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11/12/2012 | LUXEMBOURG | N°30737

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 décembre 2012, 30737


Tribunal administratif Numéro 30737 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2012 3e chambre Audience publique du 11 décembre 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30737 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2012 par Maître Louis Tinti

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon...

Tribunal administratif Numéro 30737 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juin 2012 3e chambre Audience publique du 11 décembre 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30737 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2012 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Macédoine) et de Madame …, née le … , agissant en leur nom propre et au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … , tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 21 mai 2012 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh, en remplacement de Maître Louis Tinti, et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 novembre 2012.

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Le 1er septembre 2011, Monsieur … et Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … , ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des consorts … auprès d’un agent du service de police judiciaire, police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, furent actées dans un rapport daté du 7 septembre 2011.

Monsieur … fut entendu en date du 4 octobre 2011 et Madame … fut entendue en date du 28 octobre 2011 par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale, à savoir en substance des problèmes en relation avec l’activisme politique du père de Monsieur ….

Par décision du 21 mai 2012, notifiée par lettre recommandée envoyée le 23 mai 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts … de ce que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée au motif que les faits dont ils font état ne peuvent, à eux seuls, établir dans leur chef une crainte fondée d’être persécutés dans leur pays d’origine au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006, et, par ailleurs, qu’en application de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, il ne serait pas non plus établi que l’Etat macédonien ne peut ou ne veut pas leur accorder une protection. Le ministre conclut d’autre part qu’ils ne feraient pas état de motifs sérieux et avérés de croire qu’ils risquent de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans leur pays d’origine, et leur ordonne de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2012, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 21 mai 2012, par laquelle ils se sont vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale, et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard l’ordre de quitter le territoire.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, déclarant être de nationalité macédonienne, de confession musulmane et d’origine ethnique rom, exposent que leur demande de protection internationale serait basée sur des considérations liées à l’activisme politique du père du demandeur, qui serait le président de « l’Union Démocratique des Rom », ci-après désigné par le « DUR ». Ils soutiennent qu’en raison des divergences entre le parti DUR et le parti au pouvoir VMRO, les autorités en place se seraient retournées vers le demandeur, faute de pouvoir s’en prendre au père de celui-ci, qui aurait quitté le pays comme il aurait été persécuté.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs, en se prévalant de l’article 26 (3) c) de la loi du 5 mai 2006, tout en admettant que la situation générale des Rom en Macédoine serait meilleure que dans bon nombre d’autres pays dans lesquels se poserait la question de leur degré d’intégration, reprochent au ministre d’avoir retenu qu’ils ne seraient pas victimes d’une discrimination particulière.

En ce qui concerne la situation des Rom en Europe, ils citent des extraits d’un rapport du 26 février 2010 du Conseil de l’Europe, et en ce qui concerne plus spécifiquement la situation des Rom en Macédoine, ils se réfèrent à un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du 15 juin 2010, à un rapport d’Amnesty International de 2011, ainsi qu’à un article de presse intitulé « Demandeurs d’asile : La Macédoine épinglée par les associations des droits de l’Homme ». Ils mettent plus particulièrement en exergue que les autorités macédoniennes empêcheraient les Rom de quitter leur pays d’origine afin de présenter une demande de protection internationale à l’étranger, ce qui pourrait être compris comme une manière d’éviter que leur incapacité à intégrer de façon acceptable la communauté rom, notamment au regard des droits fondamentaux de l’homme, n’apparaisse de façon éclatante.

Quant à leur situation individuelle, les demandeurs soutiennent que les actes de violence commis à leur égard tomberaient dans le champ d’application de l’article 31 (2) a) de la loi du 5 mai 2006, en renvoyant à leurs déclarations actées dans leur rapport d’audition. Ils déclarent encore que les violences physiques, sinon les risques de violences physiques dont ils seraient susceptibles de faire l’objet en cas de retour dans leur pays d’origine, seraient suffisamment caractérisés de par leur nature et leur gravité pour entrer dans le champ d’application de l’article 31 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006. Ils estiment que les problèmes dont ils font état seraient à qualifier comme des actes de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, alors qu’ils seraient manifestement la conséquence, d’une part, de leur appartenance à la minorité rom, et, d’autre part, de leurs liens de parenté étroits avec le père du demandeur qui serait le président du parti DUR avec lequel le parti au pouvoir serait en conflit.

Ils donnent encore à considérer qu’au vu de la situation générale en Macédoine touchant à la problématique du respect des droits de l’homme et notamment des Rom, il existerait de bonnes raisons de penser, conformément à l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, que les actes de persécution dont ils auraient été victimes dans leur pays d’origine se reproduiront en cas de retour en Macédoine.

Ils font enfin valoir que le ministre aurait à tort retenu que dans leur cas d’espèce, l’agent de persécution ne serait pas l’Etat, mais des personnes privées. Après avoir fait référence à la jurisprudence du tribunal administratif, ils soulignent que les autorités macédoniennes n’assureraient qu’une protection largement insuffisante à la population rom dont les droits fondamentaux seraient méprisés, de sorte que l’Etat macédonien serait à considérer comme agent de persécution au sens de l’article 28 c) de la loi du 5 mai 2006, même si les exactions émaneraient de personnes privées, et cela sans qu’on puisse leur reprocher de ne pas avoir attendu l’issue de leur plainte alors que les chances que celle-ci aboutisse à l’arrestation de leurs agresseurs, qui seraient par ailleurs membres du parti au pouvoir, seraient raisonnablement faibles au regard de la situation générale en Macédoine.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut ainsi au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordé par :

a) l’Etat, ou b) des parties ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » L’octroi du statut de réfugié est donc notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, il se dégage des procès-verbaux d’audition, ensemble les explications fournies à l’appui de la requête introductive d’instance, que les demandeurs font essentiellement état d’une agression physique émanant de membres du parti VMRO subie par le demandeur le 10 juillet 2011 en raison de l’activisme politique de son père au sein du parti rom DUR. Ils soutiennent encore que suite à leur refus de retirer leur plainte contre les agresseurs du demandeur sur demande formulée en ce sens par le président du bureau régional de parti VMRO, à savoir le parti politique au pouvoir dans leur pays d’origine, ils auraient été menacés d’une saisie du stock de leur marchandises et les contrôles de leur lieu de travail au marché seraient devenus plus fréquents, étant relevé que les inspecteurs effectuant ces contrôles entretiendraient des liens avec le VMRO.

Contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, l’agression dont ils déclarent que le demandeur aurait été victime émane de personnes privées, à savoir de membres du parti politique VMRO. En effet, à défaut d’éléments permettant de retenir que cette agression soit encouragée par le parti au pouvoir VMRO, l’agression ne saurait être considérée comme émanant d’un acteur de persécutions au sens de l’article 28 b) de la loi du 5 mai 2008, mais elle émane d’acteurs non étatiques au sens de l’article 28 c) de la même loi, à savoir des membres isolés dudit parti. Au vu du caractère isolé de cette agression, le tribunal est amené à retenir qu’elle n’est pas suffisamment grave pour tomber dans le champ d’application de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Quant à la menace de saisie de leurs marchandises et quant au nombre prétendument élevé des contrôles du stand de marché des demandeurs par des inspecteurs liés au parti politique VMRO, si ces actes peuvent a priori être perçus comme une discrimination d’ordre administratif tombant dans le champ d’application de la Convention de Genève, force est au tribunal de constater que même si cette pratique et notamment les contrôles fréquents de leur stand de marché peuvent s’avérer particulièrement désagréables pour les demandeurs, ils ne présentent pas le caractère de gravité requis au sens de l’article 31 (1) b) de la loi du 5 mai 2006. Ce constat est encore corroboré par l’indication du demandeur lors de son audition que lesdits inspecteurs ont contrôlé si leurs marchandises étaient périmées ou non1, dans la mesure où de pareils contrôles, même s’ils sont effectués tous les deux jours, sont parfaitement justifiés par la protection des consommateurs.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de 1 Cf. rapport d’audition du demandeur du 4 octobre 2011, p.6 l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits qu’il avance, du risque réel de subir des atteintes graves que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

A l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs se rapportent à la sagesse du tribunal.

Il a été retenu ci-avant que l’agression physique subie par le demandeur, ainsi que les problèmes relatifs à leur stand de marché dont font état les demandeurs ne sont pas d’une gravité telle pour être qualifiés de persécutions. Sur le fondement des mêmes considérations, le tribunal est amené à retenir que ces difficultés ne répondent non plus à aucune des catégories d’atteintes graves énumérées aux points a) à c) de l’article 37, précité, dans la mesure où ni une agression physique isolée subie par le demandeur, ni des contrôles fréquents du stand de marché des demandeurs ne revêtent un degré de gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37, précité. D’autre part, les demandeurs n’ont pas soutenu qu’en cas de retour en Macédoine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courent le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 21 mai 2012 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

En l’espèce, les demandeurs se limitent à solliciter l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire sans formuler un quelconque moyen à l’appui de leur demande.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre vaut décision de retour, laquelle est définie par l’article 2. o) de la même loi comme étant la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire.

L’ordre de quitter le territoire y prononcé comporte l’indication du délai pour quitter le territoire ainsi que le pays à destination duquel le demandeur sera renvoyé.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont à aucun moment fait état d’une crainte justifiée de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à leur encontre.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 mai 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais ;

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 11 décembre 2012 par le vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.

Arny Schmit Claude Fellens 8


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 30737
Date de la décision : 11/12/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-12-11;30737 ?

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