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11/01/2013 | LUXEMBOURG | N°31692

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 janvier 2013, 31692


Tribunal administratif N° 31692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2012 3e chambre Audience publique extraordinaire du 11 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31692 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2012 par Maître Faisal Qu

raishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 31692 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2012 3e chambre Audience publique extraordinaire du 11 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31692 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2012 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 7 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 7 novembre 2012 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alain North, en remplacement de Maître Faisal Quraishi, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 janvier 2013.

Le 12 septembre 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du 12 septembre 2012.

En date du 2 novembre 2012, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, à savoir sa maladie, des agressions émanant de personnes d’origine serbe, une agression perpétrée par des policiers en été 2012, des problèmes avec des policiers depuis trois ans et l’impossibilité de trouver du travail.

Par décision du 7 novembre 2012, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 9 novembre 2012, le ministre informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-

fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), points a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée aux motifs que sa demande de protection internationale ne serait basée sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désigné par « la Convention de Genève », et par la loi du 5 mai 2006 et qu’il ne serait par ailleurs pas exposé à des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2012, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision du ministre du 7 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la même décision du ministre dans la mesure où elle porte refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 7 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que ses déclarations mériteraient une analyse approfondie des faits à la base de sa demande de protection internationale. Il expose qu’il aurait fait état d’une persécution, sinon d’une crainte réelle de persécution pour avoir fait l’objet d’agressions et de menaces de mort de la part de personnes d’origine serbe, sans que la police n’intervienne. En outre, il aurait été agressé par des policiers en juillet ou août 2012 et encore une fois au bureau de police quand il aurait voulu déclarer la première agression commise par des policiers. Il estime que ses problèmes persistants avec la police et des personnes d’origine serbe seraient dus à son origine ethnique et plus particulièrement à sa religion musulmane, ce qui constituerait une atteinte grave à sa liberté de croyance. Ainsi, il devrait bénéficier du statut de la protection internationale au motif qu’il craindrait des persécutions dans son pays d’origine en raison de sa religion musulmane. Il souligne qu’il n’aurait reçu aucune aide de la part des autorités publiques et notamment de la police, lorsqu’il aurait été agressé par des personnes d’origine serbe et qu’il aurait même été agressé physiquement par des policiers au bureau de police. Il serait encore discriminé en raison de ses convictions religieuses en ce qu’il n’aurait accès ni à l’aide sociale, ni aux soins médicaux au même titre que les autres citoyens. Il déduit de la gravité des faits qu’il invoque que le ministre aurait à tort décidé de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

En ce qui concerne sa provenance d’un pays d’origine sûr, le demandeur fait valoir qu’il incomberait au ministre de prendre en compte sa situation personnelle, sans se référer nécessairement à la situation générale de son pays d’origine au risque que l’examen de sa demande de protection internationale soit entaché d’irrégularité.

Il en conclut que la décision déférée devrait être annulée pour défaut de motivation, excès de pouvoir ou pour irrégularité formelle.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne le moyen d’annulation fondé sur un défaut de motivation de la décision ministérielle sous analyse, force est de prime abord de relever que le demandeur se contente de faire état d’un défaut de motivation, sans autrement expliquer son moyen.

L’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, disposition spéciale applicable à la présente matière, requiert que le ministre doit statuer par une décision motivée (« […] le ministre statue par une décision motivée qui est communiquée par écrit aux demandeurs. […] »).

En l’espèce, au vu de la motivation contenue dans la décision elle-même, complétée encore par les explications apportées par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, et à défaut par le demandeur de fournir la moindre indication en quoi la décision déférée pècherait par un défaut de motivation, le tribunal est amené à retenir que la motivation à la base de la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée fournie en l’espèce est conforme aux exigences de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

[…] c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, la Bosnie-Herzégovine a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est constant en cause que le demandeur a la nationalité bosnienne et a résidé en Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’il provient d’un pays d’origine sûr.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, en tout état de cause de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, dans le cadre de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur, a relevé qu'il provient d'un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et dans les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier, dans le cadre des moyens invoqués, si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, l'analyse de la situation personnelle décrite par le demandeur à l’appui de son recours ne permet cependant pas d'en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision ministérielle. En effet, par rapport aux faits dont il se prévaut se pose plus particulièrement la question de savoir si sa situation est telle qu’il ne peut bénéficier d’aucune protection de la part des autorités de son pays d’origine. Il convient de relever que les déclarations du demandeur relatives aux agressions subies par des personnes d’origine serbe, d’une part, et par des policiers, d’autre part, sont assez vagues, mais il en ressort cependant que suite aux agressions perpétrées à son égard par des policiers au bureau de police lorsqu’il aurait voulu dénoncer d’autres agressions lui infligées par des policiers, il n’a plus entrepris d’autres démarches, c’est-à-dire qu’il ne s’est notamment pas adressé à des autorités supérieures afin de dénoncer les incidents dont il fait état. Or, le ministre a relevé qu’une section de contrôle interne et un bureau public des plaintes ont été créés en Bosnie-

Herzégovine afin de pouvoir sanctionner efficacement les éventuels excès et les autres formes de comportements non professionnels ou indécents de policiers et d’autres agents publics et qu’en outre, le demandeur aurait pu déposer une plainte auprès de l’ombudsman qui assure le suivi de la situation des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine. Il s’ensuit qu’à défaut par le demandeur d’avoir au moins essayé de rechercher la protection des autorités supérieures à la police locale, une incapacité ou un défaut de volonté des autorités bosniennes d’offrir une protection adéquate au demandeur ne sont pas établis en l’espèce.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours en réformation, subsidiairement en annulation de la décision du ministre du 7 novembre 2012 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce. Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le demandeur soutient qu’il aurait fait état de discriminations, d’agressions et de menaces concrètes et personnelles de la part de personnes d’origine serbe et de policiers, de sorte qu’il risquerait sa vie en cas de retour dans son pays d’origine. Il reproche au ministre de ne pas avoir analysé les faits et les moyens qu’il lui aurait soumis. La décision ministérielle déférée pècherait encore par une motivation insuffisante.

Il fait ensuite valoir que la situation politique en Bosnie-Herzégovine n’aurait pas réellement évolué dans le sens du respect des religions, de sorte que les droits et libertés fondamentaux ne seraient pas respectés dans son pays d’origine. Il conteste le constat du ministre qu’il paraîtrait improbable qu’une minorité de Serbes contrôlerait la majorité musulmane de la population en Bosnie-Herzégovine, alors qu’il n’aurait pas trouvé de travail à cause de son origine ethnique bosniaque et qu’il ne pourrait pas se faire soigner correctement en raison d’un manque d’argent. Il affirme que les forces de police dans son pays d’origine seraient corrompues et non lui auraient apporté ni aide, ni assistance effective.

Il en déduit que les faits qu’il invoque devraient être considérés comme pertinents, alors que leur authenticité ne ferait aucun doute. Il explique qu’il aurait dû fuir la Bosnie-Herzégovine, étant donné qu’il ne pourrait pas y mener une vie normale et devrait craindre pour sa vie. Il se prévaut encore des articles 26 (5) et 27 de la loi du 5 mai 2006 pour en déduire que les conditions quant à l’attribution du statut de la protection internationale seraient remplies dans son chef. Il soutient que la décision déférée devrait être réformée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

En ce qui concerne le moyen d’annulation fondé sur une motivation insuffisante de la décision ministérielle sous analyse, l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, disposition spéciale applicable à la présente matière, requiert que le ministre doit statuer par une décision motivée (« […] le ministre statue par une décision motivée qui est communiquée par écrit aux demandeurs. […] »).

En l’espèce, la motivation contenue dans la décision elle-même, dans la mesure où le ministre expose les raisons et les motifs qui l’ont amené à refuser au demandeur la protection internationale par rapport à tous les faits invoqués par lui, complétée encore par les explications apportées par la partie étatique au cours de la procédure contentieuse, est à qualifier de suffisante au regard des exigences de l’article 20 (2), précité. Dès lors, le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au fond, aux termes de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. […] » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose que : « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des liens auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou b) des parties ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons de penser que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant aux agressions perpétrées à l’égard du demandeur par des membres de la population serbe, force est au tribunal de constater que ces faits émanent de personnes privées, donc d’acteurs non étatiques au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006. En ce qui concerne les agressions que le demandeur aurait subies de la part de policiers locaux, dans la mesure où il ressort à la lecture de son audition qu’il reste particulièrement vague quant aux circonstances dans lesquelles ces incidents se seraient produits, le tribunal est amené à retenir que, même si ces policiers ont agi dans le cadre de leur fonction, dans la mesure où il ne ressort pas du récit du demandeur que les actes invoqués ont été incités ou tolérés par les autorités du pays d’origine du demandeur, et au vu des explications fournies par la partie étatique, que la qualification des policiers comme acteurs de persécution est soumise à la condition, telle qu’une personne privée, que les autorités du pays d’origine du demandeur définies à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne veulent ou ne peuvent pas accorder au demandeur une protection adéquate.

Or, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les autorités bosniennes seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas intervenir afin de protéger le demandeur contre les actes décrits par lui. Au contraire, force est de constater que le demandeur n’a pas recherché dans son pays d’origine la protection des autorités supérieures à la police locale. En effet, il se dégage de ses déclarations qu’il n’a pas déposé plainte auprès des autorités compétentes par rapport aux agissements de certaines policiers locaux au motif qu’il estime que ces chances seraient petites.

Or, à défaut d’avoir au moins essayé de rechercher la protection d’instances supérieures à la police locale, le tribunal ne dispose pas d’éléments suffisants permettant de retenir un défaut de protection de la part des autorités bosniennes ou encore permettant de justifier le défaut par le demandeur d’avoir recherché l’aide des autorités de son pays d’origine supérieures à la police locale. Ce constat s’impose d’autant plus au regard des explications fournies par la partie étatique, sources internationales à l’appui, relatives aux efforts institutionnels déployés par la police bosnienne ; à la création d’une section de contrôle interne et d’un bureau public des plaintes compétents pour sanctionner des éventuels excès et d’autres formes de comportements non professionnels ou indécents de policiers ou d’autres agents publics ; aux progrès observés en Bosnie-Herzégovine depuis la signature des accords de Dayton le 21 novembre 1995 ; à la qualité de membre du Conseil de l’Europe de la Bosnie-Herzégovine depuis le 24 avril 2002 comportant un suivi rigoureux du respect des engagements du pays en matière de droit et en matière des droits de l’homme ; à la candidature du pays à l’adhésion à l’Union européenne depuis le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 et au support de l’Union européenne en résultant ; aux progrès et actions mises en œuvre par les autorités bosniennes afin de combattre la corruption ; à la possibilité de saisir l’ombudsman qui assure le suivi de la situation des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine. A cet égard, il convient encore de rappeler que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

En ce qui concerne les problèmes d’accès aux soins médicaux, les problèmes d’accès aux aides sociales et l’impossibilité de trouver du travail dont fait état le demandeur, il les rattache à son ethnie bosniaque et sa religion musulmane, de sorte que ces difficultés tombent a priori dans le champ d’application de la Convention de Genève. Or au vu des déclarations particulièrement vagues du demandeur lors de son audition et à défaut de fournir d’avantage d’éléments de précision, ces problèmes ne présentent pas le caractère de gravité requis au sens de l’article 31 (1) b) de la loi du 5 mai 2006. En outre, il convient de relever qu’il ressort des explications de la partie étatique, basées sur un rapport de l’Assemblée Générale des Nations unies du 22 août 2012 que la discrimination raciale et d’autres formes de discriminations sont expressément prohibées par la Constitution de la Bosnie-Herzégovine et sont considérées comme des infractions au sens du code pénal, et qu’une loi relative à la lutte contre la discrimination a été votée en 2009.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons de penser que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra partant porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que les demandeurs avancent, du risque de subir des atteintes graves qu’ils encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le tribunal constate que le demandeur base essentiellement son recours sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Quant aux problèmes du demandeur avec des membres de la population serbe et des membres de la police locale, et plus particulièrement des agressions émanant de ces derniers, le tribunal est amené à conclure, tel que développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur ne saurait se prévaloir de la protection des autorités compétentes de son pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur la protection subsidiaire au sens de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006.

Quant à ses problèmes d’ordres médical et économique que le demandeur rattache à son origine ethnique et sa croyance religieuse, il a été retenu ci-avant que ces difficultés ne sont pas d’une gravité telle pour être qualifiées de persécutions. Sur le fondement des mêmes considérations, le tribunal est amené à retenir que ces difficultés ne répondent non plus à aucune des catégories d’atteintes graves énumérées aux points a) à c) de l’article 37, précité, dans la mesure ils ne revêtent pas un degré de gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37, précité.

Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il court le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 7 novembre 2012 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Le demandeur fait valoir qu’en raison du principe de précaution, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

Or, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’il a pu a priori assortir la décision négative d’un ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20 (2) de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, le tribunal vient de relever que le demandeur ne fait pas état d’une crainte fondée d’être exposé à des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte qu’une violation du principe de précaution n’est pas vérifiée en l’espèce.

Partant, le moyen invoqué à l’appui du recours sous analyse n’est pas suffisant pour mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire déféré.

Il suit de ce qui précède que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 novembre 2012 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 7 novembre 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 novembre 2012 portant refus d’une protection internationale ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 7 novembre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 11 janvier 2013, par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.

s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11/1/2013 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 31692
Date de la décision : 11/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2013-01-11;31692 ?

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