Tribunal administratif Numéro 26466 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 janvier 2010 2e chambre Audience publique du 24 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …., Esch-sur-Alzette contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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Vu la requête, inscrite sous le numéro 26466 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2010 par Maître Dieter Grozinger de Rosnay, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de…. , (Guinée-Bissau), ….., tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 octobre 2009 intervenue suite à un recours gracieux contre une décision du même ministre du 30 juin 2009 refusant la validation de l’engagement de prise en charge signé en date du 18 juin 2009 pour l’obtention d’une autorisation de séjour en faveur;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2010 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Dieter Grozinger de Rosnay déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2010 pour compte de …. ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anaïs Schouver en remplacement de Maître Dieter Grozinger de Rosnay, et Monsieur le délégué de gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 septembre 2010 ;
Vu la rupture du délibéré prononcée par le tribunal en date du 12 octobre 2010 ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2010 ;
Vu le mémoire supplémentaire de Maître Dieter Grozinger de Rosnay déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 novembre 2010 pour compte de …. ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Josiane Adams, en remplacement de Maître Dieter Grozinger de Rosnay, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 novembre 2010 fixée pour la continuation des débats ;
Vu la constitution d’avocat du 7 décembre 2011 de Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg par laquelle ce dernier informe le tribunal de la reprise par ses soins du mandat de Maître Dieter Grozinger de Rosnay ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Edévi Amegandji et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 janvier 2013.
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En date du 18 juin 2009, …. signa, à la demande de l’administration communale d’Esch-
sur-Alzette, une déclaration de prise en charge pour …….
Par décision du 30 juin 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa de valider la déclaration de prise en charge aux motifs suivants :
« Par la présente, je me permets de revenir au dossier sous rubrique.
Je constate que vous versez à votre dossier un certificat indiquant des prestations de 1.307,48 euros par mois versées par l'Association d'Assurance contre les Accidents, ainsi qu'un historique pour l'exercice 2009 renseignant sur le paiement de pensions de 123,98 euros respectivement 145,63 euros par mois et finalement un certificat du Fonds national de solidarité indiquant que vous bénéficiez du revenu minimum garanti à hauteur de 243,98 euros par mois.
La durée envisagée du séjour des quatre bénéficiaires de la prise en charge est indéterminée.
L'article 3 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 portant sur l'attestation de prise en charge en faveur d'un étranger prévue à l'article 4 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration dispose que le niveau des ressources est apprécié par référence à la moyenne du taux mensuel du salaire social minimum d'un travailleur non qualifié sur une durée de douze mois et par rapport à la durée et à l'objet du séjour envisagé par le bénéficiaire de la prise en charge.
Or, le salaire social minimum pour un travailleur non qualifié s'élève actuellement à 1682,76 euro.
Vos ressources personnelles me semblent largement insuffisantes pour couvrir les frais de séjour de quatre autres personnes pour une durée indéterminée.
Par voie de conséquence, je suis au regret de vous informer que je ne saurais valider les engagements de prise en charge signés le 18 juin 2009 en raison de l'insuffisance de vos ressources. » Le litismandataire de …. introduisit par lettre du 11 septembre 2009 un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.
Par décision du 8 octobre 2009, le ministre confirma suite à l’introduction du recours gracieux sus-visé qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux dans le dossier, il se voyait dans l’impossibilité de revenir sur sa décision du 30 juin 2009.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2010, …. a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision confirmative de refus du 8 octobre 2009 rendue sur recours gracieux.
Dans la mesure où ni la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2009 », ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle déférée. Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A titre liminaire, il échet d’examiner la question de la situation familiale du demandeur, celle-ci ayant été soulevée par le tribunal à l’occasion de la rupture du délibéré prononcée en date du 12 octobre 2010.
A cet égard, le demandeur affirme en versant des pièces à l’appui de sa déclaration qu’il serait le père des trois enfants faisant l’objet du refus de validation de la déclaration de prise en charge, à savoir Monsieur….., Monsieur….. et Mademoiselle….dont la mère Madame…… ferait également l’objet dudit refus.
Le délégué du gouvernement, après avoir affirmé dans un premier temps qu’il ressortirait du dossier administratif que le demandeur serait célibataire et n’aurait pas d’enfants, est revenu par la suite sur sa position.
Il échet de rappeler que l’attestation de prise en charge est visée par l’article 4 de la loi du 29 août 2008 qui dispose dans son paragraphe 1 comme suit : « Au sens de la présente loi, on entend par attestation de prise en charge l’engagement pris par une personne physique qui possède la nationalité luxembourgeoise ou qui est autorisée à séjourner au Grand-Duché de Luxembourg pour une durée d’au moins un an, à l’égard d’un étranger et de l’Etat luxembourgeois de prendre en charge les frais de séjour, y compris les frais de santé, et de retour de l’étranger pour une durée déterminée. L’engagement peut être renouvelé. ». Par ailleurs, les modalités de souscription de l’attestation de prise en charge sont fixées par le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 portant sur l’attestation de prise en charge en faveur d’un étranger prévue à l’article 4 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration.
Ainsi, il ressort de l’article 4 sus-visé que l’engagement de prise en charge est une preuve particulière de moyens d’existence qui permet à une personne qui ne possède pas des ressources suffisantes à titre personnel et qui sollicite une autorisation de séjour de prouver sa solvabilité.
En revanche, il ressort sans équivoque des travaux préparatoires de la loi du 29 août 2008 que ni l’étranger qui désire rejoindre un membre de famille dans le cadre du regroupement familial, ni l’étranger rejoint dans ce cadre, ne sont tenus de fournir une prise en charge1.
Or, il ressort sans équivoque des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal, et notamment de copies d’acte de naissance ou pièces d’identité que … Monsieur….., Monsieur…..
et Mademoiselle…..sont les enfants du demandeur et que Madame …. est leur mère.
1 Projet de loi n° 5802, Session ordinaire 2007-2008, pages 58 et 59 Force est au tribunal de constater qu’eu égard au lien de filiation existant entre le demandeur et les trois personnes sus-visées nés d’une union non autrement documentée entre le demandeur et Madame ….., le ministre a fait une erreur d’appréciation de la situation familiale existante en exigeant la souscription d’un engagement de prise en charge par le demandeur, lequel engagement ne saurait être requis en l’espèce.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision de refus de validation de l’engagement de prise en charge signé par Monsieur…. en faveur de Monsieur….., Monsieur…., Mademoiselle…. et Madame…… Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant annule la décision ministérielle de refus de validation de l’engagement de prise en charge du 8 octobre 2009 ;
renvoie l’affaire devant le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en prosécution de cause ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 24 janvier 2013, par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Monique Thill.
s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.01.2013 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 4