Tribunal administratif N° 31508 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2012 2e chambre Audience publique extraordinaire du 5 décembre 2012 Recours formé par Monsieur … … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31508 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Monténégro) et de son épouse, Madame … …-…, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur …, né le … à …, tous de nationalité monténégrine, demeurant actuellement ensemble à …, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre du 20 septembre 2012 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley Freyermuth, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 décembre 2012.
Le 23 juillet 2012, Monsieur … … et son épouse, Madame … …-… introduisirent en leur nom propre et au nom de leur enfant mineur …, ci-après désignés « les consorts … », auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Les déclarations des consorts … sur leur identité respective et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.
Monsieur … et Madame …-… furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en dates respectivement des 11 et 13 septembre 2012 sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 20 septembre 2012, notifiée par courrier recommandé envoyé le 24 septembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), points a), b), c) et g) de la loi du 5 mai 2006, et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2012, les consorts … ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale du même jour et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 20 septembre 2012 de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs contestent avoir exposé des faits non pertinents ou d’une pertinence insignifiante en vue de l’obtention de la protection internationale. En effet, ils exposent être victimes de menaces proférées à leur encontre par une personne avec laquelle le demandeur se serait disputé suite à un accident routier, menaces contre lesquelles ils auraient porté plainte. Ils affirment également que la demanderesse aurait été suivie à plusieurs reprises par une voiture, qu’elle aurait été kidnappée et séquestrée avec leur enfant dans leur ancien appartement situé dans la ville de …. Ils font valoir que craignant des représailles, ils n’auraient pas dénoncé l’enlèvement à la police. Nonobstant l’absence de démarche auprès des autorités policières, ils auraient peur pour la vie de leur enfant mineur.
Finalement, ils reprochent aux autorités policières d’être restées inactives et de ne pas avoir entrepris des recherches afin d’identifier l’auteur des menaces afin d’éviter un autre enlèvement. Ils en concluent que l’ensemble des faits décrits constitueraient des éléments de persécution morale, psychologique et physique. Quant à la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur le fondement de l’article 20 (1), c) de la loi du 5 mai 2006, les demandeurs font valoir que s’il était exact qu’ils proviennent d’un pays sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, ils auraient néanmoins exposé des raisons valables pour penser qu’il ne s’agirait pas d’un pays sûr eu égard à leur situation personnelle. En effet, en l’espèce, l’examen de leur situation individuelle serait de nature à renverser la présomption établie par l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006. Quant à la situation générale de leur pays d’origine, bien que les demandeurs entendent se référer au rapport de 2012 d’Amnesty International sur le Monténégro, l’extrait qu’ils citent concerne cependant le Kosovo.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;
(…) g) le demandeur a fait des déclarations incohérentes, contradictoires, improbables ou insuffisantes au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b), c) et g) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, s’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006 ou encore si le demandeur a fait des déclarations incohérentes, contradictoires, improbables ou insuffisantes au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
Par ailleurs, il convient de relever que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-
fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.
En ce qui concerne plus précisément le cas énuméré au point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi, auquel l’article 20 (1) fait expressément référence : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, il a été retenu que le Monténégro est un pays d’origine sûr. Etant donné qu’il est encore constant en cause que les demandeurs ont la nationalité monténégrine et ont résidé au Monténégro avant de venir au Luxembourg, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr.
Or, au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) de la même loi, le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
En l'espèce, le tribunal constate que le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu'ils proviennent d'un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006, de vérifier si les demandeurs lui soumettent, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de leur situation personnelle.
Or, les demandeurs omettent d'établir pareilles raisons concrètes. En effet, l'analyse de leur situation personnelle telle que décrite par eux ne permet pas au tribunal d'en dégager des éléments suffisants impliquant que le constat ministériel s’en trouverait ébranlé. Par ailleurs, la simple référence faite par les demandeurs au rapport 2012 d’Amnesty International sur le Monténégro est sans pertinence dès lors que la citation erronée dudit rapport concerne les Roms du Kosovo. Il s’ensuit que la situation y décrite est sans rapport avec celle des demandeurs et n’est partant pas de nature à contrecarrer la conclusion du ministre sous analyse, complétée de manière circonstanciée par le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse.
Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale.
Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a), b) et g) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 20 septembre 2012 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Sous ce rapport, les demandeurs font valoir en substance qu’ils seraient victimes de persécutions d’ordre mental émanant d’une personne avec laquelle le demandeur se serait disputé suite à un accident routier, menaces contre lesquelles les demandeurs auraient porté plainte. Ils font valoir qu’ils seraient également victimes de persécutions d’ordre physique dès lors qu’ils craindraient que cette personne ne s’en prenne à leur enfant mineur, crainte qui serait renforcée par la circonstance de l’enlèvement et la séquestration de la demanderesse et de son fils. Ils estiment que ces menaces devraient être qualifiées de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, ci-après désignés par la « Convention de Genève » et de la loi du 5 mai 2006 de sorte qu’ils devraient se voir accorder le statut de réfugié au sens de cette convention.
En vertu de l'article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l'article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d'un pays tiers qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. (…) » Par ailleurs, l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. » et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordé par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.
(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il suit des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté dans son pays d’origine avant son départ. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ressort sans équivoque des rapports d’audition respectifs des demandeurs que tant les menaces proférées verbalement par la personne avec laquelle le demandeur se serait disputé suite à un accident de la route que l’enlèvement et la séquestration de la demanderesse et de son fils par des personnes non autrement identifiées par les demandeurs, aussi répréhensibles que ces agissements puissent être, ne sauraient aucunement être qualifiés de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir des actes commis en raison de motifs tenant à leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un autre groupe social. Les demandeurs ne mentionnent aucunement dans leurs auditions respectives que les faits ci-avant rappelés dont ils affirment avoir été victimes auraient été commis en raison de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un autre groupe social.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs qui n’ont pas rapporté la preuve de l’existence de persécutions à leur égard de la part de personnes non autrement identifiées de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner la question de la crainte future de persécutions à leur égard par ledit voisin. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’analyser la situation générale au Monténégro, pour apprécier si l'Etat dispose d'un système policier et judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner des actes tels que dénoncés par les demandeurs et si les instances étatiques sont disposées ou capables d’assurer à la population une protection efficace.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».
L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi.
Or, tel que développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, il ne ressort d’aucun élément du dossier que les agissements de personnes non autrement identifiées puissent être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs la protection subsidiaire au sens de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 20 septembre 2012 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».
A cet égard, les demandeurs font valoir que dans la mesure où ils auraient fait état d’une crainte justifiée de persécution sinon d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006, l’ordre de quitter le territoire serait à annuler.
Or, le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse, de sorte qu’il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire conformément à l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Françoise Eberhard, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 5 décembre 2012 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Anne-Marie Wiltzius, greffier à la Cour administrative.
s. Anne-Marie Wiltzius s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier assumé du tribunal administratif 9