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04/12/2012 | LUXEMBOURG | N°31498

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 décembre 2012, 31498


Tribunal administratif N° 31498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2012 3e chambre Audience publique du 4 décembre 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la

Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né l...

Tribunal administratif N° 31498 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 octobre 2012 3e chambre Audience publique du 4 décembre 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31498 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-

Herzégovine), de nationalité bosnienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2012 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour de Maître Louis Tinti en remplacement de Maître Nicky Stoffel déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Madame le délégué du gouvernement Caroline Peffer en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 novembre 2012.

En date du 2 août 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 13 septembre 2012, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, à savoir des craintes du fait qu’il aurait à plusieurs reprises été agressé par des narcodépendants qui lui auraient par ailleurs volé son argent.

Par décision du 20 septembre 2012, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée en date du 21 septembre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-

après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se fondant sur les dispositions de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif que les problèmes invoqués par le demandeur ne rentreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, qu’il ne serait pas établi que les autorités de son pays d’origine ne seraient pas disposées ou capables de lui accorder une protection adéquate et que le demandeur ne ferait pas non plus état de motifs sérieux et avérés de croire qu’il risque de subir des atteintes graves en cas de retour de son pays d’origine, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2012, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du ministre portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A l’appui de ses recours, Monsieur … déclare être de confession musulmane et avoir fait l’objet d’attaques en Bosnie-Herzégovine de la part de narcodépendants serbes en raison de sa confession. Il souligne que ces agressions auraient commencé en 2008, et qu’à cette occasion il aurait été frappé avec un poignet en acier. La plainte déposée par lui auprès de la police n’aurait connu aucune suite. Il aurait encore été agressé le 1er mai 2012 par le même groupe et là encore la plainte déposée par lui n’aurait pas connu de suites. En tout, le demandeur fait état d’une vingtaine d’attaques et fait valoir qu’il ne pourrait obtenir une protection de la police au motif qu’il est de confession musulmane.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être dirigé contre ce volet de la décision du ministre. Le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

A l’appui de ce volet de la requête, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre aurait appliqué la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, en faisant valoir qu’il aurait soulevé des faits pertinents et en soulignant qu’il aurait été contraint de quitter son pays d’origine en raison de conditions de vie insoutenables, de sorte que le ministre n’aurait pas correctement évalué sa situation.

D’autre part, le demandeur soutient que même si la Bosnie-Herzégovine serait actuellement considérée comme pays d’origine sûr, ce constat devrait faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles données par les demandeurs de protection internationale. Dans la mesure où il aurait fait l’objet d’agressions sans que la police n’ait donné de suites à ses plaintes, son pays d’origine ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr au regard de sa situation particulière.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

[…] c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sont énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, de sorte qu’une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Plus particulièrement en ce qui concerne le point c) de l’article 20 (1), précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » Il est constant en cause que la Bosnie-Herzégovine figure sur la liste des pays sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité bosnienne et qu’il a résidé en Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.

Au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier le recours à une procédure accélérée, étant donné que l’article 21 (2) de la même loi oblige le ministre nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, en tout état de cause de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l'espèce, le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu'il provient d'un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d'origine sûr, de sorte qu'il appartient au tribunal, statuant comme juge de l’annulation dans le cadre et les limites de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (4) de loi du 5 mai 2006 et des moyens invoqués, de vérifier si le demandeur lui soumet, conformément à l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, des raisons valables permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Force est cependant au tribunal de constater que les moyens invoqués en l’espèce par le demandeur et l’analyse de sa situation personnelle ne permet pas d’en dégager des éléments suffisants pour conclure à l’illégalité de la décision. En effet, à défaut d’autres éléments du récit du demandeur permettant de retenir un défaut de protection dans son cas précis, à défaut de produire la moindre source internationale susceptible d’appuyer ses affirmations, face aux explications de la partie étatique que la population bosnienne se compose à hauteur de 40% de musulmans de manière à laisser des doutes sur la crédibilité de l’affirmation du demandeur que la police bosnienne ne l’aiderait pas en raison de sa religion musulmane et au regard du fait que le demandeur a déclaré lui-même lors de son audition que suite au dépôt de sa plainte la police l’a accompagné sur les lieux de manière à contredire ses déclarations à l’appui de sa requête introductive que la police n’aurait rien fait, l’affirmation du demandeur à elle seule qu’il n’est pas protégé par la police contre des narcodépendants serbes au motif que ses plaintes n’auraient pas connu de suites, ne permet pas de renverser le constat du ministre.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur n’invoque pas des faits démontrant que la Bosnie-Herzégovine ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, de sorte que c’est à bon droit que le ministre, après analyse de sa situation concrète, a conclu qu’il est originaire d’un pays d’origine sûr, et qu’il a à bon droit statué sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet de la requête, le demandeur soutient que les agressions subies par lui constitueraient des actes suffisamment graves pour être qualifiés d’actes de persécution, contre lesquelles les autorités de son pays d’origine ne voudraient pas le protéger. Il soutient encore que l’Etat bosnien serait à considérer comme agent de persécution.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il convient de relever qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] » Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 29 de la même loi : « (1) La protection peut être accordée par :

a) l’Etat, ou b) des parties ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci.

(2) Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, indépendamment de la question de savoir si les difficultés invoquées par le demandeur rentrent dans le champ d’application de la Convention de Genève, force est de constater que les auteurs des actes dont il se plaint sont des personnes privées, en l’occurrence des narcodépendants serbes qui l’auraient agressé à différentes reprises. Dès lors, tel que cela a été relevé ci-avant, ces derniers ne peuvent être qualifiés d’acteurs de persécutions au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2008 que sous la condition que les entités définies à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne veulent ou ne peuvent pas accorder au demandeur une protection adéquate.

Or, en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal que les autorités de Bosnie-Herzégovine seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas intervenir afin de protéger le demandeur contre les actes décrits par lui. Il se dégage au contraire des déclarations du demandeur lors de son audition que pour le moins suite au dépôt de sa plainte en rapport avec une agression du 1er mai 2012, la police l’a accompagné à l’endroit où ses agresseurs se retrouvent d’habitude. Si le demandeur affirme que la police ne ferait rien pour l’aider au motif que les policiers seraient tous des Serbes et ne l’aideraient pas puisqu’il est musulman, cette affirmation n’est étayée par aucune pièce et est par ailleurs contredite par les explications du délégué du gouvernement et du ministre suivant lesquelles la population bosnienne se compose à hauteur de 40% de musulmans et que, selon une source citée par le ministre et non contestée par le demandeur, la Bosnie-Herzégovine est constituée de 48% de Bosniaques qui constituent partant le groupe ethnique le plus important en Bosnie-

Herzégovine. D’autre part, même à supposer que le demandeur ait été discriminé par des policiers serbes en ce sens qu’ils n’auraient pas donné de suites à ses plaintes puisqu’il est musulman, le demandeur admet ne jamais avoir saisi une autorité supérieure, tel la Section de contrôle interne ou le Bureau public des plaintes auxquels le ministre s’est référé et qui ont été crées pour sanctionner des excès commis par des policiers ou des comportements non professionnels de policiers.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 e), précité définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, tel que développé ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le demandeur ne saurait pas se prévaloir de la protection des autorités de son pays d’origine, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui accorder la protection subsidiaire au sens de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 20 septembre 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, le demandeur sollicite l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus d’une protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Dans la mesure où le tribunal vient de rejeter le recours en réformation dirigé contre la décision de refus d’une protection internationale et à défaut d’autres moyens soulevés par le demandeur, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de l’ordre de quitter le territoire pris à l’égard du demandeur.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 septembre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 4 décembre 2012 par le vice-président, en présence du greffier assumé Claudine Meili.

s. Claudine Meili s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4/12/2012 Le Greffier du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 31498
Date de la décision : 04/12/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-12-04;31498 ?

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