Tribunal administratif N° 30626 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2012 1re chambre Audience publique du 17 juin 2013 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 30626 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2012 par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010 émis le 23 novembre 2011 par l’administration des Contributions directes ainsi qu’à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 mars 2012 rejetant comme non fondée une réclamation introduite en date du 16 février 2012 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010, émis en date du 23 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2012 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2012 par Maître Marc KLEYR au nom des demandeurs ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Emmanuel GLOCK, en remplacement de Maître Marc KLEYR, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2013.
Monsieur … fut engagé par la société anonyme … S.A., ci-après « la société … », en qualité de « Senior Vice-President Sales & Marketing » par contrat de travail à durée indéterminée du 15 mars 2002. En vertu de l’article 3 point 4 du contrat de travail, l’employeur s’est engagé, pour le cas où la société devait décider de résilier le contrat de travail avec préavis 1endéans les trois premières années, à respecter la période de préavis légalement redue à Monsieur … et à lui verser au dernier jour de travail une indemnité de départ (« departure indemnity ») d’un montant fixé contractuellement.
En date du 29 juin 2005, Monsieur … et la société … ont signé un avenant au contrat de travail précité dans lequel il a notamment été convenu au point 4 que l’indemnité de départ prévue à l’article 3 point 4 du contrat de travail serait remplacée par une indemnité de départ (« departure indemnity ») correspondant à deux fois le salaire annuel de base qui serait toujours à payer par la société pour le cas où cette dernière devait décider de résilier le contrat de travail de Monsieur ….
En date du 26 avril 2010, Monsieur … fut convoqué par son employeur de l’époque, la société … S.A., à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 3 mai 2010.
En date du 25 mai 2010, le contrat de travail de Monsieur … fut résilié d’un commun accord des parties avec effet au 30 septembre 2010 et ce moyennant signature d’une convention de résiliation d’un commun accord des parties.
En vertu de la convention de résiliation d’un commun accord des parties précitée, la société … S.A. s’engagea, entre autres, à travers le point 6 de la convention, à verser à Monsieur … la somme de ….- euros bruts au titre d’une indemnité de résiliation forfaitaire (« lump sum termination indemnity »), tout en précisant que cette somme était payée « in full and final settlement of all claims and litigious points arising out of the Employment Contract or its mutual termination », c’est-à-dire en contrepartie de la renonciation par Monsieur … de faire valoir en justice la moindre réclamation ou revendication en relation avec l’exécution du contrat de travail et sa résiliation.
Suivant une décision du préposé du bureau RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes du 10 janvier 2011, un montant de ….- euros fut déclaré exempt d’impôts sur le fondement de l’article 115, alinéa 9 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », le montant restant de ….- euros ayant été déclaré imposable suivant le barème de la retenue d’impôt sur les rémunérations non périodiques.
Dans le cadre de sa déclaration de l’impôt sur le revenu visant l’année 2010, Monsieur … déclara la somme de ….- euros sous la rubrique des revenus extraordinaires avec la mention « Indemnité Transaction, Art. 115/9 (ermäβigte Steuerrate von 23.37% statt Standardrate von 38.95%) » et demanda partant l’application des taux d’imposition prévus à l’article 131 LIR à titre de revenus extraordinaires.
En date du 23 novembre 2011, le bureau d’imposition Grevenmacher, section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … et de son épouse, Madame …, un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2010, ci-après désigné par « le bulletin », en imposant l’ensemble des revenus nets d’une occupation salariée touchés par les demandeurs suivant le barème et partant sans faire droit à leur demande tendant à l’application des taux d’imposition prévus à l’article 131 LIR à titre de revenus extraordinaires.
2Contre ce bulletin, les demandeurs introduisirent en date du 16 février 2012 par l’intermédiaire de leur litismandataire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur ».
Par une décision datée du 28 mars 2012, référencée sous le n° C 17389, le directeur rejeta cette réclamation comme non fondée. Ladite décision est libellée comme suit :
« Vu la requête introduite le 17 février 2012 par Maître Marc Kleyr, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2010, émis le 23 novembre 2011 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit, dans les forme et délai de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir reconnu, pour l'année 2010, son indemnité de licenciement comme rémunération extraordinaire ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public, qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que par sa déclaration le contribuable demandait, en la rubrique y prévue l'application des taux de l'article 131 L.I.R. à l'endroit de revenus extraordinaires au sens de l'article 132 L.I.R., spécifiant «Indemnité Transaction » ;
Considérant qu'en l'année 2010 a été mise à la disposition du contribuable une indemnité transactionnelle brute de l’ordre de …,00 € ;
que le bureau RTS y compétent a scindé l'indemnité brute totale en les montants exempts, en vertu de l’article 115, alinéa 9 L.I.R., d'une part pour l'indemnité de départ légale de … €, conformément aux dispositions légales telles qu’en vigueur en l’année 2010, le surplus de l’ordre de … restant imposable ;
qu’il résulte donc que ce sont ces … € que la requête introductive entend par revenus extraordinaires, pour être censés se rapporter à plus d'une année, au sens de l'article 132, alinéa 1er, 2. a) L.I.R., à imposer selon les taux de l'article 131 alinéa 1er litt. b) L.I.R. ;
Considérant que l'article 132 alinéa 1er, 2. litt. a) L.I.R. qualifie de revenus extraordinaires imposables par application de l'article 131 alinéa 1er, litt. b) L.I.R. « les revenus extraordinaires provenant de l'exercice d'une occupation salariée au sens du numéro 4 de l'article 10 qui se rattachent du point de vue économique à une période de plus d'une année et qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur des revenus, deviennent imposables au titre d'une seule année d'imposition » ;
3Considérant que le premier problème dans l'application de cette disposition consiste ainsi dans l'étendue de la condition que l'imposabilité au cours d'une seule année d'imposition soit indépendante des volontés du débiteur et du bénéficiaire des revenus ;
Considérant que les travaux parlementaires justifient cette exigence du fait que « cette disposition a pour but d'empêcher qu'il ne soit fait un usage abusif de la faveur de l'article 157 (correspondant à l'article 131 du texte promulgué) » et que « d'une façon générale les payements de suppléments de salaires et de traitements pour le passé ne sont pas à considérer comme indépendants de la volonté de l'employeur toutes les fois que ces paiements ne sont pas imposés par une décision judiciaire ou une disposition légale ou réglementaire » (doc. part. 571-4, ad art.
158, p. 276; cf. également trib. adm. 22 juillet 1998, n° 10486 du rôle). ;
Considérant que le but affiché du législateur est ainsi de limiter strictement la notion des raisons indépendantes de la volonté du débiteur des revenus à celles qui sont étrangères à la propre sphère d'action et de décision de celui-ci ;
Considérant qu'en l'espèce, l'indemnité transactionnelle a été contractée par les parties (« Both Parties hereby agree to terminate the Employment Contract by mutual consent »), de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'indépendante de la volonté des débiteur et bénéficiaire ;
qu'il s'ensuit que l'indemnité, sans préjudice des exemptions accordées en vertu de l'article 115 (9) L.I.R., ne saurait être qualifiée de revenu extraordinaire au sens de l'article 132 (1) 2. a) L.I.R. ;
Considérant d'ailleurs que l’indemnité transactionnelle accompagne le terme du contrat de travail, suivant les prescriptions de droit y relatives, respectivement la convention syndicale, sans pour autant être accordée pour perte ou en lieu et place de recettes, ni comporter le caractère d’un dédit pour abandon ou non-exercice d’une activité, de sorte que l’article 11 L.I.R., tel qu’évoqué par la requête, ne peut sortir ses effets en l’espèce ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;
Par ces motifs Reçoit la réclamation en la forme ;
La rejette comme non fondée. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, ont introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010 émis le 23 novembre 2011 ainsi que de la décision directoriale précitée du 28 mars 2012.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un 4contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.
En vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin1.
Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position en date du 28 mars 2012 suite à la réclamation introduite en date du 16 février 2012, le recours sous analyse est irrecevable pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010 émis le 23 novembre 2011.
Le tribunal est toutefois compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision directoriale du 28 mars 2012. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs insistent sur le fait que lors de son entretien préalable au licenciement qui avait été fixé au 3 mai 2010, la société … aurait fait part au demandeur de sa décision de résilier son contrat de travail. Comme le contrat de travail de Monsieur … aurait prévu le versement à ce dernier par la société … d’une « indemnité de départ égale à 24 mois de salaire » et qu’il n’y aurait pas eu de dispute entre les parties à ce sujet, ces dernières auraient signé le 25 mai 2010 une convention de résiliation du contrat de travail d’un commun accord des parties. Si le contrat de travail avait certes été résilié d’un commun accord des parties, il n’en demeurerait pas moins que l’initiative de la rupture du contrat de travail aurait été prise par la société. Conformément à l’article 6 de la convention de résiliation d’un commun accord des parties un montant brut de ….- euros aurait été payé à Monsieur … au titre de l’ « indemnité de départ ».
Si les demandeurs ne contestent pas qu’une exemption fiscale au sens de l’article 115 (9) LIR ait été accordée pour le montant de ….- euros, ils estiment toutefois que ce serait à tort que le bureau d’imposition aurait refusé la qualification de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 L.I.R. pour le montant brut restant de ….- euros.
En droit, les demandeurs réclament tout d’abord l’application de l’article 132 (1) 2. a) LIR au montant de l’ « indemnité de départ » perçue par le demandeur et ce dans la mesure où cette indemnité remplirait les trois conditions nécessaires pour pouvoir être considérée comme revenu extraordinaire provenant d’une occupation salariée pouvant profiter d’un taux d’imposition réduit selon l’article 131 (1) b) LIR.
1 Trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10357 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Impôts, n° 727.
5En effet, l’indemnité en question serait à considérer comme un revenu provenant d’une occupation salariée et ce dans la mesure où l’article 95 LIR viserait à la fois les salaires et les indemnités de départ. L’administration ne contesterait d’ailleurs pas que l’indemnité litigieuse constituerait un revenu provenant d’une occupation salariée.
Ensuite, l’indemnité touchée par le demandeur se rattacherait d’un point de vue économique à une période de plus d’une année dans la mesure où le revenu touché suivant la « Termination Agreement » du 25 mai 2010 et plus particulièrement « l’indemnité de départ », se rattacherait effectivement à une période de plus d’une année, l’indemnité convenue en 2002, respectivement en 2005 correspondant à 24 mois de salaire. Les demandeurs insistent à cet égard sur le fait que l’administration ne contesterait pas le fait que le revenu en question se rattacherait d’un point de vue économique à une période de plus d’une année.
Finalement, en ce qui concerne l’exigence suivant laquelle les revenus, pour pouvoir être considérés comme extraordinaires, doivent devenir imposables au titre d’une seule année d’imposition pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur des revenus, les demandeurs donnent à considérer qu’en l’espèce et même si le « Termination Agreement » du 25 mai 2010 parlerait de résiliation d’un commun accord ou de consentement mutuel, l’indemnité de départ chiffrée et convenue sous le point 6 de la convention ne serait « pas le résultat d’une négociation ou transaction dépendante de la volonté des deux parties au moment ou après la résiliation du contrat de travail du sieur …, mais (…) la conséquence de l’application pure et simple, pour ne pas dire arithmétique de l’article 3 (4) b) du contrat de travail du 15 mars 2002, tel que modifié le 3 mai 2005 ». Ainsi, « l’indemnité de départ » prévue au point 6 de la convention ne serait que la simple conséquence de l’effet juridique que le législateur réserverait à la résiliation du contrat de travail par l’une des parties, à savoir la fin du contrat. Ce serait cet effet juridique que la loi attacherait à la résiliation du contrat de travail qui aurait déclenché à la fois l’obligation pour … de payer 24 mois de salaire à titre d’indemnité de départ et l’imposabilité de cette indemnité au titre d’une seule année d’imposition, et cet effet juridique serait indépendant aussi bien de la volonté du bénéficiaire que de celle du débiteur de l’indemnité en question.
Les demandeurs donnent encore à considérer que Monsieur … ne demanderait à faire aucun usage abusif de la faveur résultant de l’article 132 (1) 2. a) LIR alors que, d’une part, ce ne serait pas lui qui aurait procédé à la résiliation de son contrat de travail, et, d’autre part, que l’indemnité qu’il aurait reçue serait simplement celle convenue avec son employeur il y a plusieurs années en lieu et place de l’indemnité de départ légale, qui elle serait d’ailleurs complètement exempte d’impôts conformément à l’article 115 (9) a) LIR.
L’indemnité conventionnelle prévue à l’article 6 de la convention de résiliation serait en tout état de cause à considérer comme une somme redue en raison de l’effet juridique que le code du travail attacherait à une résiliation faite à l’initiative de … S.A..
A titre subsidiaire et pour autant que l’indemnité de départ reçue par Monsieur … ne serait pas à imposer comme revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 2 a) LIR, les demandeurs estiment qu’elle le serait par application de l’article 132 (1) 4 LIR. Ce serait en effet à tort que l’administration aurait refusé de considérer l’indemnité en cause comme dédit au sens de l’article 11 LIR et ce alors que cette indemnité conventionnellement fixée à l’avance aurait été payée pour 6l’abandon de l’activité du demandeur auprès de la société … comme en témoignerait l’article 3 (4) b) du contrat travail du 15 mars 2002, tel que modifié le 3 mai 2005.
Le délégué du gouvernement relève pour sa part d’abord l’inapplicabilité de l’article 132 (1) 2 a) LIR, en rappelant que les revenus en provenance d’une activité salariée au sens de l’article 95 LIR ne peuvent être qualifiés d’extraordinaires que si plusieurs conditions sont remplies cumulativement. La loi fiscale exigerait en effet que l’imposabilité au cours d’une seule et même année soit indépendante de la volonté du bénéficiaire et du débiteur du revenu, le but affiché du législateur ayant été de limiter de cette manière strictement la notion des raisons indépendantes de la volonté du débiteur des revenus de celles qui sont étrangères à la propre sphère d’action et de décision de celui-ci.
Or, en l’espèce, « l’indemnité transactionnelle » aurait été contractée par les deux parties, de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée d’indépendante de la volonté des débiteur et bénéficiaire.
Le délégué du gouvernement donne encore à considérer que le contrat de travail aurait été résilié d’un commun accord des parties et ce contrairement aux prétentions des demandeurs et du courrier du 16 mai 2012 émis par la société … pour les besoins du présent litige.
A cela s’ajouterait que même si la résiliation devait être considérée comme étant intervenue à l’initiative du seul employeur, le montant considérable de ….- euros payé à titre d’indemnité de départ ne saurait être considéré comme étant la conséquence de l’application pure et simple du Code du travail. Cette indemnité aurait été fixée à l’avance, d’un commun accord pour le cas où le contrat de travail serait résilié, de sorte que cette somme serait à qualifier de prime ou avantage dont le montant aurait été convenu dans le contrat de travail pour l’hypothèse de sa résiliation.
Par ailleurs, l’indemnité aurait été accordée en sus des garanties légales prévues par la loi et aurait dépassé de loin l’indemnité de départ légale, de sorte que son versement n’aurait été que l’exécution pure et simple des obligations résultant du contrat de travail négocié entre les parties et non une conséquence de l’application de la législation du travail.
La partie étatique en conclut que la condition légale tenant à ce que l’indemnité soit fixée indépendamment de la volonté des parties ne serait manifestement pas remplie en l’espèce de sorte que ce serait à juste titre que le directeur n’aurait pas examiné si le revenu se rattache d’un point de vue économique à une période de plus d’une année, ce critère n’étant toutefois pas non plus rempli en l’espèce. En effet, la prime en question aurait été convenue au contrat de travail pour s’appliquer dans l’hypothèse de la résiliation de ce dernier, ce qui aurait été le cas en 2010.
L’indemnité représenterait donc une somme unique, fixée sur base du contrat de travail et arrêtée dans le cadre de la transaction contractée de gré à gré en 2010 par les parties concernées, et liquidée en un seul montant pendant la même année d’imposition, de sorte qu’elle se rapporterait à l’année 2010 au cours de laquelle il aurait été procédé à la résiliation du contrat de travail, lors de laquelle la transaction aurait été conclue et la somme unique versée.
Ce serait donc à bon droit que le directeur n’aurait pas pris position par rapport à la disposition de l’article 132 (1) 2 LIR qui ne serait manifestement pas applicable en l’espèce.
7Le délégué du gouvernement conclut ensuite à l’inapplicabilité de l’article 132 (1) 4 LIR et ce, d’une part, au motif que l’indemnité litigieuse ne représenterait pas une recette de substitution, et, d’autre part, que cette même indemnité ne saurait être considérée comme ayant été attribuée en compensation de revenus salariés se rapportant à une autre période que l’année d’imposition.
Ainsi, en s’emparant des articles 95 et 132 LIR, et en soulignant que l’article 95 (1) viserait les revenus d’une occupation salariée, la partie étatique insiste sur le fait que l’indemnité litigieuse serait une indemnité conventionnelle ancrée dans le contrat de travail pour le cas de la résiliation de ce dernier, et qui aurait eu lieu en 2010. Comme l’article 95 (1) LIR viserait toute rémunération provenant d’une occupation salariée, et notamment tout avantage accordé dans ce contexte, « l’indemnité transactionnelle » accordée en l’espèce constituerait donc une rémunération provenant directement d’une occupation salariée au sens de l’article 95 LIR. Une telle prime ou avantage d’envergure versé en 2010 serait donc imposable comme revenu salarial ordinaire au sens de l’article 95 LIR et ne représenterait en aucun cas une recette de substitution au sens de l’article 11 LIR.
Comme la somme unique de ….- euros résultant de l’indemnité transactionnelle aurait été payée par versement unique au titre de l’année 2010 et concernerait uniquement cette année d’imposition, elle ne remplirait pas non plus la condition de l’article 132 (1) 4 LIR selon laquelle les paiements y visés doivent remplacer des revenus se rapportant à une période autre que l’année d’imposition.
A titre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal devait considérer que l’article 11 LIR serait applicable, la partie étatique souligne que l’indemnité litigieuse pourrait uniquement être considérée comme un avantage en vertu de l’article 11 (1) LIR, puisque la somme unique résultant de l’indemnité transactionnelle d’un montant de ….- euros, calquée sur 2 fois la somme de la rémunération annuelle globale, ne constituerait pas une recette de substitution, tandis que l’article 132 (1) 4 LIR ne viserait pas les avantages, ceux-ci n’étant ainsi pas imposables comme revenu extraodinaire.
Finalement, le délégué du gouvernement donne à considérer que pour le cas où l’indemnité serait qualifiée d’indemnité ou de dédit, il n’en demeurerait pas moins que l’affirmation des demandeurs suivant laquelle « l’indemnité transactionnelle » serait attribuée en compensation de revenus salariés se rapportant à une période de plusieurs années consécutives au licenciement serait dénuée de sens et ce compte tenu du fait que l’article 3 (4) du contrat de travail du demandeur aurait fixé la base de l’indemnité en question.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs soulèvent tout d’abord la position contradictoire de la partie étatique qui qualifierait, d’un côté, l’indemnité litigieuse d’ « indemnité transactionnelle » qui est en principe contractée après la naissance d’un litige, et, de l’autre côté, de « prime de départ » convenue à l’avance.
Les demandeurs contestent en tout état de cause que l’indemnité litigieuse puisse être qualifiée d’indemnité transactionnelle. La réalité serait en effet que la société … aurait pris l’initiative de la résiliation du contrat de travail du demandeur, qu’elle l’aurait convoqué à un entretien préalable et pris la décision de le licencier. Ce serait pour cette raison que le 8« Termination Agreement » prévoirait au profit du demandeur le paiement d’une indemnité de départ égale à 24 mois de salaire.
Les demandeurs rappellent à ce sujet que l’indemnité de départ égale à 24 mois de salaire n’aurait pas été contractuellement redue en cas de résiliation d’un commun accord des parties du contrat travail étant donné que ce dernier aurait prévu le paiement de cette indemnité uniquement dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat à l’initiative de la société.
Il serait dès lors inexact de prétendre qu’il y aurait eu résiliation d’un commun accord des parties et que l’indemnité de départ aurait été payée en raison d’une telle résiliation.
Ce ne serait donc pas la volonté des parties mais le licenciement qui aurait déclenché le paiement de l’indemnité. Ce paiement n’aurait d’ailleurs pas été déclenché par le bénéficiaire, à savoir le demandeur, puisque ce dernier aurait été étranger à la décision de le convoquer à un entretien préalable et il aurait également été indépendant de la volonté du débiteur, à savoir la société, puisqu’au jour de la convocation à l’entretien préalable, respectivement au jour de la décision de licenciement, la société n’aurait plus eu de choix.
Les demandeurs sont encore d’avis que ce serait « l’effet juridique que la législation luxembourgeoise sur le contrat de travail attacherait à la résiliation par l’employeur qui a déclenché l’obligation, dans le chef de …, de payer une indemnité de départ ». A cet égard, le fait que les parties auraient fixé conventionnellement le montant de l’indemnité à 24 mois de salaire, et dès lors à un montant supérieur à celui prévu par la loi, ne serait pas pertinent dans le cadre de l’analyse de l’élément déclencheur.
Les demandeurs donnent ensuite à considérer qu’en ce qui concerne l’article 132 (1) 2 a) LIR, ce qui serait exigé ce serait que l’imposabilité au cours d’une seule et même année soit indépendante de la volonté du bénéficiaire et du débiteur du revenu.
Les demandeurs estiment à cet égard que lorsque comme en l’espèce une indemnité de départ est à payer par l’employeur comme suite à sa décision de licencier un salarié, la décision de déclarer et de faire imposer cette indemnité au titre d’une seule année d’imposition, ou bien au titre de plusieurs années d’imposition, ne relèverait pas du libre choix du bénéficiaire de ce revenu. Ce serait au contraire la loi fiscale qui l’obligerait à déclarer et à faire imposer ce revenu au titre d’une seule année d’imposition.
En ce qui concerne le montant de l’indemnité jugé « considérable » par la partie étatique, les demandeurs soulignent que ce qui importerait ce ne serait pas le montant mais la question de savoir si cette indemnité est à qualifier de revenu extraordinaire imposable au demi-taux global ou de revenu ordinaire à imposer au taux plein. Comme le demandeur ne réclamerait aucune exemption fiscale et qu’il serait d’accord à payer des impôts sur l’indemnité de départ reçue, il revendiquerait l’application du demi-taux global, de sorte que la question pertinente serait celle de savoir quel est réellement le champ d’application de l’article 132 (1) 2 a LIR.
Les demandeurs insistent encore sur le fait que l’indemnité reçue ne se rattacherait pas d’un point de vue économique à une seule année et ce, d’une part, parce que cette indemnité aurait été convenue en 2002, respectivement en 2005, d’autre part, parce qu’elle constituerait un 9élément résultant d’une relation de travail de plusieurs années et, finalement, parce qu’elle correspondrait à une période égale à 24 mois de salaire. Le fait que l’indemnité soit au moment du licenciement liquidée en un seul montant et payée comme somme unique ne serait rien d’autre que la conséquence de l’arrêt définitif des relations de travail et le fait que l’indemnité de départ serait considérée comme somme unique pour les besoins de l’imposition ne ferait que refléter l’application pure et simple de la loi fiscale qui n’offrirait aucune autre possibilité, ni de choix.
Les demandeurs sont dès lors d’avis que l’article 132 (1) 2 a) ne s’intéresserait pas à la question de savoir si le revenu est payé sur une période de plus d’une année, ni si le revenu est payé sous forme de somme unique liquidée en un seul montant, ce qui importerait au contraire, ce serait de savoir si le revenu se rattache d’un point de vue économique à une période de plus d’une année. Or, en l’espèce, l’indemnité touchée par le demandeur se serait uniquement rattachée à la relation de travail longue de plusieurs années avec la société ….
A titre subsidiaire, les demandeurs insistent sur le fait que si l’indemnité litigieuse ne serait pas à imposer comme revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 2 a) LIR, elle le serait par application de l’article 132 (1) 4, dans la mesure où elle serait un dédit alloué en remplacement de revenus. En effet, l’indemnité de départ payée au demandeur suite à la décision de son employeur de se séparer de lui constituerait une compensation pour perte de recettes au sens de l’actuel article 11 LIR et ce dans la mesure où si le contrat de travail du demandeur n’avait pas été résilié, il aurait continué à toucher un salaire mensuel, pleinement imposable, mais comme les salaires auraient été payés sur 24 mois, la charge fiscale aurait été moindre.
Ce serait ainsi justement l’imposition de l’intégralité de cette somme dans une même année d’imposition qui justifierait l’application du demi-taux global d’imposition par application de l’article 132 LIR.
Les demandeurs soulignent encore dans ce contexte que le fait que le législateur ait pu prévoir en matière d’indemnité de départ en cas de licenciement certaines exonérations spécifiques ne serait pas pertinent étant donné que l’application de ce texte ne serait pas incompatible et n’exclurait pas l’application de l’article 132 LIR.
Finalement, les demandeurs renvoient au commentaire de l’article 14 LIR, actuel article 11 LIR, suivant lequel « parmi les indemnités visées par le numéro 2 de l’article 14, il convient de citer le dédit alloué au salarié quittant son emploi » pour en déduire que l’indemnité litigieuse tomberait sous le champ d’application de l’article 11 LIR. En ce qui concerne plus particulièrement l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle l’indemnité pourrait être tout au plus considérée comme un avantage en vertu de l’article 11 (1) LIR et en tant que tel non imposable comme revenu extraordinaire, les demandeurs contestent ce raisonnement. Ils maintiennent en effet que si l’indemnité de départ devrait être qualifiée d’avantage, il y aurait lieu de dire qu’elle constitue néanmoins un revenu extraordinaire au sens des dispositions fiscales afférentes et qu’elle serait dès lors à imposer suivant le taux d’imposition réduit prévu à l’article 131 (1) b) LIR.
Quoiqu’il en soit, les demandeurs sont d’avis que l’indemnité reçue par le demandeur pour l’abandon de son activité ne tomberait pas seulement dans le champ d’application de l’article 11 (2) LIR mais aussi dans celui de l’article 11 (1) LIR.
10Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que l’article 132 (1) 2 a) ne saurait trouver application si le revenu provenant d’une occupation salariée devient imposable au titre d’une seule année d’imposition pour des raisons qui dépendent de la volonté de l’une des parties au moins. Il serait à cet égard inopérant que le revenu ait été fixé dans le contrat de travail pour le cas de la résiliation à l’initiative de l’employeur ou pour le cas d’une résiliation d’un commun accord des parties et ce dans la mesure où dès le début de la relation de travail, les parties auraient convenu du versement d’une somme unique pour le cas de la résiliation du contrat de travail. Le paiement de l’indemnité litigieuse et son imposabilité auraient dès lors dépendu exclusivement de la volonté des parties et non d’une disposition légale ou encore d’une décision judiciaire.
Le délégué du gouvernement insiste par ailleurs sur le fait que les demandeurs n’auraient fourni aucune justification économique réelle du montant alloué et de la période de travail visée, de sorte à rester en défaut d’établir que l’indemnité litigieuse payée en 2010 se rattacherait d’un point de vue économique à une période de plus d’une année.
Le délégué du gouvernement continue à soutenir pour le surplus l’inapplicabilité de l’article 132 (1) 4 LIR dans la mesure où le paiement du montant litigieux ne serait nullement justifié ni quant à son principe ni quant à son quantum et que par conséquent le paiement de ce montant à titre de dédit ne pourrait pas être mis en relation avec l’abandon ou le non-exercice d’une activité. Ainsi, tout au plus, l’indemnité allouée au demandeur pourrait-elle être qualifiée d’avantage au sens de l’article 11 (1) LIR qui ne serait pas visé par l’article 132 (4) LIR.
Le tribunal relève tout d’abord que les parties sont en désaccord sur la qualification à donner à la somme de ….- euros bruts touchée par le demandeur en vertu de l’article 6 du « Termination Agreement » signé le 25 mai 2010 avec son ancien employeur et plus particulièrement au montant restant, après exemption des premiers ….- euros, de ….- euros.
En effet, les demandeurs sont d’avis que la somme en question serait à qualifier soit de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 2 a) LIR, soit, si cette conclusion ne devait pas être retenue par le tribunal, de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 4 LIR et ce par application de l’article 131 (1) b LIR, tandis que la partie étatique soulève l’inapplicabilité de chacun de ses deux articles.
En ce qui concerne tout d’abord l’article 132 (1) 2 a) LIR, il y a lieu de relever que ce dernier qualifie de revenus extraordinaires imposables par application de l’article 131 (1) b) « les revenus extraordinaires provenant d’une occupation salariée au sens du numéro 4 de l’article 10 qui se rattachent du point de vue économique à une période de plus d’une année et qui, pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur des revenus, deviennent imposables au titre d’une seule année d’imposition.» Les parties sont à cet égard d’accord pour retenir qu’il résulte de cette disposition que les revenus extraordinaires ne peuvent profiter d’un taux d’imposition réduit selon l’article 131 (1) b LIR que si ces revenus remplissent trois conditions cumulatives. En effet, les revenus en question doivent provenir d’une occupation salariée, se rattacher d’un point de vue économique à une période de plus d’une année et devenir imposables au titre d’une seule année d’imposition pour des raisons indépendantes de la volonté du bénéficiaire et de celle du débiteur.
11 Le tribunal est amené à constater que les parties sont surtout en désaccord quant à la troisième condition, étant donné que la partie étatique estime qu’en l’espèce l’indemnité touchée par le demandeur ne serait pas devenue imposable au titre d’une seule année d’imposition pour des raisons indépendantes de la volonté des parties en cause.
En ce qui concerne la condition tenant à ce que l’imposabilité des sommes touchées au cours d’une seule année d’imposition doit être indépendante de la volonté des parties, les travaux parlementaires justifient cette exigence par les considérations que « Cette disposition a pour but d’empêcher qu’il ne soit fait un usage abusif de la faveur de l’article 157 (correspondant à l’article 131 du texte promulgué) » et que « d’une façon générale les payements de suppléments de salaires et de traitements pour le passé ne sont pas à considérer comme indépendants de la volonté de l’employeur toutes les fois que ces paiements ne sont pas imposés par une décision judiciaire ou une disposition légale ou réglementaire »2.
Tel que cela a été relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, le but affiché du législateur est ainsi de limiter strictement la notion des raisons indépendantes de la volonté du débiteur et du bénéficiaire des revenus à celles qui sont étrangères à la propre sphère d’action et de décision de ceux-ci.
Il ressort à cet égard des éléments du dossier que Monsieur … a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 15 mars 2002 par la société …. Ce contrat prévoyait dans son article 3 point 4 qu’en cas de résiliation du contrat de travail de Monsieur … par la société endéans les trois premières années, ce dernier allait bénéficier outre de la période de préavis légale, du paiement d’une indemnité extra-légale intitulée « departure indemnity ».
Par avenant au contrat de travail initial signé le 29 juin 2005, Monsieur … et son ancien employeur ont notamment convenu dans le point 4 que si la société devait décider de résilier le contrat de travail du demandeur avec préavis, elle devrait respecter le préavis légal et payer au salarié à la fin du contrat de travail une indemnité de départ (« departure indemnity ») correspondant à 2 fois son salaire annuel de base.
En date du 26 avril 2010, Monsieur … a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement qui s’est tenu le 3 mai 2010.
Le 25 mai 2010, les parties ont finalement signé une convention de résiliation d’un commun accord des parties dans laquelle il a été décidé que le contrat de travail était résilié d’un commun accord avec effet au 30 septembre 2010. Tout en ayant dispensé le demandeur de travailler jusqu’au 30 septembre 2010, la société s’est engagée à continuer à lui payer son salaire mensuel brut jusqu’à la fin conventionnelle du contrat et ce même dans l’hypothèse où Monsieur … devait retrouver un nouvel emploi salarié ou à titre d’indépendant. En vertu du point 8 de la convention de résiliation d’un commun accord des parties et par référence au point 4 b) de l’avenant au contrat de travail du 29 juin 2005, la société s’est également engagée à verser à Monsieur … une somme unique de ….- euros bruts à titre d’indemnité forfaitaire de résiliation du 2 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, commentaire des articles, ad article 158, p. 276 ; cf. également Trib.
adm. 22 juillet 1998, n°10486, Pas. adm. 2012, V°Impôts, n°272.
12contrat (« lump sum termination indemnity ») et ce en contrepartie de la renonciation par Monsieur … à toutes réclamations et revendications en relation avec le contrat de travail ou sa résiliation d’un commun accord des parties (« in full and final settlement of all claims and litigious points arising out of the Employment Contract or its mutual termination »).
S’il est certes vrai que la société … a convoqué Monsieur … à un entretien préalable conformément à l’article L. 124-2 du Code du travail, il n’en demeure pas moins qu’il ressort des termes mêmes de la convocation ainsi que du texte de loi afférent qu’au moment où l’employeur convoque un salarié à un tel entretien, aucune décision de licenciement ne doit déjà avoir été prise, l’employeur envisageant simplement à ce stade de la procédure une mesure de licenciement. L’article L. 124-2 du Code du travail stipule en effet que « lorsque l’employeur qui occupe cent cinquante salariés au moins envisage de licencier un salarié, il doit, avant toute décision, convoquer l’intéressé par lettre recommandée ou par écrit dûment certifié par un récépissé (…) », tandis que l’article L. 124-3 (1) précise que « l’employeur qui décide de licencier doit, sous peine d’irrégularité pour vice de forme, notifier le licenciement au salarié par lettre recommandée à la poste. (…) » Afin de sortir ses effets suite à l’entretien préalable, la décision de licencier doit dès lors être matérialisée dans une lettre de licenciement en bonne et due forme.
Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que suite à l’entretien préalable, l’employeur n’a pas notifié à Monsieur … sa décision de le licencier, les parties s’étant en effet mises d’accord pour résilier le contrat de travail d’un commun accord des parties tel que cela est prévu à l’article L. 124-13 du Code du travail.
Comme relevé ci-avant, dans le cadre de la convention de résiliation d’un commun accord, les parties ont fixé les modalités pratiques de la rupture du contrat et ont notamment convenu du versement par paiement unique en faveur de Monsieur … d’une indemnité qualifiée d’indemnité de résiliation du contrat (« lump sum termination indemnity ») d’un montant brut de ….- euros correspondant à 24 mois de salaire brut. Dans la mesure où le versement de cette indemnité, qui est équivalente à celle prévue au point 4 de l’avenant au contrat de travail du demandeur en cas de licenciement et à laquelle il est d’ailleurs renvoyé dans la convention, a été effectué dans le cadre de la convention de résiliation d’un commun accord des parties, elle est à qualifier d’indemnité bénévole de résiliation d’un commun accord des parties, étant précisé que l’article 115 n°9 LIR prévoit expressément l’exemption fiscale à concurrence d’un montant s’élevant à douze fois le salaire social minimum tant de l’indemnité pour résiliation abusive du contrat de travail fixée par une transaction que de l’indemnité bénévole allouée en cas de résiliation du contrat de travail d’un commun accord des parties.
En effet, si les parties ont certes renvoyé dans le point 6 de la convention de résiliation au point 4 de l’avenant au contrat de travail de Monsieur … du 29 juin 2005, il n’en demeure pas moins que le point 4 de l’avenant vise une situation différente de celle dans laquelle se sont trouvées les parties au moment du versement de l’indemnité litigieuse. Ainsi, le point 4 vise l’hypothèse d’une rupture unilatérale du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (“If, nevertheless, … decides to terminate the employment other than for gross misconduct or willful misconduct (…)”), c’est-à-dire l’hypothèse d’un licenciement avec préavis par l’employeur, qui entraînerait pour ce dernier l’obligation de verser à son salarié une «indemnité de départ» (« departure indemnity ») correspondant à 24 mois de salaire. Or, tel que retenu ci-avant, en 13l’espèce le contrat de travail de Monsieur … a été résilié non pas unilatéralement par l’employeur dans le cadre d’un licenciement avec préavis mais d’un commun accord des parties, hypothèse non visée par le point 4 de l’avenant. Ce constat n’est pas ébranlé par les courriers émis le 27 avril 2012 et 16 mai 2012, c’est-à-dire pendant la procédure contentieuse devant le tribunal administratif, par la société … afin de confirmer que ce serait elle qui aurait décidé toute seule de résilier le contrat de travail, étant donné que l’intention de la société n’a jamais été matérialisée par le biais de la notification d’un licenciement en bonne et due forme. Le fait que le demandeur se soit vu adresser une convocation à un entretien préalable et que cet entretien ait eu lieu est à cet égard sans incidence, ni une telle convocation, ni l’entretien en lui-même ne valant licenciement au sens de la loi.
Les demandeurs eux-mêmes soulignent d’ailleurs dans leur mémoire en réplique que « l’indemnité de départ» aurait été fixée dans le contrat de travail non pas pour le cas de la résiliation du contrat d’un commun accord des parties, mais pour le cas de la résiliation du contrat par …, donc pour le cas d’un licenciement. Ils en concluent toutefois à tort que le paiement du montant prévu au point 4 de l’avenant prouverait qu’il serait inexact qu’en l’espèce il y aurait eu résiliation d’un commun accord des parties et que « l’indemnité de départ » aurait été payée en raison d’une résiliation d’un commun accord. En effet, en présence d’une convention de résiliation d’un commun accord des parties signée en bonne et due forme par Monsieur … et la société … (« Both parties hereby agree to terminate the Employment Contract by mutual consent with efective date September 30th, 2010 ») et surtout en l’absence de lettre de licenciement, ils ne sauraient valablement contester que le contrat de travail a été résilié non pas unilatéralement par l’employeur mais d’un commun accord des parties et ce avec toutes les conséquences légales qui s’y attachent.
Dans la mesure où il a été retenu ci-avant que le contrat de travail de Monsieur … a été résilié d’un commun accord des parties, l’argument des demandeurs suivant lequel « l’indemnité de départ » prévue au point 6 du « Termination Agreement » ne serait que la conséquence de l’effet juridique que le législateur réserverait à la résiliation du contrat de travail par l’une des parties, tombe également à faux puisque l’article L. 124-7 (1) du Code du travail précise que seuls les salariés licenciés avec préavis par l’employeur ont droit à une indemnité de départ légale. L’indemnité de départ est en effet la contrepartie du droit de l’employeur de licencier le salarié ayant une certaine ancienneté dans l’entreprise. Il s’ensuit qu’un salarié démissionnaire ou un salarié dont le contrat de travail a été résilié d’un commun accord des parties ne peut prétendre au bénéfice de l’indemnité de départ légale.
Par ailleurs, le droit à l’indemnité de départ légale prend naissance à la date du licenciement3, de sorte que l’affirmation des demandeurs suivant laquelle au jour de la convocation à l’entretien préalable, respectivement au jour de la décision de licenciement, la société n’aurait plus eu d’autre choix que de payer à Monsieur … une indemnité de départ, tombe également à faux puisqu’il n’y a jamais eu de licenciement.
Au vu des conclusions qui précèdent, les développements du litismandataire des demandeurs ayant trait aux conséquences liées au prétendu licenciement de Monsieur … doivent 3 Cour supérieure de justice, 31 octobre 1995, n°18139 du rôle, Trefil Arbed Bissen S.A. c/ Biewer.
14être intégralement écartées étant donné que le tribunal vient de retenir ci-avant que le contrat de travail a été résilié d’un commun accord des parties.
Le tribunal conclut de tout ce qui précède qu’alors même que la société … n’aurait été obligée de verser à Monsieur … la somme convenue à l’avenant au contrat de travail qu’en cas de licenciement, les parties ont convenu d’un commun accord que la société allait tout de même verser cette même somme par paiement unique à Monsieur … à la fin de son contrat et ce alors même que le contrat de travail a été finalement résilié d’un commun accord des parties.
Il s’ensuit que la circonstance que le paiement de l’indemnité de résiliation litigieuse soit intervenu au cours de l’année 2010 et qu’elle soit dès lors devenue imposable au cours de cette même année d’imposition, ne constitue pas une circonstance indépendante de la volonté des deux parties, mais découle directement de la convention de résiliation d’un commun accord des parties signée entre le demandeur et son employeur et rentre partant dans la sphère d’action et de décision des deux parties.
La demande des demandeurs tendant à voir qualifier l’indemnité litigieuse de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) a) LIR doit dès lors être écartée pour ne pas être fondée.
En ce qui concerne ensuite la volonté des demandeurs à voir qualifier l’indemnité litigieuse de revenu extraordinaire sur base de l’article 132 (1) 4 LIR, il y a lieu de rappeler que l’article 132 (1), alinéa 4 LIR qualifie de revenus extraordinaires imposables par application de l’article 131 (1) b) LIR « les indemnités et dédits visés respectivement aux numéros 1 et 2 de l’article 11 dans la mesure où ils remplacent des revenus se rapportant à une période autre que l’année d’imposition ».
Les alinéas 1 et 2 de l’article 11 LIR, auxquels renvoie l’article 132 (1), alinéa 4 LIR, envisagent « 1. les indemnités et avantages accordés pour perte ou en lieu et place de recettes, à condition qu’il s’agisse de recettes qui, en cas de réalisation, auraient fait partie d’un revenu net passible de l’impôt […] 2. le dédit alloué pour l’abandon ou le non-exercice d’une activité, ainsi que pour l’abandon d’une participation au bénéfice ou de la perspective de pareille participation, à condition qu’en cas de réalisation les recettes provenant de l’activité ou de la participation eussent fait partie d’un revenu net passible de l’impôt ».
Il résulte de l’économie des articles 11, alinéas 1 et 2, et 132 (1) 4 LIR que tant l’indemnité au sens de l’article 11, alinéa 1 LIR que le dédit au sens de l’article 11 alinéa 2 LIR constituent une recette de substitution versée en remplacement d’autres recettes.
Le dédit au sens de l’article 11 alinéa 2 est destiné à compenser le dommage découlant de la non-perception des revenus qu’aurait produits dans le futur l’activité à l’abandon ou au non-
exercice de laquelle le contribuable s’est engagé pour le futur, de manière à compenser des « pertes de recettes essuyées par la suppression de certaines sources de revenus 4» et à présenter ainsi un certain caractère indemnitaire.
4 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, commentaire des articles, ad article 14 (actuellement article 11) doc.
parl. 5714, p.12) 15Cette exigence du caractère substitutif est par ailleurs posée d’une manière analogue en droit allemand sur base de la disposition correspondante du paragraphe 24, 1. de la loi sur l’impôt sur le revenu allemande, ayant conservé une teneur identique à celle de l’article 11 (1) et (2) LIR5.
Plus spécifiquement quant aux recettes que le dédit au sens de l’alinéa 2 de l’article 11 LIR est destiné à remplacer, - même si, tel que relevé par les demandeurs, le commentaire de l’article 14 LIR, devenu par après l’article 11 LIR, cite parmi les indemnités visées par l’alinéa 2 de l’article 14, « le dédit alloué au salarié quittant son emploi » -, il se dégage des documents parlementaires à la base de la LIR et plus particulièrement du commentaire de l’article 158, devenu par après l’article 132 LIR, qu’il faut « que les contribuables aient eu la perspective bien fondée d’entrer en possession des revenus remplacés par l’indemnité ». La qualification de revenu extraordinaire au sens de l’article 132 (1) 4 LIR est dès lors soumise à la condition de l’existence d’une perspective raisonnable de toucher les recettes provenant de l’activité à laquelle il a été renoncé ou qui n’est pas exercée pour que le paiement d’une somme à titre de dédit puisse être mis en relation avec l’abandon ou le non-exercice d’une activité, la preuve afférente incombant au contribuable en ce qui concerne tant le principe du paiement d’un dédit que la relation économique réelle entre le montant alloué à titre de dédit et le quantum des recettes que le dédit est censé remplacer.
En l’espèce, la somme litigieuse a été payée à Monsieur …, en vertu d’une convention de résiliation d’un commun accord des parties signée entre parties, et plus particulièrement sur base de l’article 6 de cette convention en vertu duquel :
« In line with article 4 b) of the amendment of the Employment Contract dated 29 June 2005, the Executive will receive EUR 594,499.- gross as a lump sum termination indemnity (corresponding to 24 months at index 702.29) in full and final settlement of all claims and litigious points arising out of the Employment Contract or its mutual termination. » En vertu de cet article le demandeur a dès lors renoncé par la signature de la convention et en contrepartie du paiement de la somme de ….- euros bruts à toutes revendications et réclamations généralement quelconques en relation avec l’exécution du contrat de travail ou de sa résiliation d’un commun accord des parties. En outre, il a été convenu en vertu de l’article 3 de la convention, que le demandeur, qui a été dispensé de travailler du 1er juin 2010 jusqu’à la fin du contrat de travail fixée d’un commun accord des parties au 30 septembre 2010, continuerait à se voir verser son salaire mensuel brut même s’il devait retrouver un nouvel emploi pendant cette même période.
Au regard des dispositions précitées de la convention, le tribunal est amené à retenir que l’indemnité litigieuse n’est pas à considérer comme un dédit alloué pour l’abandon ou le non-
exercice par le demandeur d’une activité au sens de l’alinéa 2 de l’article 11 LIR. En effet, il se dégage du libellé de la convention que les parties ont expressément convenu le paiement d’une « lump sum termination indemnity in full and final settlement of all claims and litigious points arising out of the Employment Contract or its mutual termination », sans que la convention ne 5 Blümich, EStG-Kommentar, § 24, n°6-s ; Hermann-Heuer-Raupach, EStGKommentar, § 24, Anm. 21-s ; Schmidt, EStG-Kommentar, 17e édit., § 24, n°5-s.
16spécifie que la somme en question se rapporte en réalité à une période postérieure à la fin du contrat fixée contractuellement au 30 septembre 2010 et soit destinée à compenser l’abandon ou le non-exercice de son activité consenti par le demandeur. Au contraire, la somme litigieuse a été accordée à titre d’indemnité pour résiliation d’un commun accord du contrat, en contrepartie de la renonciation par le demandeur à toute réclamation ou revendication en justice en relation avec l’exécution ou la résiliation de son contrat de travail. Cette finalité a encore été réitérée aux points 17 et 23 de la convention. L’objectif du paiement de l’indemnité litigieuse n’est dès lors pas celui de compenser l’abandon ou le non-exercice par le demandeur de son activité, ni d’ailleurs de compenser la renonciation à l’exercice d’une activité auprès d’un autre employeur, mais celui de prévenir toute contestation de la part du demandeur en relation avec l’exécution et la résiliation du contrat de travail.
A titre superfétatoire, le tribunal relève également que le demandeur reste de toute façon en défaut de rapporter la preuve de l’existence d’une relation économique réelle entre le montant alloué à titre de dédit et le quantum des recettes que le dédit est censé remplacer. En effet, il ne résulte ni des termes de la convention signée entre les parties, ni des explications du litismandataire du demandeur, de quelle manière le montant du dédit a été calculé en tenant notamment compte du salaire antérieur du demandeur par rapport à des potentiels revenus d’une activité indépendante ou salariée future qu’il pouvait s’attendre à percevoir sur une période à déterminer, ce d’autant plus qu’il ressort de sa déclaration d’impôt pour l’année 2010 qu’il a commencé à exercer une activité indépendante rémunérée à partir de l’année 2010.
Force est dès lors de constater qu’en l’espèce les demandeurs n’ont fourni aucun élément de nature à établir la relation économique réelle entre le montant prétendument alloué à titre de dédit et le quantum des recettes que le dédit est censé remplacer, de sorte que la qualification de dédit au sens de l’article 11, alinéa 2 LIR ne saurait être retenue.
Dans la mesure où, tel que cela a été retenu ci-avant, l’indemnité litigieuse a été accordée à titre de paiement unique forfaitaire, en contrepartie de la renonciation par le demandeur à son droit de faire valoir des réclamations ou revendications en justice en relation avec l’exécution ou la résiliation de son contrat de travail, sans que les parties n’aient mentionné dans la convention qu’en réalité le forfait est destiné à compenser des pertes de salaire pendant une période bien déterminée ultérieure à la fin du contrat de travail, la somme litigieuse constitue une indemnité bénévole de résiliation, sans pouvoir être qualifiée d’indemnité pour perte ou en lieu et place de recettes au sens de l’alinéa 1er de l’article 11 LIR et partant de revenu extraordinaire. Dès lors, le paiement litigieux n’est pas destiné à remplacer des salaires que le demandeur aurait pu toucher en cas de poursuite du contrat de travail et ainsi compenser la perte de salaire engendrée par la résiliation d’un commun accord des parties tel que le soutiennent les demandeurs.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs sont restés en défaut d’établir que la somme touchée par Monsieur … en vertu de l’article 6 de la convention de résiliation d’un commun accord des parties rentre dans la catégorie des dédits, respectivement dans celle des indemnités visés à l’article 11 alinéas 1er et 2 LIR auquel renvoie l’article 132 (1) 4 LIR.
Au vu de ce qui précède le recours des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.
17Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 2.500.- euros formulée par les demandeurs sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter comme non fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2010 ;
déclare le recours en réformation introduit à titre principal contre la décision directoriale du 28 mars 2012 recevable en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 2.500.- euros formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juin 2013 par:
Marc Sünnen, premier vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Sünnen 18