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25/01/2013 | LUXEMBOURG | N°31953

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 janvier 2013, 31953


Tribunal administratif Numéro 31953 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 25 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31953 du rôle et déposée le 17 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Perrine

Lauricella-Mophou, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb...

Tribunal administratif Numéro 31953 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 janvier 2013 3e chambre Audience publique extraordinaire du 25 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31953 du rôle et déposée le 17 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Perrine Lauricella-Mophou, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le …, et être de nationalité tanzanienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 27 décembre 2012 ayant ordonné la prolongation de son placement au Centre rétention pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Betty Sandt en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 janvier 2013.

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En date du 2 septembre 2012, Monsieur …, déclarant être né le 3 février 1994 et être de nationalité tanzanienne, fut intercepté à l’aéroport de Luxembourg au moment de son embarquement sur un vol à destination de Londres en possession d’un faux passeport britannique émis au nom de …, né le … à ….

Par arrêté du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé le « ministre », après avoir constaté que Monsieur … se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, la Tanzanie, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, aux motifs qu’il n’était en possession ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité et qu’il n’était pas non plus en possession ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail, en constatant encore qu’il existait un risque de fuite dans son chef.

Par un deuxième arrêté du même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, sur le fondement des articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Ledit arrêté est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N° 122 du 2 septembre 2012 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 2 septembre 2012 ;

Attendu que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Attendu qu'au vu de la situation particulière de l'intéressé, il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu'une mesure de placement alors que les conditions d'une assignation à domicile conformément à l'article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 septembre 2012, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention précitée du 2 septembre 2012, recours qui se solda par un jugement du tribunal administratif du 20 septembre 2012, n° 31406 du rôle, qui déclara ledit recours sans objet.

Par arrêté du 28 septembre 2012, le ministre prorogea une première fois la mesure de placement de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois, arrêté qui fut notifié à l’intéressé le 2 octobre 2012 et par arrêté du 30 octobre 2012, notifié le 2 novembre 2012, le ministre prorogea encore une fois la mesure de placement pour une nouvelle durée d’un mois.

Le recours contentieux introduit le 26 novembre 2012 contre l’arrêté du 30 octobre 2012, précité, se solda par un jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2012, n° 31717 du rôle, qui déclara ledit recours irrecevable.

Par arrêté du 28 novembre 2012, notifié le 30 novembre 2012, le ministre prorogea une troisième fois la mesure de placement pour une nouvelle durée d’un mois. Enfin, par arrêté du 27 décembre 2012, notifié à l’intéressé le 29 décembre 2012, le ministre prorogea une quatrième fois la mesure de placement en rétention. Ledit arrêté est motivé comme suit :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 2 et 28 septembre 2012, 30 octobre et 28 novembre 2012, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 2 septembre 2012 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement […] ».

Par requête déposée le 17 janvier 2013 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision ministérielle de prorogation de sa rétention du 27 décembre 2012.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévu par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur invoque un moyen unique tenant à l’accomplissement des diligences nécessaires à déployer par le ministre en vue de son rapatriement. A ce titre, il fait valoir que l’autorité administrative se serait contentée d’adresser un courrier à l’ambassade de Tanzanie le 16 octobre 2012 et que, pour le surplus, il n’aurait aucune nouvelle quant à l’avancement de son dossier.

Le délégué du gouvernement donne à considérer que le demandeur aurait refusé de compléter un formulaire concernent son identité, tout en soulignant que les éléments contenus dans ce document auraient permis d’avancer les formalités en vue de son rapatriement. Cette attitude aurait obligé le ministre de demander aux autorités tanzaniennes de se déplacer pour voir le demandeur en personne, ce qui retarderait encore la procédure. Enfin, il donne à considérer que le demandeur se serait inscrit d’abord pour un retour volontaire, pour ensuite changer de position, compromettant ainsi son retour rapide dans son pays d’origine.

Aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article 125, paragraphe (1). Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois. Cette mesure peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Elle peut encore être reconduite à deux reprises chaque fois pour un mois supplémentaire si l’organisation de l’éloignement dure plus longtemps en raison, soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.

Une décision de prorogation est partant soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise. Dans l’hypothèse, comme en l’espèce, d’une quatrième, respectivement cinquième prorogation, il est en outre requis que le ministre soit confronté à un manque de coopération de l’étranger ou à des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.

En l’espèce, le demandeur se limite à mettre en cause la condition tenant au déploiement de diligences nécessaires afin d’organiser son éloignement.

Etant donné que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé, c’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il se dégage des éléments du dossier que le demandeur ne dispose ni de documents d’identité et ni voyage, rendant ainsi nécessaire des démarches afin que son éloignement puisse être organisé.

L’arrêté de prorogation de la mesure de rétention actuellement sous examen est fondé sur le constat que les démarches entreprises afin d’organiser l’éloignement du demandeur n’ont pas encore abouti.

En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des pièces du dossier administratif, ensemble les déclarations du délégué du gouvernement non contestées par le demandeur à cet égard, que celui-ci a, suite à son placement au Centre de rétention en date du 2 septembre 2012, été d’accord avec un retour volontaire organisé par l’intermédiaire de Organisation internationale pour les migrations (OIM) et qu’un dossier afférent était en cours de préparation, mais que le 16 octobre 2012, les services du ministre ont été informés que le demandeur a changé d’avis et qu’il n’était plus d’accord avec un retour volontaire.

A la suite de ce changement de position du demandeur, le ministre s’est adressé le jour même, soit le 16 octobre 2012, à l’ambassade de la République de Tanzanie à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur. Par un courrier daté du 23 octobre 2012, l’ambassade de la République de Tanzanie a adressé aux services du ministre un formulaire à remplir par le demandeur, formulaire que celui-ci a, d’après un échange de courriels du 12 novembre 2012, cependant refusé de remplir. Il se dégage encore d’une note au dossier du 27 novembre 2012, que l’ambassade de la République de Tanzanie a été contactée par téléphone, afin d’organiser un rendez-vous au Centre de rétention en vue de l’identification du demandeur, entretien lors duquel les services du ministre ont été invités à présenter une demande écrite en ce sens. Par courrier du 7 décembre 2012, les services du ministre se sont adressés à l’ambassade de la République de Tanzanie afin de fixer un rendez-vous pour identifier le demandeur. Il se dégage encore de notes au dossier, que les services du ministre ont contacté par téléphone l’ambassade de la République de Tanzanie les 8, 14 et 16 janvier 2013, mais n’ont pas pu joindre une personne responsable du traitement du dossier.

Enfin, il se dégage d’une note au dossier du 23 janvier 2013 que l’ambassade a été jointe par téléphone le même jour et que l’agent du ministère a été informé que les services de l’ambassadeur étaient en train de vérifier quelle personne pourra se déplacer pour voir le demandeur et qu’une date pour un rendez-vous allait être proposée par courrier.

Il se dégage dès lors des éléments du dossier que dès le placement en rétention initial, l’établissement d’un dossier en vue d’un retour volontaire a été entamé, et que les services du ministre ont, dès qu’ils ont eu connaissance du refus du demandeur avec un retour volontaire, entamé des démarches en vue de son identification, en ce qu’ils ont contacté l’ambassade de la République de Tanzanie par courrier du 16 octobre 2012. Il est certes vrai qu’après le refus du demandeur de remplir le formulaire envoyé par les autorités tanzaniennes mi novembre 2012, les démarches entreprises par les services du ministère reflètent une certaine lenteur dans la mesure où, après ce refus du demandeur, l’ambassade n’a été contactée par téléphone que le 27 novembre 2012 et que, bien que lors de l’entretien téléphonique en question, les services du ministère aient été informés du désir des services de l’ambassade de se voir adresser une demande écrite en vue de la fixation d’un rendez-vous, ce n’est que le 7 décembre 2012 qu’un courrier afférent a été envoyé. Néanmoins, ce constat seul ne permet pas de retenir que globalement les diligences entreprises en l’espèce sont à qualifier comme insuffisantes au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, du moment qu’en l’espèce, toutes les démarches ont été immédiatement mises en route afin d’identifier le demandeur et d’organiser son rapatriement, étant précisé encore qu’il se dégage des éléments du dossier que le dispositif d’éloignement est toujours en cours actuellement, la dernière relance des autorités de la République de Tanzanie datant du 23 janvier 2013.

A cet égard, il convient encore de relever que la circonstance que les autorités luxembourgeoises ont attendu pendant un délai raisonnable d’un mois à partir de leur demande du 7 décembre 2012 avant de contacter les autorités tanzaniennes ne saurait être considérée comme le reflet d’un manque de diligences. Enfin, l’attitude du demandeur, qui après un désir affiché de participer à un retour volontaire, a changé d’avis après la première prorogation de la mesure de rétention, ainsi que son refus de remplir le formulaire afférent envoyé par les autorités de la République de Tanzanie en vue de son identification, dénotent un manque de coopération impliquant nécessairement un retardement de l’aboutissement de l’organisation de son éloignement et justifiant à suffisance la quatrième prorogation de la mesure de placement.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur un défaut de diligences est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens invoqués à l’appui du recours, que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 25 janvier 2013, à 11.00 heures par le vice-

président en présence du greffier assumé Claudine Meili s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25/1/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 31953
Date de la décision : 25/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-01-25;31953 ?

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