Tribunal administratif Numéro 31691 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 novembre 2012 3e chambre Audience publique du 21 mai 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31691 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2012 par Maître Romain Lancia, avocat à la Cour, assisté de Maître Thibault Chevrier, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 octobre 2012 pour autant qu’elle refuse sa demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2013 ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître Thibault Chevrier déposée au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Thibault Chevrier et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mai 2013.
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Le 8 mai 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations de Monsieur … auprès d’un agent du service de police judiciaire, police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, furent actées dans un rapport daté du 8 mai 2012.
Monsieur … fut entendue en date du 26 juin 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
A cette occasion, il fit état d’un conflit perdurant depuis les années 1990 avec des membres de sa famille. Il exposa que le terrain sur lequel il aurait exploité son commerce appartiendrait à plusieurs membres de sa famille, que le contrat de bail y relatif aurait été conclu au nom de sa mère, que ses oncles réclameraient une part du bénéfice de son commerce sans cependant travailler pour ce commerce, et que l’affaire serait passée devant le tribunal où sa mère aurait obtenu gain de cause. Il indiqua qu’en 2011, ses oncles auraient commencé à le menacer et auraient brûlé son bureau. Il aurait alors déposé plainte et la police aurait mené une enquête. Il mentionna également qu’il aurait été pris en otage le 8 octobre 2011 par des personnes inconnues qu’il soupçonne avoir été envoyées par ses oncles. Il affirma que ces personnes inconnues auraient réclamé une rançon de presque 700.000.000.- dinars, somme qu’il aurait payée, et qu’elles l’auraient menacé de mort s’il retournait à son garage ou s’il déposait plainte. Après sa libération, il aurait signalé son enlèvement à la police, qui aurait mené une enquête, mais il aurait néanmoins décidé de quitter son pays d’origine.
Par décision du 12 octobre 2012, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 23 octobre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … de ce que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée aux motifs que les faits dont il fait état ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne pourraient, à eux seuls, établir dans son chef une crainte fondée d’être persécuté dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève », ainsi que des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006, et lui enjoignit de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le ministre constata que la demande de protection internationale serait motivée par des problèmes d’ordre privé, qu’avant de venir au Luxembourg, il aurait traversé la Turquie, la Grèce, l’Italie, la France et la Belgique sans déposer de demande de protection internationale et que les faits relatés datant des années 1990 seraient trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans l’examen de sa demande de protection internationale. Le ministre releva encore que les incidents survenus en 2011 constitueraient des délits de droit commun et émaneraient de personnes privées et qu’il ne serait pas non plus établi que les autorités algériennes ne pourraient ou ne voudraient pas accorder une protection à Monsieur …, d’autant plus qu’il aurait pu signaler ces incidents à la police et que celle-ci aurait mené une enquête. Le ministre nota également que les invraisemblances contenues dans le récit de Monsieur … concernant plus particulièrement son enlèvement et le montant extrêmement élevé de la rançon réclamée rendraient peu crédibles ses motifs de fuite de son pays d’origine. Le ministre conclut finalement que le demandeur ne ferait pas état de motifs sérieux et avérés de croire qu’il risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2012, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 12 octobre 2012, tout en précisant qu’il limite son recours au volet lui refusant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même acte, portant à son égard l’ordre de quitter le territoire.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir renvoyé à la décision ministérielle déférée en ce qui concerne la description des faits, relève qu’il y aurait lieu de rectifier le montant de la rançon réclamée tel que renseigné dans la décision litigieuse dans la mesure où ladite décision contiendrait manifestement une erreur à ce sujet et qu’il faudrait retenir le montant de 45.000.- euros, correspondant à environ 4.600.000.- dinars algériens, tel qu’il l’aurait d’ailleurs indiqué lors de son entretien.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce.
Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Le demandeur soutient à l’appui de son recours que bien que les incidents dont il fait état ne seraient pas à proprement parler encouragés par les autorités algériennes, ces dernières feraient preuve d’une extrême inertie en ce sens qu’elles n’auraient rien fait suite au dépôt de sa plainte contre les individus ayant mis le feu à son bureau et que les menaces de mort proférées à la suite de son enlèvement auraient nécessité une réaction immédiate sinon très rapide de la part desdites autorités. Il renvoie à un jugement du tribunal administratif ayant dans un cas de vendetta, qui serait assez similaire au sien, accordé à l’intéressé le statut conféré par la protection subsidiaire en raison de l’inertie des autorités en place. Il affirme encore que l’inertie des autorités de police algériennes s’expliquerait par le fait qu’elles seraient corrompues et cite dans ce contexte un rapport d’Amnesty International de 2012. Il en déduit que des atteintes graves pourraient émaner de personnes privées.
Le demandeur affirme en outre que les autorités policières algériennes ne seraient pas connues pour assurer la protection de la population algérienne, dans la mesure où elles seraient « légalement irresponsables », « incritiquables » et « largement corrompues ». Il en déduit que les forces de police algériennes n’auraient pas essayé de manière effective d’empêcher les personnes privées souhaitant le tuer de mettre leur menace à exécution, de sorte qu’il serait exposé à une véritable crainte de se faire tuer dans son pays d’origine.
En ce qui concerne la mise en cause par le ministre de la crédibilité de son récit, tenant plus particulièrement au montant extrêmement élevé de la rançon réclamée, le demandeur fait valoir que s’il était vrai qu’il avait indiqué lors de son entretien que la rançon réclamée se serait élevée à 700.000.000.- dinars, il aurait également précisé que cette somme équivaudrait à 45.000.- euros. Il estime dès lors que le ministre n’aurait pas pu se baser sur cette incohérence qui résulterait d’une simple erreur de conversion pour mettre en cause la crédibilité de son récit. Le ministre aurait ainsi insuffisamment motivé la décision sous examen.
Le demandeur se prévaut encore d’un certificat médical du Dr. …, médecin généraliste, du 25 octobre 2012 attestant que ses pathologies psychologiques trouveraient leur origine dans sa crainte de devoir retourner dans son pays d’origine où il serait menacé.
Il soutient enfin qu’étant donné que le moyen de la partie étatique visant à mettre en cause la crédibilité de son récit serait à écarter, il remplirait par conséquent toutes les conditions prévues par l’article 26 (5) de la loi du 5 mai 2006.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut ainsi au rejet du recours.
En ce qui concerne en premier lieu le moyen fondé sur un défaut de motivation de la décision ministérielle sous analyse, concernant plus particulièrement la mise en cause de la crédibilité du récit du demandeur, l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006 requiert que le ministre doit statuer par une décision motivée (« Le ministre statue sur le bien-fondé de la demande de protection internationale par une décision motivée qui est communiquée par écrit au demandeur.
[…] »).
En l’espèce, au vu de la motivation contenue dans la décision elle-même, complétée encore par les explications apportées par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, le tribunal est amené à retenir que les motifs à la base de la remise en cause de la crédibilité du récit du demandeur ressortent à suffisance de la décision du ministre du 12 octobre 2012 en ce que celui-ci explique que compte tenu du revenu annuel maximal en Algérie, et à défaut d’autres explications fournies par le demandeur, il aurait été impossible à ce dernier de payer la rançon réclamée dans la mesure où il lui aurait fallu 1.765 ans pour épargner une somme d’argent aussi importante, de sorte que la motivation à la base de la décision portant refus de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire est conforme aux exigences de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne le reproche formulé par le demandeur à l’adresse du ministre de ne pas avoir tenu compte d’une erreur de conversion concernant le montant de la rançon réclamée, plutôt que de lui reprocher un défaut de crédibilité de ce fait, force est au tribunal de constater que ce reproche a plutôt trait au bien-fondé de la décision et non à une insuffisance d’indication des motifs.
Le ministre a en effet mis en doute la crédibilité du récit du demandeur en raison des invraisemblances de son récit au sujet de son enlèvement en octobre 2011 et plus particulièrement du montant exorbitant de la rançon réclamée, qui affecteraient la crédibilité du récit en sa totalité.
Lors de son audition, le demandeur a indiqué : « J’ai payé presque 700 millions de Dinars, équivalant à 45000 euros. »1 S’il peut encore être admis, tel que le prétend le demandeur, qu’il ait commis une erreur au niveau de la conversion, c’est à juste titre que la partie étatique fait valoir que l’erreur de 1 Cf. rapport d’audition du demandeur du 26 juin 2012, p.3 conversion peut se situer uniquement au niveau de la conversion de dinars en euros faite par le demandeur, mais non au niveau du montant de la rançon indiqué en dinars, c’est-à-dire de la monnaie du pays d’origine du demandeur. En effet, à défaut de toute explication fournie en ce sens par le demandeur, il est invraisemblable qu’un commerçant commette une erreur au sujet d’une somme d’argent aussi conséquente dans sa monnaie nationale.
Force est dès lors au tribunal de constater, de concert avec le ministre, que le montant de la rançon réclamée de 700.000.000.- dinars est exorbitant dans la mesure où il ressort des explications fournies par la partie étatique, non utilement contestées par le demandeur, que le revenu annuel maximal en Algérie s’élève à environ 396.600.- dinars et qu’il aurait fallu 1.765 ans au demandeur pour épargner une pareille somme d’argent. Les simples affirmations du demandeur qu’il « gagnait bien » sa vie en exploitant son commerce et qu’il aurait même donné les « bijoux » de sa mère pour payer la rançon réclamée2, étayées par aucun élément concret, ne permettent pas d’établir qu’il ait effectivement été en mesure de payer une rançon de 700.000.000.- dinars. Le tribunal est partant amené à retenir comme non crédible le volet du récit du demandeur ayant trait à un enlèvement en octobre 2011. Pour le surplus, à défaut de contestations de la partie étatique, le récit est à retenir comme crédible.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
Aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
2 Cf. rapport d’audition du demandeur du 26 juin 2012, p.3 c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordé par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.
(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 2 e), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits qu’il avance, du risque réel de subir des atteintes graves que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Force est au tribunal de constater que les auteurs des agissements dont le demandeur a fait l’objet sont des personnes privées, en l’occurrence ses oncles, de sorte que la qualification d’atteinte grave ne saurait être retenue que pour autant que le demandeur ait établi que les autorités algériennes ne peuvent ou ne veulent pas lui accorder une protection suffisante, ceci conformément aux dispositions de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.
Or, il ressort du rapport d’audition du demandeur que le conflit l’opposant depuis les années 1990 à ses oncles qui réclament une partie du bénéfice généré par son commerce exploité sur un terrain appartenant à la famille a passé devant un tribunal de son pays d’origine, qui a donné gain de cause à la mère du demandeur, en sa qualité de preneur de bail dudit terrain. En outre, le demandeur a indiqué que suite à l’incendie volontaire de son bureau provoqué par ses oncles en 2011, il aurait déposé plainte et que la police serait venue sur les lieux pour mener une enquête.3 Le tribunal est dès lors amené à retenir que le demandeur a eu accès aussi bien aux autorités judiciaires, qu’aux autorités policières de son pays d’origine, de sorte qu’un défaut de volonté ou une impossibilité des autorités de le protéger contre les agissements de ses oncles ne sont pas établis en l’espèce.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur concernant le fonctionnement défectueux des autorités policières algériennes, et plus particulièrement la corruption de celles-ci, étant donné qu’elles sont contredites par les indications prémentionnées que le demandeur a faites lors de son audition qui témoignent de ce qu’il a eu accès à la justice et que les autorités policières sont intervenues. En ce qui concerne le rapport d’Amnesty International de 2012 dont se prévaut le demandeur, force est au tribunal de constater qu’il en ressort que des manifestations avaient lieu en Algérie pour « dénoncer […] la corruption des autorités », sans que ce rapport contienne des développements relatifs à des cas similaires au cas d’espèce à propos desquels la corruption des autorités policières aurait été rapportée. En outre, il convient de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
En ce qui concerne les problèmes psychologiques dont le demandeur fait état, l’article 37, précité, de la loi du 5 mai 2006 énumère sous ses points a), b) et c) les atteintes graves au sens de cette loi. Force est de constater à cet égard, d’une part, que ledit article 37 se réfère à des traitements ou des sanctions «infligées », tandis que l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Dès lors, une maladie en tant que telle n’est pas susceptible de justifier l’octroi d’une protection subsidiaire.
Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il court le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3 Cf. rapport d’audition du demandeur du 26 juin 2012, p. 3 2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 12 octobre 2012 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision portant refus de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire dans son chef.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre vaut décision de retour, laquelle est définie par l’article 2. o) de la même loi comme étant la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire.
L’ordre de quitter le territoire y prononcé comporte l’indication du délai pour quitter le territoire ainsi que le pays à destination duquel le demandeur sera renvoyé.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a à aucun moment fait état d’une crainte justifiée d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à son encontre.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 12 octobre 2012 portant refus de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais ;
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 21 mai 2013 par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.
Claudine Meili Claude Fellens 9