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03/06/2013 | LUXEMBOURG | N°30374

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2013, 30374


Tribunal administratif Numéro 30374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2012 2e chambre Audience publique du 3 juin 2013 Recours formé par Monsieur ….. et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30374 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2012 par Maître Olivier Lang, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi...

Tribunal administratif Numéro 30374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 avril 2012 2e chambre Audience publique du 3 juin 2013 Recours formé par Monsieur ….. et consorts, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30374 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2012 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., né le …. à …. (Kosovo), de son épouse Madame ….., née le …. à …. (Kosovo), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs ….., née le …. à … (Kosovo), ….., née … à …., ….., né le …. à …. et ….., né le ….. à …. (Serbie), ainsi que de leur fille majeure ….., née le … à …., tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à ……., tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 9 mars 2012 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christine Freymuth, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2013.

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Le 3 septembre 2009, Monsieur ….., son épouse Madame ….., agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs ….., ….., ….. et ….., ainsi que leur fille majeure ….., ci-après désignés par les « consorts ….. », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Monsieur ….. fut entendu les 15, 28 septembre 2009, 8 et 13 janvier 2010 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, l’audition de Madame ….. ayant eu lieu les 16 septembre 2009, 5 janvier 2010 et 2 mars 2010.

Par décision du 9 mars 2012, notifiée par lettre recommandée le 12 mars 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts ….. de ce que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 3 septembre 2009.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 15, 16 et 28 septembre 2009, des 5, 8 et 13 janvier 2010 et du 2 mars 2010.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Kosovo le 28 août 2009 en camionnette. Vous seriez venus au Luxembourg demander asile parce qu'il y aurait des gens de votre région. Vous auriez touché le RMG et des allocations familiales au Kosovo ainsi que touché une aide sociale en Serbie. Concernant vos motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, vous déclarez que vous auriez quitté votre pays d'origine à cause de l'insécurité dans votre village. Vous nommez plusieurs événements. En 1999 après le conflit, un proche de vous aurait été tué. En 2000 la maison de votre voisin aurait été miné et des personnes auraient été blessées et une personne tuée. Vous déclarez que les trois ou quatre ans après le conflit, vous auriez seulement pu quitter le village avec une escorte de la KFOR.

Le 31 janvier 2003 l'annexe de votre maison aurait pris feu, événement que vous soulignez par le biais de photos. De même, les fenêtres auraient été volées et une personne inconnue vous aurait demandée de lui donner 10 000.- euros en passant près de votre maison.

En été 2006 vous auriez été touché par une pierre à la tête lorsque vous auriez roulé avec votre tracteur.

Ensuite, en 2008 on aurait tiré avec une arme à feu sur votre épicerie, située à …., et celle-ci aurait été dévalisée deux fois en 2007 et une fois début 2008. Vous dites que personne n'aurait été blessé et que vous n'auriez pas vu qui aurait commis cet acte. Vous auriez déclaré ces actes à la police et celle-ci aurait inspecté votre magasin. Selon vos dires, des inconnus voudraient vous faire peur pour que vous partiez du village. Vous dites ne pas être la seule victime de tels actes.

En août 2009 des jeunes auraient jeté des pierres sur votre épicerie et un de vos enfants, …., aurait été touchée par une pierre sur la poitrine. Ensuite, vous précisez qu'elle aurait aussi été touchée à la tête. Votre fille aurait plusieurs fois consulté un médecin et elle souffrirait de douleurs de tête. Vous indiquez que vous n'auriez pas amené les certificats médicaux au Luxembourg. Néanmoins, vous dites que vous auriez porté plainte en août 2009 auprès de la police et celle-ci vous aurait dit qu'elle ne pourrait rien faire parce que les auteurs seraient des mineurs.

Votre village ne compterait plus qu'une trentaine de familles serbes et les albanais seraient majoritaires dans la commune. Cette situation aurait quand même été le cas déjà avant le conflit.

Vous déclarez que depuis 10 ans, les albanais refuseraient de vous parler et des jeunes serbes de votre village n'auraient pas été pris pour faire partie de la police mixte.

Par ailleurs, vous indiquez que vous ne pourriez pas vous établir en Serbie avec l'aide de votre frère.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique ou groupe défendant les intérêts de personnes.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que les enfants ne pourraient ni se faire soigner, ni aller à l'école, mais vous ne précisez pas pourquoi.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. La situation générale des membres de la minorité ethnique serbe est certes difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Selon la jurisprudence de la Cour administrative une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des traitements discriminatoires.

Il y a d'abord lieu de soulever les événements que vous relevez datant de 1999 à 2006 sont trop éloignés dans le temps pour fonder une demande de protection internationale en septembre 2009. Les faits que vous auriez été touché par une pierre à la tête et que votre maison aurait pris feu sont certes condamnables, mais sont situés trop loin dans le temps pour fonder une demande en obtention d'une demande de protection internationale 10 ans plus tard, à savoir en 2009, d'autant plus que la situation au Kosovo a nettement év[o]lué et s'est améliorée depuis.

La situation ayant régné de 1999 à 2006 n'est plus comparable à celle actuelle de mars 2012. En effet, même le document de I'UNCHR datant de novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ».

Les autres faits dont vous faites état, à savoir les attaques contre vous, votre enfant et votre épicerie sont de même certes condamnables, mais pas d'une gravité telle pour fonder à elles seules une demande en obtention d'une protection internationale. A cela s'ajoute que des personnes albanaises non autrement identifiées ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas de vos rapports d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection. En effet, vous déclarez que vous auriez sollicité les autorités compétentes après chaque incident et que celles-ci ne vous auraient pas refusé d'aide ou assistance. Le fait que les coupables n'auraient pas été trouvés ne saurait être considéré comme un refus ou défaut de protection. Dans ce contexte il y a lieu de soulever que la police est multiethnique au Kosovo. Ainsi, pour la commune de …. il ressort du rapport de l'OSCE de septembre 2009 que: «The Kosovo police station in Gjilan/…. municipality is made up of 223 officers (including 36 Kosovo Serbs and six Kosovo Turks). There are 56 female officers. There are also five EULEX police monitors. Substations are located in the villages of Zhegrë/Žegra and Cërrnicë./….. As for the international military presence, United States KFOR is in charge of the area. The Regional Directorate of Kosovo police and specialized regional units is located in Gjilan/…. town and made up 194 officers (including 17 Kosovo Serbs, seven Kosovo Turks, one Kosovo Bosnian, and one Kosovo Macedonian). There are 35 female officers. There are also eight EULEX police monitors. The regional director of Gjilan/…. Kosovo police region is a Kosovo Bosniak female. Gjilan/Gniilane was one of the first municipalities to introduce ethnically-mixed patrols ». Qui plus est, le rapport le plus récent de I'OSCE de novembre 2011 relève que « The Kosovo police station in Gjilan/…. municipality has 174 police officers; 142 Kosovo Albanians, 25 Kosovo Serbs and seven (7) Kosovo Turks, while 45 are female. One hundred and sixty-two (162) are stationed in Gjilan/…. police station and 13 in the police sub-station in Zhegrë/Žegra village. The regional directorate of Kosovo police and specialized regional units are located in Gjilan/…. town and employ 148 officers including 12 Kosovo Serbs, five (5) Kosovo Turks and two (2) Kosovo Bosniaks; 24 are female. As for the international military presence, the United States KFOR is in charge of the area (source: Kosovo police). » Il y a lieu de soulever que la communauté serbe constitue une majorité numérique dans neuf municipalités, dont celle de …., municipalité à laquelle appartient votre village. Selon ce même rapport « Inter-community relations in the Gjilan/…. region are stable and slightly better than in other parts of Kosovo ».

Ainsi, le rapport de l'OSCE de 2010 établit clairement la situation des institutions et infrastructures de la municipalité de …. et laisse apparaître une représentation importante des membres de la minorité serbe auprès de la police, des infrastructures judiciaires, sociales et sanitaires et le personnel multiethniques des hôpitaux et des centres médicaux. Le rapport prouve ainsi les efforts certains de la municipalité de …. pour rendre toutes les infrastructures accessibles aux serbes et ne pas les discriminer en raison de leur appartenance ethnique : « In the Gjilan/…. region, the participation of Kosovo Serbs in Kosovo institutions has significantly increased since the 2009 edition of the Profiles. (..)The community is, however, also engaged in all Serbia-run institutions. In Gjilan/…., a Kosovo Serb has been appointed as deputy mayor for communities. In Kamenicë/Kamenica, the Kosovo Serb community is small, and very few participated in the local elections. The municipality has, nonetheless, appointed a Kosovo Serb deputy chairperson for communities of the municipal assembly. In the municipalities where Kosovo Serbs reside, they are represented in all established municipal community offices and community committees. The community heads the municipal community office in the three municipalities of Gjilan/…., Kamenicë/Kamenica and Novo Brdo/Novobërdë. ». De même, en date du 20 juin 2007 (N° 22.469) le Tribunal administratif a considéré …. comme une région où les serbes disposent de la liberté de circulation et où ils ont accès à l'enseignement et aux soins de santé. Dans son jugement du 27 août 2008, le Tribunal administratif a jugé qu' « il ne se dégage pas des éléments d'appréciation soumis au tribunal que la situation au Kosovo se soit détériorée pour la minorité serbe après la déclaration d'indépendance du Kosovo. S'il est vrai que des violences ont pu être constatées à la suite de la proclamation d'indépendance, il s'agissait cependant d'incidents isolés et localisés, notamment dans le Nord du Kosovo près de la frontière serbe et à Mitrovica. Dans la région de provenance des demandeurs, à savoir la municipalité de …. la situation semble être restée calme et non marquée par des événements majeurs ». (TA, 27 août 2008, N° 23.751). Notons que dans ce jugement il a été directement fait référence à la municipalité de …., municipalité dont vous seriez originaires.

Il y a également lieu de soulever que le rapport de l'OSCE de septembre 2009 sur votre municipalité d'origine, à savoir Gjilan/…. va dans la même direction que celui d'avril 2008.

Ainsi, en ce qui concerne la composition de la municipalité il y a lieu de rappeler que « The majority are Kosovo Albanians (116,000), followed by a sizeable number of Kosovo Serbs (12,500). (…)There are approximately 40 Kosovo Serb families (approximately 110 family members) in Gjilan/…. town. In 2008, Gjilan/…. was selected as a pilot municipality for the UNDPfunded project titled Return and Reintegration in Kosovo, which foresees the facilitated return of approximately 40 Kosovo Serb and Roma families.[Source: Municipal Return Officer, UNHCR] ». De même, il y a lieu de souligner que les serbes sont représentés dans l'exécutif («The deputy mayor for communities is Mr. Srdjan Jovanovic (Serbian Liberal Party, SLS)» et dans les institutions judiciaires (« There are six judges (Kosovo Albanians) at the district court.

There are eight judges (including one Kosovo Serb) at the municipal court, and five judges (Kosovo Albanians) at the minor offences court. The district prosecution office has four prosecutors (Kosovo Albanians) and the municipal prosecution office has six prosecutors (including one Kosovo Serb) ». De même, il y a lieu de souligner la présence de serbes dans la KPS: « The Kosovo police station in Gjilan/…. municipality is made up of 223 officers (including 36 Kosovo Serbs and six Kosovo Turks). There are 56 female officers. There are also five EULEX police monitors. Substations are located in the villages of Zhegrë/Žegra and Cërrnicë/….. As for the international military presence, United States KFOR is in charge of the area. The Regional Directorate of Kosovo police and specialized regional units is located in Gjilan/…. town and made up 194 officers (including 17 Kosovo Serbs, seven Kosovo Turks, one Kosovo Bosnian, and one Kosovo Macedonian). There are 35 female officers. There are also eight EULEX police monitors. The regional director of Gjilan/…. Kosovo police region is a Kosovo Bosniak female.

Gjilan/…. was one of the first municipalities to introduce ethnically-mixed patrols ».

L'OSCE prouve donc les efforts certains de la municipalité de …. pour rendre toutes les infrastructures accessibles aux serbes et ne pas les discriminer en raison de leur appartenance ethnique.

De manière générale en ce qui concerne la représentation des minorités dans la société kosovare, il y a lieu de citer le rapport du 24 novembre 2008 du Secrétaire Général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo selon lequel les serbes sont bien représentés dans toutes les institutions démocratiques. Selon le rapport du Bundesasylamt autrichien (BAA) de novembre 2009 intitulé « Minderheiten im Kosovo : Die Kosovo-Serben » : « Der multiethnische Charakter der kosovarischen Gesellschaft soll sich laut Angaben in den verschiedensten Verfassungsbestimmungen auch in den öffentlichen Institutionen widerspiegeln.

So gehörten 12% der Angestellten im Rechtssystem ethnischen Minderheiten an, 8% davon der serbischen Gemeinschaft. Auch im Strafvollzug gehörten 14% der Angestellten einer ethnischen Minderheit an, 10% von ihnen der serbischen. lm Bereich der Staatsbediensteten sind derzeit etwa 11,5% auf zentraler und etwa 12% auf lokaler Ebene angestellt. Von den etwa 7.000 Kosovo Police Beamten gehören derzeit etwa 15,5% ethnischen Minderheiten an, wobei etwa 10% davon zu den Kosovo-Serben zu zählen sind. Darüber hinaus werden der serbischen Minderheit und auch den jeweils anderen anerkannten Minderheiten fixe Parlamentssitze in der kosovarischen Versammlung garantiert. So werden etwa den Serben im Parlement, unabhängig von etwaigen Wahlergebnissen zehn Sitze zuerkannt ».

Enfin pour être complet, concernant les écoles de la municipalité le rapport de l’OSCE de septembre 2009 estime que « The education system is clearly divided into schools falling under the Kosovo system (overseen by the ministry of education, science and technology) and schools falling under a parallel system following the Serbian curricula (overseen by the Serbian ministry of education). There are 22 Kosovo-run primary schools with 19,614 students (including 75 Kosovo Turks) and 16 Serbian-run primary schools with approximately 1,700 students (including 90 Roma). There are six Albanian-run secondary schools with 7,108 students (including 31 Kosovo Turks) and eight-run Serbian secondary schools with approximately 900 students (including seven Roma). Public university in Prishtinë/Pristina has a branch in Gjilan/…..

[Source: municipal department of education and municipal community office) ». De même, le rapport de l’OSCE de novembre 2011 soulève également que «There are 29 primary schools with 16,795 pupils (16,333 Kosovo Albanians: 337 Kosovo Serbs: 65 Kosovo Turks; and 60 Kosovo Roma) and 1,097 teachers (including 112 Kosovo Serbs and 24 Kosovo Turks); eight (8) secondary schools with 8,349 students (including 438 Kosovo Serbs; 29 Kosovo Turks and 12 Kosovo Roma) and 506 teachers (includinq 56 Kosovo Serbs and five (5) Kosovo Turks); and four (4) kindergarten (three (3) Kosovo Albanian and one (1) Kosovo Serb) with 332 children (includinq 46 Kosovo Serbs) and 32 teachers (includinq four (4) Kosovo Serbs). A branch of the public university in Prishtinë/Pristina and two (2) private colleges are also based in Gjilan/….

municipality (source: municipal directorate of education). ». Il n'est donc pas établi que vos enfants n'auraient pas le droit d'aller à l'école.

Madame, vous dites que vos enfants ne pourraient pas se faire soigner au Kosovo. Or, il y a lieu de souligner qu'il ressort du rapport de mai 2006 de l'OSCE « The Regional Hospital is based in …., and has 5 departments with a total of 430 beds. The Hospital employs 540 staff members (incl. two Kosovo Turks and one Kosovo Serb). In addition there is a Health Centre with 326 staff members (251 Kosovo Albanian, 60 Kosovo Serbs, 11 Turks and 2 Roma), that provide primary and secondary services to the population through a network of 12 Ambulantas and 17 smaller clinics. There are two psychiatric institutions (so called Protected House and Daily Care). Four 'Ambulantas' are located in Kosovo Serb villages, but for secondary medical treatments many Kosovo Serbs prefer to travel to Serbia proper ». De même, selon le rapport municipal sur …. d'avril 2008 de l'OSCE «The Regional Hospital is based in Gjilan/…. and maintains 538 staff members. There is a municipal Health Centre with 326 Kosovo Albanian, Serb, Turk, and Roma staff providing primary and secondary services through a network of 13 ambulantas and 18 smaller clinics. For secondary treatment, many Kosovo Serbs prefer to travel to Serbia proper or Gračanica/Graçanica and Mitrovica/Mitrovicë. The municipality also has two psychiatric institutions. [Source: Municipal Department of Health and Municipal Community Office]».

Selon le rapport du Humanitarian Law Center (HLC) de Pristina « Health services provided by hospitals and clinics, are under the control of the Kosovo Government are used by all ethnic communities except Serbs, who use health services in the parallel health centres controlled by the Government of Serbia. Besides Serbs, members of other ethnic communities, such as Roma and Gorani, also use Serbian healthcare centres. They do so because, if they have healthcare insurance, the services at a Serbian healthcare institution are free of charge. In contrast, in Albanian healthcare institutions patients have to pay additional fees for healthcare services even if they have medical insurance. HLC-Kosovo notes that the number of Serbs using healthcare institutions that are under the jurisdiction of the Kosovo Government is increasing.

This did not change after the declaration of independence ». De même, le rapport indique que « Serbs generally access health care services in Serbian outpatient clinics or, in case of major need, they go to Serbian hospitals in Gračanica /Graçanicë, Laplje Selo/Laplaselle, North Mitrovica/Mitrovicë, or to hospitals in Serbia. (…)Serbs from Gjilan/…. and the village of Srpski Babuš/Babushi i Sërbve sometimes in case of emergency go to hospitals in Gjilan/…. or Ferizaj/Uroševac. They claim that they were properly treated there and that they spoke with doctors in their own mother tongue ».

Par ailleurs, il y a lieu de citer le passage du rapport de I'OSCE de septembre 2009 en ce qui concerne les institutions médicales et l'accès des serbes à celles-ci : « The regional hospital is based in Gjilan/…. and maintains 538 staff members. There are 318 employees [Kosovo Albanian (269), Kosovo Serb (36), Kosovo Turk (10), and others (3)] providing primary services through a network of one main and 17 smaller family medicine centres, and 15 family medicine clinics. For secondary treatment, many Kosovo Serbs prefer to travel outside Kosovo or Gracanica/Graçanicë and Mitrovica/Mitrovicë. The municipality also has two psychiatric institutions. [Source: municipal department of health and community office] ». Aussi, le rapport de l'OSCE de novembre 2011 constate que « The primary health care system includes one (1) main municipal family health centre, 12 municipal family health centers and ten (10) health houses. The municipal health sector has 334 employees, 282 Kosovo Albanians, 39 Kosovo Serbs, ten (10) Kosovo Turks, and three (3) others. In addition Gjilan/…. also has a regional hospital located in town and employs 538 staff members; 531 Kosovo Albanians, five (5) Kosovo Turks, one (1) Kosovo Serb and one (1) Kosovo Bosniak Access: All communities have access to health care and facilities. However, many Kosovo Serbs travel to Graçanica/Gračanicë and Mitrovica/Mitrovicë municipalities, or out of Kosovo, for secondary health care services (source:

municipal directorate of health). ».

Enfin, il y a également lieu de souligner le paragraphe « Gesundheitsversorgung » du rapport du Bundesasylamt autrichien (BAA) de novembre 2009 selon lequel « Die gleiche Politik der „überdimensionalen" Versorgung der Kosovo-Serben durch Belgrad, wird auch auf dem Gesundheitssektor verfolgt. Dies führte zur Errichtung von überdimensionierten Kliniken sogar in kleineren Dörfem. Die Anstellung in diesen Kliniken erfolgt oft über familiäre oder politische Verbindungen, Vorfälle von Korruption kommen dabei immer wieder vor. Serbische medizinische Einrichtungen müssen jedenfalls unbedingt besser und grösser sein als vergleichbare kosovarische. Die aus jugoslawischen Zeiten stammende dreistufige Gesundheitsversorgung, bestehend aus Regionalspitälern, Gesundheitszentren und Ambulanzen wurde in den kosovo -

serbischen Siedlungsgebieten beibehalten. Die beiden grössten medizinischen Zentren befinden sich Mitrovica - Nord und in Gracanica, ein beeindruckendes medizinisches Zentrum befindet sich auch in Strpce. Alle diese medizinischen Einrichtungen werden ausschliesslich mit kosovo-

serbischem Personal betrieben. Selbst bei medizinischen Notfällen werden eher die Spitäler in Kosovska Mitrovica oder gar in Nis (Serbien) aufgesucht als die Universitätsklinik in Pristina oder andere kosovarische Einrichtungen ».

Force est donc de constater qu'à …. le personnel des hôpitaux et des centres médicaux est multiethnique et que l'accès aux soins est garanti pour toutes les ethnies et minorités.

La situation des minorités est donc devenue plus stable. En règle générale, celles-ci ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Plus particulièrement, les serbes commencent à bénéficier de la liberté de mouvement. S'il est vrai que leur situation économique est encore peu favorable dans les villes, ils ont accès à l'enseignement et aux soins de santé. De même, en ce qui concerne l'indépendance du Kosovo, les positions radicalement opposées des serbes et albanais sur la question engendrent certes une certaine tension au niveau politique.

Cependant, les rapports de l'UNMIK continuent de constater une diminution considérable des crimes susceptibles d'avoir été motivés par des considérations ethniques et une amélioration constante de la situation sécuritaire en général. Même le document de l'UNCHR du 9 novembre 2009 dresse le constat d'une amélioration de la sécurité au Kosovo, avec une diminution des crimes à l'encontre des membres des communautés minoritaires. Comme déjà cité il estime que « since the March 2004 attacks, which targeted Kosovo Serbs, Roma and Ashkali there have not been serious incidents of violence reported against minorities on that scale ». Malgré le fait que quelques problèmes persistent les autorités kosovares ont fait des efforts « to ensure respect for human rights ».

Il y a lieu de citer le rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo du 10 juin 2009: « Dans l'ensemble, la situation en matière de sécurité au Kosovo est demeurée relativement calme. Toutefois, une série d'incidents se sont produits à Kroi i Vitakut/Brdjani, dans la partie nord de Mitrovicë/Mitrovica, où d'anciens résidents albanais du Kosovo ont commencé, malgré l'opposition de résidents serbes, à reconstruire leurs maisons qui avaient été détruites en 1999». De même le dialogue entre les autorités kosovares et de Belgrade a réussi de dessiner quelques succès supplémentaires. Ainsi selon le rapport « Des progrès ont été accomplis sur la voie d'un accord et de l'adoption de solutions dans le domaine de la protection du patrimoine culturel serbe au Kosovo. En avril et mai, des experts de la MINUK se sont entretenus avec les principales parties prenantes, dont des organisations internationales qui s'occupent de cette question, en vue de trouver une formule de coopération acceptable pour les autorités de Belgrade et de Pristina et l'Église orthodoxe serbe.

En ce qui concerne le secteur de la justice, des représentants de la MINUK et d'EULEX ont rencontré, le 8 avril, des autorités serbes à Belgrade. Les discussions ont porté sur les éléments d'une feuille de route relative à la réaffectation de juges et de procureurs locaux au tribunal de Mitrovica. On a enregistré quelques progrès dans la constitution d'une commission formée de cadres locaux, chargée d'inventorier les dossiers en instance au tribunal, en guise de mesure de confiance. Par ailleurs, des représentants de la MINUK ont poursuivi les consultations avec les responsables politiques serbes des municipalités du nord sur la normalisation du fonctionnement du système judiciaire dans le nord du Kosovo. En attendant, des juges et des procureurs d'EULEX traitent les affaires urgentes du tribunal de Mitrovica ».

Le rapport continue en estimant que « Si de nombreux Serbes du Kosovo rejettent l'autorité des institutions du Kosovo issues de la « Constitution de la République du Kosovo », à l'instar du Gouvernement de Belgrade, ils sont de plus en plus nombreux à demander des cartes d'identité, des permis de conduire et d'autres pièces officielles du Kosovo et à signer des contrats avec la Compagnie d'électricité du Kosovo afin de faciliter leur existence quotidienne au Kosovo ». Or, « La réticence des Serbes du Kosovo à entretenir des relations avec les autorités du Kosovo continue de remettre en question la création des nouvelles municipalités à majorité serbe du Kosovo planifiée par les autorités du Kosovo. En mars 2009, ces dernières ont lancé un processus de constitution d'équipes chargées de mener des travaux préliminaires devant conduire à la création des nouvelles municipalités et annoncé des vacances de poste en vue du recrutement des membres de ces équipes. Certains Serbes du Kosovo ont manifesté le désir de présenter leur candidature, attirés principalement par les salaires qui sont trois fois plus élevés que le salaire moyen au sein de la fonction publique du Kosovo. Dans la perspective des prochaines élections municipales, les autorités du Kosovo ont intensifié leurs appels aux Serbes du Kosovo afin qu'ils participent au processus de décentralisation ».

Toujours selon le même rapport du Secrétaire général « Le nombre de retours librement consentis, constaté en 2009, augmente graduellement, même s'il reste très limité et toujours en deçà des chiffres de 2008. D'après les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 137 membres de communautés déplacés, dont 24 Kosovars, 30 Serbes du Kosovo et 54 Roms, Ashkali et Tziganes, sont rentrés au Kosovo de leur plein gré entre janvier et avril. Au cours de la période considérée, 936 personnes ont été contraintes de rentrer au Kosovo, en provenance de l'Europe occidentale, soit une augmentation de 27,3 % par rapport à 2008, pour la même période. Dans ce groupe 40 personnes appartiennent à des communautés minoritaires ». De même « plus de 660 familles, totalisant 3 100 personnes, ont exprimé le désir de rentrer en 2009. Le Ministère est maintenant plus réceptif aux demandes de retour et mieux outillé pour gérer ces mouvements grâce à la mise au point de sa base de données sur les retours. Le Ministère des communautés et des retours met en oeuvre six projets de retours organisés qui devraient permettre le retour de 143 familles serbes du Kosovo dans les municipalités de Vushtrri/Vučitrn, Prizren, Klinë/Klina, Istog/Istok, Novobërdë/Novo Brdo et Pristina. En outre, en 2009, 23 familles qui sont rentrées ont bénéficié d'une aide à la reconstruction de leur logement, tandis que 45 autres logements devraient être reconstruits avant la fin de l'année dans le cadre d'un programme de retours intitulé « Partenariats durables pour l'aide au retour des minorités au Kosovo » (Sustainable Partnerships for Assistance to Minority Returns in Kosovo), administré par le PNUD et financé par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et le Ministère des communautés et des retours. Par ailleurs, 180 autres familles bénéficieront d'une aide au retour dans le cadre du projet intitulé « Retour et réintégration au Kosovo » (Return and Reintegration to Kosovo), financé conjointement par la Commission européenne, le Ministère des communautés et des retours et le PNUD. Une centième famille serbe du Kosovo est revenue dans la ville de Klinë/Klina depuis les premiers retours urbains enregistrés au Kosovo en février 2005 ».

Citons à nouveau le rapport du Bundesasylamt allemand (BAA) de novembre 2009 selon lequel « Die Sicherheitslage im Kosovo hat sich trotz einiger Zwischenfälle in den serbischen Gebieten als stabil erwiesen. Mit einem offenen Aufflammen von kriegerischen Auseinandersetzungen ist derzeit nicht zu rechnen ». De même ce rapport estime que « Trotz vieler gegenteiliger Behauptungen haben sich jedoch die demokratischen Strukturen gefestigt, der Staat ist fähig, exekutive Aufgaben durchzuführen und auch durchzusetzen. Mittlerweile steigt das Vertrauen der Bevölkerung in die staatlichen Institutionen wieder, das zu einem relativ entspannten Klima in grossen Teilen des Landes beiträgt. Allerdings bleiben einige Problembereiche bestehen, besonders z.B. im Justizwesen, auf dem Gebiet der Korruption und der organisierten Kriminalität und in der wirtschaftlichen Entwicklung ».

En ce qui concerne la jurisprudence dans la matière, il y a lieu de citer un jugement du Tribunal administratif numéro de rôle 25136 du 7 mai 2009: « Au regard de ces conclusions du prédit rapport (rapport de la commission européenne du 5 novembre 2008), qui résulte d'une analyse de la situation au Kosovo suite à la déclaration d'indépendance, prenant également en compte la manière selon laquelle les nouvelles mesures législatives des autorités kosovares sont appliquées, le tribunal arrive à la conclusion que l'évolution de la situation sécuritaire au Kosovo depuis la déclaration d'indépendance est nettement dans le sens de l'amélioration, même si l'absence d'incident majeur à origine ethnique notée dans ledit rapport n'empêche pas qu'il subsiste certaines tensions sur le terrain. » Même, si des efforts restent à faire notamment en ce qui concerne la sécurité au Nord du Kosovo (région dont vous n'êtes pas originaire), l'efficacité du système judiciaire, la participation des serbes dans les institutions kosovares étant donné que ces derniers restent plus attirés par les institutions parallèles serbes et la consolidation de la situation des minorités ethniques et de leurs droits, le constat indéniable d'une évolution positive au Kosovo, également reconnu par les cours et tribunaux administratifs ne saurait être mis en cause.

Selon un arrêt de la Cour administrative du 28 avril 2009 sous le numéro de rôle 24892C qui retient que : « Par rapport à la demande de protection internationale prise en ses volets du statut de réfugié et du statut de la protection subsidiaire, la Cour a autorisé les parties à prendre position sur la situation actuelle au Kosovo - entrevue à la fois d'un point de vue général et du point de vue particulier de la minorité serbe - en ce qu'elle conditionne tant, au niveau de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, la subsistance d'une crainte justifiée de subir des persécutions à l'heure actuelle et la question de l'existence de bonnes raisons, au sens de l'article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, permettant de conclure que les persécutions éventuellement subies dans le passé par les appelants ne se reproduiront plus qu'au niveau de la demande en obtention du statut de la protection subsidiaire, la subsistance d'un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de ladite loi.

Or, concernant la situation générale du Kosovo et, en particulier, celle de ses minorités, la Cour a constaté, sur base de rapports et de documents largement identiques ou similaires à ceux invoqués en l'espèce, dans des arrêts récents (v. notamment Cour adm. 18 décembre 2008, n° 24853C du rôle, disponible sur http://www.ia.etat.lu 24853C.doc ; 31 mars 2009, n° 25279C du rôle, disponible sur http://www.ia.etat.lu/25279C.doc) que s'il est vrai que la situation sécuritaire actuelle au Kosovo en général et celle des minorités ethniques, dont la minorité serbe, en particulier demeure difficile, elle n'est cependant pas telle que tout membre d'une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des risques de mauvais traitements.

Au contraire, les autorités nationales, en coopération avec l'Union européenne, déploient de sérieux efforts pour instaurer et consolider l'Etat de droit et protéger de manière efficace les minorités ethniques. S'il est vrai que les institutions du Kosovo ne répondent pas aux standards d'une démocratie occidentale ayant fait ses preuves, il importe en revanche de souligner qu'il existe une réelle volonté de se conformer aux standards de l'Union européenne et que la collaboration avec les institutions européennes est acceptée voire recherchée par les autorités kosovares.

Dans une matière comme le respect des droits de l'homme qui dépend très étroitement de l'évolution de la situation politique dans un pays et est de ce chef sujette à de constantes fluctuations, il y a lieu de porter un regard particulier aux tendances — positives ou négatives — qui se dessinent au vu de l'évolution la plus récente. Or, dans le cas du Kosovo, l'évolution est nettement dans le sens de l'amélioration. Dans ce contexte, il est particulièrement important de noter que les incidents motivés par des raisons ethniques ont fortement diminué en 2008 voire ont disparu.

Il y a lieu d'ajouter qu'outre les autorités kosovares et communautaires, des forces internationales veillent au maintien de l'ordre, la MINUK orientant même désormais ses principaux efforts vers des minorités non albanaises.

Eu égard à ces éléments, la situation générale actuelle au Kosovo n'est pas telle que les personnes qui y résident, y compris celles appartenant à des minorités ethniques, devraient craindre de la part des autorités des traitements inhumains et dégradants. Elles ne sont pareillement pas fondées à admettre que les autorités en place ne seraient ni disposées, ni capables de les protéger contre des violations de leurs droits de la part de groupes de la population ou d'individus non étatiques.

Eu égard à cette conclusion dégagée par rapport à la situation générale au Kosovo et retenue déjà à l'égard d'autres membres de la communauté serbe originaires de la municipalité de …. (cf. Cour adm. 18 décembre 2008, n° 24853C du rôle, prévisé), la Cour est amenée à retenir que les appelants ne sauraient valablement se prévaloir, en raison de la seule situation générale au Kosovo, de la subsistance d'une crainte justifiée de subir des persécutions à l'heure actuelle ou de l'absence de bonnes raisons, au sens de l'article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, permettant de conclure que les persécutions éventuellement subies dans le passé ne se reproduiront plus, tout comme ils ne peuvent légitimement invoquer, au niveau de la demande en obtention du statut de la protection subsidiaire, la subsistance d'un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de ladite loi.

Si suivant la toile de fond ainsi retenue concernant la situation actuelle au Kosovo, l'absence de craintes de persécution dans le chef des minorités ethniques et plus particulièrement des Serbes au Kosovo est à retenir en règle générale, cette conclusion n'empêche cependant pas la vérification d'éléments de fait à établir dans le cas particulier allant dans le sens d'une crainte de persécution justifiée.

Cependant, les faits avancés par les intimés, tenant à des insultes et intimidations, à des restrictions à leur liberté de mouvement, deux agressions par des Albanais et la perte de l'enfant de Madame …, se situent tous dans le cadre de la situation générale après la guerre au Kosovo et des difficultés de cohabitation entre les différentes ethnies au Kosovo, dont le rapport de l'UNHCR de juin 2006, invoqué par les intimés et mis à la base de son appréciation de la situation actuelle par le tribunal, est encore le reflet, mais ces faits ne tiennent pas à des qualités ou d'autres éléments particuliers aux intimés qui seraient encore de nature à les exposer à l'heure actuelle à un risque réel de persécutions ou à un risque concret de subir des atteintes graves au sens de l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 nonobstant l'évolution favorable de la situation générale depuis le rapport susvisé de l'UNHCR retenue ci-avant.

Il s'ensuit que, sur base des développements qui précèdent et de l'évaluation de la situation suivant la documentation la plus récente, la Cour ne partage pas les conclusions du tribunal concernant les risques de persécution auxquels les intimés, en tant que membres de la minorité serbe, seraient exposés actuellement. » Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Kosovo ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2012, les consorts …..

ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 9 mars 2012, par laquelle ils se sont vus refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard l’ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs déclarent être originaires du Kosovo, y appartenir à la minorité ethnique serbe et avoir habité dans le village de …., commune de …..

Ils déclarent que dès le début du conflit au Kosovo en 1999, ils auraient fait l’objet de nombreuses insultes, de provocations et de menaces de mort de la part d’Albanais. Des proches des demandeurs auraient été tués, le parrain du demandeur en 1999 et leurs voisins, deux adultes et un enfant en 2000. Durant la même période, plusieurs terrains des demandeurs auraient été incendiés par des Albanais. En 2003, des inconnus auraient encore mis le feu à l’annexe de leur maison, en 2006, le demandeur aurait été touché à la tête par des pierres jetées sur lui par des Albanais, alors qu’il aurait été en train de conduire un tracteur ; en 2008, des personnes inconnues auraient tiré sur lui, alors qu’il se serait trouvé dans son épicerie, étant encore relevé que cette dernière aurait été cambriolée à trois reprises depuis son ouverture en 2006 par des personnes inconnues. La même année, la fille des demandeurs aurait été blessée par des jets de pierre en jouant dans la cour de leur maison. Finalement en 2009, des tuiles auraient été volées du toit de la maison des demandeurs. Les demandeurs auraient fait appel aux autorités policières kosovares pour ces différents faits, aucune suite n’ayant cependant été réservée à leurs plaintes.

En droit, les demandeurs soulignent que le ministre n’aurait pas mis en doute la crédibilité de leur récit.

Ils font ensuite valoir qu’il appartiendrait au ministre d’apprécier leur situation individuelle dans le contexte général de leur pays d’origine dans lequel elle s’inscrirait, conformément à l’article 26 (3), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, et non pas, tel qu’indiqué par le ministre dans sa décision litigieuse, de faire dépendre l’analyse de leur demande de protection internationale principalement de leur situation individuelle particulière.

Ils reprochent encore au ministre d’avoir apprécié les faits personnels par rapport à des faits concernant leur pays d’origine, qui, soit ne seraient pas pertinents, soit ne correspondraient pas à la réalité. A cet égard, ils soutiennent que les conclusions du rapport de l’UNHCR du 9 novembre 2009 au sujet du Kosovo iraient dans le sens opposé de ce que le ministre a retenu par rapport à la situation générale au Kosovo, tout en soulignant que les membres de la minorité serbe seraient classés dans ledit rapport parmi les « Main Groups at Risk ». Ils font encore valoir que le rapport de l’OSCE intitulé « Community Profile 2010 » auquel le ministre s’est référé contiendrait des passages que le ministre aurait éludé et suivant lesquels les Serbes du Kosovo continueraient à faire l’objet d’attaques contre leur personne. Les demandeurs se réfèrent encore à des passages d’autres rapports internationaux, tel que celui du 24 janvier 2011 « World Report 2011-Kosovo » de l’organisation Human Rights Watch, celui du 7 juillet 2011 du Freedom House intitulé « Freedom in the World 2011-Kosovo », celui du United States Departement of State du 8 avril 2011 intitulé « 2010 Country Reports on Human Rights practice-Kosovo », et enfin un article du 30 janvier 2012, extrait du BLIC online, qui feraient tous état d’une très mauvaise situation sécuritaire des membres de la minorité serbe du Kosovo.

En guise de conclusion, les demandeurs soutiennent que ce serait cette situation sécuritaire extrêmement difficile et préoccupante des membres de la minorité serbe au Kosovo qui aurait dû être prise en compte dans le cadre de l’examen individuel de leur demande.

Quant à l’évaluation individuelle de leur demande, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir violé l’article 26 (3) c) de la loi du 5 mai 2006 imposant au ministre de prendre en compte notamment les facteurs comme leur passé, alors que le ministre aurait décidé que les faits survenus entre 1999 et 2006 seraient trop éloignés dans le temps pour fonder leur demande à l’heure actuelle. Dans ce contexte, les demandeurs invoquent la présomption de l’article 26 (4) de la même loi, tout en soulignant que ce qui s’était passé entre 1999 et 2006 serait parfaitement susceptible de se reproduire actuellement dans le contexte sécuritaire décrit par eux. Ces faits de 1999 à 2006 ne pourraient dès lors être exclus de l’appréciation du ministre, d’autant plus que ces éléments permettraient encore de comprendre l’élément subjectif de leur crainte de persécution.

Les demandeurs soutiennent encore qu’en s’attachant exclusivement aux faits relatés après 2006, le ministre se serait empêché de faire une correcte application de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 au regard de l’évaluation de la gravité des faits.

Les demandeurs font ensuite valoir qu’ils rempliraient les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique en soutenant que les actes de persécution dont ils feraient l’objet constitueraient des violences physiques et morales au sens de l’article 31 (2) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne les motifs de persécution, les demandeurs soulignent que les faits dont ils font état seraient motivés par leur appartenance à la minorité serbe du Kosovo, ce qui constituerait un motif de persécution au sens de l’article 32 (1) a), c) et d) de la loi du 5 mai 2006.

Les demandeurs soutiennent encore que les faits dont ils font état seraient suffisamment graves au sens de l’article 31 de la loi du 5 mai 2006, tant par leur nature, que par leur caractère répété. L’ensemble des actes décrits par eux constituerait encore une accumulation suffisamment grave de diverses mesures, voire des violations graves des droits fondamentaux de l’homme, par renvoi à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». Enfin, les demandeurs font état d’une violation de leur droit à la liberté de circulation garanti par l’article 2 du Protocole n° 4 à la CEDH, dans la mesure où ils ne pourraient pas se déplacer librement au Kosovo.

Les demandeurs contestent d’autre part l’affirmation du ministre qu’une protection puisse leur être offerte, renvoyant à cet égard au fait que leur recours systématique aux autorités policières kosovares pour chaque incident serait, à chaque fois, resté sans suites. Par ailleurs, le fait que la police kosovare est, le cas échéant, multiethnique n’aurait aucune incidence sur l’absence totale de protection dont ils auraient d’ores et déjà fait l’expérience. Ils soutiennent en substance qu’en l’espèce, ils ne pourraient bénéficier d’aucune protection de la part des autorités du Kosovo contre les actes de persécution dont ils font état, en renvoyant plus particulièrement à un rapport de l’UNHCR « World Report » sur le Kosovo du 22 janvier 2012 qui confirmerait l’état faible et corrompu du système judiciaire kosovare, ainsi que l’échec de l’EULEX pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée au Kosovo. Les demandeurs en concluent qu’il ne pourrait être retenu qu’une protection puisse généralement leur être accordée par l’Etat kosovare, respectivement par les organisations internationales contrôlant une partie du territoire de celui-ci, puisqu’il serait impossible de retenir que le Kosovo prendrait des mesures raisonnables pour empêcher des persécutions dans la mesure où le pays ne disposerait pas d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution. Comme il serait impossible de retenir qu’une protection est généralement accordée au Kosovo, il serait également démontré qu’aucune protection au sens de l’article 28 c) de la loi précitée ne leur serait accordée.

Enfin, les demandeurs s’emparent de la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, en renvoyant aux persécutions d’ores et déjà vécues, en l’occurrence les nombreuses agressions dont ils auraient été victime.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Quant au reproche des demandeurs selon lequel le ministre, en retenant dans sa décision litigieuse que l’octroi de la qualité de réfugié serait conditionnée non seulement par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs, aurait analysé leur situation individuelle sans tenir compte du contexte général dans lequel elle s’inscrit, et ce en violation de l’article 26 (3) a), b) et c), ce moyen laisse d’être fondé, étant donné que le ministre, par une décision longuement motivée, a analysé tant la situation individuelle des demandeurs telle qu’elle s’inscrit dans le cadre de la situation générale régnant actuellement au Kosovo, tout en prenant en considération la situation de la minorité serbe du Kosovo. Le simple fait que le ministre a indiqué dans sa décision que la situation d’un demandeur de protection internationale dépendrait surtout de sa situation particulière, ne permet pas de conclure qu’en l’espèce, le ministre n’aurait pas pris en considération le contexte général dans lequel s’insère la situation individuelle des demandeurs d’asile. Le moyen afférent est partant à rejeter comme non fondé. Quant au reproche que le ministre aurait mal apprécié la situation générale du Kosovo, celui-ci sera examiné ci-après.

Les demandeurs font état de persécutions respectivement de craintes de persécutions de la part d’Albanais à cause de leur origine ethnique serbe. Ainsi, ils invoquent plus particulièrement, premièrement, la mise à feu de leurs terrains, ainsi que d’une annexe de leur maison, deuxièmement, une tentative d’assassinat du demandeur, alors que des personnes inconnues auraient tiré sur lui lorsqu’il se serait trouvé dans son épicerie, troisièmement, le fait que le demandeur et leur fille auraient été blessés par des jets de pierre, et, finalement, le vol de tuiles du toit de leur maison.

Quant à la situation générale prévalant actuellement au Kosovo, force est au tribunal de constater que si les sources citées par les demandeurs font état d’une situation générale qui, nonobstant une certaine amélioration, reste difficile voire préoccupante pour la minorité serbe du Kosovo dont de nombreux membres sont victimes de harcèlements, d’insultes, d’intimidations, voire d’agressions, il ne ressort cependant ni des arguments développés par les demandeurs, ni des éléments versés au dossier administratif que cette situation générale soit telle que tout membre de la minorité serbe peut valablement se prévaloir de raisons de craindre des persécutions du seul fait de cette appartenance ethnique.

Il convient dès lors d’examiner si les demandeurs ont des raisons personnelles de craindre d’être exposés à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006.

Force est tout d’abord de constater que, en ce qui concerne, premièrement, l’incendie tant des terrains que de l’annexe de la maison des demandeurs, deuxièmement, les différents cambriolages de l’épicerie de Monsieur ….., et finalement, la tentative d’assassinat de Monsieur ….., ces faits auraient été perpétrés par des personnes inconnues des demandeurs, de sorte que le tribunal est amené à retenir que les affirmations des demandeurs quant à l’origine albanaise des malfaiteurs sont de simples suppositions non autrement étayées. Il s’ensuit que ces faits ne peuvent pas être considérés comme des actes de persécution fondés sur un des critères de l’article 2) de la loi du 5 mai 2006, mais plutôt comme des infractions de droit commun. Par ailleurs, le fait que les plaintes systématiques des demandeurs, déposées auprès des autorités policières kosovares, suite aux différents incidents, n’aient pas abouti, ne permet pas de conclure à une absence de protection étatique des demandeurs, étant donné que les auteurs des infractions demeuraient, à chaque fois, inconnus des demandeurs. Le tribunal est finalement amené à retenir que les insultes générales, d’une part, ainsi que les jets de pierre ayant blessé tant le demandeur que sa fille, émanant prétendument de personnes d’origine albanaise, d’autre part, sont certes tout à fait condamnables, mais s’analysent en substance en des harcèlements de la part de la population albanaise du Kosovo, lesquels ne sont pas suffisamment graves, malgré leur caractère répété, pour pouvoir retenir dans le chef des demandeurs l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006. En effet, à défaut d’autres éléments permettant de mettre en exergue que ces agissements aient des conséquences rendant la vie des demandeurs subjectivement insupportable dans leur pays d’origine, ces faits n’ont pas le degré de gravité requis pour pouvoir être qualifiés de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté les demandes en obtention du statut de réfugié présentées par les demandeurs comme étant non fondées. Le recours des demandeurs est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de leur accorder le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existent de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque d’être persécuté qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, il y a lieu de constater que le tribunal ne s’est pas vu soumettre de la part des demandeurs des éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre des demandes tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 9 mars 2012 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être annulé.

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à bon droit d’accorder aux demandeurs un statut de protection internationale, de sorte qu’il a également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.

En ordre subsidiaire, ils concluent à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, au motif qu’il violerait de façon autonome tant l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que l’article 3 de la CEDH. Les demandeurs estiment en effet que le champ d’application de ces dispositions serait plus large que celui de l’article 2 c) et e) de la loi du 5 mai 2006. Ils considèrent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas valablement faire état d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans son pays d’origine qui interdirait son éloignement vers ce pays.

Les demandeurs soutiennent que la situation de détresse dans laquelle ils seraient plongés en cas de retour au Kosovo, mêlée au sentiment d’angoisse de subir des mauvais traitements, serait constitutive d’un traitement inhumain et dégradant. Ils soutiennent encore que l’article 3 de la CEDH, combiné à l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008, poserait un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre vaut décision de retour, laquelle est définie par l’article 2. o) de la même loi comme étant la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire.

L’ordre de quitter le territoire y prononcé comporte l’indication du délai pour quitter le territoire ainsi que le pays à destination duquel le demandeur sera renvoyé en cas d’exécution d’office.

Quant à l’incidence de l’article 3 de la CEDH, si ledit article proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé aux demandeurs pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquait de porter atteinte aux droits inscrits à son article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la Convention, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour au Kosovo, le tribunal administratif a conclu ci-avant à l’absence dans le chef des demandeurs de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37, point b) de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte que le tribunal actuellement ne saurait pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH1, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs au Kosovo soit dans ces circonstances incompatibles avec l’article 3 de la CEDH.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 mars 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

1 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

donne acte aux demandeurs qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais ;

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 3 juin 2013 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2013 Le greffier du tribunal administratif 22


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30374
Date de la décision : 03/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-06-03;30374 ?

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