Tribunal administratif N° 29657 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 décembre 2011 3e chambre Audience publique extraordinaire du 22 mars 2013 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’aide au réemploi
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29657 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2011 par Maître Jean-Paul Glauden, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, employée privée, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 28 septembre 2011, retenant qu’elle aurait indûment touché l’aide au réemploi depuis le 1er octobre 2010 pour un montant global net de 5.460,45 euros, somme qu’elle devrait rembourser à la Trésorerie de l’Etat, et, « pour autant que de besoin », à l’annulation d’une décision, ainsi qualifiée, du 1er février 2011 invitant Madame … à prendre position sur le remboursement projeté ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2012 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2012 par Maître Jean-Paul Glauden au nom et pour compte de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jean-Paul Glauden et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 septembre 2012.
Par courrier du 26 octobre 2009, Madame … fut licenciée pour des raisons économiques par la société … avec effet au 31 janvier 2010.
Le 22 février 2010, l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « ADEM », informa Madame … qu’elle a fait droit à sa demande d’indemnisation de chômage complet avec effet au 1er février 2010.
Le 27 septembre 2010, Madame … signa avec la société … un contrat de travail prenant effet le 1er octobre 2010. Le 1er octobre 2010, Madame … demanda auprès de l’ADEM l’octroi de l’aide au réemploi.
Par décision du directeur, ci-après dénommé « le directeur » de l’ADEM du 14 octobre 2010, l’aide au réemploi fut accordée à Madame … à partir du 1er octobre 2010 pour une durée de 48 mois.
Se basant sur un accident de travail survenu en date du 14 juin 2010, et de l’enquête administrative qui s’en est suivie, le directeur informa Madame … en date du 14 décembre 2010 que dans la mesure où elle aurait été nommée sous-gérante pour l’exploitation d’un débit de boissons alcooliques et non-alcooliques, elle aurait indûment touché l’indemnité de chômage, de sorte qu’elle devrait rembourser les sommes touchées.
Le 1er février 2011, le directeur informa Madame … que dans la mesure où elle ne serait pas à qualifier de chômeur indemnisé au 1er octobre 2010, il envisagerait de lui demander le remboursement des sommes touchées au titre de l’aide au réemploi, tout en lui laissant un délai de deux semaines pour présenter ses observations.
Le 28 septembre 2011, le directeur décida que Madame … aurait indûment touché l’aide au réemploi et qu’elle devrait rembourser un montant net de 5.460,45 euros, au motif qu’elle n’était plus chômeur indemnisé au 1er octobre 2010 et qu’elle n’aurait pas répondu aux conditions d’attribution de l’aide au réemploi lors de sa demande.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2011, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du directeur du 28 septembre 2011 ayant déclaré qu’elle n’aurait pas été chômeur indemnisé au 1er octobre 2010 et qu’elle n’aurait pas répondu aux conditions d’attribution de l’aide au réemploi lors de sa demande, de sorte qu’elle devrait rembourser à la Trésorerie de l’Etat, un montant net de 5.460,45 euros et, « pour autant que de besoin », à l’annulation de la décision ainsi qualifiée du directeur du 1er février 2011 l’ayant invitée à présenter ses observations par rapport à la décision qu’il projetait de prendre.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision en matière d’aide au réemploi, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, de sorte que le tribunal est a priori compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre les deux actes déférés.
Cependant, force est au tribunal de constater que l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après dénommée « la loi du 7 novembre 1996 », limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c'est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste.1 L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à 1 Voir TA, 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 1 et les autres références y citées qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte à produire lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame.2 Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elle-même, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision,3 ces dernières échappent au recours contentieux pour ne faire que préparer la décision finale et constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci.4 En l’espèce, par la lettre du 1er février 2011 le directeur s’est limité à informer Madame … qu’il envisagerait de lui retirer le bénéfice de l’aide au réemploi et qu’un remboursement des aides touchées était susceptible d’être demandé, tout en l’invitant à formuler ses observations dans un délai de deux semaines, de sorte que ce courrier ne constitue pas une décision administrative de nature à produire par elle-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de la demanderesse. Partant, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre la lettre du directeur du 1er février 2011.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable pour le surplus.
Tel que relevé ci-avant, la décision du directeur du 28 septembre 2011 est motivée par le constat qu’au 14 octobre 2010, la demanderesse n’était pas à qualifier de chômeur indemnisé conformément à l’article 14 du même règlement grand-ducal, or, au motif que cet article, en ce qu’il prévoit la possibilité d’accorder l’aide au réemploi notamment aux chômeurs indemnisés, ne devraient pas trouver application en vertu de l’article 95 de la Constitution, dans la mesure où ils dépassaient ainsi la portée de la base légale habilitante, à savoir l’article L.631-2, paragraphe (1) point 9 du Code du travail.
Par jugement du 6 octobre 2010, numéro 26526 du rôle, le tribunal administratif a annulé une décision du directeur de l’ADEM ayant refusé, sur base de l’article 15 (1) point 3) du règlement grand-ducal modifié du 17 juin 1994 fixant les modalités et conditions d’attribution : 1. des aides à la mobilité géographique, 2. d’une aide au réemploi, 3. d’une aide à la création d’entreprise, 4. d’une aide à la création d’emplois d’utilité sociaux économiques.
Dès lors, il y a lieu, avant tout autre progrès en cause, d’inviter les parties à prendre position, par un mémoire supplémentaire, sur l’incidence éventuelle de ce jugement sur la solution de la présente affaire.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
2 Voir TA,18 juin 1998, nos 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 27 et les autres références y citées 3 Voir TA,23 juillet 1997, no 9658 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n°10263C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 44 et les autres références y citées 4 Voir CA,22 juin 1998, nos 9646C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2012, V° Actes administratifs, n° 43 et les autres références y citées se déclare incompétent pour connaître du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre la lettre du directeur de l’ADEM du 1er février 2011 ;
reçoit le recours en annulation en la forme pour le surplus ;
au fond, avant tout autre progrès en cause, invite la partie demanderesse à déposer un mémoire supplémentaire sur la question de l’incidence éventuelle sur la présente affaire de la solution retenue par le tribunal administratif dans le jugement du 6 octobre 2010, numéro 26526 du rôle, à déposer au greffe du tribunal administratif pour le 19 avril 2013 au plus tard ;
invite la partie étatique à déposer un mémoire supplémentaire sur la question de l’incidence éventuelle sur la présente affaire de la solution retenue par le tribunal administratif dans le jugement du 6 octobre 2010, numéro 26526 du rôle, à déposer au greffe du tribunal administratif pour le 17 mai 2013 au plus tard ;
fixe l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique de la troisième chambre du 22 mai 2013, à 9 :00 heures ;
sursoit à statuer pour le surplus ;
réserve les frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 22 mars 2013, de 17.00 heures, par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.
s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22/3/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 4