Tribunal administratif N° 29557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2011 2e chambre Audience publique du 6 mai 2013 Recours formé par Monsieur ….., contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29557 du rôle et déposée le 1er décembre 2011 au greffe du tribunal administratif par Monsieur ….., demeurant à …. , tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 octobre 2011 portant rejet de sa demande de remise d’impôts par voie gracieuse ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en sa plaidoirie.
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Par bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année d’imposition …. du …, constituant une version rectificative d’un premier bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à la même année fiscale daté du …., Monsieur ….. et son épouse, Madame ….. furent informés par le bureau d’imposition Luxembourg ….. de l’ajout de leur part de bénéfice dans la société en commandite simple ….. ., dénommée ci-après « la société », par rapport au bulletin de l’impôt sur le revenu initialement émis en date du 8 janvier 2007.
Par courrier adressé aux époux …..-….. par le préposé du bureau d’imposition Luxembourg en date du …., ils furent informés de ce que le bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu de l’année … était justifié en raison de leur quote-part de bénéfice dans la société s’élevant à ….. euros. Par le même courrier ils furent informés qu’au jour du courrier en question, la dette d’impôt y relative s’élevait à …. euros.
Par courrier du …, réceptionné par l’administration des Contributions directes en date du …, Monsieur ….. fit introduire une demande de remise gracieuse d’impôts auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », dans laquelle il admet que « faute de réaction de [leur] part », la société a fait l’objet d’une « imposition forfaitaire sur d’éventuels revenus ou gains de cette société ». Il y exposa encore que ladite société a dû constater un « échec rapide des activités commerciales », de sorte qu’ils auraient dû décider « de fermer la société ». Il se dégage encore dudit courrier qu’un bulletin d’imposition fut envoyé à la société à l’adresse de leur fils ….., dont Monsieur …..
n’a pas eu connaissance et qui resta sans suite à l’époque de sorte que « les possibilités de recours (…) sont aujourd’hui malheureusement caduques ». Monsieur ….. vit dans ce manquement les conséquences de l’état de santé de leur fils chargé, en tant que gérant technique, de la gestion de la société préqualifiée. Il admit encore que le défaut de réaction de sa part mériterait sans doute « une amende », mais il estima que le montant retenu par l’administration était « disproportionné avec la situation vécue de [leur] côté et ses aléas ».
Cette demande fut rejetée comme non fondée par le directeur, par une décision du 24 octobre 2011, référencée sous le numéro …… du rôle, qui est libellée comme suit :
« Vu la demande présentée le …. et la lettre de rappel du …. par le sieur ….., demeurant à ………, ayant pour objet une remise d'impôts par voie gracieuse concernant l'année 2005 ;
Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;
Considérant que le requérant conteste au fond le bulletin d'impôt de l'année …. au motif que le bureau d'imposition compétent a ajouté au revenu imposable, la part lui revenant du bénéfice de la société en commandite simple ;
Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;
Considérant que l'imposition de l'année …. est coulée en force de chose décidée ;
Force est de constater que le moyen invoqué s'analyse en une contestation de la légalité matérielle de l'imposition, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse (cf. T.A.
N°11196 du 27.10.99 et confirmé par C.A. N°11703C du 30.03.2000) ;
Considérant que la demande de remise gracieuse ne doit pas servir à contourner la forclusion attachée au délai en matière contentieuse ou déclencher un réexamen d'office :
Considérant qu'une rigueur subjective ne saurait dans le présent cas être admise, faute de motivation dans ce sens ;
Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;
PAR CES MOTIFS DÉCIDE :
La demande en remise gracieuse est rejetée. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2011, Monsieur ….. a fait introduire un recours contentieux dirigé contre la décision directoriale précitée du …… La requête introductive d’instance ne spécifiant pas si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision déférée, il y a lieu d’admettre, d’après les données de l’espèce, que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridiction de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.
Le tribunal est partant compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une remise gracieuse.
Au vu de ce qui précède, il échet partant de supposer que le demandeur a entendu introduire le recours prévu par la loi, à savoir un recours en réformation contre la décision directoriale précitée du 24 octobre 2011.
Le recours en réformation ainsi introduit est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur se plaint de ce que « les contributions » auraient « taxés » son épouse, son fils ainsi que lui-même au titre de l’année d’imposition …., en raison de « supposés revenus de bénéfices » qu’ils auraient perçus de la société , alors qu’ils n’auraient « jamais compris l’origine [de ces bénéfices] en l’absence de tout revenu de la société ». Il soutient encore avoir procédé à la dissolution de ladite société par la suite.
Il se plaint d’avoir fait l’objet d’une décision de refus à la suite de l’introduction de sa demande gracieuse auprès du directeur, en estimant que cette situation serait « injuste, car non fondée ». Enfin, il soutient que la somme qui lui serait réclamée serait « hors de proportion avec l’absence totale d’activité commerciale de la société ».
Aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».
Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement ratione materiae, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité1.
Une demande de remise gracieuse s’analyse exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte par nature aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette. La fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les délais pour exercer un droit2.
Or, en l’espèce, il ressort des explications et développements fournis par le demandeur, comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement, que par sa demande en remise gracieuse il a entendu attaquer la fixation même du montant de l’impôt dû pour l’année 2005, à défaut d’avoir introduit une réclamation contre le bulletin d’impôt afférent. Or, à défaut d’introduction d’une réclamation dans le délai légal contre ledit bulletin d’impôt voire le bulletin d’établissement en commun du bénéfice commercial relatif à la société dans le délai légal, lesdits bulletins sont actuellement coulés en force de chose décidée. En outre, comme il vient d’être relevé ci-avant, une demande de remise gracieuse ne saurait avoir pour effet d’abolir les délais pour exercer les voies de recours légalement ouvertes contre les bulletins d’impôts précités.
Il découle de ce qui précède que le demandeur a entendu introduire par la demande en remise gracieuse rejetée par la décision directoriale sous examen une réclamation non légalement admissible contre une imposition définitive. La voie de recours ainsi exercée par lui a partant exclusivement pour objet de contester la légalité et le bien-fondé des impositions relatives à l’année … . Or, la procédure choisie actuellement par lui ne saurait avoir pour objet la contestation de la légalité d’une imposition. Il s’ensuit que son recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi délibéré par :
1 cf. trib.adm. 5 mars 1997, n° 9220 du rôle, Pas.adm. 2012, v° Impôts, n°432 et autres références y citées.
2 cf. trib.adm. 17 octobre 2001, n° 13099 du rôle, Pas.adm. 2012, v° Impôts, n°427 et autres références y citées.
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, et lu à l’audience publique du 6 mai 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill p. Carlo Schockweiler emp.
Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mai 2013 Le greffier du tribunal administratif 5