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16/05/2013 | LUXEMBOURG | N°30941

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2013, 30941


Tribunal administratif N° 30941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 16 mai 2013 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30941 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Co

ur, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le ...

Tribunal administratif N° 30941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2012 2e chambre Audience publique du 16 mai 2013 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30941 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 19 mai 1988 à … (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-… tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 9 juillet 2012 rejetant sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Florie Hubertus, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2013.

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En date du 28 février 2011, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, Monsieur… fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur… fut entendu le 3 mars 2011 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 9 juillet 2012, notifiée par courrier recommandé envoyé le 12 juillet 2012, décision qui annula et remplaça la décision ministérielle du 16 mars 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur… de ce que sa demande avait été rejetée comme non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

«J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 28 février 2011.

En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 28 février 2011 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 3 mars 2011.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Kosovo en date du 27 février 2011 ensemble avec votre fiancée à bord d'une camionnette qui vous aurait emmené au Luxembourg moyennant le paiement de 2000 euros. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du lendemain. Vous n'auriez jamais été en possession d'un passeport.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez né à …/Serbie où vous auriez vécu jusqu'en mai 2010. Vous seriez de nationalité serbe. Vous auriez d'abord vécu chez vos parents à … puis vous auriez habité avec votre fiancée chez vos grands-parents à partir de 2009 environs, et ceci toujours à …. Vos parents n'auraient pas accepté votre fiancée, originaire du Kosovo, raison pour laquelle vous auriez vécu chez vos grands-parents. En mai 2010 vous vous seriez installé avec votre fiancée à … près de Pristina/Kosovo. Les conditions auraient été difficiles chez vos grands-parents, il n'y aurait eu qu'une seule pièce et vous n'auriez pas assez d'argent. Vous auriez travaillé sur des chantiers à ….

Vous auriez quitté le Kosovo le 27 février 2011 parce que vous n'y auriez pas été en sécurité. Vous n'auriez pas pu circuler librement, quitter votre village ou aller dans des villages albanais. Vous faites état d'un incident où un albanais vous aurait couru après.

Vous ne faites pas état d'autres raisons qui vous auraient poussé à quitter le Kosovo. Vous y auriez également travaillé temporairement sur des chantiers chez des voisins.

Vous n'auriez pas voulu retourner en Serbie à …, parce que vous y auriez « retrouvé la même situation ».

Enfin, vous ne seriez pas membre d'un parti politique.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il y a d'abord lieu de soulever qu'il ressort clairement de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que les persécutions ou craintes de persécutions d'un demandeur de protection internationale sont à analyser par rapport au pays dont il possède la nationalité et que la situation du demandeur dans son pays de résidence habituel ne saurait être prise en considération qu'à partir du moment où il ne possède aucune nationalité.

Monsieur, vous dites être de nationalité serbe. Vous seriez né à …/Serbie où vous auriez toujours séjourné jusqu'en mai 2010. Votre demande de protection internationale est donc uniquement à évaluer par rapport à votre situation dans votre pays d'origine qui est la Serbie. Les problèmes que vous auriez rencontrés au Kosovo où pour le surcroit vous n'auriez séjourné que pendant 9 mois ne sauraient donc être pris en considération dans le cadre de votre demande de protection internationale.

En ce qui concerne votre situation en Serbie force est de constater que les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, vous faites état d'un différend que vous auriez eu avec vos parents qui n'auraient pas accepté votre fiancée. Par ailleurs, la situation économique et matérielle serait difficile à …. Or, des problèmes d'ordre privé et familial ainsi que des problèmes économiques ne sauraient fonder une demande en obtention d'une protection internationale car ils ne rentrent pas dans le cadre d'un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951 et par la loi modifiée du 5 mai 2006.

Vous ne faites pas état d'autres problèmes en Serbie. De même, il vous aurait été parfaitement possible de retourner du Kosovo en Serbie. Vous dites vous-même qu'il aurait été possible de faire le voyage en Serbie.

Enfin, en vertu de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection et du règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, la République de Serbie doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève. Cet aspect est d'autant plus conforté par le fait que la Serbie a obtenu en date du 1er mars 2012 le statut de candidat à l'Union européenne. Le constat de pays d'origine sûr n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de votre demande de protection internationale.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la Serbie a aboli la peine capitale pour tous les délits en date du 26 février 2002. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. En s'appuyant sur tous les rapports et jurisprudence cités la situation actuelle en Serbie ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Serbie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner (…)».

Par requête déposée le 25 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif, Monsieur… a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision ministérielle précitée du 9 juillet 2012 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, inscrit dans la même décision.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être introduite contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, de nationalité serbe, fait valoir qu’il aurait dû quitter la Serbie en mai 2010 pour s’installer au Kosovo, étant donné que ses parents n’auraient pas accepté sa fiancée originaire du Kosovo. Au Kosovo, le demandeur affirme, de manière générale, ne pas s’être senti en sécurité et y a avoir été privé de sa liberté de circulation, en faisant encore état d’un incident isolé au cours duquel il aurait été poursuivi par un albanais. Cette situation l’aurait motivé à quitter le Kosovo, ensemble avec sa concubine, pour solliciter la reconnaissance d’un statut de protection internationale au Luxembourg.

Au vu de l’ensemble des développements présentés par le demandeur, celui-ci soutient que le ministre aurait fait une interprétation inexacte des faits de l’espèce. Il estime en effet que ce serait à tort que le ministre n’aurait pas admis que les faits allégués seraient de nature à établir dans son chef une crainte fondée de persécution tant en Serbie qu’au Kosovo du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses convictions politiques.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il y a tout d’abord lieu de relever que la question de savoir si un étranger craint avec raison d'être persécuté doit être examinée par rapport au pays dont celui-ci a la nationalité. En effet tant que l'intéressé n'éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il est possible d'attendre de lui qu'il se prévale de la protection de ce pays1. Etant donné que le demandeur a la nationalité serbe, seuls les faits survenus en Serbie sont pertinents dans le cadre de l’analyse de sa demande de protection internationale. Quand bien-même le départ de Monsieur… de la Serbie aurait été motivé par un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, en l’espèce, l’appartenance raciale ou ethnique, non pas dans son chef, mais éventuellement dans le chef de sa concubine d’origine kosovare ayant engendré des tensions familiales au sein de la famille du demandeur, il y a lieu de constater que ces faits ne sont pas d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, étant encore précisé que le demandeur n’invoque aucun fait concret quant au comportement de ses parents à l’égard de sa fiancée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par le demandeur comme étant non fondée. Le recours du demandeur est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de lui accorder le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

1 trib. adm., 15 décembre 2004, n°18573 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Etrangers, n° 93 et les autres références y citées.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existent de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, il y a lieu de constater que le tribunal ne s’est pas vu soumettre de la part du demandeur des éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre de la demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, le demandeur est resté en défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, la Serbie, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2005 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

En l’espèce, le demandeur se limite à solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, étant donné que la décision ministérielle lui refusant l’octroi de la protection internationale encourrait la réformation.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-

fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 juillet 2012 portant rejet d’un statut de protection internationale à Monsieur… ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 9 juillet 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 16 mai 2013 par le premier juge, en présence du greffier Monique Thill.

s. Monique Thill s. Anne Gosset Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mai 2013 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30941
Date de la décision : 16/05/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-05-16;30941 ?

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