par la circonstance selon laquelle aux termes des dispositions concernées, il est permis aux personnes qualifiées dans un domaine apparenté et touchant au domaine de l’organisation de l’espace, tels que notamment les architectes, soit la profession du demandeur, et géographes d’avoir accès à la profession de l’aménageur ou de l’urbaniste en suivant une formation spécifique d’une durée d’au moins un an dans ce domaine, formation, par ailleurs, proposée par l’Université de Luxembourg8. Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 11 de la Constitution est à rejeter pour manquer de fondement.
Le demandeur fait encore plaider que la décision ministérielle aurait violé le prescrit de l’article 17 de la loi du 2 septembre 2011 en ce qu’elle aurait retenu qu’il ne remplirait pas les conditions y posées pour exercer la profession d’urbaniste aménageur alors que, selon lui, aux termes de l’article 42 de ladite loi, les autorisations d’établissement délivrées avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 septembre 2011 resteraient valables. Il se prévaut de ce prescrit pour soutenir que les qualifications antérieurement reconnues resteraient valables « pour toute l’étendue pour lesquelles elles ont été accordées sous l’effet de cette loi, aucune interprétation n’étant permise et n’étant légale ». Plus spécifiquement, il fait état de ce que les qualifications lui auraient été antérieurement reconnues dès lors qu’il aurait déjà suivi dans les années soixante-dix un cours obligatoire intitulé « Grundlagen der Orts-, Regional-, und Landesplannung » de 112 heures qui aurait correspondu à une année académique entière ainsi qu’un cours à option intitulé « Elemente der Landschaftsplannung und der Freiflächenplannung » qui, ensemble, lui aurait permis d’obtenir le diplôme « Dipl.- Ing. in der Fachrichtung Architektur ». Il en conclut qu’en ayant suivi les cours précités et en ayant participé à la réalisation de projets d’aménagement en tant qu’étudiant et par la suite au cours de sa carrière professionnelle, il remplirait les conditions exigées à l’article 17 de la loi du 2 septembre 2011.
Le délégué du gouvernement rétorque que le demandeur n’aurait à aucun moment été urbaniste aménageur, ni sous l’ancienne ni sous la nouvelle législation. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 2 septembre 2011, il se serait occupé à titre accessoire comme certains autres architectes de projets d’urbanisme et d’aménagement sur base et dans le cadre de leur profession sans que cette activité ne constitue une profession distincte. Or, avec l’entrée en vigueur des lois du 28 juillet 2011 et du 2 septembre 2011, l’activité d’urbaniste aménageur serait devenue une profession à part entière. S’y ajoute qu’en l’absence intentionnelle du 8 doc. parl. n° 6023, Session ordinaire 2008-2009, p. 34 législateur d’instaurer une période transitoire, l’accès à la profession d’urbaniste aménageur aurait été organisée en deux temps : à savoir, premièrement, l’introduction d’exigences de qualification académiques précises, suffisantes à elles seules pour y accéder et permettant à certains architectes de s'établir de manière spécifique dans cette nouvelle profession et, deuxièmement, l’introduction avec la loi du 2 septembre 2011 d’une exigence supplémentaire de deux années de pratique professionnelle dans la branche, en plus des exigences académiques, notamment pour éviter des effets d'aubaine pour des professionnels peu rompus aux particularités de cette profession. Il s’ensuit que loi du 2 septembre 2011 déterminerait ainsi de manière précise les exigences de qualification professionnelle requises pour l'accès à cette nouvelle profession. Il explique que la modification portant sur l'exigence de deux années de pratique professionnelle, serait ici sans aucune incidence sur la situation du demandeur étant donné qu’il serait question en l’espèce, de l'absence de conditions de base académiques requises dans le chef du demandeur.
Il donne à considérer qu’en l’espèce, le demandeur, contrairement à certains hommes de l'art n’aurait pas suivi une spécialisation ad hoc en urbanisme ou aménagement du territoire, ou aux architectes qui auraient complété leur formation de base par une spécialisation ultérieure, telle les cours du soir dispensés par l'Université du Luxembourg sur une année et comprenant 112 heures d'enseignement, qui correspondent à cette exigence légale de compléter par une formation postérieure d'une durée d'une année, complémentaire et spécifique à l'urbanisme ou a l'aménagement du territoire la formation d'architecte, et que, par ailleurs, la plupart des confrères du demandeur auraient effectué pour prospérer dans leur démarche consistant à exercer la profession d'urbaniste aménageur. Il fait encore valoir quant à la décision ministérielle refusant de lui reconnaître la qualification professionnelle requise que le demandeur, à son corps défendant, justifierait le refus du ministre lorsqu'il affirme dans son recours que « au moment de la période d'études de M. ….., la profession d'urbaniste aménageur n'existait pas, les cours d'urbanisme ou d'aménagement du territoire faisaient partie de la formation d'architecte ». Or, il estime que cela ne serait pas exact dès lors qu’il existerait des formations ad hoc d'urbanistes ou en aménagement du territoire et que le législateur aurait précisément prévu pour les architectes généralistes dont l'enseignement comporterait des cours d'urbanisme ou/et d'aménagement du territoire, cours qui en faisaient partie intégrante parmi de nombreuses autres matières, une passerelle en rapport et mesurée en vue de permettre à tout architecte de bonne foi et de bonne volonté d'accéder à cette nouvelle profession. Il en déduit que le diplôme du demandeur émis par l'Université de Stuttgart serait un diplôme d'architecte généraliste, intitulé « Architecte » qui ne mentionnerait aucune spécialisation et comporterait les matières usuelles étudiées par tout architecte de sorte qu’il ne s’agirait donc pas de la formation de master en urbanisme requise. Il estime que compte tenu de la présence d’une matière intitulé « aménagement du territoire » parmi de nombreuses autres il s'agirait d'un diplôme dans un autre domaine apparenté ayant trait à l'organisation du territoire, cas dans lequel la loi prévoirait que ladite formation doit être complétée par une formation postérieure et distincte d'une durée d'au moins un an, spécifique à l'urbanisme ou a l'aménagement du territoire. Il fait valoir que la formation de « Grundlagen der Orts, Regional und Landesplanung» invoquée par le demandeur serait, comme son nom l'indique, générale et ferait partie intégrante de son cursus d'architecte, alors qu'une formation postérieure, complémentaire serait exigée pour être reconnue équivalente au master en urbanisme normalement requis. Il en conclut que tous les accomplissements réalisés par le demandeur au cours de sa carrière professionnelle seraient sans incidence sur les exigences précises et raisonnables posées par le législateur de sorte que ce serait à bon droit que le ministre des Classes moyennes et du Tourisme aurait refusé l'autorisation d'établissement, décision qui ne saurait dans ces conditions encourir l'annulation.
Les parties sont en premier lieu en désaccord sur la question de savoir si le diplôme dont le demandeur est titulaire satisfait aux conditions énoncées par l’article 17(1) de la loi du 2 septembre 2011.
Aux termes de l’article 17 de la loi du 2 septembre 2011 : « La qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d’urbaniste/aménageur résulte:
1. de la possession d’un grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master en urbanisme ou en aménagement du territoire ou de son équivalent, est reconnue comme équivalente à la qualification professionnelle susmentionnée, une qualification résultant de la possession d’un grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master ou de son équivalent dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire et complétée par une formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire, et (…) ».
L’article 42 de la même loi précise à ce sujet que : « Les autorisations d’établissement délivrées avant l’entrée en vigueur de la présente loi restent valables.
Concernant ces autorisations, il est également satisfait à la condition de qualification académique visée aux articles 15, point 1, 16, point 1, 17, point 1, 18, 20 et 25, point 1, par tout diplôme d’enseignement supérieur final, délivré sous le régime de la loi modifiée du 28 décembre 1988 ou de la loi modifiée du 2 juin 1962, par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat de siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un cycle complet de quatre années d’études au moins dans la branche respective ». Dans ce contexte, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 2 septembre 2011 que : « Pour les professions libérales où l’accès est désormais conditionné à l’accomplissement d’un grade de master (architecte, ingénieur de la construction, architecte-
paysagiste, ingénieur et conseil en propriété industrielle), il a paru utile de rappeler que les anciens diplômes de quatre années datant de l’époque „pré-Bologna“, (p. ex. la maîtrise) suffisent toujours pour satisfaire à la condition de qualification académique. »9.
Il suit d’une lecture combinée des dispositions qui précèdent que pour pouvoir accéder à la profession d’urbaniste/aménageur il faut, en principe être titulaire d’un master en urbanisme ou en aménagement du territoire ou bien d’un diplôme équivalent, c’est-à-dire d’un master dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire, diplôme qui est alors à compléter par une formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire, étant précisé que les diplômes d’enseignement supérieur final sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un cycle complet de quatre années d’études au moins dans la branche respective et délivrés avant l’introduction du régime des masters satisfont toujours à la condition de qualification académique.
En l’espèce, il ressort des pièces soumises au tribunal que le demandeur est titulaire d’un diplôme délivré par l’Université de Stuttgart le 2 avril 1976 lui conférant le titre académique de « Diplom-Ingenieur (Dipl.-Ing.) in der Studienrichtung Architektur », lequel fut homologué par la commission des titres du ministère de l’Education nationale en date du 9 Doc.parl n° 6158, p.45 19 octobre 1976 autorisant le demandeur à porter le titre d’architecte. Le demandeur est partant titulaire d’un diplôme d’enseignement final sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un cycle complet de quatre années d’études, dans la branche de l’architecture, de sorte que, de ce point de vue, son diplôme correspond à la condition de qualification académique au sens de l’article 42 de la loi du 2 septembre 2011 qui renvoie à l’article 17 (1) de la même loi.
Il reste partant à vérifier si le diplôme du demandeur, sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un cycle complet de quatre années d’études, dans la branche de l’architecture, est à considérer comme un diplôme d’enseignement supérieur final en matière d’urbanisme ou d’aménagement du territoire sinon, comme diplôme équivalent, au sens de l’article 17 (1), alinéa 1 et 2 de la loi du 2 septembre 2011.
Dans ce contexte, il ressort des pièces soumises au tribunal que par le diplôme du demandeur le titre d’« architecte » lui a été délivré et que le programme qu’il a suivi au cours de sa formation a porté sur les matières obligatoires suivantes : « Entwerfen, Gebäudelehre, Grundlagen der Orts-, Regional- und Landesplannung, Tragwerklehre III, Diplomarbeit ».
En l’absence de précisions supplémentaires du demandeur relatives à sa formation ainsi qu’à son diplôme, force est au tribunal de constater que son diplôme n’est pas à considérer comme diplôme d’enseignement supérieur final en matière d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, mais comme diplôme d’enseignement supérieur final en matière d’architecture.
Le diplôme du demandeur ne pouvant pas être considéré comme un diplôme d’enseignement supérieur final en matière d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, il y a lieu de vérifier s’il est à considérer comme correspondant à une qualification équivalente audit diplôme au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011. Afin que la qualification d’un titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur final en matière d’architecture puisse être qualifiée comme équivalente au: « grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master en urbanisme ou en aménagement du territoire » au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011, deux conditions sont à remplir.
Ainsi, d’une part, le diplôme de l’intéressé doit correspondre à un « grade ou diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et sanctionnant l’accomplissement avec succès d’un master ou de son équivalent dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire » et, d’autre part, la qualification de l’intéressé a dû être « complétée par une formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire ».
Quant à la question de savoir si ledit diplôme d’architecture du demandeur peut être considéré comme diplôme « dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire », au sens de l’article 17 (1), alinéa 2 de la loi du 2 septembre 2011, il convient de se référer aux définitions des notions d’architecte et d’urbaniste/aménageur fournies par la loi du 2 septembre 2011.
Aux termes de l’article 2. 3° de la loi du 2 septembre 2011, l’activité de l’architecte se définit comme : « l’activité libérale consistant à créer et à composer une œuvre de construction, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, à établir les plans d’une telle œuvre, à faire la synthèse et l’analyse des activités diverses participant à la réalisation de l’œuvre. Le champ d’activité de l’architecte inclut celui de l’architecte paysagiste et de l’architecte d’intérieur ». L’activité de l’urbaniste/aménageur se définit aux termes de l’article 2. 33° de la même loi comme : « l’activité libérale consistant à élaborer un concept d’organisation complète, cohérente et intégrée des territoires et espaces naturels ruraux ou urbains dans le respect de l’intérêt général et de la recherche d’équilibres territoriaux ».
Dès lors, au sens de la loi du 2 septembre 2011, les activités d’architecte et d’urbaniste/aménageur se recoupent, dans la mesure où l’activité de créer ou de composer des œuvres d’urbanisme ou d’aménagement du territoire peut être exercée tant par un urbaniste/aménageur que par un l’architecte. Etant donné que le législateur a autorisé l’architecte à exercer certaines activités relevant par ailleurs du champ de compétence de l’urbaniste/aménageur, le tribunal est amené à retenir qu’en se référant dans le cadre de l’article 17 (1) alinéa 2 à un diplôme d’enseignement supérieur final « dans un autre domaine apparenté [au domaine de l’urbanisme ou de l’aménagement du territoire] ayant trait à l’organisation du territoire », le législateur a notamment visé le domaine de l’architecture. Le diplôme d’architecte du demandeur est partant à considérer comme diplôme « dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire », au sens de l’article 17 (1), alinéa 2 de la loi du 2 septembre 2011.
Il reste encore à vérifier si le demandeur a complété sa qualification d’une « formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire » au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011.
Force est au tribunal de constater qu’à cet égard le demandeur se limite à affirmer qu’en ayant déjà suivi dans les années soixante-dix un cours obligatoire intitulé « Grundlagen der Orts-, Regional-, und Landesplannung » de 112 heures qui aurait correspondu à une année académique entière ainsi qu’un cours à option intitulé « Elemente der Landschaftsplannung und der Freiflächenplannung » qui, ensemble, lui aurait permis d’obtenir le diplôme « Dipl.- Ing. in der Fachrichtung Architektur » et en ayant réalisé divers projets d’aménagement en tant qu’étudiant et par la suite au cours de sa carrière professionnelle, il remplirait les conditions posées à l’article 17 (1) précité.
Force est au tribunal de constater que l’exigence de « formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire » au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011 n’est pas remplie en l’espèce dès lors que les deux pièces que le demandeur verse dans ce contexte à l’appui de son argumentation, à savoir son diplôme d’architecte et une description de son « Diplomarbeit » ne sont pas probantes à cet égard. En effet, si ces pièces s’inscrivent dans le cadre du diplôme d’architecte que le demandeur a obtenu le 2 avril 1976 que le tribunal a qualifié plus en avant de diplôme « dans un autre domaine apparenté ayant trait à l’organisation du territoire », au sens de l’article 17 (1), alinéa 2 de la loi du 2 septembre 2011 elles ne répondent en revanche pas à l’exigence de « formation d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire » au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011étant donné qu’elles ne sont pas de nature à rapporter la preuve que le demandeur aurait suivi une formation complémentaire d’une durée d’au moins un an, spécifique à l’urbanisme ou à l’aménagement du territoire au sens de l’article 17 (1) précité.
Il s’ensuit que le demandeur n’a pas établi disposer de la qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d’urbaniste/aménageur au sens de l’article 17 (1) de la loi du 2 septembre 2011, de sorte que son recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par le demandeur est à rejeter pour ne pas être fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
reçoit le recours principal en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 24 juin 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 juin 2013 Le greffier du tribunal administratif 11