La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2013 | LUXEMBOURG | N°30466

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2013, 30466


Tribunal administratif N° 30466 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2012 2e chambre Audience publique du 13 juin 2013 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30466 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, a

ssistée de Maître Christian Barando-Bakele, avocat à la Cour, tous les deux inscrits au...

Tribunal administratif N° 30466 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2012 2e chambre Audience publique du 13 juin 2013 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30466 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, assistée de Maître Christian Barando-Bakele, avocat à la Cour, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le … à …. (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à ……, tendant, d’une part, à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation d’une décision du même ministre du 26 mars 2012 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber Hossein, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juin 2013.

Le 31 mars 2011 Monsieur ….., introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-

après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur ….. sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Monsieur ….. fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en date du 29 avril 2011 sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 26 mars 2012, envoyée par lettre recommandée le 27 mars 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur ….. que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée, la même décision comportant l’ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

«J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 31 mars 2011.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de la Police Judiciaire du 31 mars 2011 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 29 avril 2011.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous êtes entré en territoire communautaire en date du 29 mars 2011 par la frontière slovène.

Monsieur ….. il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères que vous souhaiteriez obtenir une protection pour éviter de finir l'exécution d'un jugement militaire. Vous auriez encore un an et demi à faire pour refus de service militaire, ainsi que 11 ans pour la perte de votre arme.

Pour vous expliquer, vous indiquez qu'en 1999, lors des bombardements en Serbie par les forces de l'OTAN, votre père aurait été blessé. Vous dites avoir reçu la permission du Corporel de rendre visite à votre père. Cependant, après votre retour, le juge militaire vous aurait condamné pour insoumission et pour avoir perdu votre arme.

Vous auriez été emprisonné, cependant puisque vous devriez encore mener à terme votre service militaire, on vous aurait laissé sortir après trois mois d'incarcération. Vous en auriez profité pour vous exiler en Bosnie en 2000, où vous auriez vécu quelques années dans un centre de réfugié. Ensuite vous seriez parti pour le Monténégro, où votre séjour n'aurait duré que quelques mois. Par la suite, aux alentours de 2003, vous seriez retourné à ….. et y seriez resté jusqu'en 2006. Selon vos affirmations, votre famille aurait vendu deux locaux de l'entreprise familiale pour vous éviter de faire de la prison. Cependant, environ six mois avant votre deuxième départ pour la Bosnie en 2006, vous auriez quand même reçu une convocation pour vous présenter devant le tribunal (p.8/11). Vous seriez resté deux années en Bosnie.

En mars 2011 vous auriez pris la décision de quitter la Bosnie. Vous auriez soudoyé un fonctionnaire serbe avec la somme de 2.000.- € pour obtenir un passeport valide (p.8/11).

Les 26 et 27 mars vous auriez effectué un trajet en bus jusqu'en Allemagne dans l'espoir de trouver du travail auprès d'une société de toiture. A la gare de Mannheim (Allemagne), vous vous seriez fait dérober. Sans argent, vous auriez croisé un Bosniaque qui vous aurait payé le ticket de train jusqu'au Luxembourg et vous aurait conseillé de faire une demande en obtention du statut de réfugié.

Pour finir, vous ne relevez aucune autre raison sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

Il convient de relever que l'insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur de protection une crainte motivée d'être persécuté dans son pays d'origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinons politiques, ainsi que le prévoit le prédit article 1er § 2, de la section A de la Convention de Genève. La loi modifiée du 5 mai 2006 précise à ce sujet d'ailleurs en son article 31 (2), point e) que peuvent être considérées comme persécution au sens de la Convention de Genève « les poursuites ou sanctions pour refus d'effectuer le service militaire en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d'accomplir des actes relevant des clauses d'exclusion visées à l'article 34 paragraphe (2) ». Il convient également de mettre en exergue que « l'insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié », telle que jugée par le Tribunal administratif en date du 17 février 1997 (9.586C). Force est en outre de constater que la Serbie n'est actuellement engagée dans aucun conflit militaire, extérieur ou intérieur, et qu'aucun conflit n'est actuellement raisonnablement prévisible, de sorte que ni l'insoumission à elle seule, ni l'insoumission pour le motif que vous alléguez, ne sauraient être retenues en tant que raisons justifiant l'octroi de l'asile sollicité.

Par ailleurs, il n'est pas exclu que des raisons matérielles sous-tendent votre demande d'asile, étant donné que vous indiquez vous-même que vous vous seriez rendu en Allemagne pour travailler et non pour fuir une peine d'emprisonnement. Or, des raisons économiques ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique.

Au vu de ce qui précède, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Serbie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2012, Monsieur …..

a fait introduire un recours tendant, d’une part, à l’annulation d’une décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre du 26 mars 2012 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater que, bien que le demandeur ait entendu introduire dans le dispositif de sa requête introductive d’instance un recours en annulation à l’encontre de la « décision du 26 mars 2012 par laquelle le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée », il n’en reste pas moins que la décision déférée du 26 mars 2012 ne comporte pas de telle décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, mais que le refus de la demande de protection internationale est basé sur l’article 19 de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs ladite demande d’annulation est uniquement visée au dispositif de la requête introductive et ne repose sur aucun des motifs contenus dans le corps de la requête introductive. Sur la question de l’opportunité de ce volet du recours soulevée d’office par le tribunal lors de l’audience des plaidoiries, le mandataire de la partie demanderesse a expressément renoncé à cette demande qui ne serait que le résultat d’une erreur matérielle de la requête introductive. Il échet dès lors de donner acte au demandeur qu’il renonce à sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 1) Quant au recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 26 mars 2012 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur ….. fait expliquer qu’il aurait été mobilisé par l’armée serbe pendant la guerre du Kosovo en 1999. Son père ayant été blessé lors d’un bombardement, le demandeur aurait reçu la permission de lui rendre visite. Or, à son retour à la caserne, il aurait été condamné pour insoumission et perte de son arme de service. Après avoir été emprisonné dans un premier temps, il aurait été libéré prématurément pour lui permettre de finir son service militaire. Au lieu de ce faire, le demandeur aurait saisi l’occasion pour se réfugier en Bosnie-Herzégovine. De retour en Serbie en 2006, le demandeur aurait de nouveau été convoqué devant le tribunal militaire, et ce, malgré une tentative d’arrangement d’ordre financier de la part de ses parents. Pour éviter de devoir purger sa peine, il serait alors retourné vivre en Bosnie-Herzégovine, qu’il aurait ensuite quitté pour finalement rejoindre le Luxembourg.

En droit, Monsieur ….. fait plaider que les faits invoqués s’analyseraient en des persécutions mentales et physiques du fait d’une mesure légale discriminatoire au sens de l’article 31 paragraphe (2) point a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

Ces faits seraient suffisamment graves du fait que la condamnation datant de 1999 serait toujours exécutoire à l’heure actuelle.

Pour les mêmes motifs, Monsieur ….. estime, à titre subsidiaire, devoir bénéficier de la protection subsidiaire prévue par la loi du 5 mai 2006, alors qu’il aurait fait l’objet d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’il ne serait pas fondé.

Il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, il ressort des déclarations de Monsieur ….. telles qu’elles ont été actées dans le rapport d’audition du 29 avril 2011, que les faits dont il se plaint ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi du 5 mai 2006.

Force est en effet au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du récit de Monsieur ….. qu’il craindrait avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

En effet, si le refus d’effectuer le service militaire pour éviter de devoir commettre des crimes pourrait le cas échéant être considéré comme une persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, il résulte cependant des propres explications du demandeur qu’il a quitté son service militaire, non par objection de conscience, mais à titre de convenance personnelle, à savoir, pour rendre visite à son père. Il ne ressort pas non plus de ses déclarations qu’il conteste le reproche d’avoir perdu son arme de service. La condamnation de la part du tribunal militaire ne peut dès lors pas être considérée comme persécution au sens de la loi du 5 mai 2006. Il convient également de remarquer que le demandeur s’est réfugié depuis 2006 en Bosnie-Herzégovine, et que, d’après ses propres affirmations, il n’aurait quitté la Bosnie-Herzégovine en 2011 qu’avec le seul objectif de trouver du travail en Allemagne, et, ce ne serait qu’une fois arrivé à la gare de Mannheim, et après qu’on lui aurait dérobé son argent qu’il aurait, sur proposition d’une connaissance, décidé de présenter une demande de protection internationale au Luxembourg.

Ainsi, force est au tribunal de constater que Monsieur ….. est resté en défaut d’établir que les raisons qui l’ont amené à quitter la Serbie procèdent d’une crainte avec raison d’une persécution grave fondée sur un des motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à Monsieur ….. le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existent de bonnes raisons que de telles atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque de faire l’objet d’atteintes graves qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

Or, en l’espèce, force est de constater qu’il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier soumis au tribunal que Monsieur ….. court un risque d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement, au vu des motifs retenus par le tribunal au niveau de l’analyse de la demande du statut de réfugié, les faits dont Monsieur ….. a fait état ne sont pas de nature à conclure, en cas de retour dans son pays d’origine, à un risque d’atteinte grave dans son chef de manière à pouvoir justifier l’octroi de la protection subsidiaire.

Monsieur ….. reste partant en défaut d’établir à suffisance de droit qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, tels que définis à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 respectivement à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et de libertés fondamentales signée à Rome en date du 4 novembre 1950.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

2) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 26 mars 2012 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

A cet égard, Monsieur ….. expose que dans la mesure où il aurait fait valoir une crainte justifiée de persécution sinon d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.

Le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’a priori, il a pu assortir la décision négative d’un ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006. Dès lors, compte tenu des moyens contenus dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait mettre utilement en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

donne acte au demandeur qu’il renonce à son recours en annulation d’une décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 26 mars 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 26 mars 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 13 juin 2013, par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 juin 2013 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30466
Date de la décision : 13/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-06-13;30466 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award