Tribunal administratif N° 32240 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2013 2e chambre Audience publique du 4 avril 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 32240 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2013 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie), et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 mars 2013 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé en date du 29 mars 2013 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Florie Hubertus, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 avril 2013.
Le 22 février 2012, Monsieur … déposa une demande de protection internationale qui fut refusée par décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », du 26 avril 2012 sur base de l’article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, décision déclarant par ailleurs le séjour de Monsieur … illégal et lui imposant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Le recours contentieux dirigé contre la décision ministérielle précitée du 26 avril 2012 fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 15 octobre 2012, numéro 31331 du rôle.
Par arrêté du 12 mars 2013, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une décision d’interdiction de territoire pour une durée de trois ans, notifiée en mains propres en date du même jour.
Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, sur le fondement des articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ». Le prédit arrêté, notifié en date du même jour, est fondé sur les considérations suivantes :
«Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision de retour du 26 avril 2012 ;
Vu ma décision d’interdiction du territoire du 12 mars 2012 ;
Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;
Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 12 mars 2013.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours sous examen dès lors qu’il violerait le prescrit de l’article 1er alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en ce que la requête introductive d’instance ne comprendrait ni l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués ni l’objet de la demande et le relevé des pièces dont le demandeur entend se servir.
Le litismandataire du demandeur rétorque à l’audience des plaidoiries qu’il se rapporte à prudence de justice quant à cette question.
Force est au tribunal de constater que si le recours est certes très succinct et ne contient qu’une argumentation peu étayée en droit, il n’en reste pas moins que le demandeur a soulevé des moyens en droit à l’encontre de la décision déférée. Il y a encore lieu de relever quant au moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement relatif à l’absence d’exposé des faits et de relevé des pièces dont le demandeur entend se servir que les droits de la défense de la partie étatique n’ont pas été lésés et qu’elle a pu utilement organiser sa défense étant entendu qu’au regard du prescrit de l’article 29 de la loi précitée du 21 juin 1999 l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. Le moyen de l’irrecevabilité du recours est à écarter pour ne pas être fondé.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Partant, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord valoir que la décision ministérielle ne serait pas suffisamment motivée. En effet, l’article 120 de la loi du 29 août 2008 instituerait certes une faculté pour le ministre de placer une personne en rétention, mais n’instaurerait pas une obligation systématique, de sorte qu’il lui appartiendrait de démontrer la nécessité du placement en rétention. Il donne à considérer que le défaut de motivation de la décision déférée le mettrait dans l’impossibilité d’exercer ses droits de la défense, étant donné qu’il ne pourrait pas apprécier la portée juridique de ladite décision.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.
En l’espèce, force est au tribunal de constater que le demandeur s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois au-delà du délai lui accordé par le ministre suite au refus de sa demande de protection internationale de sorte que le séjour du demandeur est à qualifier d’irrégulier. Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 111 de la loi du 29 août 2008, le risque de fuite est présumé dans son chef, de sorte que la décision déférée est suffisamment motivée par le constat de la partie étatique, par référence à la décision du 15 octobre 2012 précité contenant un ordre de quitter le territoire, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.
Par ailleurs, le demandeur qui se limite à affirmer qu’il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef et qu’il n’aurait « jamais eu un comportement laissant imaginer qu’il pourrait être amené à fuir le pays », ne soumet au tribunal aucun élément concluant quant à des attaches particulières au Luxembourg susceptible d’établir l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, de sorte que le constat du ministre qu’il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement, n’encourt aucune critique.
Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.
En second lieu, le demandeur reproche au ministre de ne pas documenter de manière suffisante les démarches qu’il a accomplies en vue d’organiser son éloignement. Ainsi, la nécessité requise pour ordonner le placement ferait défaut.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen.
Une décision de placement en rétention s’analysant en une mesure privative de liberté, il incombe aux autorités ministérielles d’organiser avec toutes les diligences requises l’éloignement de l’intéressée afin d’écourter au maximum son placement en rétention. En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause, et notamment du dossier administratif, que les autorités luxembourgeoises ont adressé un courrier en date du 12 mars 2013, soit le jour même de la notification de la mesure de placement, au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire afin que lesdites autorités procèdent à l’identification du demandeur de sorte que le tribunal est amené à conclure que des diligences suffisantes ont été entreprises par les autorités à cet égard.
En outre, si une prorogation d’une mesure de rétention est soumise à la condition qu’elle soit « nécessaire » afin de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien, une première décision de placement en rétention n’est pas soumise à cette condition, de sorte que le moyen afférent laisse d’être pertinent.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non fondé et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Annick Braun, premier juge, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge et lu à l’audience publique du 4 avril 2013 par le premier juge en présence du greffier assumé Claudine Meili.
s. Claudine Meili s. Annick Braun 5