Tribunal administratif No 29704 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2012 2e chambre Audience publique du 14 janvier 2013 Recours formé par Monsieur ….., contre un arrêté grand-ducal en présence de Monsieur …..
en matière de fonction publique
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29704 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2012 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….., ingénieur première classe, chef du service de la nature auprès de l’administration de la Nature et des Forêts, demeurant à ……..
tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté grand-ducal du 23 octobre 2011 portant nomination de Monsieur ….. comme directeur adjoint auprès de l’administration de la Nature et des Forêts pour une durée de sept ans avec effet au 1er novembre 2011 ainsi que d’une décision implicite de refus de nomination de Monsieur….. audit poste ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Luxembourg, du 16 janvier 2012 portant signification de ladite requête à Monsieur ….. demeurant à ……. ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2012 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2012 par Maître Karim Sorel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ….. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2012 par Maître Patrick Kinsch au nom de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg lequel mémoire a été notifié le même jour aux mandataires respectifs de Monsieur ….. et de Monsieur ….. ;
Vu le mémoire en réponse, erronément qualifié de mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2012 par Maître Karim Sorel, au nom de Monsieur ….., lequel mémoire a été signifié par exploit de l’huissier de justice Roland Funk, demeurant à Luxembourg en date du 6 avril 2012 à Monsieur ….., ainsi qu’à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2012 par Maître Jean-Marie Bauler, au nom de Monsieur ….., lequel mémoire a été notifié le même jour aux mandataires respectifs de Monsieur ….. et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2012 par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié le même jour aux mandataires respectifs de Monsieur ….. et de Monsieur ….. ;
Vu les pièces versées en cause, et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Jean-Marie Bauler, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.
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Monsieur ….., titulaire d’un diplôme d’ingénieur forestier de la section sylviculture délivré par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich en date du 8 novembre 1978, fut admis au stage d’ingénieur auprès de l’administration des Eaux et Forêts par arrêté ministériel du 19 juin 1981.
Par arrêtés grand-ducaux des 1er novembre 1986, 30 juillet 1987 respectivement 22 septembre 1989, Monsieur….. fut nommé successivement au poste d’ingénieur-inspecteur, d’ingénieur principal respectivement, d’ingénieur chef de division auprès de l’administration des Eaux et Forêts.
Par arrêté grand-ducal du 21 mars 1991 Monsieur….. fut affecté en sa qualité d’ingénieur chef de division auprès de l’administration des Eaux et Forêts au poste de chef d’arrondissement de la conservation de la nature Sud.
Par arrêté grand-ducal du 22 décembre 1992, Monsieur….. fut nommé au poste de l’ingénieur première classe auprès de l’administration des Eaux et Forêts avec effet au 1er janvier 1993 et par arrêté grand-ducal du 9 novembre 2001, il fut affecté au poste de chef de service de la conservation de la nature.
Par arrêté ministériel du 8 octobre 2007, Monsieur….. accéda au grade de substitution prévu pour sa carrière avec effet au 1er novembre 2007.
Le 22 août 2011, le directeur de l’administration de la Nature et des Forêts informa les membres de la carrière supérieure de ladite administration de la vacance d’un poste de directeur adjoint de l’administration. Le 26 août 2011, Monsieur….. soumit sa candidature pour le poste vacant de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts.
Par arrêté grand-ducal du 23 octobre 2011, Monsieur ….. fut nommé au poste de directeur-adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts pour une durée de sept ans avec effet au 1er novembre 2011. Ledit arrêté est libellé comme suit :
« Vu la loi du 5 juin 2009 portant création de l'administration de la nature et des forêts ;
Vu la loi du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, telle qu'elle a été modifiée ;
Vu la loi du 9 décembre 2005 déterminant les conditions et modalités de nomination de certains fonctionnaires occupant des fonctions dirigeantes dans les administrations et services de l’Etat, telle qu'elle a été modifiée ;
Vu les candidatures de Messieurs ….., …… et ….. au poste de directeur-adjoint de l'administration de la nature et des forêts ;
Vu l’énoncé des missions de l'administration de la nature et des forêts telles que définies par l'article 2. en particulier son tiret premier, de la loi du 5 juin 2009 portant création de l'administration de la nature et des forêts ;
Vu l'énoncé des missions du directeur-adjoint telles que définies à l'article 5 alinéa 3 de la loi du 5 juin 2009 portant création de l'administration de la nature et des forêts ;
Considérant que Monsieur ….. peut se prévaloir d'une maîtrise en biologie ;
que cette formation spécifique constitue une plus-value certaine pour la gestion des dossiers liés à la définition et à la gestion de zones protégées tant communautaires que nationales ;
qu'au vu de la grande importance qu'il accorde aux zones protégées en question, le ministère entend renforcer les compétences dont dispose actuellement en la matière l'Administration de la nature et des forêts, et ce au niveau supérieur de son hiérarchie ;
que depuis son entrée en service auprès de l'Etat il a démontré ses capacités professionnelles dans le domaine de la protection de la nature et ceci en étroite collaboration avec la direction de l'administration de la nature et des forêts ainsi que les arrondissements régionaux ;
qu'il dispose d'une large expérience au niveau des dossiers européens et internationaux ;
qu'il s'est distingué par sa faculté de coordinateur et de communicateur aussi bien en interne qu'avec des agents externes ;
Considérant que pour les motifs précités, la candidature de Monsieur ….. pour le poste de directeur-adjoint de l'administration de la nature et des forêts est à préférer aux deux autres candidatures ;
Sur proposition de Notre Ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures et après délibération du Gouvernement en Conseil ;
ARRETONS:
Art.1er.- Monsieur ….., attaché de gouvernement 1er en rang auprès du Ministère du Développement durable et des Infrastructures est nommé directeur-adjoint auprès de l’Administration de la nature et des forêts pour une durée de sept ans avec effet au 1er novembre 2011.
Art.2.- Les deux autres candidats ayant présenté des candidatures recevables au poste de directeur-adjoint de l’Administration de la nature et des forêts seront valablement informés de la présente décision.
Art. 3.- Notre Ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures est chargé de l’exécution du présent arrêté. ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2012, Monsieur….. a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté grand-ducal précité du 23 octobre 2011 ainsi que d’une décision implicite portant refus de le nommer au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts.
Aucune disposition légale ne prévoit un recours de pleine juridiction en matière de promotion. L'article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « le statut général », qui institue un tel recours en matière de décisions relatives au traitement des fonctionnaires, est inapplicable en matière de promotion. S'il est vrai qu'une décision de nomination d'un fonctionnaire à une fonction hiérarchiquement supérieure, voire un refus de ce faire, a une conséquence pécuniaire, c'est-à-
dire, une incidence sur le traitement, il n'en reste pas moins que les deux matières sont régies par des dispositions propres et distinctes1.
Ainsi, dans la mesure où aucune disposition législative ne prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
En revanche, le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur se rapporte à prudence du tribunal quant à la question de savoir si la décision implicite portant refus de le nommer au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts émane de l’autorité compétente à savoir du Grand-Duc. Il précise à ce sujet que dans l’hypothèse où sa candidature n’aurait pas été présentée au Grand-Duc, ce dernier a pris l’arrêté de nomination litigieux sur proposition du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures et après délibération du gouvernement en conseil. Ainsi, la décision du Grand-Duc n’aurait pas été prise en considération de tous les éléments de la cause, notamment de sa candidature, de sorte que la question se poserait de savoir si dans ces conditions la décision du Grand-Duc pourrait valoir décision implicite de refus. Le demandeur estime qu’il aurait appartenu au pouvoir règlementaire de poser un acte positif de refus de nomination à son égard.
1 cf : trib adm. 29 octobre 1998, no 10684 du rôle, confirmé par Cour adm. 25 février 1999, no 11015C du rôle; Pas.
adm. 2011, Vo Fonction publique, no 82 et autres références y citées.
La partie étatique répond que le doute exprimé par le demandeur quant à la compétence de l’autorité dont émane la décision implicite portant refus de le nommer au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, n’aurait pas lieu d’être, d’une part au motif que l’arrêté grand-ducal de nomination de Monsieur ….. au poste litigieux mentionnerait expressément les noms des deux autres candidats ayant postulé pour le poste de directeur adjoint et, d’autre part, en raison du fait qu’un arrêté de refus de nomination, tel que préconisé par le demandeur, ne serait pas prévu par la loi.
L’article 35 de la Constitution dispose en son alinéa premier que « le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle ».
L’article 8 (1) de la loi du 5 juin 2009 portant création de l’administration de la Nature et des Forêts, désignée ci-après par « la loi du 5 juin 2009 », dispose que : « Les fonctionnaires de la carrière supérieure sont nommés par le Grand-Duc. » et en vertu de l’annexe D de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, le poste de directeur adjoint de administration de la Nature et des Forêts fait partie de la carrière supérieure de l’administration.
Il se dégage des dispositions qui précèdent que le pouvoir de nomination au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts appartient au Grand-Duc. Le pouvoir de nomination grand-ducal comportant celui de ne point nommer2, c’est dès lors également le Grand-Duc qui avait compétence pour rejeter la candidature du demandeur.
En cas de plusieurs candidatures, la nomination d’un des candidats entraîne implicitement mais nécessairement le refus de nomination des autres candidats non retenus, sans qu’il faille procéder à l’élaboration d’arrêtés de refus de nomination spécifiques3. Quant au doute exprimé par le demandeur au sujet de la soumission de sa candidature à l’autorité de nomination, à savoir au Grand-Duc, il échet de constater que l’arrêté grand-ducal portant nomination de Monsieur …..
au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, d’une part, énumère expressément les trois candidats ayant soumis une candidature pour ledit poste, dont notamment le demandeur et, d’autre part, ordonne de valablement informer les candidats évincés de la nomination de Monsieur …… Dès lors, il convient de retenir qu’en l’espèce, l’arrêté grand-ducal de nomination de Monsieur ….. renferme également une décision implicite de refus de nomination du demandeur. Ce refus de nomination implicite émane directement du Grand-Duc, autorité de nomination compétente.
Le moyen tiré d’une incompétence de l’autorité ayant procédé au refus de nomination du demandeur est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Le demandeur soutient ensuite que tant la décision implicite refusant de le nommer au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts que l’arrêté grand-ducal de nomination de Monsieur ….. audit poste ne respecteraient pas les exigences de motivation énoncées par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. Ainsi, l’arrêté grand-ducal de 2 cf. trib. adm. 7 juillet 2003, n° 15672 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Fonction publique, n° 25 3 cf trib. adm. 17 janvier 2001, n° 12215a du rôle, Pas. adm. 2011, V° Fonction publique, n° 33 nomination déféré ne mentionnerait pas les raisons pour lesquelles sa candidature aurait été refusée, alors même qu’il aurait exercé des fonctions comportant de grandes responsabilités au sein de l’administration concernée depuis trente ans. De plus, les motifs avancés pour justifier la nomination de Monsieur ….. ne répondraient pas aux conditions de précision et de pertinence exigées par la loi et la jurisprudence, puisqu’ils se limiteraient à des formules vagues et incertaines.
La partie étatique fait valoir qu’aucune disposition légale n’imposerait une obligation de motivation des arrêtés de nomination de fonctionnaires et que même si la nomination de l’un des candidats à une fonction publique impliquerait nécessairement le rejet des autres candidatures, un arrêté de nomination ne constituerait pas pour autant une décision ayant pour objet de refuser de faire droit à la demande du candidat évincé. A titre subsidiaire, la partie étatique ajoute que l’arrêté grand-ducal serait motivé à suffisance et qu’en plus l’administration pourrait fournir ou compléter les motifs à la base de l’acte administratif attaqué en cours de procédure et même pour la première fois devant le juge administratif.
Aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 : « Toute décision doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
-refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
-révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
-intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
-intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale.
(…) » Si la décision implicite portant refus de nommer le demandeur qui se dégage de l’arrêté de nomination de Monsieur ….. ne comporte par la force des choses aucune motivation, quant aux raisons pour lesquelles la candidature du demandeur n’a pas été retenue, cette seule circonstance ne saurait emporter l’annulation de la décision, dans la mesure où, tel que cela a été relevé à juste titre par la partie étatique l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif4, sans qu’une lésion des droits de la défense ne saurait être retenue, étant donné que le demandeur peut prendre position dans son mémoire en réplique quant aux motifs avancés, et peut, même en cas de nécessité, solliciter l’autorisation de déposer un mémoire additionnel, dans l’hypothèse où des éléments nouveaux auraient encore apparu dans le mémoire en duplique de l’Etat.
Concrètement, la partie étatique a, au cours de la présente instance, fourni les motifs à la base de la décision de refus implicite litigieuse, en exposant en substance que la candidature de Monsieur ….. aurait été préférée à celle du demandeur dans l’intérêt du service eu égard non seulement aux qualifications et aux expériences de Monsieur ….. mais encore à son aptitude à coordonner une administration et à communiquer aussi bien dans le cadre de l’organisation 4 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2011, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 76 et autres références y citées.
interne qu’avec des agents externes et, enfin, eu égard à l’esprit d’initiative très apprécié de Monsieur ….. qui serait de nature à apporter un surcroît de dynamisme à l’administration de la Nature et des Forêts. La partie étatique s’est encore référée à la motivation indiquée dans l’arrêté grand-ducal de nomination déféré pour justifier la décision de refus de la candidature du demandeur.
Concernant l’indication de la motivation à la base de l’arrêté grand-ducal déféré ayant nommé Monsieur ….. au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, il échet de constater que même si ledit arrêté constitue une décision implicite de refus de nommer le demandeur audit poste, il constitue en première ligne une décision ayant fait droit à la candidature de Monsieur ….., de sorte qu’il ne s’agit pas d’une décision refusant de faire droit à une demande et qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, il ne devait partant pas formellement indiquer les motifs à sa base.
Néanmoins, il échet de constater que l’arrêté grand-ducal déféré indique tant les circonstances de fait que la cause juridique à sa base, en se référant, d’une part, aux qualités de Monsieur ….. et, d’autre part, aux dispositions de la loi du 5 juin 2009, de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat et de la loi modifiée du 9 décembre 2005 déterminant les conditions et modalités de nomination de certains fonctionnaires occupant des fonctions dirigeantes dans les administrations et services de l’Etat, désignée ci-après par « la loi du 9 décembre 2005 ».
Dès lors, indépendamment de toute considération quant au bien-fondé de l’argumentation avancée, il échet de constater que tant l’arrêté grand-ducal que la décision implicite de refus de nomination en découlant indiquent les circonstances de fait et la cause juridique à leur base et sont de ce fait motivés à suffisance au sens de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, tant entendu que le délégué du gouvernement a encore utilement complété la motivation des décisions déférées au cours de l’instance complémentaire.
Le moyen du demandeur tiré d’une indication insuffisante des motifs à la base des décisions déférées est partant à rejeter.
Quant à la légalité des décisions déférées, le demandeur soutient que le pouvoir règlementaire aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en nommant Monsieur ….. au poste vacant de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts et en évinçant sa propre candidature. A titre préliminaire, il soutient que si le critère de l’ancienneté ne serait pas un critère absolu de promotion, il devrait néanmoins être pris en considération et ce d’autant plus que l’article 5 de la loi du 5 juin 2009 y renverrait en matière de remplacement du directeur de l’administration de la Nature et des Forêts par les directeurs adjoints en cas de besoin. Le demandeur critique ensuite les motifs avancés par le pouvoir règlementaire pour procéder à la nomination de Monsieur ….., pour énumérer ensuite des arguments en faveur de sa propre candidature.
Ainsi, il estime qu’en énonçant comme motif dans l’arrêté de nomination de Monsieur …..
l’article 2 de la loi du 5 juin 2009, le pouvoir règlementaire aurait voulu insister sur l’importance que la protection de l’environnement aurait acquise au fil du temps et sur le défi que devrait relever le nouveau directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts pour concilier les deux missions de l’administration, à savoir, d’une part, la gestion de la forêt et, d’autre part, la protection de la nature. Etant donné que Monsieur ….. n’aurait commencé sa carrière auprès du ministère qu’en 2004, le demandeur estime qu’il disposerait de plus d’expérience et de plus de connaissances pour affronter les fonctions diverses et à grande responsabilité de directeur adjoint.
Le demandeur expose encore qu’en énonçant parmi les motifs énumérés à l’appui de l’arrêté de nomination l’article 5, alinéa 3 de la loi du 5 juin 2009, le pouvoir règlementaire aurait voulu insister sur les missions qui sont attribuées au directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts. Selon le demandeur, la première qualité de celui qui revêt les fonctions de directeur adjoint devrait être l’expérience pratique du travail sur le terrain. Or, il soutient que Monsieur ….., contrairement à lui-même, n’en disposerait pas.
Il estime encore que si l’arrêté de nomination indique le fait que Monsieur ….. serait détenteur d’une maîtrise en biologie, ce motif ne saurait valoir à l’appui dudit arrêté, étant donné notamment que le titre de « Graduate Certificate in Tropical Biology and Conservation » obtenu par Monsieur ….. suite à un travail intitulé « Carnivore Feeding Ecology and Patterns of Habitat Use in Caatinga, a Seasonal Dry Forest in the Northeast of Brazil », serait d’un intérêt plutôt limité pour la gestion de la forêt et de la nature au Luxembourg, que Monsieur ….. ne disposerait pas de connaissances techniques en matière de gestion forestière et que les autres chefs de services régionaux de l’ administration de la Nature et des Forêts seraient sans exception des ingénieurs forestiers.
Quant au motif avancé par l’arrêté de nomination déféré selon lequel la formation spécifique de Monsieur ….. constituerait une plus-value certaine pour la gestion des dossiers liés à la définition et à la gestion de zones protégées tant communautaires que nationales, le demandeur estime en substance qu’il y aurait lieu d’opérer une distinction entre les questions liées aux zones protégées d’intérêt communautaire et celles se rapportant aux zones protégées d’intérêt national.
Il soutient qu’en ce qui concerne les questions liées aux zones protégées d’intérêt communautaire traitées au sein de l’administration de la Nature et des Forêts, la contribution de Monsieur …..
aurait été assez limitée jusqu’à présent alors qu’en ce qui concerne les questions liées aux zones protégées d’intérêt national traitées au sein de l’administration de la Nature et des Forêts, le demandeur serait le fonctionnaire qui aurait travaillé le plus dans ce domaine et acquis le plus d’expérience.
Quant aux capacités professionnelles de Monsieur ….. citées dans l’arrêté grand-ducal déféré, le demandeur fait valoir qu’elles ne seraient pas à apprécier dans l’absolu, mais plutôt par rapport à celles des deux autres candidats ayant postulé pour le poste de directeur adjoint.
Par ailleurs, le demandeur estime que la large expérience dont dispose Monsieur ….. au niveau des dossiers européens et internationaux, citée également à l’appui de sa nomination par l’arrêté grand-ducal litigieux, ne serait pas requise pour l’exécution des missions de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts.
Enfin, le demandeur déclare qu’en raison du fait que Monsieur ….. ne serait entré au service de l’Etat qu’en 2004 et aurait travaillé depuis lors en tant que conseiller au ministère, il serait difficile de voir où il aurait pu développer et mettre en œuvre la faculté de coordinateur et de communicateur que l’arrêté de nomination déféré lui attribuerait.
En ce qui concerne ses propres qualités, dont il n’aurait pas été fait état lors du choix du candidat pour occuper le poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, le demandeur relève en premier lieu ses compétences en matière de protection de la nature. Ainsi, il disposerait d’un diplôme d’ingénieur forestier, grâce auquel il bénéficierait d’un savoir en matière biologique qui serait davantage focalisé sur l’application pratique et non point sur une approche théorique. Le demandeur fait encore état, d’un côté, de son travail de stage qui aurait porté sur la problématique du classement des réserves naturelles et, de l’autre côté, de son expérience professionnelle qu’il aurait acquise en tant que chef d’un service régional, à savoir l’arrondissement de la conservation de la nature Sud de 1991 à 2001.
Le demandeur déclare encore bénéficier de compétences en matière de gestion de forêts et indique à ce titre être détenteur d’un diplôme d’ingénieur forestier de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Il fait par ailleurs état de ses compétences en matière juridique, étayées par un diplôme d’études juridiques acquis en 1995 à l’Université de Nancy II, de son autorité en tant que chef hiérarchique et de ses compétences en matière sociale.
Il soutient ensuite qu’ayant travaillé tant dans le service central que dans le service régional de l’administration de la Nature et des Forêts, il disposerait des qualités nécessaires pour fournir des contributions utiles en matière de coordination entre les services centraux et les services régionaux de protection de la nature. Le demandeur estime encore qu’il disposerait des compétences nécessaires pour contribuer à la transition des services de l’administration des Eaux et Forêts vers l’administration de la Nature.
En dernier lieu, le demandeur déclare que le changement d’administration de Monsieur ….. du ministère vers l’administration de la Nature et des Forêts aurait très bien pu s’effectuer de manière régulière. Ainsi, Monsieur ….. aurait pu occuper le poste d’un universitaire au sein du service de la nature, après l’avancement du demandeur à la fonction de directeur adjoint.
La partie étatique expose que l’autorité investie du pouvoir de nomination disposerait d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des mérites des candidats qui serait toutefois sujet à un contrôle juridictionnel devant néanmoins s’exercer avec prudence afin de ne pas remettre en cause le pouvoir d’appréciation étendu de l’administration. Le demandeur méconnaîtrait cependant ce principe du pouvoir de contrôle juridictionnel en matière de nomination à une fonction dirigeante de l’administration de l’Etat, en discutant en détail les mérites respectifs des deux autres candidats, comme s’il appartenait au juge administratif de substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité investie du pouvoir de nomination.
La partie étatique fait ensuite valoir que les qualifications de Monsieur ….. pour occuper la fonction de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts seraient réelles et que, d’ailleurs, le demandeur tout en les discutant, ne les nierait pas. La partie étatique explique encore que la préférence aurait été donnée à Monsieur ….. par rapport au demandeur pour pourvoir le poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts dans l’intérêt du service, ce que le demandeur ne nierait d’ailleurs pas non plus, il se limiterait seulement à affirmer que les intérêts du service auraient été mieux servis s’il avait été nommé, étant donné qu’il disposerait d’une ancienneté de service de trente ans et que Monsieur ….. n’en aurait uniquement une de sept ans. La partie étatique estime que la nomination à une fonction dirigeante dans un service de l’Etat pourrait se faire en dehors de la règle de l’ancienneté et de la promotion interne sous le régime de la loi du 9 décembre 2005. Elle fait encore valoir qu’à travers le travail fourni par les trois candidats au poste de directeur adjoint, le ministre du Développement durable et aux Infrastructures sur avis duquel la nomination de Monsieur ….. se serait effectuée, aurait pu se former une opinion sur la personnalité desdits candidats et, surtout, sur leur aptitude à coordonner une administration et à communiquer aussi bien dans le cadre de l’organisation interne qu’avec des agents externes. De ce point de vue, la candidature de Monsieur ….. aurait su convaincre. La partie étatique ajoute que Monsieur ….. aurait fait preuve d’un dynamisme et d’un esprit d’initiative très apprécié. Le pouvoir règlementaire aurait donc préféré les qualités de Monsieur ….., à savoir le dynamisme et l’aisance à communiquer par rapport aux avantages qu’aurait impliqué une nomination du demandeur, à savoir le respect de l’ancienneté et des traditions.
Monsieur ….. fait valoir que l’administration serait en principe libre de choisir le candidat qui lui convient le mieux pour pourvoir un poste, en l’absence de critères de sélection basés notamment sur l’ancienneté ou d’autres critères légaux. L’exercice de ce choix serait discrétionnaire mais s’exercerait néanmoins sous le contrôle juridictionnel et la vérification du juge administratif lesquels porteraient ainsi notamment sur le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis et ne sauraient porter à conséquence que dans l’hypothèse où une flagrante disproportion des moyens laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité ayant pris la décision, voire un détournement du pouvoir. Monsieur …..
soutient qu’une telle disproportion, respectivement un tel usage excessif, ne pourraient cependant pas être constatés en l’espèce. Il conclut que le recours laisserait d’être fondé et serait à rejeter, en prenant position par rapport aux différents moyens invoqués par le demandeur quant aux compétences tant de lui-même que du demandeur.
Force est d’abord au tribunal de constater que le poste vacant à pourvoir en l’espèce est le poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, poste qui constitue une fonction dirigeante au sens de l’article 1er de la loi du 9 décembre 2005 aux termes duquel : « La nomination aux fonctions dirigeantes dans les administrations et services de l’Etat est faite pour une durée renouvelable de sept ans, (…).
Par fonction dirigeante au sens de la présente loi on entend les fonctions :
- de directeur général ou de directeur général adjoint, (…) ».
Il échet encore de constater qu’il n’existe aucun critère de sélection légal à prendre en considération pour pourvoir le poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts. En effet, aux termes de l’article 2, point 5 de la loi du 9 décembre 2005, les nominations aux fonctions dirigeantes visées par l’article 1er de la même loi s’effectuent « en dehors des conditions d’examen-concours, de stage et d’examen de fin de stage, ainsi que des autres conditions spéciales prévues par les lois et règlements applicables aux carrières ». Par ailleurs, si le demandeur estime que l’article 5 de la loi du 5 juin 2009 imposerait la condition de l’ancienneté comme critère de sélection à prendre en considération dans le cadre du choix du candidat pour occuper le poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts, il échet de constater que ledit article, indépendamment de la question de savoir s’il impose effectivement la condition de l’ancienneté comme critère de sélection, n’a trait qu’au remplacement du directeur de l’administration de la Nature et des Forêts en cas de besoin ou en cas de vacance de poste et non point du directeur adjoint de la dite administration, dans la mesure où il dispose que : « Les directeurs adjoints assistent le directeur dans l’accomplissement de sa tâche et le remplacent en cas de besoin ou en cas de vacance de poste, d’après leur rang d’ancienneté. ».
En l’absence de critères de sélection basés notamment sur l’ancienneté, l’autorité de nomination est en principe libre de choisir le candidat qui lui convient le mieux pour le poste à pourvoir. Si le droit de l’administration de choisir le personnel qui, à ses yeux, remplit le mieux ses besoins, est discrétionnaire, son exercice n’en est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel dans le sens que sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, sans que ce contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne puisse pour autant aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation. Si cette vérification peut ainsi s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, elle ne saurait cependant porter à conséquence que dans l’hypothèse où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.
En l’espèce, le critère de sélection avancé à la base de la nomination de Monsieur ….. par l’arrêté grand-ducal déféré et étayé en cours d’instance par le mandataire de la partie étatique se résume à l’intérêt du service. Ainsi, l’arrêté grand-ducal déféré considère qu’au vu des missions de l’administration de la Nature et des Forêts et de celles du directeur adjoint au sein de ladite administration telles qu’énoncées aux articles 2, tiret 1er et 5, alinéa 3 de la loi du 5 juin 2009 et eu égard à la qualification et à la formation spécifique de Monsieur ….., à la grande importance que ce dernier accorde aux zones protégées tant communautaires que nationales, à ses capacités professionnelles dans le domaine de la protection de la nature, à sa large expérience au niveau des dossiers européens et internationaux et en considération du fait qu'il s'est distingué par sa faculté de coordinateur et de communicateur aussi bien dans le cadre de l’organisation interne qu'avec des agents externes, la candidature de Monsieur ….. pour le poste de directeur-adjoint de l'administration de la nature et des forêts est à préférer à celle des deux autres candidatures. Le mandataire de la partie étatique a précisé qu’en raison de l’esprit d’initiative très apprécié et de l’aisance de communiquer dont Monsieur ….. aurait fait preuve, il aurait été jugé que sa nomination pourrait apporter un surcroît de dynamisme à l’administration de la Nature et des Forêts.
Force est d’abord au tribunal de constater que l’existence et l’exactitude des faits à la base de la décision déférée ne sont pas mises en question en l’espèce. Ainsi, le demandeur se limite à argumenter que l’administration aurait été mieux servie s’il avait été nommé au poste litigieux, en discutant les qualifications et les qualités de Monsieur ….., sans pour autant les contester.
Par ailleurs, le tribunal est amené à constater de manière générale qu’en l’absence de tout critère de sélection fixé par la loi, tel que notamment basé sur l’ancienneté, l’autorité de nomination peut valablement fonder sa décision de nomination à une fonction dirigeante sur le critère de l’intérêt du service, sans qu’un usage excessif de son pouvoir ne puisse lui être reproché.
Plus particulièrement, en l’espèce, en prenant en compte tant la formation et les capacités professionnelles de Monsieur ….. que les qualités de ce dernier en ce qui concerne notamment la coordination et la communication, tant au niveau interne de l’administration que dans les rapports externes de l’administration, et en préférant une approche dynamique et innovatrice par rapport à une approche plus traditionnelle, l’autorité de nomination a basé sa décision sur des éléments objectivement retraçables et bénéfiques à l’administration. Ainsi, au vu des missions de l’ administration de la Nature et des Forêts consistant notamment en la protection de la nature, des ressources naturelles, de la biodiversité biologique et des paysages et au vu des missions du directeur adjoint de ladite administration, consistant notamment dans la coordination et le contrôle des activités des différentes divisions de l’administration, il paraît objectivement justifié de considérer comme un avantage que le candidat au poste de directeur adjoint de ladite administration soit titulaire d’une maîtrise en biologie, qu’il dispose d’une certaine aisance au niveau de la coordination de services et de la communication avec les agents composant les services, mais aussi avec les interlocuteurs externes à l’administration et qu’il ait fait preuve d’un esprit d’initiative dans son travail, quitte à ce qu’il justifie de moins d’expérience professionnelle que le candidat faisant état d’une plus grande ancienneté.
Par conséquent, l’autorité de nomination a valablement procédé à la nomination de Monsieur ….. au poste de directeur adjoint de l’administration de la Nature et des Forêts et au refus implicite de la candidature du demandeur audit poste, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation.
Le recours en annulation est partant à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.250 euros formulée par le demandeur est à rejeter au vu de l’issue du litige et étant donné qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à sa charge de la partie demanderesse.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.250 euros formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique du 14 janvier 2013 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Monique Thill.
s. Monique Thill s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14.01.2013 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 13