Tribunal administratif N° 31675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2012 1re chambre Audience publique du 9 janvier 2013 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31675 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2012 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 31 octobre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 31 octobre 2012 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima GOUNI, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 janvier 2013.
Le 20 juin 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-
après « la loi du 5 mai 2006 ».
Le même jour, Monsieur… fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Monsieur … fut entendu les 8 et 24 octobre 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 31 octobre 2012, expédiée par courrier recommandé le 2 novembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur… qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), c) et h) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2012, Monsieur… a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 31 octobre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
En fait, Monsieur… expose à l’appui de son recours qu’il aurait quitté le Monténégro suite aux menaces dont il aurait été régulièrement victime en raison de son appartenance à la communauté bosniaque et de sa confession musulmane. Ainsi, comme il aurait été membre du parti politique bosniaque, le « BS », il aurait vécu sous la pression des membres du parti politique actuellement au pouvoir, celui de …, qui auraient en effet tenté de le convaincre de voter en faveur de ce parti lors des élections législatives du 14 octobre 2012. Ces pressions seraient devenues de plus en plus intenses au cours des trois mois précédant les élections.
Monsieur… aurait également été suivi par trois personnes membres de la police, les dénommés …, …et …. Monsieur… n’aurait par ailleurs pas non plus réussi à trouver de travail en raison de son appartenance au parti politique bosniaque. Ce seraient ces menaces et la discrimination administrative dont il aurait été victime qui l’auraient incité à quitter son pays d’origine.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur… dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Monsieur… reproche au ministre d’avoir retenu à tort que son récit rentrerait dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 20 (1), a), c) et h) de la loi du 5 mai 2006 et d’avoir statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et plus particulièrement de s’être limité à lui opposer qu’il n’aurait invoqué que des problèmes d’une pertinence insignifiante sans analyser si ses problèmes d’ordre matériel n’avaient pas eu des implications telles qu’il lui serait impossible de continuer à vivre dans son pays d’origine. En effet, le demandeur aurait été contraint de fuir son pays en raison des conditions de vie insoutenables dans lesquelles il aurait vécu du fait notamment que depuis un an il aurait été menacé par des personnes inconnues et suivi par des membres de la police. A cela s’ajouterait qu’il n’aurait pas réussi à trouver de travail en raison de ses opinions politiques.
Etant donné que la situation serait devenue insupportable pour lui et qu’il ne lui aurait plus été possible de vivre normalement, cet ensemble de faits devrait s’analyser en des éléments de persécution morale et psychologique qui l’auraient décidé à quitter son pays.
Par ailleurs, si le demandeur reconnaît que le Monténégro serait actuellement considéré comme étant un pays d’origine sûr, cette circonstance ne saurait être intangible et devrait faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles données par les demandeurs d’asile en provenance de ce pays, mais aussi par les organisations non gouvernementales et d’autres entités concernées. Or, à cet égard, le demandeur estime que même si le Monténégro est un pays d’origine sûr en général, il ne saurait l’être dans des cas particuliers comme le sien.
En ce qui concerne finalement le reproche qu’il aurait déposé sa demande de protection internationale tardivement, le demandeur rappelle qu’il serait arrivé au Luxembourg le 11 mars 2012 pour rejoindre l’Allemagne dès le 17 mars 2012, dans la mesure où il aurait eu l’intention d’introduire une demande de protection internationale en Scandinavie, ce qui lui aurait toutefois été impossible faute d’avoir disposé des moyens financiers nécessaires. Il serait dès lors revenu au Luxembourg où il aurait introduit sa demande de protection internationale dès son retour.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée.
En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), c) et h) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;
(…) h) le demandeur n’a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu’il avait la possibilité de le faire (…) ».
Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre de la procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.
Par ailleurs, aux termes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine, sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève (…) ».
En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant la liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le Monténégro est considéré comme constituant un pays d’origine sûr, tandis qu’il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité monténégrine et qu’à part un bref séjour en Allemagne, il a eu sa résidence habituelle au Monténégro avant de venir au Luxembourg.
Si l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne constitue certes qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, l’énumération d’un pays d’origine sûr dans ladite liste est toutefois suffisante pour que le ministre décide en application de l’article 20 (1) c) de statuer à des fins procédurales dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de la demande, alors que d’une part, une telle décision ne constitue qu’un acte préparatoire à la décision finale statuant sur la demande et, d’autre part, que la légalité de la décision finale adoptée dans le cadre de la procédure accélérée, et notamment les motifs qui ont conduit l’autorité compétente à rejeter la demande de protection internationale comme infondée, confrontés au récit du demandeur et à sa propre argumentation relative à la situation sécuritaire de son pays d’origine, feront l’objet d’un examen approfondi par le tribunal dans le cadre du recours en réformation contre la décision de rejet de ladite demande1, et ce conformément au susdit article 21 (2) qui exige, au-delà de l’inscription du pays en question sur la liste de pays d’origine sûrs, un examen individuel de la demande de protection internationale. Il convient 1 Voir CJCE, 28 juillet 2011, Brahim Samba Diouf c/ Luxembourg, aff. C-69/10, n° 55 et 56.
en effet de rappeler à cet égard que l’intention initiale du législateur2 était que le juge ne procède, au-delà de l’option procédurale retenue par le ministre, à l’examen individuel de la situation personnelle du demandeur que dans le cadre du - seul - recours en réformation ouvert à l’encontre de la décision de rejet, l’insertion par la loi du 19 mai 2011 dans le texte légal de la possibilité d’introduire un recours en annulation contre la décision du ministre d’opter pour la procédure accélérée ayant été effectuée de manière prématurée en réaction à une question préjudicielle adressée à la Cour de Justice des Communautés européennes et finalement de manière superflue, la Cour de Justice des Communautés européennes, par l’arrêt précité du 28 juillet 2011, ayant en effet décidé que la décision d’opter pour une procédure accélérée ne constitue qu’une décision préparatoire ne devant pas faire l’objet d’une possibilité de recours autonome.
Or, le juge administratif, confronté actuellement à une voie de recours superfétatoire, est appelé à interpréter le texte légal conformément à l’intention du législateur, alors que l’application textuelle de la disposition en question conduirait à un résultat incohérent ou non rationnellement justifié : aussi, le tribunal se borne, dans le cadre du présent recours en annulation, à vérifier, si légalement le ministre a pu opter pour une procédure accélérée compte tenu de l’inscription du pays d’origine du demandeur sur la liste des pays d’origine sûrs, l’analyse de la situation individuelle et personnelle du demandeur devant être opérée conformément au vœu initial du législateur dans le cadre du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision de rejet, solution par ailleurs plus favorable aux parties en cause, le tribunal pouvant dans ce cadre statuer comme juge du fond.
Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et h) de la loi du 5 mai 2006 et les développements afférents du demandeur.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Le demandeur estime à cet égard qu’il craindrait avec raison de subir à nouveau des menaces en cas de retour au Monténégro et qu’il ne pourrait pas être exclu que, par la suite, ces violences allaient revêtir un degré de gravité suffisant et aboutir « à une situation irrémédiable » pour lui. Le demandeur est encore d’avis que les actes de maltraitance qu’il aurait subis constitueraient des actes suffisamment graves pour être considérés comme des persécutions au sens de la loi.
Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale au demandeur.
2 Projet de loi n°5437 relatif au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, commentaire des articles, p. 35.
En vertu de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
Force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».
En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de son audition ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
Avant tout autre progrès en cause, le tribunal relève qu’alors même que le mandataire du demandeur fait état de persécutions dont ce dernier aurait été victime du fait de son appartenance à la communauté bosniaque et de sa confession musulmane, le demandeur n’a quant à lui invoqué que ses opinions politiques et plus particulièrement son appartenance au parti politique bosniaque BS comme étant à l’origine des actes de persécution dont il déclare avoir été victime.
Ensuite, nonobstant le degré d’implication de Monsieur… au sein du parti politique bosniaque BS, le tribunal est amené à constater que les menaces et autres agissements dont Monsieur… a déclaré avoir été victime du fait de son appartenance à ce parti, ne revêtent de toute façon pas un caractère de gravité suffisant de par leur nature ou leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme et par conséquent pour constituer dans son chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006 et de la Convention de Genève.
Il ressort en effet sans équivoque des déclarations de Monsieur… lors de son audition par l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères que même s’il explique que depuis environ un an avant son départ des membres du parti politique DPS auraient régulièrement fait pression sur lui, respectivement qu’ils l’auraient harcelé moralement, afin qu’il adhère à leur parti, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce qu’affirme le mandataire du demandeur, ce dernier a déclaré n’avoir jamais fait l’objet du moindre acte de maltraitance physique. Par ailleurs, la pression dont le demandeur a fait état se résume d’après ses propres explications à diverses tentatives de la part de certains membres du parti DPS de le convaincre de voter pour leur parti et ce notamment en lui proposant du travail ou de l’argent. Le tribunal ne décèle dès lors aucune contrainte physique ou morale préjudiciable dont Monsieur… aurait été victime de la part des membres du parti DPS. Par ailleurs, si le demandeur avait effectivement jugé les pressions subies comme étant à ce point insupportables, il lui aurait été loisible de dénoncer ces agissements à la police, ce qu’il n’a toutefois pas fait au motif que les démarches en ce sens auraient pris trop de temps.
Monsieur… a également expliqué avoir subi pendant environ un an des pressions de la part de certains membres de la police. Les membres du parti DPS l’auraient d’ailleurs averti que si lui et sa famille ne voteraient pas pour le parti DPS, le demandeur aurait des problèmes avec la police. En effet, comme la police travaillerait pour le gouvernement, les policiers auraient peur de perdre leur travail si le parti DPS n’était plus réélu. Ainsi, des policiers seraient souvent venus chez lui ou à son travail pour le fouiller sans raison valable et lui poser des questions sur son mode de vie. Il aurait par ailleurs été suivi à des intervalles irréguliers par trois policiers en civil. Même si, à le supposer avéré, le comportement affiché par les policiers en question est certes condamnable, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas suffisamment grave pour pouvoir retenir dans le chef du demandeur l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi et de la Convention de Genève. En effet, outre le fait que le demandeur n’a pas fait état du moindre acte de maltraitance physique dont il aurait été victime, il a également déclaré qu’il n’aurait jamais été amené au poste de police.
A cela s’ajoute qu’il ressort des explications du ministre et de la partie étatique, non autrement contestées par le mandataire du demandeur, que ce dernier aurait pu se plaindre du comportement des policiers devant d’autres instances et notamment auprès du département pour le contrôle interne des opérations de police, ce qu’il n’a toutefois pas fait.
Monsieur… a encore déclaré lors de son audition qu’il aurait eu des difficultés à trouver un emploi bien rémunéré du fait de son appartenance au parti politique BS. Le demandeur ne fournit toutefois aucune précision quant aux démarches qu’il aurait concrètement entreprises pour trouver un emploi bien rémunéré, ni aucun exemple concret de traitement discriminatoire qu’il aurait subi du fait de ses opinions politiques lors de ses recherches d’emploi. Le demandeur se plaint d’ailleurs non pas de ne pas avoir trouvé d’emploi mais de ne pas avoir trouvé un emploi suffisamment rémunéré. Le tribunal relève à cet égard du rapport d’entretien sur la demande de protection internationale du demandeur que ce dernier a déclaré avoir fait des études de tourisme en deuxième année à l’université et avoir travaillé à côté de ses études dans une entreprise de PVC. Or, à défaut de précisions supplémentaires, le tribunal n’est pas en mesure de déterminer si les prétendues difficultés rencontrées par le demandeur pour trouver un emploi bien rémunéré pourraient effectivement trouver leur origine dans ses opinions politiques ou bien tout simplement dans le fait qu’il n’a pas encore terminé ses études universitaires.
Ainsi, force est au tribunal de constater que le demandeur n’a pas fait état et n’a pas établi des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par le demandeur comme non fondée, de sorte que le recours est à déclarer non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur le statut de réfugié.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal retient, à défaut de tout moyen spécifique avancé par le demandeur, que celui-ci base son recours sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été retenu que les faits et motifs invoqués par le demandeur manquent de fondement, le tribunal n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir sur la base des mêmes évènements ou arguments, qu’il existerait dans le chef du demandeur un risque réel de subir des atteintes graves, telles que la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des arguments du demandeur que la situation qui prévaut actuellement au Monténégro correspond à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, le Monténégro n’étant pas seulement à considérer abstraitement comme pays d’origine sûr du fait de son énumération sur la liste des pays d’origine sûrs, mais également concrètement, compte tenu de la situation individuelle du demandeur, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».
En l’espèce, Monsieur… sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être réformée.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a à aucun moment fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 31 octobre 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur… dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 31 octobre 2012 portant refus d’une protection internationale à Monsieur… ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 31 octobre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 janvier 2013 par :
Marc Sünnen, vice-président, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
Hoffmann Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 janvier 2013 Le Greffier du Tribunal administratif 10