Tribunal administratif N° 31534 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 octobre 2012 1re chambre Audience publique du 28 novembre 2012 Recours formé par Monsieur …et consort, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 31534 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2012 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … à… (Serbie), tous les deux de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 5 octobre 2012 de statuer sur le bien-
fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 5 octobre 2012 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondées et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 novembre 2012.
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Le 5 septembre 2012, Monsieur …et son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les époux …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».
Le même jour, les époux…furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
En date du 3 octobre 2012, les époux…furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur les motifs à la base de leurs demandes de protection internationale.
Par décision du 5 octobre 2012, expédiée par courrier recommandé le 9 octobre 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux…qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2012, les époux…ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 5 octobre 2012 par laquelle il a été décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
Les époux…exposent à l’appui de leur recours qu’ils auraient quitté la Serbie en raison des conditions de vie difficiles auxquelles ils y auraient été confrontés. Ils n’auraient en effet pu que difficilement subvenir à leurs besoins, notamment du fait que Monsieur…n’aurait pas trouvé de travail. Par ailleurs, alors même que Madame…aurait eu beaucoup de problèmes de santé, elle n’aurait pas eu les moyens de payer ses médicaments.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des époux…dans le cadre d’une procédure accélérée.
Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Les demandeurs reprochent au ministre d’avoir retenu à tort que leurs récits rentreraient dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 20 (1), a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006 et d’avoir statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et plus particulièrement de s’être limité à leur opposer qu’ils n’auraient invoqué que des problèmes de droit commun sans analyser si les problèmes invoqués n’avaient pas d’implications telles que les demandeurs ne pourraient plus vivre en Serbie. En effet, les demandeurs n’auraient pas eu d’autre choix que de quitter leur pays d’origine alors qu’ils y auraient vécu dans des conditions très difficiles du fait notamment qu’ils n’auraient pas pu subvenir à leurs besoins. Ils font valoir que cette situation serait devenue insupportable dans la mesure où il ne leur aurait plus été possible de poursuivre une vie normale et décente.
Les demandeurs estiment qu’en tout état de cause les faits invoqués par eux devraient s’analyser en des éléments de persécution morale et psychologique qui les auraient décidés à fuir la Serbie et qu’ils vivraient actuellement dans la crainte constante qu’en cas de retour ils devraient de nouveau faire face à ce manque de moyens financiers et à l’impossibilité de se faire soigner correctement.
Les demandeurs font également valoir qu’il résulterait de leurs récits que leurs droits les plus élémentaires, tels que l’accès à l’emploi et à des soins médicaux de qualité auraient été régulièrement bafoués.
Par ailleurs, si les demandeurs reconnaissent que la Serbie serait actuellement considérée comme étant un pays d’origine sûr, cette circonstance ne saurait être intangible et devrait faire l’objet d’une évaluation régulière compte tenu des indications factuelles données par les demandeurs d’asile en provenance de ce pays, mais aussi par les organisations non gouvernementales et d’autres entités concernées. Or, à cet égard les demandeurs mettent en avant un rapport de 2011 d’Amnesty International sur la Serbie dont il résulterait que malgré le fait que les auteurs présumés de crimes de guerre continueraient à être poursuivis, il n’y aurait que peu de progrès dans les démarches pour éclaircir le sort des personnes portées disparues depuis le conflit de 1999 et que les minorités subiraient toujours des discriminations tant en Serbie qu’au Kosovo. Par ailleurs, il y aurait eu de graves violences interethniques dans le nord du Kosovo. Les demandeurs en concluent qu’au vu de leur situation particulière, la Serbie ne saurait être considérée comme un pays d’origine sûr dans leur chef.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.
En l’espèce, la décision ministérielle est fondée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-
fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».
Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.
Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.
Par ailleurs, aux termes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève (…) ».
En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant la liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, la République de Serbie est considérée comme un pays d’origine sûr, tandis qu’il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont tous deux la nationalité serbe et qu’ils ont habité en Serbie avant de venir au Luxembourg.
Si l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 ne constitue certes qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, l’énumération d’un pays d’origine sûr dans ladite liste est toutefois suffisante pour que le ministre décide en application de l’article 20 (1) c) de statuer à des fins procédurales dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de la demande, alors que d’une part, une telle décision ne constitue qu’un acte préparatoire à la décision finale statuant sur la demande et, d’autre part, que la légalité de la décision finale adoptée dans le cadre de la procédure accélérée, et notamment les motifs qui ont conduit l’autorité compétente à rejeter la demande de protection internationale comme infondée, confrontés au récit du demandeur et à sa propre argumentation relative à la situation sécuritaire de son pays d’origine, feront l’objet d’un examen approfondi par le tribunal dans le cadre du recours en réformation contre la décision de rejet de ladite demande1, et ce conformément au susdit article 21 (2) qui exige, au-delà de l’inscription du pays en question sur la liste de pays 1 Voir CJCE, 28 juillet 2011, Brahim Samba Diouf c/ Luxembourg, aff. C-69/10, n° 55 et 56.
d’origine sûrs, un examen individuel de la demande de protection internationale. Il convient en effet de rappeler à cet égard que l’intention initiale du législateur était que le juge ne procède, au-delà de l’option procédurale retenue par le ministre, à l’examen individuel de la situation personnelle du demandeur que dans le cadre du - seul - recours en réformation ouvert à l’encontre de la décision de rejet, l’insertion dans le texte légal de la possibilité d’introduire un recours en annulation contre la décision du ministre d’opter pour la procédure accélérée ayant été effectuée de manière prématurée en réaction à une question préjudicielle adressée à la Cour de Justice des Communautés européennes et finalement de manière superflue, la Cour de Justice des Communautés européennes, par l’arrêt précité du 28 juillet 2011, ayant en effet décidé que la décision d’opter pour une procédure accélérée ne constitue qu’une décision préparatoire ne devant pas faire l’objet d’une possibilité de recours autonome.
Or, le juge administratif, confronté actuellement à une voie de recours superfétatoire, est appelé à interpréter le texte légal conformément à l’intention du législateur, alors que l’application textuelle de la disposition en question conduirait à un résultat incohérent ou non rationnellement justifié : aussi, le tribunal se borne, dans le cadre du présent recours en annulation, à vérifier, si légalement le ministre a pu opter pour une procédure accélérée compte tenu de l’inscription du pays d’origine des demandeurs sur la liste des pays d’origine sûrs, l’analyse de la situation individuelle et personnelle des demandeurs devant être opérée conformément au vœu initial du législateur dans le cadre du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision de rejet, solution par ailleurs plus favorable aux parties en cause, le tribunal pouvant dans ce cadre statuer comme juge du fond.
Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Les demandeurs estiment à cet égard que le ministre aurait fait une interprétation erronée des faits de l’espèce dans la mesure où les motifs invoqués à la base de leurs demandes de protection internationale devraient être analysés comme constituant des persécutions d’ordre mental et psychologique. Ils donnent dans ce contexte à considérer que les conditions de vie difficiles auxquelles ils auraient dû faire face et qui se seraient notamment traduites par des difficultés d’accès à l’emploi et aux soins de santé devraient s’analyser en des persécutions au sens de la Convention de Genève et qu’ils devraient dès lors être qualifiés de réfugiés au sens de l’article 2 de la loi du 5 mai 2006. Ils craindraient en tout état de cause avec raison de devoir à nouveau vivre dans des conditions intenables en cas de retour forcé en Serbie, ce d’autant plus qu’il ne pourrait pas être exclu que par la suite cette situation revêtirait un degré de gravité suffisant et aboutirait « à une situation irrémédiable » pour eux.
Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
Force est de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans leur pays d’origine.
Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.
Aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».
En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
Il ressort en effet sans équivoque des déclarations des demandeurs que ceux-ci n’ont quitté leur pays d’origine que dans le seul but d’échapper à des conditions de vie difficiles liées aux problèmes économiques rencontrés en Serbie et aux problèmes de santé de Madame ….
En effet, les époux…ont déclaré tous les deux qu’ils n’auraient pas eu suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins quotidiens, notamment en termes de nourriture, ni pour payer les médicaments dont Madame…aurait besoin pour se soigner correctement.
Monsieur…a encore expliqué dans ce contexte qu’en raison de la crise il ne lui serait pas possible de travailler régulièrement en Serbie et partant de gagner assez d’argent pour offrir des conditions de vie décentes à sa famille.
Il ne ressort en tout état de cause pas du récit des époux…que les conditions de vie difficiles invoquées trouveraient leur origine dans l’un des critères énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir dans leur race, leur religion, leurs opinions politiques, leur nationalité ou encore leur appartenance à un certain groupe social. Ils ne font en effet état d’aucun traitement discriminatoire dont ils auraient été victimes dans leur pays d’origine, que ce soit au niveau de l’accès à l’emploi ou encore à celui de l’accès aux soins. Au contraire, Monsieur…explique lui-même que ses difficultés à trouver un emploi stable seraient dues à la crise qui sévirait en Serbie, tandis que Madame…confirme quant à elle qu’elle aurait bien été affiliée à la sécurité sociale et qu’elle aurait touché une petite retraite de son défunt mari mais que cela n’aurait pas été suffisant pour lui permettre d’acheter ses médicaments, sans toutefois se plaindre d’avoir subi des discriminations à l’accès aux soins.
Il ressort d’ailleurs à cet égard des explications de la partie étatique que le système de santé public offre des soins de santé gratuits aux chômeurs et aux personnes ne disposant que d’un faible revenu et résidant de manière habituelle en Serbie.
Force est dès lors au tribunal de constater que les époux…n’ont fait valoir que des motifs d’ordre économique et médical à la base de leurs demandes de protection internationale sans faire état et sans établir des raisons de nature à justifier dans leur chef une crainte justifiée de persécution dans leur pays de provenance pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs comme non fondée, de sorte que le recours est à déclarer non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal retient, à défaut de tout moyen spécifique avancé par les époux…que ceux-ci basent leur recours sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, il y a lieu de constater que le tribunal ne s’est pas vu soumettre de la part des demandeurs des éléments susceptibles d’établir, sur base des mêmes évènements ou arguments que ceux invoqués dans le cadre de la demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, la République de Serbie n’étant pas seulement à considérer abstraitement comme pays d’origine sûr du fait de son énumération sur la liste des pays d’origine sûrs, mais également concrètement, compte tenu de la situation individuelle des demandeurs, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 5 octobre 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 20 paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».
En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être réformée.
Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont, à aucun moment, fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 5 octobre 2012 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale des époux…dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 5 octobre 2012 portant refus d’une protection internationale aux époux…;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 5 octobre 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 novembre 2012 par :
Marc Sünnen, vice-président, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.11.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 9