Tribunal administratif Numéro 32327 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 avril 2013 2e chambre Audience publique du 29 avril 2013 Recours formé par Monsieur …., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 32327 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …., déclarant être né le … à … (Algérie), et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 8 avril 2013 prorogeant pour une durée d’un mois son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé en date du 24 avril 2013 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Florie Hubertus, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2013.
Le 22 février 2012, Monsieur …. déposa une demande de protection internationale qui fut refusée par décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », du 26 avril 2012 sur base de l’article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, décision déclarant par ailleurs le séjour de Monsieur …. illégal et lui imposant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Le recours contentieux dirigé contre la décision ministérielle précitée du 26 avril 2012 fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 15 octobre 2012, inscrit sous le numéro 31331 du rôle.
Par arrêté du 12 mars 2013, le ministre prit à l’encontre de Monsieur …. une décision d’interdiction de territoire pour une durée de trois ans, notifiée en mains propres en date du même jour.
Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur …. au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, sur le fondement des articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-
après dénommée « la loi du 29 août 2008 ». Le prédit arrêté, notifié en date du même jour, est fondé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 26 avril 2012 ;
Vu ma décision d’interdiction du territoire du 12 mars 2013 ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2013, Monsieur ….
a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 12 mars 2013.
Par jugement du 4 avril 2013, inscrit sous le numéro 32240 du rôle, le tribunal administratif a déclaré recevable mais non fondé le recours introduit par Monsieur …. contre la décision précitée du 12 mars 2013.
Par arrêté du 8 avril 2013, notifié à l’intéressé en mains propres le 12 avril 2013, le ministre prorogea la mesure de placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification. Ladite décision est libellée comme suit :
« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 12 mars 2013, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 mars 2013 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2013, Monsieur ….
a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 8 avril 2013 portant prorogation de son placement en rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord valoir que la décision ministérielle ne serait pas suffisamment motivée. En effet, l’article 120 de la loi du 29 août 2008 instituerait certes une faculté pour le ministre de placer une personne en rétention, mais n’instaurerait pas une obligation systématique, de sorte qu’il lui appartiendrait de démontrer la nécessité du placement en rétention. Il donne à considérer que le défaut de motivation de la décision déférée le mettrait dans l’impossibilité d’exercer ses droits de la défense, étant donné qu’il ne pourrait pas apprécier la portée juridique de ladite décision.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, dans les seules hypothèses énumérées de manière limitative à l’alinéa 2 dudit article 6. Or, le cas d’espèce ne tombe dans aucune des hypothèses ainsi énumérées, de sorte qu’une violation de l’article 6 alinéa 2 précité ne saurait être retenue. Comme il n’existe en outre aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision administrative, sans demande expresse de l’intéressé, le moyen sous examen doit être rejeté pour ne pas être fondé, étant relevé qu’en ce qui concerne l’existence de motifs se trouvant à la base de la décision sous examen, celle-ci énumère, suivant le libellé de la décision ci-avant citée in extenso, la base juridique, ainsi que les faits sur lesquels le ministre s’est basé en prenant la décision litigieuse, de sorte que le reproche tiré d’un défaut d’existence de motifs doit également être rejeté.
Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir documenté de manière suffisante les démarches qu’il a accomplies en vue d’organiser son éloignement.
Ainsi, la nécessité requise pour ordonner le placement ferait défaut.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
En ce qui concerne les conditions d’une décision portant prorogation d’un placement en rétention, l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Sous la seule condition qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de la part de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut encore être prolongée à deux reprises, chaque fois pour un mois supplémentaire.
Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.
En l’espèce, le ministre a ordonné le placement en rétention du demandeur le 12 mars 2013 et il a prorogé le placement au Centre de rétention par arrêté du 8 avril 2013.
Etant donné que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé, c’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il ressort en l’espèce des éléments soumis au tribunal que le demandeur ne dispose ni de documents d’identité, ni de documents voyage, rendant ainsi nécessaire des démarches de la part des autorités luxembourgeoises en vue de son identification et de l’organisation de son éloignement.
L’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches entreprises en vue de l’identification du demandeur afin d’organiser son éloignement n’ont pas encore abouti.
En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il ressort des pièces versées au dossier que les autorités luxembourgeoises ont adressé un courrier en date du 12 mars 2013, soit le jour même de la notification de la mesure de placement, au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire afin que lesdites autorités procèdent à l’identification du demandeur. Il ressort par ailleurs des pièces versées au dossier administratif, qu’en date du 3 avril 2013 le Vice-consul du Consulat Général d’Algérie à Bruxelles a informé le ministre qu’il avait transmis aux autorités algériennes compétentes la demande d’identification du demandeur et que l’identification de ce dernier serait en cours. Par courrier du 9 avril 2013, le Vice-consul du Consulat Général d’Algérie à Bruxelles a de nouveau informé les autorités luxembourgeoises que l’identification du demandeur serait toujours en cours.
Au regard des diligences ainsi déployées dès le prononcé de la mesure de placement en rétention à l’égard du demandeur et au vue du fait que les autorités luxembourgeoises ont régulièrement été informées par les autorités consulaires algérienne de l’avancement de la procédure d’identification du demandeur, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.
Enfin, le demandeur sollicite, « pour autant que les motivations contenues dans l’arrêté ministériel seraient déclarées suffisantes par le tribunal » qu’acte lui soit donné qu’il « conteste lesdites motivations qui ne correspondent pas à la réalité ».
Le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport à cet argument.
Force est au tribunal de constater que le demandeur se limite à contester les motifs à la base de la décision déférée, sans étayer son moyen ni en fait ni en droit. Dès lors, il convient de retenir qu’un tel moyen, à défaut de toute précision, n’est pas de nature à énerver la régularité de la décision litigieuse, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, n’étant en effet pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le moyen.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Paul Nourissier, juge, Olivier Poos, attaché de justice, et lu à l’audience publique du 29 avril 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
s. Monique Thill s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2013 Le greffier du tribunal administratif 6