Tribunal administratif N° 29077 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 septembre 2011 3e chambre Audience publique du 19 mars 2013 Recours formé par Monsieur … contre une décision du Gouvernement en conseil en matière de traitement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le n° 29077 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2011 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, garde-forestier, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du Gouvernement en conseil du Grand-Duché de Luxembourg du 26 novembre 2010 lui allouant une indemnité spéciale forfaitaire de 5 % de la rémunération de l’agent remplaçant ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2011 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie Bauler et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mai 2012, lors de laquelle l’affaire fut refixée pour continuation des débats au 27 juin 2012 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire ainsi que Maître Jean-
Marie Bauler et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 juin 2012, lors de laquelle l’affaire fut refixée pour continuation des débats au 24 octobre 2012 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire ainsi que Maître Jean-
Marie Bauler et de Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 octobre 2012.
Monsieur …, préposé-forestier, assuma, outre sa fonction normale, celle de remplacement d’un collègue et sollicita à cet égard l’allocation d’une indemnité spéciale pour remplacement temporaire et/ou cumul d’un emploi vacant sur base de l’article 23 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommée « la loi du 16 avril 1979 ».
Par décision du 14 octobre 2005, le Gouvernement en conseil a fait droit à cette demande, en lui allouant une indemnité forfaitaire.
Un premier recours contentieux dirigé contre un acte pris dans le cadre du présent dossier fut déclaré irrecevable par un jugement du tribunal administratif du 16 mai 2007 et confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du 4 décembre 2007.
Un deuxième recours contentieux fut déclaré fondé par jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2009 par lequel la décision du Gouvernement en conseil du 14 novembre 2005 fut annulée pour défaut de motifs.
Par décision du 26 novembre 2010, le Gouvernement en conseil alloua à Monsieur … une indemnité forfaitaire de 5% du traitement de l’agent remplaçant.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 septembre 2011, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision du Gouvernement en conseil du 26 novembre 2010, précitée.
Une indemnité spéciale au sens de l’article 23 de la loi du 16 avril 1979 étant constitutive d’un accessoire au traitement des fonctionnaires de l’Etat, le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l’article 26 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires, ci-après « la loi du 16 avril 1979 », pour connaître du recours principal en réformation, qui, par ailleurs, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche en substance à la décision déférée qu’elle pêcherait par une absence de motivation et qu’elle ne tiendrait pas compte de la durée, de la fréquence ainsi que de la difficulté de la mission assignée.
Il sollicite ainsi qu’il lui soit alloué principalement une indemnité mensuelle de 1.115,52 € pour la période à prendre en considération et subsidiairement une indemnité de 55 points indiciaires sur une base d’allocations mensuelles.
Le délégué du gouvernement estime que l’indemnité forfaitaire de 5% correspondrait au montant octroyé à des bénéficiaires qui se seraient trouvés dans le passé dans une situation analogue, mais admet que la commission des cumuls aurait considéré que les éléments recueillis auprès du ministère de l’Environnement et auprès de l’administration des Eaux et Forêts ne lui auraient pas permis de dégager la durée des travaux, la fréquence des séances, le nombre de cas à traiter ou encore la nécessité de travaux préparatoires et leur degré de difficulté.
Aux termes de l’article 23 de la loi du 16 avril 1979 : « 1. Une indemnité spéciale peut être allouée, s’il s’agit d’un service ou d’un travail extraordinaire, justement qualifié et nettement caractérisé comme tel, tant par sa nature que par les conditions dans lesquelles il est fourni, ou si un fonctionnaire est appelé à remplir temporairement des fonctions supérieures en traitement ou à cumuler toutes au partie d’un emploi vacant.
Dans ce dernier cas, le taux de l’indemnité ne pourra excéder au total le chiffre du traitement minimum attaché à l’emploi vacant, lors même que celui-ci serait cumulé concurremment ou successivement par plusieurs fonctionnaires.
De même, si un fonctionnaire est appelé à faire un service ou un travail qu’un autre devrait ou aurait dû faire, il peut en être indemnisé. […] » Au terme de l’article 3 (2) du règlement grand-ducal du 13 avril 1984 déterminant les conditions et les modalités de l’allocation de l’indemnité spéciale prévues à l’article 23 de la loi du 16 avril 1979, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 13 avril 1984 » : « En vue de se prononcer tant sur l’opportunité que sur le montant éventuel de l’indemnité spéciale à allouer, l’administration tient compte notamment :
[…] c) de la durée des travaux, de la fréquence des séances, du nombre de cas à traiter, ainsi que de la nécessité de travaux préparatoires ;
d) du degré de difficulté de la mission assignée. […] ».
Force est au tribunal de constater qu’il aurait dès lors appartenu au Gouvernement en conseil de fixer l’indemnité spéciale en fonction des critères énumérés ci-avant.
Or, tel que relevé par la commission des cumuls dans une réunion du 11 novembre 2010, et malgré l’insistance du premier ministre, l’administration compétente est dans l’impossibilité de fournir plus de détails permettant au Gouvernement en conseil de déterminer l’indemnité spéciale à allouer aux préposés forestiers en fonction des critères de l’article 3 (2) du règlement grand-ducal du 13 avril 1984.
Dans la mesure où lesdits critères imposent une évaluation individuelle et à défaut d’éléments objectifs lui soumis, le tribunal n’est pas en mesure de retracer la motivation ayant conduit le Gouvernement en conseil à allouer au demandeur l’indemnité forfaitaire critiqué, malgré le complément de motivation présenté par le délégué du gouvernement au cours de la phase contentieuse.
S’il est exact qu’un défaut de motivation persistant au cours de la phase contentieuse se solde en principe par l’annulation de l’acte déféré, il y a lieu de considérer néanmoins qu’en l’espèce, étant donné que le tribunal administratif, tel que relevé ci-avant, avait par jugement du 18 novembre 2009, déjà annulé une décision précédente dans ce même dossier pour défaut de motivation, et au vu de l’impossibilité manifeste de la part de la partie étatique de motiver plus en détail l’indemnité allouée au demandeur, il y a lieu, à défaut de contestation de la part de la partie étatique quant au principe et quant au montant à cet égard, de se fier à la déclaration sur l’honneur versée par le demandeur.
Partant, par réformation de la décision du Gouvernement en conseil déférée, le tribunal conclut que l’indemnité à allouer au demandeur est à fixer en fonction des heures que le demandeur, dans sa déclaration sur l’honneur versée en cause, atteste avoir prestées.
Au vu de l’issu du litige, il y lieu de faire partiellement droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure et d’allouer au demandeur ex aequo bono une indemnité de procédure de 250.- euro.
Par ces motifs le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare fondé ;
partant, par réformation de la décision du Gouvernement en conseil du 26 novembre 2010, dit que l’indemnité spéciale à allouer à Monsieur …est à calculer sur base des heures qu’il atteste, dans sa déclaration sur l’honneur, avoir prestées ;
condamne l’Etat à payer au demandeur une indemnité de procédure de 250 euros ;
dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Andrée Gindt, juge, Alexandra Castegnaro, juge et lu à l’audience publique du 19 mars 2013 par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.
s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20/3/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 4