La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2013 | LUXEMBOURG | N°32004

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 février 2013, 32004


Tribunal administratif N° 32004 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 janvier 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 8 février 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32004 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2013 par Maître Ardavan Fa

tholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif N° 32004 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 janvier 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 8 février 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32004 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2013 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Iran), de nationalité iranienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 25 janvier 2013 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé en date du 31 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 février 2013.

Le 25 janvier 2013, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale au motif qu’il se trouva en séjour irrégulier au pays. Il ressort à cet égard d’un rapport de la police grand-ducale du 25 janvier 2013 que Monsieur … a été appréhendé à plusieurs reprises depuis le 17 octobre 2011 et qu’il était en possession d’un permis de conduire français ainsi que d’un permis de séjour français périmé l’identifiant comme réfugié politique.

Par arrêté du 25 janvier 2013, le ministre prit à l’encontre de Monsieur …une décision de retour notifiée en mains propres en date du même jour.

Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « la ministre », ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, sur le fondement des articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ». Le prédit arrêté, notifié le 25 janvier 2013, est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 25 janvier 2013 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il y a un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2013, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 25 janvier 2013.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le ministre n’aurait pas dû recourir aux articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, étant donné qu’il aurait pu procéder à son refoulement vers la France en application de l’Arrangement entre les gouvernements du Royaume des Pays-Bas, du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, d’une part, et le gouvernement de la République française, d’autre part, concernant la prise en charge de personnes aux frontières communes entre les territoires des Etats du Benelux et de la France, signé à Paris le 16 avril 1964.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

S’il est exact qu’aux termes de l’article 9 de l’Arrangement entre les gouvernements du Royaume des Pays-Bas, du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, d’une part, et le gouvernement de la République française, d’autre part, concernant la prise en charge des personnes aux frontières communes entre le territoire des Etats du Benelux et de la France du 16 avril 1964, la France s’est engagée à reprendre les personnes résidant habituellement en France, mais provenant d’un Etat tiers qui sont entrées légalement sur le territoire des Etats du Benelux, il n’en reste pas moins que cette obligation ne saurait naître à l’encontre d’une personne dont l’identité n’est pas établie moyennant une pièce d’identité. En l’espèce, les seules pièces que le demandeur a pu montrer à cet égard, sont un permis de conduire français ainsi qu’un permis de séjour français périmé, de sorte que l’identité du demandeur n’a pas pu être établie avec certitude sur base des pièces précitées. Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Le demandeur fait valoir en second lieu qu’aucune circonstance n’empêcherait le ministre de l’éloigner vers la France, de sorte qu’il n’existerait en l’espèce aucune impossibilité matérielle du refoulement du requérant vers la France.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] » En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

Force est au tribunal de constater, tel que relevé ci-avant, que le demandeur est démuni d’une pièce d’identité, de sorte que le ministre était dans l’obligation, avant de pouvoir procéder à l’éloignement du demandeur, d’établir son identité et de demander sa réadmission aux autorités françaises. Ainsi, dans la mesure où le ministre était dans l’obligation de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement en vu d’obtention d’un accord de réadmission, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Finalement, le demandeur estime que les diligences entreprises par l’autorité ministérielle seraient insuffisantes afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Il ressort des pièces versées en cause et notamment du dossier administratif qu’en date du 25 janvier 2013, c'est-à-dire au jour de l’appréhension du demandeur, les autorités ministérielles ont saisi le centre de coopération policière et douanière d’une demande de renseignement.

S’il est exact, qu’à l’audience des plaidoiries du 6 février 2013, sur question afférente du tribunal, le délégué du gouvernement a déclaré que depuis le 25 janvier 2013 aucune autre diligence n’a été entreprise par les autorités luxembourgeoises, le tribunal est néanmoins amené à constater, d’un côté, que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et, de l’autre côté, que le seul fait que le dossier administratif ne documente pas d’autres diligences depuis le 25 janvier 2013, à savoir depuis 12 jours, n’est pas de nature à conclure que le ministre n’organise pas l’éloignement avec la diligence requise. A cet égard, le tribunal est encore amené à relever que la décision déférée constitue la première décision ordonnant le placement du demandeur au centre de rétention et qu’un minimum de temps doit être accordé aux autorités afin d’organiser, en coopération avec les autorités étrangères, l’éloignement de l’intéressé.

Partant, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens invoqués que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 8 février 2013, de 11.00 heures, par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.

s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8/2/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 32004
Date de la décision : 08/02/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-02-08;32004 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award