Tribunal administratif N° 31807 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2012 3e chambre Audience publique du 30 janvier 2013 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31807 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie), et de son épouse Madame …, née le … à … (Serbie), agissant tant en leur nom personnel ainsi qu’au nom de leurs enfants mineurs …, né le … à … et …, né le … à …, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 28 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2013 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber Hussein, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 janvier 2013.
En date du 22 octobre 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
En date du 23 novembre 2012, Monsieur … et Madame … furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale. A cette occasion, ils ont fait état de difficultés financières et de mauvaises conditions de vie en Serbie. Ils ont déclaré que Monsieur … aurait souvent reçu son salaire avec beaucoup de retard et que son épouse aurait été licenciée sans raison.
Par une décision du 28 novembre 2012, notifiée aux intéressés par lettre recommandée envoyée en date du 3 décembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. La décision du ministre est motivée par la considération que les motifs invoqués seraient d’ordre économique ne répondant à aucun des critères de fond de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et ne tombant partant pas dans le champ d’application de ladite Convention. Il a encore retenu que les difficultés avec leur employeur dont font état les consorts … constitueraient des actes émanant de personnes privées et ne seraient par ailleurs pas suffisamment graves pour justifier une demande de protection internationale. Enfin, les faits avancés ne permettraient pas de conclure à l’existence d’un risque réel de subir des atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2012, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 28 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leur demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
A l’appui de leur recours, les demandeurs, originaires de Serbie, font état d’actes discriminatoires commis à leur encontre, le demandeur n’ayant perçu son salaire qu’avec grand retard, sans que ses plaintes aient été prises au sérieux par son employeur, et la demanderesse ayant été licenciée sans raison valable et sans respect des règles élémentaires de protection du salarié. Face à cette situation et face aux difficultés financières auxquelles ils auraient été confrontés, ils auraient quitté leur pays d’origine.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 28 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision du ministre. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.
A l’appui de ce volet de la requête, les demandeurs soutiennent que ce serait à tort que le ministre aurait appliqué la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, en faisant valoir que contrairement à l’avis du ministre, ils auraient soulevé des faits pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions pour bénéficier de la protection internationale. Ils reprochent au ministre de ne pas avoir analysé si leurs problèmes ont eu des implications telles qu’ils ne peuvent plus vivre en Serbie. Ils auraient été obligés de quitter leur pays d’origine en raison d’actes discriminatoires commis à leur encontre, sans que l’Etat serbe ait été en mesure de leur accorder une protection. Tout en admettant que la Serbie figure sur la liste des pays d’origine sûrs, ils font valoir que ce constat devrait faire l’objet d’une évaluation régulière. Ils soutiennent que la Serbie ne constituerait pas un pays d’origine sûr par rapport à leur situation particulière.
Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :
« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause qu’en vertu du règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, la Serbie figure sur la liste des pays sûrs établie par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, précité.
En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité serbe et ont résidé en Serbie avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.
Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, en tout état de cause, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006 et des moyens invoqués, de vérifier si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.
L’analyse de la situation personnelle décrite par les demandeurs à l’appui de leur recours ne permet cependant pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle. En effet, la seule affirmation qu’ils ne pourraient obtenir aucune protection des autorités de leur pays d’origine contre les difficultés rencontrées avec leur employeur, à défaut d’autres précisions et à défaut d’avoir recherché cette protection, n’est pas de nature à faire admettre un tel défaut de protection et de conclure que dans le chef des demandeurs la Serbie n’est pas à considérer comme constituant un pays d’origine sûr.
Il suit des considérations qui précèdent que les demandeurs n’invoquent pas des faits démontrant que la Serbie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans leur chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de leur situation concrète, a conclu qu’ils sont originaires d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit statué sur leur demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.
Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du 28 novembre 2012 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de ce volet de la requête, les demandeurs reprochent au ministre une interprétation erronée des faits, tout en faisant valoir que les actes discriminatoires subis par eux seraient suffisamment graves pour pouvoir être qualifiés de persécutions.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut partant au rejet du recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :
a) l’Etat, ou b) des parties ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.
(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que les difficultés dont font état les demandeurs trouvent leur origine dans un des motifs de persécution énoncés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. Au contraire, au regard des déclarations des demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les explications fournies à l’appui du présent recours, le constat s’impose que les difficultés dont ils font état sont de nature purement économique, de sorte que les faits ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 2 c), précité.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs, la condition tenant au lien des faits avec un des motifs de persécution définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 n’étant pas remplie.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 e), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate que les demandeurs n’ont pas invoqué des moyens spécifiques à l’appui de ce volet du recours, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’ils basent leur recours sur les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Il convient de relever que les auteurs des actes dont se plaignent les demandeurs sont des personnes privées, en l’occurrence leur employeur. Dès lors, tel que cela a été relevé ci-
avant, ce dernier ne peut être qualifié d’acteur d’atteintes graves au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2008 que sous la condition que les entités définies à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne veulent ou ne peuvent pas accorder aux demandeurs une protection adéquate. Or, en l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que les demandeurs aient recherché la protection de leur pays d’origine contre les traitements dont ils ont fait l’objet de la part de leur employeur, en saisissant les instances judiciaires compétentes. Or, à défaut d’avoir au moins essayé de rechercher la protection des autorités de leur pays d’origine et à défaut d’autres explications, le tribunal ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir un défaut de protection de la part des autorités serbes ou encore permettant de justifier le défaut par les demandeurs de rechercher l’aide des autorités de leur pays d’origine.
L’auteur des actes dont se prévalent les demandeurs ne pouvant être qualifié d’acteur d’atteintes graves au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 28 novembre 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de leur accorder une protection internationale.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
A défaut d’autres moyens soulevés par les demandeurs, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à leur égard.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 28 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 28 novembre 2012 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 novembre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 30 janvier 2013 par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.
s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30/1/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 9