Tribunal administratif N° 29715 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2012 2e chambre Audience publique du 29 avril 2013 Recours formé par Monsieur …. et Madame …., contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration et contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures en présence de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications en matière d’établissements classés
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29715 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2012 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …. et de son épouse, Madame …., demeurant ensemble à ….., tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation, d’une part, d’une décision du ministre du Travail de l’Emploi et de l’Immigration du 22 septembre 2011 portant autorisation pour l’installation et l’exploitation d’une station GSM, DCS et UMTS à …., au lieu-dit « …. », …. et, d’autre part, d’une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 28 novembre 2011 portant autorisation d’installer et d’exploiter un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …., au lieu-dit « …. », …. ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Gilles Hoffmann en remplacement de l’huissier de justice Carlos Calvo, demeurant à Luxembourg, du 20 janvier 2012 portant signification de ce recours à l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications, établi à L-2020 Luxembourg, 8A, avenue Monterey, représenté par son comité de direction actuellement en fonction ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le30 janvier 2012 par Maître Georges Krieger , avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications ;
Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif du 15 février 2012, déclarant recevable mais non justifié une requête déposée au greffe du tribunal administratif par Maître Albert Rodesch au nom de Monsieur …. et de Madame …., tendant à une abréviation des délais légaux pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 avril 2012 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2012 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifié, ledit mémoire en réponse ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire des demandeurs en date du même jour ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2012 par Maître Albert Rodesch au nom de Monsieur …. et de son épouse, Madame …., ledit mémoire en réplique ayant été notifié par acte d’avocat à avocat du même jour au mandataire de l’Entreprise des Postes et Télécommunications ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2012 par Maître Georges Krieger au nom de l’Entreprise des Postes et Télécommunications, ledit mémoire en duplique ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et la décision critiquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Rachel Jazbinsek, en remplacement de Maître Albert Rodesch, Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 avril 2013.
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Par arrêté du 22 septembre 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, autorisa, sous réserve de différentes conditions, l’établissement de droit public Entreprise des Postes et Télécommunications, désigné ci-après par « l’EPT », à installer et exploiter d’une station GSM, DCS et UMTS à …., au lieu-dit « …. », …. et plus précisément à installer et exploiter « - un ensemble d’émetteur d’ondes électromagnétiques ayant les puissances suivantes à l’entrée des antennes :
- antenne 1 :
- GSM :42,07W, azimut 75° ; tilt : 0° - antenne 2 :
- GSM :42,07W, azimut 150° ; tilt : -2° - antenne 3 :
- GSM :42,07W, azimut 270° ; tilt : -2° - antenne 4 :
- DCS :24,89W, azimut 75° ; tilt : 0° - UMTS: 22,75W, azimut 75°;
tilt: 0° - antenne 5 :
- DCS :24,89W, azimut 150° ; tilt : 0° - UMTS: 22,75W, azimut 150°; tilt: 0° - antenne 6 :
- DCS :24,89W, azimut 270° ; tilt : 0° - UMTS: 22,75W, azimut 270°; tilt: 0°(…) - des appareils de climatisation d’une puissance frigorifique totale supérieure à 10kW (…) » Par arrêté du 28 novembre 2011, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, autorisa, sous réserve de différentes conditions, l’EPT d’installer et d’exploiter un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …, sur des parcelles inscrites à la section … du cadastre de …., sous le numéro …., au lieu-dit « …. », …..
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2012, Monsieur …. et son épouse, Madame …., propriétaires d’une maison sise à …., à environ 300 mètres du …. sur lequel sont installées les antennes précitées, ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 22 septembre 2011 et du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 28 novembre 2011 autorisant l’EPT d’installer et d’exploiter un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …..
Le tribunal étant compétent par application de l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, désignée ci-après par « la loi du 10 juin 1999 », pour statuer en tant que juge du fond en la présente matière, un recours en réformation a utilement pu être introduit à l’encontre des arrêtés ministériels déférés. Ledit recours en réformation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire.
A l’audience des plaidoiries le tribunal a soulevé d’office la question de la base légale des décisions déférées, eu égard au fait que le règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, désigné ci-après par le « le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 », ainsi que le règlement grand-ducal du 5 mai 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999, sur lesquels sont fondées les décisions déférées et dont l’illégalité est d’ailleurs soulevée en cause par les demandeurs, ont été abrogés par le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 ».
Le litismandataire des demandeurs a répondu que la législation relative à la nomenclature et à la classification des établissements classés serait constamment modifiée. En ce qui concerne plus particulièrement les émetteurs d’ondes électromagnétiques il a soutenu que les dispositions des règlements grand-ducaux abrogés des 16 juillet 1999 et 5 mai 2011 auraient été reprises à l’identique par le règlement grand-ducal du 10 mai 2012.
Ni le délégué du gouvernement ni le litismandataire de l’EPT n’ont pris position quant à la question soulevée d’office par le tribunal à l’audience des plaidoiries.
Dans le cadre d'un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d'y substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s'opère au moment où il est appelé à statuer1.
Dès lors, s’il est vrai que l'autorité administrative compétente, en délivrant une autorisation conditionnelle critiquée, ne peut statuer que sur les éléments de fait et de droit acquis au moment où elle prend sa décision, il n'en reste pas moins qu'eu égard à la cristallisation dans le temps de l'analyse du tribunal, saisi d'un recours de pleine juridiction, force est à la juridiction administrative, dans le cadre du recours en réformation sous examen, de statuer suivant les éléments de fait et de droit présentement acquis2.
1 trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en réformation, n° 15 et autres références y citées.
2 trib. adm. 8 juillet 2002, n° 13600 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Recours en réformation, n° 16 et autres références y citées.
En l’espèce, le tribunal administratif étant saisi d’un recours en réformation, il est amené à apprécier la situation de droit et de fait au moment où il statue. A cet égard, force est de constater, tel que le tribunal vient de le préciser ci-avant, que si les règlements grand-
ducaux du 16 juillet 1999 et du 5 mai 2011 étaient certes en vigueur à la date où les ministres compétents, ont pris les décisions déférées, dans le cadre de leurs attributions respectives, tel n’est plus le cas à la date où le tribunal est amené à statuer, de sorte que la légalité des autorisations déférées s’en trouve affectée.
Toutefois, alors même que le tribunal est saisi en l’espèce d’un recours de pleine juridiction et qu’il doit partant se livrer à un examen du bien-fondé des décisions déférées sous le double aspect de leur légalité et de leur opportunité, avec pouvoir d’y substituer sa propre décision, l’état actuel du dossier sous examen ne lui permet pas de vider ce pouvoir et de statuer au fond. En effet, force est de constater, d’une part, que les ministres compétents dans le cadre de leurs attributions respectives n’ont pas été en mesure d’analyser la demande de l’EPT visant à obtenir une autorisation pour l’installation et l’exploitation d’un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …., à la lumière des dispositions du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 dont l’entrée en vigueur a été postérieure à la date de la prise de décision des autorisations querellées et, d’autre part, que dans le cadre du présent recours les moyens des demandeurs ne sont par définition formulés qu’à l’encontre des décisions déférées en ce qu’elles sont fondées sur le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 tel que modifié par le règlement grand-ducal du 5 mai 2011, dont l’illégalité est soulevée à titre principal par les demandeurs sans que les parties au litige n’aient pris position en détail sur le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 et son incidence sur les décisions litigieuses. Force est dès lors au tribunal de conclure que le dossier lui soumis n’est pas en état d’être jugé à la lumière de la situation juridique prévalant suite à l’abrogation des règlements grand-ducaux des 16 juillet 1999 et 5 mai 2011 et l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 10 mai 2012.
Au vu des considérations qui précèdent et afin de garantir tant dans le chef des demandeurs que dans celui de l’EPT, le double degré de juridictions dans l’hypothèse de la délivrance ou d’un refus éventuels d’autorisations pour l’installation et l’exploitation d’un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …., sur base du règlement grand-ducal du 10 mai 2012, il y a lieu de prononcer l’annulation des décisions déférées et de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, respectivement devant le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures afin qu’ils puissent statuer dans le cadre de leurs attributions respectives eu égard notamment aux dispositions du règlement grand-ducal du 10 mai 2012.
Quant à l’indemnité de procédure d’un montant de … euros sollicitée par les demandeurs, ladite demande est à rejeter étant donné qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie demanderesse.
Enfin, au vue de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …. euros formulée par l’EPT est également à rejeter.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, dans le cadre de la réformation, annule la décision du ministre du Travail de l’Emploi et de l’Immigration du 22 septembre 2011 portant autorisation dans le chef de l’établissement public de l’entreprise des Postes et Télécommunications, pour l’installation et l’exploitation d’une station GSM, DCS et UMTS à …., au lieu-dit « …. », …. ainsi que la décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 28 novembre 2011 portant autorisation, dans le chef de l’établissement public de l’entreprise des Postes et Télécommunications, d’installer et d’exploiter un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques à …., au lieu-dit « …. », …. ;
renvoie le dossier en prosécution de cause au ministre du Travail de l’Emploi et de l’Immigration, ainsi qu’au ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’établissement public de l’entreprise des Postes et Télécommunications ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Françoise Eberhard, vice-président, Anne Gosset, premier juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 29 avril 2013 par le vice-président, en présence du greffier Monique Thill.
Monique Thill Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 avril 2013 Le greffier du tribunal administratif 5