Tribunal administratif N° 26009a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2009 3e chambre Audience publique du 23 octobre 2012 Recours formé par Madame …, … contre une décision de la Commission des pensions du secteur étatique en présence de l’établissement public « Centres, Foyers et Services pour personnes âgées – Servior » en matière de mise à la retraite
JUGEMENT
Revu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2009 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 8 juillet 2009 de la Commission des pensions du secteur étatique retenant que « Madame … préqualifiée n'est pas sujette à des infirmités qui la mettraient hors d'état d'exercer ses fonctions et qui argumenteraient pour un changement d'emploi » ;
Vu le jugement avant dire droit rendu par le tribunal administratif en date du 20 avril 2010 ;
Vu les ordonnances du président de la troisième chambre du tribunal administratif des 5 juillet et 12 novembre 2010 rendues dans la présente affaire ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 5 juin 2012 ayant invité le collège des experts commis de déposer leur rapport au greffe du tribunal administratif ;
Vu le rapport d’expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2012 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 15 juin 2012 ayant autorisé les parties à déposer chacune un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2012 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de Madame … ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2012 par Maître Albert Moro, avocat à la Cour, au nom de l’établissement public « Centres, Foyers et Services pour personnes âgées – Servior » ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, Maître Nadège Anen, en remplacement de Maître Albert Moro, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 octobre 2012.
Madame … occupa le poste d’aide-soignante auprès de l’établissement public « Centres, Foyers et Services pour personnes âgées – Servior », désigné ci-après par « l’établissement Servior ».
Madame … ayant été longtemps absente de son travail pour raisons de santé, le médecin de contrôle, par application de l’article 2. IV., dernier alinéa, de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « la loi du 26 mai 1954 », saisit le 13 mars 2008 la Commission des pensions instituée auprès du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative afin qu’elle se prononce sur la question de savoir si Madame … était encore à même d’exercer ses fonctions.
En se basant sur le rapport du médecin de contrôle, la Commission des pensions retint, par une décision du 5 mai 2008, que l’état de santé de Madame … ne lui permettait actuellement pas d’exercer ses fonctions, mais qu’elle pourrait éventuellement les reprendre après avoir suivi une rééducation. La Commission des pensions décida partant de surseoir à une décision définitive et de réexaminer l’affaire en septembre 2008 sur base d’un nouveau rapport médical à établir par le médecin de contrôle, tout en accordant un congé de maladie à l’intéressée jusqu’à la décision à intervenir à la suite de ce réexamen.
Par une nouvelle décision du 8 décembre 2008, la Commission des pensions, au vu du nouveau rapport médical du médecin de contrôle du 19 septembre 2008 qui conclut que l’état de santé de Madame … ne lui permettait plus d’exercer ses fonctions d’aide-soignante, mais qu’elle pourrait reprendre un autre travail sans contrainte rachidienne, décida de surseoir à une décision définitive et chargea le docteur M. K., médecin spécialiste en orthopédie, de la mission de rédiger un rapport sur la question de savoir si Madame … était capable d’exercer ses fonctions actuelles, de les reprendre ou d’exercer une autre fonction publique.
En date du 2 juin 2009, le docteur M. K., établit son rapport médical au terme duquel il conclut que :
« On constate une discordance évidente entre les examens cliniques, les résultats de l’imagerie et les plaintes de la patiente.
Il n’y a aucun argument orthopédique pouvant expliquer les problèmes fonctionnels décrits par Mme …. Il s’en suit qu’aucune incapacité partielle permanente peut être définie.
Il n’y a donc pas lieu de définir une invalidité professionnelle chez Mme … du point de vue orthopédique. » Par une décision définitive du 8 juillet 2009, la Commission des pensions, en se fondant sur le prédit rapport médical du 2 juin 2009, estima que « le dossier médical de l’intéressée ne révèle pas des causes invalidantes suffisantes pour justifier une mise à la retraite prématurée pour raisons de santé » et décida que Madame … « n’est pas sujette à des infirmités qui la mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions et qui argumenteraient pour un changement d’emploi ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 août 2009, inscrite sous le numéro 26009 du rôle, Madame … introduisit un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision de la Commission des pensions du 8 juillet 2009.
A l’appui de son recours, elle fit en substance valoir qu’il y aurait lieu de reconnaître son inaptitude à exercer la fonction d'aide-soignante et en conséquence de lui proposer une affectation à une fonction administrative auprès de son actuel employeur ou au sein d'une autre administration.
Par un jugement avant dire droit du 20 avril 2010, le tribunal a déclaré irrecevable le recours en annulation, a déclaré recevable en la forme le recours en réformation, et, au fond, a, avant tout autre progrès en cause, ordonné une expertise médicale en fixant la mission des experts dans les termes suivants : « se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si l’état actuel de santé de Madame … lui permet encore d’exercer ses fonctions d’aide-soignante, en prenant notamment en considération le volet de sa fonction lié à la manutention des patients et à la position debout nécessitée par ladite fonction. Dans le cas où les experts retiennent que Madame … n’est plus capable d’exercer ses fonctions d’aide-soignante, ils se prononceront également sur la question de savoir si celle-ci est encore capable d’exercer une autre fonction », et a, pour le surplus, réservé les frais.
Dans le rapport du 12 août 2011, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juin 2012, le collège des experts a retenu par rapport à la première question posée par le tribunal que « Mme … ne peut plus exercer les fonctions d’aide-soignante », et, par rapport à la deuxième question posée par le tribunal, qu’elle « est encore capable d’exercer une autre fonction, comme spécifiée dans la discussion médico-légale », à savoir que la demanderesse « peut travailler à des postes adéquats qui devraient remplir les conditions suivantes : travail léger en évitant de porter des poids de plus de 5 kg en évitant de s’accroupir fréquemment et de soulever des charges plus lourdes que 5 kg.
Un changement vers un travail adéquat à attribuer à Mme … est indiqué ».
Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse conclut à l’entérinement du rapport d’expertise.
L’établissement Servior pour sa part demande à titre principal au tribunal de ne pas entériner le rapport d’expertise au motif que les experts n’auraient pas tiré les conclusions adéquates des analyses et examens effectués par eux et dont le compte-rendu est attaché à leur rapport. En l’occurrence, leur conclusion finale ne serait pas en conformité avec les rapports des docteurs M. G. et M. K., dans la mesure où ceux-ci auraient retenu que la demanderesse ne souffrait d’aucune douleur l’empêchant d’exercer correctement son travail, alors que le collège des experts aurait retenu qu’elle serait limitée dans l’exercice de son travail. L’établissement Servior donne encore à considérer que la problématique lombaire mentionnée par le docteur M. G. dans son rapport se baserait uniquement sur les affirmations de la demanderesse lors d’une consultation le 16 février 2011, et souligne que le docteur M. G. n’aurait pas procédé à des examens cliniques pour vérifier ces affirmations, examens qui ne relèveraient d’ailleurs pas de son champ de compétence et sur lesquels il ne pourrait pas former un avis. Il se dégagerait encore de l’expertise neurologique du docteur M. K. que la demanderesse pourrait exercer son travail d’aide-soignante. L’établissement Servior fait valoir qu’au-delà du constat que le résultat des analyses effectuées par ces deux médecins spécialistes aurait été positif sur la capacité de travail de la demanderesse, aucun des rapports d’expertise joints au rapport final ne mentionnerait que celle-ci ne pourrait soulever des poids supérieurs à 5 kg, et en conclut que ce poids serait fixé d’une manière arbitraire.
L’établissement Servior fait ensuite valoir qu’il existerait une discordance entre les examens cliniques effectués par les experts et les plaintes de la demanderesse, tout en relevant que celle-ci se serait plainte de douleurs lombaires accentuées par des efforts ou des mouvements de soulèvement, tandis que les examens cliniques indiqueraient que les résultats des tests effectués seraient négatifs et qu’aucune atteinte lombaire ne serait à signaler.
L’établissement Servior en conclut que le tribunal disposerait de justes motifs pour s’écarter des conclusions des experts et qu’il y aurait donc lieu de se référer aux précédents rapports médicaux fournis par lui-même, qui concluraient que la demanderesse serait apte à exercer sa fonction d’aide-soignante.
A titre subsidiaire, l’établissement Servior conclut au rejet du recours en réformation en soutenant en substance que la Commission des pensions n’aurait pas commis d’erreur d’appréciation en ce sens que l’invalidité de la demanderesse ne serait pas établie de manière que celle-ci ne pourrait pas faire valoir des droits à la pension. A cet égard, l’établissement Servior rappelle que la Commission des pensions a examiné la situation de la demanderesse dans le cadre de l’article 2. III de la loi du 26 mai 1954 et que la mise à la retraite du fonctionnaire en vertu de cette disposition requérait que deux conditions cumulatives soient remplies, à savoir que le fonctionnaire soit atteint d’infirmités graves et permanentes et, d’autre part, que la Commission des pensions reconnaisse une invalidité dans son chef, de sorte que la mise à la retraite s’impose. Dans la mesure où le rapport d’expertise retiendrait que la demanderesse n’est pas atteinte d’infirmités graves et permanentes la rendant inapte à tout travail, la Commission des pensions n’aurait pas commis d’erreur d’appréciation en retenant que la demanderesse n’est pas fondée à faire valoir ses droits à la pension.
A titre plus subsidiaire, l’établissement Servior fait valoir qu’il aurait déjà proposé des alternatives au travail d’aide-soignante et aurait tenté de reclasser la demanderesse en interne, notamment en lui proposant des tâches d’ordre plus administratif, mais que celle-
ci aurait continué à présenter des certificats de maladie et à rester absente de son travail.
Enfin, l’établissement Servior demande à ce que les frais d’expertise ne soient pas mis à sa charge, en faisant valoir qu’il n’aurait ni émis ni retiré une décision illégale dans la mesure où la décision litigieuse émane de la Commission des pensions et qu’elle-
même ne serait que tiers intervenant dans la procédure.
Force est de constater que la Commission des pensions, à travers la décision du 8 juillet 2009 actuellement soumise à l’examen du tribunal, a retenu, après avoir considéré que le dossier médical de la demanderesse ne révèlerait pas des causes invalidantes suffisantes pour justifier une mise à la retraite prématurée pour raisons de santé, que celle-ci n’est pas sujette à des infirmités qui la mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions et qui argumenteraient pour un changement d’emploi. Dans leur rapport d’expertise daté du 12 août 2011, les médecins-experts commis par le tribunal ont cependant conclu que la demanderesse ne peut plus exercer la fonction d’aide-soignante, mais qu’elle est encore capable d’exercer une autre fonction, devant répondre à certaines conditions, à savoir un travail léger en évitant de porter des poids de plus de 5 kg et en évitant de s’accroupir fréquemment et de soulever des charges plus lourdes que 5 kg.
Dans la mesure où le tribunal n’est appelé à s’écarter de l’avis de l’expert par lui commis qu’avec une grande prudence dès lors qu’il a de justes motifs d’admettre que l’expert s’est trompé ou lorsque l’erreur de celui-ci résulte d’ores et déjà soit de son rapport, soit d’autres éléments acquis en cause (trib. adm. 29 septembre 1998, n° 9849 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Procédure contentieuse, n° 604), il est amené à entériner le résultat de la mesure d’instruction ainsi proposé pour retenir que la demanderesse n’est plus apte à exercer ses fonctions d’aide-soignante, mais qu’elle est apte à occuper un autre emploi devant répondre aux conditions sus-énoncées, et cela malgré les contestations de l’établissement Servior à l’encontre des conclusions des experts commis par le tribunal.
S’il est vrai que le docteur M. G., dans son analyse neuropsychiatrique, retient que d’un point de vue psychiatrique la demanderesse est capable de travailler, cette conclusion n’est, contrairement à ce qui est soutenu par l’établissement Servior, pas en contradiction avec la conclusion finale du collège des experts dans la mesure où le docteur M. G. s’est prononcé uniquement sur l’aspect psychologique de l’état de santé de la demanderesse. Sa conclusion n’exclut cependant pas que la demanderesse soit, pour des raisons tenant à son état de santé physique, incapable d’exercer son poste d’aide-
soignante, respectivement ne puisse travailler à un autre poste que sous certaines conditions, en l’occurrence celle tenant au poids maximum qu’elle est à même de porter, respectivement de soulever.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’appréciation faite par le docteur M. K., qui s’est limitée au volet neurologique de l’état de santé de la demanderesse, sans qu’elle ne soit de nature à exclure le constat d’une incapacité dans le chef de celle-ci d’exercer son ancienne fonction d’aide-soignante, respectivement celui de son aptitude à exercer un autre poste aménagé à ses capacités.
Par ailleurs force est encore de retenir que les moyens exposés par l’établissement Servior ne permettent pas de retenir que la conclusion des trois experts commis par le tribunal que le poste à attribuer ne devrait pas impliquer le port ou le soulèvement de charges supérieures à 5 kg serait arbitraire même si cette restriction ne figure pas dans les rapports des docteurs M. G. et M. K., dans la mesure où, tel que cela a été retenu ci-
avant, les docteurs M. G. et M. K. n’ont évalué les difficultés dont se plaint la demanderesse que sous l’aspect psychologique et neurologique sans que leur conclusion n’exclut le bien-fondé des plaintes de la demanderesse, tandis que les trois experts commis, spécialisés respectivement en médecine du travail et en orthopédie, sont, sur base des examens effectués par eux dans leurs domaines respectifs, arrivés à la conclusion que la restriction litigieuse s’impose. S’y ajoute que la contrainte tenant au poids que la demanderesse est encore à même de porter, respectivement de soulever a déjà été abordée dans des rapports médicaux antérieurs et plus particulièrement dans un certificat médical du 8 février 2007 établi par le docteur H. S., médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, suivant lequel la demanderesse ne peut plus soulever des charges ou des poids.
S’il est encore exact que le docteur M. K. a retenu dans son rapport du 2 juin 2009 une discordance entre les examens cliniques effectués et les plaintes de la demanderesse, tel que cela a été relevé par l’établissement Servior, il n’en reste pas moins que ledit rapport est contredit par le rapport établi par les trois experts commis par le tribunal et dont l’avis rejoint d’ailleurs en substance, en ce qui concerne l’incapacité de la demanderesse d’exercer sa fonction d’aide-soignante et la nécessité d’un poste aménagé, les rapports établis antérieurement par le docteur H. S. des 8 février 2007 et 27 juillet 2009, respectivement la position des médecins du travail respectifs ayant examiné la demanderesse. Il ressort en effet du certificat médical du 8 février 2007 établi par le docteur H. S., précité, que la demanderesse ne peut plus soulever des charges ou des poids. Le médecin du travail a conclu en date du 13 décembre 2007 que la demanderesse est définitivement inapte à son poste de travail d’aide-soignante et qu’une reconversion professionnelle est à prévoir. En date des 13 mars 2008 et 19 septembre 2008, le médecin du contrôle médical a retenu que son état de santé ne permet plus à la demanderesse d’exercer ses fonctions d’aide-soignante, mais qu’elle peut reprendre, dès à présent, un autre travail sans contrainte rachidienne. Enfin, un certificat médical du 27 juillet 2009 établi par le docteur H. S. précise ce qui suit : « Par la présente je soussigné certifie avoir en traitement [Madame …]. L’examen clinique et les examens complémentaires ont montré une pathologie du système ostéoarticulaire. Diagnostics : Lomabalgies chroniques avec ostéochondrose et dégénérescence relative du disque L5-S1. Compte tenu de ce diagnostic, les restrictions suivantes s’imposent, la patiente étant incapable d’effectuer son travail habituel: efforts physiques importants, soulèvement de charges lourdes, flexion-rotation du tronc, station debout continue, s’imposent, la patiente étant incapable d’effectuer son travail habituel ».
Dans la mesure où le docteur M. K. est le seul, sur base des examens effectués par les docteurs M.-P. W. et H. K. à retenir une aptitude de la demanderesse à exercer sans réserve aucune sa fonction d’aide-soignante et à défaut par l’établissement Servior de fournir d’autres éléments permettant de conclure à une mauvaise appréciation de l’état de santé de la demanderesse par les experts commis le tribunal et permettant d’infirmer les conclusions de ceux-ci, le tribunal ne dispose ainsi pas de raisons suffisantes pour s’écarter des conclusions des experts commis.
C’est encore à tort que l’établissement Servior soutient que la Commission des pensions n’aurait pas commis une erreur d’appréciation. S’il est exact que la Commission des pensions a été saisie sur le fondement de l’article 2. IV, dernier alinéa de la loi du 26 mai 1954 en vue de l’application de la procédure prévue par le paraphe III du même article, à savoir une éventuelle mise à la retraite d’office, et que c’est à juste titre que celle-ci a retenu que la demanderesse n’est pas atteinte de causes invalidantes justifiant une mise à la retraite prématurée, il convient encore de relever que la décision sous examen ne s’est pas limité au constat que la demanderesse ne peut pas prétendre à une mise à la retraite prématurée, mais que la Commission des pensions a encore retenu que la demanderesse n’est pas hors d’état d’exercer sa fonction d’aide soignante et que par ailleurs, son état de santé ne plaide pas en faveur d’un changement d’emploi, décision que la Commission des pensions peut prendre conformément aux articles 50 et 51 de la loi du 26 mai 1954.
C’est dès lors à tort que l’établissement Servior soutient que la Commission des pensions n’aurait pas commis d’erreur d’appréciation puisqu’elle n’aurait eu à se prononcer que sur la question de la mise à la retraite de la demanderesse et qu’elle aurait à juste titre retenu que les conditions n’en sont pas remplies.
Au regard de l’avis des experts commis par le tribunal, la conclusion finale à laquelle la Commission des pensions est arrivée en l’espèce relève d’une mauvaise appréciation, en ce qu’elle a retenu que la demanderesse n’est pas hors d’état d’exercer ses anciennes fonctions d’aide-soignante et que partant un changement d’emploi ne s’impose pas.
Par voie de conséquence, il y a lieu de déclarer le recours en réformation fondé et de réformer la décision déférée de la Commission des pensions dans le sens que la demanderesse présente des infirmités telles qu’elle ne peut plus exercer sa fonction d’aide-soignante, mais qu’elle est encore apte à exercer une fonction devant répondre aux conditions suivantes, à savoir un travail léger en évitant de porter des poids de plus de 5 kg, en évitant de s’accroupir fréquemment et de soulever des charges plus lourdes que 5 kg.
Quant à l’affirmation de l’établissement Servior qu’il aurait proposé des alternatives au travail d’aide-soignante et aurait tenté de reclasser la demanderesse en interne, mais que celle-ci aurait continué à présenter des certificats de maladie, cette question relève de l’exécution de la décision de la Commission des pensions telle qu’elle est réformée par le présent jugement, mais n’est pas de nature à affecter la légalité de cette décision.
Au vu de l’issue du litige, l’établissement Servior succombant dans ses prétentions, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 2.500 euros formulée sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.
A l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement a encore demandé au tribunal de procéder à la taxation des honoraires des experts commis au motif qu’en l’espèce, la provision fixée par le tribunal aurait été largement dépassée. Cette demande est cependant à rejeter dans la mesure où la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, de sorte que le tribunal ne saurait tenir compte des demandes présentées par les parties à l’instance que pour autant qu’elles figurent dans la requête introductive d’instance et dans les mémoires, à moins qu’il ne s’agisse d’une question d’ordre public à soulever d’office par le tribunal, hypothèse qui n’est pas donnée en l’espèce. Or, suite au dépôt du rapport d’expertise, la partie étatique n’a pas déposé de mémoire bien qu’une possibilité de ce faire ait été accordée à chacune des parties.
Quant à la demande de Madame … tendant à bénéficier de l’effet suspensif du recours pendant le délai d’appel et l’instance d’appel en vertu de l’article 35, alinéa 1 de la loi du 21 juin 1999, précitée, il convient de rappeler que l’octroi de la mesure sollicitée est aux termes de l’article 35, précité, conditionné par l’existence d’un préjudice grave et définitif. Dans la mesure où la Commission des pensions a retenu dans sa décision du 8 juillet 2009 que la demanderesse n’est pas hors d’état à exercer ses fonctions et qu’aucun changement d’emploi s’impose, impliquant de ce fait une obligation pour la demanderesse de reprendre son travail d’aide-soignante, tandis qu’il se dégage du rapport dressé par les experts commis par le tribunal que la demanderesse n’est plus capable d’exercer cette fonction, le tribunal est amené à retenir que le risque d’un préjudice grave et définitif sur l’état de santé de la demanderesse se trouve vérifié en l’espèce. Il s’ensuit qu’il convient d’ordonner l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de mettre les frais de l’instance, y compris les frais d’expertise, à la charge de l’Etat.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement du 10 avril 2010 ;
au fond, déclare le recours en réformation fondé ;
partant, par réformation de la décision déférée de la Commission des pensions du 8 juillet 2009, dit que la demanderesse ne peut plus exercer la fonction d’aide-soignante, mais qu’elle est encore capable d’exercer une autre fonction, devant répondre à la condition qu’il s’agisse d’un travail léger en évitant de porter des poids de plus de 5 kg et en évitant de s’accroupir fréquemment et de soulever des charges plus lourdes que 5 kg ;
renvoie le dossier à l’établissement Servior en prosécution de cause ;
ordonne l’effet suspensif du présent recours pendant le délai et l’instance d’appel ;
impose les frais, y compris des frais d’expertise, à l’Etat.
Ainsi jugé par :
Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 23 octobre 2012 par le vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23/10/2012 Le Greffier du Tribunal administratif 9