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10/10/2012 | LUXEMBOURG | N°31276

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 octobre 2012, 31276


Tribunal administratif N° 31276 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2012 3e chambre Audience publique du 10 octobre 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31276 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 2012 par Maître Louis Tinti, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 31276 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2012 3e chambre Audience publique du 10 octobre 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31276 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 2012 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à …, les deux de nationalité monténégrine, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs …, né le … à …, et …, née le … à …, les deux de nationalité bosnienne, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 27 juillet 2012 refus de faire droit à leur demande de protection internationale, subsidiairement à l’annulation de la même décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 août 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 octobre 2012.

En date des 11 mai et 3 juin 1999, Monsieur … et son épouse, Madame …, introduisirent oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, demande dont ils furent définitivement déboutés par un arrêt de la Cour administrative du 28 février 2002 (n° 14268C du rôle).

Monsieur … et son épouse, Madame …, ont été rapatriés ensemble avec leur enfants, nés au Luxembourg.

Le 19 juillet 2012, Monsieur … et de son épouse, Madame …, agissant en nom personnel ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs … et …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour, les consorts … furent entendus par un agent de la police grand-

ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 24 juillet 2012, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, et Madame … fut entendue le 25 juillet 2012 sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 27 juillet 2012, notifiée aux intéressés en mains propres le même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Ladite décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 19 juillet 2012.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous deux cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » c) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; » En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 19 juillet 2012 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 24 et 25 juillet 2012.

Il résulte du rapport de Police Judiciaire que vous auriez déposé des demandes de protection internationale au Luxembourg les 11 mai 1999 et 3 juin 1999. Vous auriez été rapatrié dans votre pays d'origine, le Monténégro, le 29 août 2003.

Lors de votre première demande, vous avez invoqué, Monsieur, [que vous] auriez été intercepté à la frontière bosnienne et que vous auriez été emprisonné pendant six jours. Vous auriez été conduit à la réserve d'où vous auriez déserté l'armée en 1999. A ce moment, vous pensez risquer d'être condamné à une peine d'emprisonnement d'avoir déserté. De même, vous auriez été membre du parti « SDA » mais votre adhésion ne vous aurait pas causé des problèmes. Par ailleurs, vous seriez sans emploi dans votre pays d'origine et vous n'auriez pas été persécuté personnellement.

Madame, vous avez confirmé les déclarations de votre ami. Vous avez ajouté que vous auriez quitté votre pays d'origine pour des raisons économiques.

Monsieur il résulte de vos déclarations du 24 juillet 2012 que vous auriez eu des difficultés à inscrire vos enfants au Monténégro lorsque vous seriez retourné en août 2003.

Vous dites que vous auriez été ignoré parce que vous auriez demandé une protection internationale et vous seriez considéré d'avoir trahi votre pays. Par ailleurs, vous auriez dit aux autorités communales que vous auriez une adresse en Bosnie-Herzégovine. Ainsi, vous auriez réussi à inscrire vos enfants à Sarajevo et ils auraient reçu la nationalité bosnienne tandis que votre épouse n'aurait pas réussi à obtenir une autorisation de séjour en Bosnie-

Herzégovine. Vous indiquez que vous auriez reçu une autorisation de séjour parce que vous y auriez habité et fait vos études. Vous auriez vécu avec vos enfants à Sarajevo et votre épouse à Bijelo Polje au Monténégro. Elle serait venue temporairement en Bosnie-Herzégovine pendant un mois et elle serait toujours retournée au Monténégro.

Par ailleurs, vous précisez que votre épouse aurait été agressée à trois reprises en Bosnie-Herzégovine dans les derniers 10 mois par des personnes inconnues. Vous dites que vous auriez déclaré les faits à la police, un rapport aurait été rédigé mais rien ne serait arrivé par la suite. De même, vos enfants auraient été agressés à l'école par des personnes inconnues. Vous précisez avoir alerté le régent de classe qui vous aurait dit qu'il allait signaler les faits à la police.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que vous auriez été à l'ambassade du Monténégro à Podgorica et que vous auriez consulté plusieurs avocats mais ils vous auraient dit que vous n'auriez pas le droit d'inscrire vos enfants à la commune.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

A titre liminaire, force est de constater que vous, Madame, Monsieur, êtes en possession de passeports monténégrins issus les 15 mai 2008 et 22 juillet 2008. Par ailleurs, Monsieur, vous dites être en possession d'une autorisation de séjour en Bosnie-Herzégovine.

Vos enfants sont en possession de passeports bosniens issus les 30 juin 2011 et 7 juillet 2011.

Ainsi, au vu que vous êtes, d'un côté, de nationalité monténégrine et, de l'autre côté, de nationalité bosnienne, vos demandes de protection internationale seront analysées aussi bien quant à vos situations au Monténégro qu'en Bosnie-Herzégovine.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vos demandes de protection internationale sont basées sur des motifs d'ordre administratif et privé ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

Vous faites état de problèmes avec votre commune au Monténégro. Ainsi, vous n'auriez pas pu inscrire vos enfants à la commune car vous auriez déposé des demandes de protection internationales à l'étranger. Or, il convient de souligner que pour pouvoir inscrire vos enfants à la commune, il est indispensable de verser des documents d'identité valables.

Or, vu que vos enfants sont nés au Luxembourg lors de votre première demande de protection internationale, ils n'ont pas été en possession de documents monténégrins valables lors de votre retour en 2003. La loi monténégrine no° 13/2008 de mars 2008 règle clairement l'issu de la nationalité monténégrine: “Montenegrin citizenship shall be proved by a certificate of Montenegrin citizenship, by valid travel document and by other public documents in accordance with the law”. Ensuite, pour le cas précis de vos enfants: « Montenegrin citizenship through origin shall be acquired by a child: 1) whose both parents are Montenegrin citizens at the moment of the child's birth; () ». Il ressort de votre dossier que vous auriez été en possession de passeports yougoslaves issus respectivement en 1995 et 1998 valables d'une durée de 10 ans, donc encore valables lors de votre retour au Monténégro. Il n'est donc pas établi que vous n'auriez pas pu céder la nationalité monténégrine à vos enfants lors de votre retour en 2003. Quoi qu'il en soit, le Monténégro n'a officiellement proclamé son indépendance qu'en 2006, ayant comme conséquence que la nationalité monténégrine in jure n'exista qu'à partir de 2007 lors de l'introduction de la Constitution monténégrine à l'article 12. Force est de constater que lors de votre retour en 2003, vous avez été en possession de passeports yougoslaves valables vous permettant de céder votre nationalité yougoslave à vos enfants, vous permettant corollairement d'inscrire vos enfants à la commune.

De même, il est peu compréhensible que vous, Madame, Monsieur, avez eu la possibilité de vous procurer des passeports monténégrins en 2008 tandis que vos enfants n'auraient pas réussi à en avoir à leur tour, d'autant plus que vous auriez été en possession, lors de votre première demande de protection internationale, d'extraits de naissances de vos enfants prouvant que vous êtes les parents, pièces rendues lors de votre retour. En outre, soulevons l'article 16 de la loi de mars 2008 citée en supra qui dit que « Montenegrin citizenship by admittance shall be granted to a child if: 1) both parents have been admitted into Montenegrin citizenship; (…) ». Comme vous avez été en possession de passeports monténégrins à partir de 2008, il vous aurait été tout à fait possible de procurer des passeports monténégrins, donc aussi la nationalité monténégrine, à vos enfants.

Par ailleurs, il y a lieu de noter que récemment la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro ont trouvé un accord concernant la double nationalité, ce qui servira les intérêts des citoyens des deux pays.

Vous indiquez que les autorités communales ainsi que des avocats vous auraient dit que vous n'auriez pas le droit à inscrire vos enfants à la commune. Or, bien que la corruption existe encore au Monténégro, ces pratiques sont en net déclin au Monténégro comme le note la Commission Européenne dans son dernier rapport régulier : « Progress can be reported in the fight against corruption, one of the key priorities set out in the Opinion. Montenegro has made significant efforts to strengthen the legal framework needed for combating corruption and to address outstanding recommendations of the Group of States against Corruption (GRECO).». Enfin, « As regards repressive measures, the institutional and administrative capacity of the prosecutors and police to fight corruption has been partially strengthened. A special anticorruption investigation team has been established, made up of representatives of the police administration, the Office for prevention of money laundering and terrorism financing and the tax and customs administrations and reporting to the Special Prosecutor for organised crime, corruption, terrorism and war crimes.». De même, la Commission Européenne soulève dans son dernier rapport d'octobre 2011 des progrès importants du gouvernement monténégrin en introduisant des réformes au sein de l'appareil étatique : « A new Law on civil servants and State employees, based on the principles of merit-based recruitment and promotion, was adopted by the parliament in July 2011. It lays down the main foundations for the establishment of a de-politicised and professional public administration acting effectively and impartially. It improves protection of persons who report possible cases of corruption (whistleblowers) and prescribe the obligation to adopt plans of integrity in the public sector. (…) Overall, Montenegro has taken important steps to address the main challenges posed by the public administration reform. The Government adopted and started to implement a public administration reform strategy. An improved legal framework in the area of civil service and state administration aiming at efficiency, de-

politicisation and merit-based recruitment has been adopted. Legislation regulating administrative procedures has been amended and a further comprehensive reform has been launched. The HRMA (Human Resources Management Authority) has been strengthened. ».

Il ressort également de vos déclarations que pendant neuf ans, vous n'auriez pas connu de problèmes au Monténégro.

En outre, selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, le Monténégro doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi.

L'analyse individuelle de vos situations personnelles ne permet pas d'ébranler ce constat. Cet aspect est d'autant plus conforté par le fait qu'en date du 29 juin 2012 les Etats membres de l'Union Européenne ont marqué leur accord final pour entamer les négociations à l'élargissement.

En ce qui concerne vos problèmes en Bosnie-Herzégovine, il y a lieu de noter que les agressions dont vous faites état sont des problèmes de droit commun punissables selon les lois bosniennes. S'agissant d'actes émanant de personnes privées inconnues, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Vous précisez avoir sollicité la police et celle-ci aurait rédigé un rapport. En effet, la police a fait des progrès institutionnels : « Some progress was made in police matters. Implementation of the police reform laws is slowly advancing. Police reform agencies and boards started to be operational. During the reporting period, the Directorate for coordination of police bodies (DPC) was regularly reinforced. Amendments to the State-level Law on police officials were adopted, including extension of the transitional provisions for recruitment of active police officers to State-level police bodies. This allows the DPC to recruit high-ranking police officers from other police agencies. The DPC incorporated the Office for Cooperation with Interpol and took over the Department for protection of people and buildings, which was previously under the State Protection and Investigation Agency (SIPA). ». Bien que des progrès restent à être effectués, il ne ressort pas de nos recherches que la police ne veut ou ne peut pas vous offrir une protection.

A cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, la Bosnie-Herzégovine doit être considérée comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons d'ordre administratifs et privé ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Monténégro ou de la Bosnie-Herzégovine ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 2012, les consorts … ont fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance auquel le tribunal peut seul avoir égard, à la réformation de la décision précitée du ministre du 27 juillet 2012 dans la mesure où elle refuse de faire droit à leur demande de protection internationale, subsidiairement à l’annulation de la même décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

A l’appui de leur recours, les demandeurs déclarent être eux-mêmes de nationalité monténégrine, tandis que leurs enfants communs seraient de nationalité bosnienne. Ils soutiennent qu’après leur retour au Monténégro le 29 août 2003 suite au rejet de leur première demande d’asile politique, ils se seraient trouvés confrontés à divers problèmes justifiant actuellement une seconde demande de protection internationale. A cet égard, ils invoquent plus particulièrement une impossibilité pour eux de résider ensemble en ce sens que la demanderesse résiderait au Monténégro, pays dont elle-même et son époux ont la nationalité, tandis que ce dernier résiderait ensemble avec leurs enfants mineurs en Bosnie-Herzégovine, pays dont les enfants auraient la nationalité, tout en soutenant que les autorités monténégrines auraient refusé d’inscrire leurs enfants au Monténégro, au motif qu’ils seraient nés au Luxembourg et qu’ils leur reprocheraient d’avoir introduit une demande d’asile au Luxembourg. Au-delà de ce problème administratif, les demandeurs font encore état de problèmes sécuritaires ayant affecté la demanderesse et ses enfants. A cet égard, la demanderesse précise avoir été agressée trois fois durant les dix derniers mois, en l’occurrence elle se serait fait arracher son collier du cou, elle se serait fait voler son portefeuille et elle aurait été giflée, et, enfin, on lui aurait arraché ses boucles d’oreilles dans le tram. Pareillement, son fils se serait fait agresser avec un couteau et on lui aurait pris son portable et de l’argent. Aucune solution n’aurait pu être trouvée à ces difficultés, bien qu’ils aient cherché à solutionner ces difficultés par la voie légale.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce volet de la requête, les demandeurs soutiennent que les faits invoqués par eux auraient pour conséquence de porter gravement atteinte à leur droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désigné par la « CEDH », dans la mesure où ils se trouveraient contraints de vivre dans des pays différents pour des raisons administratives, respectivement de corruption des organes administratifs.

Ils font valoir que cette situation entrerait dans le champ d’application de l’article 31 (1) a) de la loi du 5 mai 2006. Leur situation entrerait pareillement dans le champ d’application de l’article 31 (2) b) de la même loi, suivant lequel les actes de persécution peuvent prendre la forme de mesures administratives discriminatoires.

Les demandeurs ajoutent que le refus d’accorder à leurs enfants la nationalité monténégrine et partant le refus de leur accorder le droit de vivre au Monténégro ne saurait s’expliquer que par la corruption des organes administratifs monténégrins. Ils estiment encore que les refus des autorités monténégrines seraient en réalité liés à des considérations d’ordre politique en ce qu’on leur reprocherait d’avoir dans le passé demandé l’asile politique au Luxembourg.

Enfin, les demandeurs invoquent la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, en soulignant qu’en cas de retour au Monténégro ils se retrouveraient dans la même situation que celle avant leur départ et ce d’autant plus que l’accord trouvé entre le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine quant à la double nationalité et invoqué par le ministre ne serait pas d’application actuellement.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et conclut partant au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale» se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et en vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

L’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions respectives, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié.

Les demandeurs font en effet état de deux ordres de problèmes, à savoir, d’une part, de problèmes administratifs qu’ils auraient rencontrés en 2003 lors de leur retour dans leur pays d’origine pour inscrire leurs enfants, nés au Luxembourg, et de leur faire reconnaître la nationalité monténégrine, impliquant une impossibilité pour la famille de vivre ensemble dans le même pays, et, d’autre part, d’agressions dont auraient été victimes la demanderesse et son fils en Bosnie-Herzégovine.

En ce qui concerne les problèmes sécuritaires dont font état les demandeurs en Bosnie-

Herzégovine, le tribunal est amené à retenir que ces difficultés relèvent de la criminalité de droit commun. A défaut par les demandeurs de fournir des éléments permettant de rattacher les agressions dont ils ont été victimes à l’un des critères de persécution mentionnés par la Convention de Genève du 28 juillet 1951, respectivement par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou encore l’appartenance à un certain groupe social, les problèmes ainsi soulevés ne tombent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

En ce qui concerne les difficultés administratives dont font état les demandeurs, celles-ci sont d’ordre privé et administratif ne tombant ainsi pas non plus dans le champ d’application de la Convention de Genève. En effet, s’il est exact que les demandeurs ont déclaré que le refus des autorités monténégrines d’inscrire leurs enfants aurait été motivé par la circonstance qu’ils sont demandeurs d’asile déboutés, le tribunal est cependant amené à retenir qu’au regard des explications contradictoires fournies par les demandeurs quant au motif de ce refus, les demandeurs rattachent le refus tantôt à leur qualité de demandeurs d’asile déboutés, tantôt à la corruption générale régnant au Monténégro, et au regard des contestations afférentes de la partie étatique, il ne dispose pas de suffisamment d’éléments concordants permettant de rattacher les difficultés administratives rencontrées par les demandeurs à l’un des motifs de persécutions énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, tel que précités.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, ceux-ci se rapportent à prudence de justice quant au bien-fondé de leur demande.

Aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En ce qui concerne les agressions subies en Bosnie-Herzégovine dont font état les demandeurs et leur crainte en découlant, force est de constater que celles-ci se résument à un incident où le collier a été arraché à la demanderesse, à un vol d’un portefeuille accompagné d’une gifle et à un troisième incident où les boucles d’oreille ont été arrachées à la demanderesse. Enfin, le fils des demandeurs s’est fait agresser avec un couteau et voler son portable et de l’argent devant l’école.

Si de telles agressions sont certes tout à fait condamnables, le tribunal est amené à retenir qu’elles ne revêtent cependant pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement, ces incidents, relevant de la criminalité de droit commun pouvant se produire dans n’importe quel pays et qui par ailleurs n’ont pas spécialement visés les demandeur, ne sont pas de nature telle qu’il puisse être retenu qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que les demandeurs encourraient, en cas de retour en Bosnie-Herzégovine, un risque réel et avéré de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Ces faits ne sont pas non plus de nature à faire admettre, et les demandeurs ne l’invoquent d’ailleurs pas, qu’il existe un risque réel et avéré que les demandeurs risquent la peine de mort ou l’exécution ou encore la torture en cas de retour en Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier, ni des arguments des parties que la situation qui prévaut actuellement en Bosnie-Herzégovine correspond à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37, précité.

En ce qui concerne les difficultés administratives rencontrées par les demandeurs, la partie étatique a exposé que le Monténégro n’a officiellement proclamé son indépendance qu’en 2006 et que la nationalité monténégrine n’a existé de jure qu’à partir de 2007 depuis l’introduction de la Constitution monténégrine, tout en soulignant qu’à leur retour en 2003, les demandeurs avaient été en possession de passeports yougoslaves valables permettant de céder leur nationalité yougoslave à leurs enfants et corrélativement à inscrire leurs enfants à la commune. Le ministre a encore relevé qu’il serait peu compréhensible que les demandeurs eux-mêmes aient eu la possibilité de se procurer des passeports monténégrins en 2008, tandis que leurs enfants n’auraient pas réussi à les avoir, ceci au regard des dispositions de la loi monténégrine n° 13-2008 de mars 2008 réglant la nationalité et citées par le ministre.

Il se dégage des déclarations des demandeurs fournies lors de leurs auditions respectives qu’à leur retour dans leur pays d’origine en 2003, ils n’auraient pas pu inscrire leurs enfants à la commune de Bijelo Polje et que face à ce refus, ils se sont tout de suite adressés aux autorités bosniennes pour y inscrire leurs enfants et pour y faire établir des passeports, sans qu’il ne se dégage des éléments du dossiers quelle autres démarches ils auraient entreprises en 2003 pour inscrire leurs enfants à la commune en 2003. S’ils déclarent s’être adressés à des autorités supérieures au Monténégro, leurs déclarations restent assez vagues à cet égard, les demandeurs déclarant tantôt avoir contacté un avocat, tantôt ne pas l’avoir fait (cf. page 3/7 du rapport d’audition de Madame …, cf. page 5/8 du rapport d’audition de Monsieur …). Le demandeur a encore déclaré, sur question à quelle autorité supérieure il s’était adressé pour résoudre leurs difficultés administratives, s’être adressé à la commune au bureau d’enregistrement, sans indiquer d’autre autorité au niveau national responsable en matière de nationalité. Le tribunal constate encore qu’il ne se dégage pas des déclarations des demandeurs que dans la suite, ils aient entrepris d’autres démarches pour résoudre leur situation, voire qu’ils aient essayé de faire émettre pour leurs enfants des documents de voyage monténégrins en 2008, lorsqu’ils ont eux-mêmes fait établir leurs passeports actuels.

Force est au tribunal de constater qu’au regard des explications fournies par la partie étatique en ce qui concerne la législation du Monténégro sur la nationalité adoptée depuis 2008 et permettant plus particulièrement aux enfants d’accéder à la nationalité monténégrine si leurs parents ont cette nationalité, ce qui est le cas en l’espèce, et à défaut d’explications fournies par les demandeurs en ce qui concerne d’autres démarches concrètement entreprises par eux pour voir délivrer à leurs enfants des passeports monténégrins en 2003, respectivement au plus tard au moment où en 2008 eux-mêmes se sont vu délivrer leur propres passeports monténégrins, voire à défaut d’éléments invoqués par eux pour contredire le cadre légal monténégrin en matière de nationalité tracé par la partie étatique, il ne peut pas être retenu que les difficultés rencontrés par les demandeurs puissent être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, ni qu’il existe un risque réel qu’elles soient susceptibles de se reproduire à l’heure actuelle.

Partant, le recours en réformation est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire.

2) Quant au recours subsidiaire tendant à l’annulation de la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ce volet de la requête, les demandeurs contestent l’affirmation du ministre qu’ils n’auraient présenté que des faits non pertinents ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la demande de protection internationale, en renvoyant en substance à leur récit.

En ce qui concerne la qualification du Monténégro comme pays d’origine sûr, les demandeurs font valoir que leur situation particulière permettrait de renverser la présomption que le Monténégro est un pays d’origine sûr.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 :

« Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; […] ».

En l’espèce, il se dégage de la décision ministérielle entreprise et des explications fournies par le délégué du gouvernement que la décision d’examiner la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1), précité, étant précisé que les cas de figure y énumérés sont alternatifs, de sorte qu’il suffit qu’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application de l’article 20 (1).

Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

Conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, tant le Monténégro que la Bosnie-Herzégovine figurent sur la liste des pays d’origine sûrs.

Aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, un pays désigné pays d’origine sûr est considéré comme un pays d’origine sûr pour le demandeur qui possède la nationalité de ce pays ou qui y avait précédemment sa résidence habituelle.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que Monsieur et Madame … ont la nationalité monténégrine, que le demandeur a habité en Bosnie-Herzégovine avec ses enfants et que la demanderesse a habité en partie au Monténégro et en partie en Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de statuer en l’espèce dans le cadre de la procédure accélérée.

Cependant, aux termes de l’article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. (…) ».

Il s’ensuit que le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2), précité, le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Or, en l’espèce, au regard de ce qui vient d’être retenu ci-avant dans le cadre de l’examen de la décision du ministre de refuser aux demandeurs une protection internationale, les demandeurs n’ont pas soumis au tribunal des éléments suffisants permettant de renverser la conclusion du ministre qui, après examen de leur situation individuelle, a retenu qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a considéré que les demandeurs sont originaires de deux pays d’origine sûrs, et qu’il a à bon droit pu statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et dans la mesure où le tribunal vient de constater que les conditions énumérées au point c) dudit article sont remplies en l’espèce, le ministre a valablement pu statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner à ce stade de la procédure si les conditions du point a) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 étaient remplies en l’espèce.

Le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 27 juillet 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation de la décision de refus de leur accorder une protection internationale.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de séjour.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 27 juillet 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation contre la décision ministérielle du 27 juillet 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 27 juillet 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 10 octobre 2012 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Claude Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10.10.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 31276
Date de la décision : 10/10/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-10-10;31276 ?

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