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13/05/2013 | LUXEMBOURG | N°29739

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2013, 29739


Tribunal administratif N° 29739 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2012 1re chambre Audience publique du 13 mai 2013 Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 29739 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2012 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité...

Tribunal administratif N° 29739 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2012 1re chambre Audience publique du 13 mai 2013 Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 29739 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 janvier 2012 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 14 octobre 2011 rejetant sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que sa demande d’un report à l’éloignement, et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2012 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2012 par Maître Pascale PETOUD au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que par Maître Pascale PETOUD et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 octobre 2012.

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Par décision du 8 août 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur …, cette décision ayant été confirmée par un jugement du tribunal administratif du 7 mai 2008 (n° 23665 du rôle) et en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 25 septembre 2008 (n°24486C du rôle).

Par courrier de son précédent mandataire du 9 juillet 2009, Monsieur … sollicita l’obtention d’une tolérance, demande qui fut rejetée par une décision du 27 juillet 2009 du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ci-

après désigné par « le ministre ». Une nouvelle demande de tolérance du 24 décembre 2010 de Monsieur … fut rejetée par décision du 10 janvier 2011 du ministre, décision confirmée le 13 avril 2011 suite au recours gracieux introduit par l’actuel mandataire de Monsieur … le 7 avril 2011. Le second recours gracieux du 3 mai 2011 fut déclaré sans objet par courrier ministériel du 29 juin 2011.

Par courrier de son mandataire du 26 août 2011, Monsieur … fit adresser au ministre une demande tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour pour des raisons privées sur base de l’article 78 (1) c) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », sinon à l’obtention d’un report à l’éloignement sur base de l’article 125 bis de la loi du 29 août 2008.

Par décision du 14 octobre 2011, notifiée par courrier recommandé envoyé le 17 octobre 2011, le ministre refusa de faire droit aux demandes de Monsieur … pour les motifs suivants :

« J'ai l'honneur de me référer à votre courrier du 26 août 2011 dans lequel vous sollicitez une autorisation de séjour pour raisons privées, respectivement un report à l'éloignement pour le compte de votre mandant.

Il y a lieu de rappeler que votre mandant a été définitivement débouté de sa demande de protection internationale depuis le 25 septembre 2008 et qu'il est dans l'obligation de quitter le territoire conformément aux articles 19 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Par décisions du 27 juillet 2009 et 10 janvier 2011 (confirmée le 13 avril 2011) une tolérance a été refusée à votre mandant.

En ce qui concerne votre demande en obtention d'une autorisation de séjour, je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête. En effet, la demande est irrecevable alors que selon l'article 39, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, la demande en obtention d'une autorisation de séjour, introduite par le ressortissant d'un pays tiers auprès du ministre, doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire.

Selon l'article 39, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, le ressortissant de pays tiers séjournant régulièrement sur le territoire pour une période allant jusqu'à trois mois, peut, dans des cas exceptionnels, être autorisé à introduire endéans ce délai auprès du ministre une demande en obtention d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, s'il rapporte la preuve qu'il remplit toutes les conditions exigées pour la catégorie d'autorisation qu'il vise, et si le retour dans son pays d'origine constitue pour lui une charge inique.

Du fait que votre mandant se trouve en séjour irrégulier, qu'il ne prouve ni que toutes les conditions exigées pour la catégorie d'autorisation de séjour qu'il vise soient remplies, ni que le retour dans son pays d'origine constitue une charge inique, il n'est pas autorisé à déposer une demande en obtention d'une autorisation de séjour pour l'une des catégories d'autorisation de séjour fixées à l'article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

Par ailleurs, il y a lieu de signaler que votre mandant ne fait pas état de motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité tels que prévus à l'article 78(3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg. En conséquence, l'autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d'une exceptionnelle gravité est refusée à votre mandant conformément l'article 101, paragraphe (1), point 1. de la du 29 août 2008 précitée.

Étant donné que votre mandant ne remplit pas les conditions fixées à l'article 34 de la loi du 29 août 2008 précitée et qu'il n'est pas en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, son séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

En ce qui concerne votre demande en obtention d'un report à l'éloignement conformément à l'article 125 bis de la loi modifiée du 29 août 2008, cette demande est également rejetée étant donné qu'il n'est pas établi que votre mandant est dans l'impossibilité de quitter le territoire luxembourgeois pour des raisons indépendantes de sa volonté ou qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine, ni se rendre dans aucun autre pays conformément à l'article 129 de la même loi. En effet, il ne ressort pas de votre courrier pour quelles raisons il serait impossible à votre mandant de se rendre au Togo. Comme déjà soulevé dans nos décisions des 27 juillet 2009 et 10 janvier 2011, le fait que votre mandant ait un enfant avec sa partenaire, en procédure d'une protection internationale, ne saurait être considéré comme une raison indépendante de la volonté de votre mandant.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphe (2) c), Monsieur … dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification de la présente pour quitter volontairement le Luxembourg, soit à destination du pays dont il a la nationalité, le Togo, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et il sera éloigné par la contrainte (…) ».

Par requête déposée le 18 janvier 2012 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 14 octobre 2011 portant refus de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, respectivement de sa demande de report à l’éloignement, et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision du 14 octobre 2011.

Concernant la recevabilité du recours, dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », ni la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour et de report à l’éloignement, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Quant au recours subsidiaire en annulation, celui-ci est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, de nationalité togolaise, déclare être arrivé au Luxembourg en tant que demandeur d’asile le 26 août 2005, demande fut définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 25 septembre 2008 (n°24486C du rôle), et affirme être le père de l’enfant …, née le … à Luxembourg, étant précisé que la mère de l’enfant, Madame …, serait également demanderesse d’une protection internationale.

Quant au refus de l’autorisation de séjour Le demandeur fait tout d’abord état d’une violation de l’article 6.4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », au motif que comme l’article 6.4 de ladite directive prévoirait la possibilité pour un Etat membre d’accorder un titre de séjour autonome ou une autorisation conférant un droit de séjour pour motif charitable humanitaire ou autre à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, il y aurait lieu d’écarter l’application de l’article 78 (3) de la loi du 29 août 2008 pour être contraire aux dispositions de l’article 6.4 de la directive 2008/115/CE pour ne prévoir que la notion de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.

Le délégué du gouvernement à son tour fait valoir que la directive ne prévoirait pas une obligation pour les Etats membres de prévoir des autorisations de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres, mais qu’il s’agirait d’une simple faculté.

L’article 6.4 de la directive 2008/115/CE dispose que « à tout moment, les Etats membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour ».

Il y a tout d’abord lieu de rappeler qu’une directive communautaire ne lie les Etats membres destinataires que quant au résultat à atteindre, normalement le rapprochement des différentes législations nationales relatives à une matière donnée, mais elle laisse aux instances nationales la pleine compétence quant au choix des formes et des moyens à utiliser pour atteindre ce résultat1.

Force est encore au tribunal de constater, d’une part, que la directive n’ouvre qu’une faculté pour les Etats membres d’accorder un titre de séjour dans les hypothèses envisagées à l’article 6.4, précité, de sorte que le demandeur ne saurait sur le seul fondement de la directive en tirer une obligation à charge du ministre, et, d’autre part, que la notion de motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité telle que prévue par l’article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008 permet de couvrir la notion de motif charitable ou humanitaire envisagée par la directive, étant précisé que l’article 6.4 de la directive prévoit de manière alternative et non limitative les hypothèses dans lesquelles les Etats-membres peuvent accorder un droit de séjour.

Il s’ensuit qu’une contrariété de l’article 78 de la loi du 29 août 2008 avec l’article 6.4 de la directive 2008/115 CE n’est pas vérifiée, de sorte que le moyen fondé sur une violation de l’article 6.4 de la directive 2008/115/CE est à rejeter comme n’étant pas fondé et qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance.

Le demandeur reproche encore à la décision ministérielle déférée d’être contraire à la convention internationale des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies du 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la convention des droits de l’enfant » et notamment 1 Cour adm., 7 décembre 2000, n°11895C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Lois et règlements, n° 27.

aux articles 3, 9, 10, 16 et 18 de cette convention, dans la mesure où en l’espèce le ministre n’aurait pas pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et aurait, de ce fait, violé le principe de proportionnalité.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen au motif, d’une part, qu’il ne serait pas établi que le ministre aurait omis de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et, d’autre part, que l’enfant du demandeur ne serait pas le destinataire de la décision déférée, mais uniquement le demandeur.

L’article 3 de la convention précitée qui impose à toutes les autorités publiques ou privées de tenir compte dans leurs décisions de l’intérêt supérieur de l’enfant est libellé comme suit « (1) Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (2). Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. (3) Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d'un contrôle approprié ».

Si cette disposition impose effectivement une obligation de moyen à charge des autorités, le libellé essentiellement général, nécessitant une concrétisation de cette obligation n’est cependant pas de nature à imprimer à celle-ci le caractère d’une obligation indépendante dont la violation serait de nature à entraîner per se l’annulation de la décision administrative déférée, mais plutôt la nature d’un principe d’interprétation à respecter lors de l’application d’autres dispositions légales, notamment les autres articles de la même Convention accordant des droits directs à l’enfant2 3.

Quant à l’article 9 de cette même convention invoqué par le demandeur, celui-ci dispose que : « 1. Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant.

2. Dans tous les cas prévus au paragraphe 1, toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues.

2 Voir en ce sens : Thierry Moreau, « Etat des lieux de la réception de la convention relative aux droits de l’enfant dans la jurisprudence belge », in : L’enfant et les relations familiales internationales, Bruylant, 2003, p.12, et les décisions y citées.

3 trib. adm. 23 janvier 2008, n° 23224 et 23426, confirmé en ce point par arrêt de la Cour adm. du 8 juillet 2008, n° 24114C, Pas. adm. 2012, V° Droits de l’Homme, n° 48 et les autres références y citées.

3. Les États parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à intérêt supérieur de l'enfant.

4. Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un État partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort (y compris la mort, quelle qu'en soit la cause, survenue en cours de détention) des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'État partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-

être de l'enfant. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas en elle-même de conséquences fâcheuses pour la personne ou les personnes intéressées. » En vertu de l’article 10 de la convention des droits de l’enfant « 1. Conformément à l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leurs familles.

2. Un enfant dont les parents résident dans des États différents a le droit d'entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents. À cette fin, et conformément à l'obligation incombant aux États parties en vertu du paragraphe 2 de l'article 9, les États parties respectent le droit qu'ont l'enfant et ses parents de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays. Le droit de quitter tout pays ne peut faire l'objet que des restrictions prescrites par la loi qui sont nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et qui sont compatibles avec les autres droits reconnus dans la présente Convention. » En vertu de l’article 16 de la même convention « 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » L’article 18 de la convention précité dispose encore que « 1. Les États parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant.

2. Pour garantir et promouvoir les droits énoncés dans la présente Convention, les États parties accordent l'aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l'enfant dans l'exercice de la responsabilité qui leur incombe d'élever l'enfant et assurent la mise en place d'institutions, d'établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants.

3. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour assurer aux enfants dont les parents travaillent le droit de bénéficier des services et établissements de garde d'enfants pour lesquels ils remplissent les conditions requises. » Il y a tout d’abord lieu de rappeler que le principe de la non-séparation des enfants de leurs parents contre leur gré n'est pas énoncé de façon absolue. L'article 9.1. autorise la séparation, décidée par les autorités compétentes, nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant et l'article 9.4. reconnaît les séparations résultant des mesures étatiques telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort des parents ou de l'un d'eux, voire de l'enfant lui-même. Dès lors, le refus d’une autorisation de séjour légalement pris par un Etat partie ne saurait constituer une séparation prohibée au titre de l'article 9 de la convention précitée.

Force est encore de relever que ces dispositions ne tiennent pas en échec les dispositions légales relatives aux conditions d’entrée et de séjour au Luxembourg, de même qu’elles ne confèrent pas un droit subjectif à un enfant l’autorisant à séjourner dans un pays de son choix4, étant encore précisé qu’en l’espèce le séjour des deux parents au Luxembourg est précaire, étant donné que la mère de l’enfant …, également de nationalité togolaise, est demanderesse d’une protection internationale au Luxembourg.

Le moyen tendant à l’annulation de la décision déférée pour être intervenue en violation de la convention des droits des l’enfant doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Le demandeur invoque finalement une violation de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, ci-après désignée par la « CEDH » au motif que la décision déférée constituerait une ingérence illégale et disproportionnée dans l’exercice du droit à la vie privée et sociale du couple formé par le demandeur, sa concubine et leur enfant, étant donné que le refus de l’octroi de l’autorisation de séjour sollicité par lui impliquerait une rupture pure et simple de leur vie familiale, leur causant un préjudice grave et définitif, et ce d’autant plus que Madame … serait complètement dépendante de lui pour ne parler que la langue éwé.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen au motif que le demandeur ne pourrait se prévaloir de l’existence d’une vie familiale avec Madame … au Luxembourg, étant donné que le demandeur aurait déposé sa demande de protection internationale au Luxembourg en août 2005 et sa concubine qu’en juillet 2010. Il insiste par ailleurs sur le caractère précaire de la présence tant du demandeur que de sa concubine sur le territoire luxembourgeois, le séjour du demandeur étant irrégulier et Madame … étant demanderesse d’une protection internationale.

L’article 8 de la CEDH est libellé comme suit : « 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

4 Par analogie : Cour adm. 10 avril 2008, n° 23943C, Pas. adm. 2012, V° Droits de l’Homme, n°48 et les autres références y citées.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la CEDH ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

L’étendue de l’obligation des Etats contractants d’admettre des non nationaux sur leur territoire dépend de la situation concrète des intéressés mise en balance avec le droit de l’Etat à contrôler l’immigration.

Si à cet égard l’existence d’une vie familiale effective sur le territoire luxembourgeois, susceptible d’être protégée par l’article 8 de la CEDH peut effectivement constituer un éventuel obstacle à la prise d’un arrêté de retour, encore faut-il évaluer la gravité de l’ingérence éventuellement opérée en prenant en considération la situation de séjour concrète des personnes concernées. En effet, si un étranger en situation irrégulière demeurant pendant plusieurs années sur le territoire luxembourgeois et y ayant créé une vie familiale effective, peut certes alléguer qu’une décision de retour constitue une ingérence dans sa vie privée, il n’en reste pas moins que le caractère précaire de sa présence sur le territoire n’est pas sans pertinence dans l’analyse de la conformité de la décision litigieuse avec notamment la condition de proportionnalité inscrite au second paragraphe de l’article 8 de la CEDH, étant entendu que ledit article 8 ne confère pas directement aux étrangers un droit de séjour dans un pays précis.

A cet égard, il y a lieu de relever qu’au regard de la situation essentiellement précaire du séjour tant du demandeur que de sa concubine sur le territoire luxembourgeois et au regard de la courte durée de leur relation – dont ni la réalité, ni l’intensité ne sont d’ailleurs établies -, étant encore précisé qu’il ne ressort pas des pièces soumis au tribunal que le demandeur aurait procédé à une reconnaissance de la paternité de l’enfant …, la décision déférée ne constitue pas une ingérence disproportionnée par les autorités luxembourgeoises dans la vie familiale du demandeur.

Il s’ensuit que le moyen tendant à l’annulation de la décision déférée pour être intervenue en violation de l’article 8 de la CEDH est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par conséquent, le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé en ce qui concerne le refus d’autorisation de séjour opposé au demandeur.

Quant au refus d’un report à l’éloignement A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur estime que les conditions posées par l’article 125bis de la loi du 29 août 2008 seraient remplies dans son chef, de sorte qu’il devrait se voir reconnaître un report à son éloignement, du fait qu’il ne disposerait d’aucun document d’identité qui lui permettrait de retourner dans son pays d’origine voire dans un quelconque autre pays.

En vertu de l’article 125bis (1) de la loi du 29 août 2008 « Si l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire pour des raisons indépendantes de sa volonté ou s’il ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays conformément à l’article 129, le ministre peut reporter l’éloignement de l’étranger pour une durée déterminée selon les circonstances propres à chaque cas et jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation (…) ».

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que le seul fait allégué par le demandeur de ne disposer d’aucun document d’identité et de se trouver par conséquent dans l’impossibilité de solliciter un quelconque document l’autorisant à voyager ne saurait constituer la preuve d’une impossibilité pour le demandeur ni de quitter le territoire national ni de se rendre dans son pays d’origine ou dans un autre pays où il est légalement autorisé à résider, en ce que notamment le demandeur n’a pas établi que la situation dans laquelle il se trouverait rendrait la délivrance d’un quelconque document d’identité impossible dans son chef. Ainsi, comme l’a relevé le délégué du gouvernement, il n’est nullement établi que les autorités togolaises refuseraient de lui délivrer – indépendamment de sa volonté - un laissez-

passer afin de regagner son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le moyen développé par le demandeur dans son recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé par le demandeur à l’appui de ce volet de son recours, celui-ci est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans le dispositif de son recours, le demandeur sollicite encore l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision déférée du 14 octobre 2011, sans cependant formuler un moyen à l’appui de sa demande, de sorte que le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé du volet de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mai 2013 par :

Marc Sünnen, premier vice-président, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Marc Sünnen 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 29739
Date de la décision : 13/05/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-05-13;29739 ?

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