La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2012 | LUXEMBOURG | N°30960

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 septembre 2012, 30960


Tribunal administratif N° 30960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2012 1re chambre Audience publique du 24 septembre 2012 Recours formé par Monsieur Adnan DZEKIC et son épouse, Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, Weilerbach, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

_____________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30960 du rôle et déposée au greffe du tribunal admi

nistratif le 27 juillet 2012 par Maître Joram MOYAL, avocat à la Cour, inscrit au ta...

Tribunal administratif N° 30960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2012 1re chambre Audience publique du 24 septembre 2012 Recours formé par Monsieur Adnan DZEKIC et son épouse, Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, Weilerbach, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

_____________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30960 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2012 par Maître Joram MOYAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur Adnan DZEKIC, né le 20 février 1980 à Vlasenica (Bosnie-Herzégovine), et de son épouse, Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, née le 26 mars 1983 à Tuzla (Bosnie-Herzégovine), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de l’enfant mineur de Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, Adnan BRKIC, né le 29 décembre 2002 à Tuzla, tous de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-6590 Weilerbach, 5, route de Diekirch, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 juillet 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 12 juillet 2012 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 août 2012 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Joram MOYAL au nom et pour le compte des demandeurs au greffe du tribunal administratif en date du 3 septembre 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Matteo LORITO, en remplacement de Maître Joram MOYAL, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 septembre 2012.

Le 18 mai 2012, Monsieur Adnan DZEKIC et son épouse, Madame Sanijana DZEKIC-

NISIC, introduisirent, en leurs noms propres ainsi qu’au nom de l’enfant mineur de Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, Adnan BRKIC, auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

Monsieur Adnan DZEKIC fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale en date du 6 juillet 2012, Madame Sanijana DZEKIC-NISIC ayant pour sa part été auditionnée les 2 et 6 juillet 2012.

Par décision du 12 juillet 2012, adressée par courrier recommandé à Monsieur Adnan DZEKIC et Madame Sanijana DZEKIC-NISIC, ci-après « les époux DZEKIC-NISIC » en date du 16 juillet 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », les informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 18 mai 2012.

En vertu des dispositions de l’article 20§ 1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu’il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée parce qu’il apparaît que vous tombez sous deux cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi. » En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 18 mai 2012 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 2 et 6 juillet 2012.

Monsieur, Madame, il résulte du rapport de la Police Judiciaire que vous auriez fait des demandes d'asile en Suède le 25 janvier 2012. Les autorités suédoises vous ont donné une réponse négative.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que depuis deux ans, les «wahhabites» souhaiteraient que vous travailliez pour eux. Ce serait un groupe entre cinq et six personnes et un d'entre eux, Ahmed, serait toujours présent lors des attaques et menaces. Ils sauraient que vous ne pourriez pas travailler à cause de votre bras paralysé et que vous seriez donc une cible facile. Ils auraient menacé qu'ils vous tueraient si vous n'adhériez pas à leur mouvement. Ils vous auraient promis que vous pourriez avoir une meilleure vie. Ils vous auraient également dit que vous pourriez vous venger de la mort de votre père qui serait mort pendant la guerre à Srebrenica.

Les « wahhabites» seraient déjà venus chez vous à deux reprises. Il y a sept mois, ils vous auraient frappé avec une chaise sur la tête. Deux à trois mois plus tard, ils vous auraient menacé avec un couteau. Quand vous auriez voulu vous défendre, vous auriez été blessé à la main. Vous ne vous seriez pas rendu à l'hôpital parce que vous n'auriez pas voulu informer les médecins que vous auriez subi des agressions par des « wahhabites ». Vous indiquez que vous auriez aussi été menacé au marché quand un des 'wahhabites' serait passé à côté de vous et vous aurait montré un couteau.

En outre, votre enfant serait menacé par les trois «wahhabites» à l'école. Il serait taquiné et ses affaires seraient jetées par terre. Suite à ces incidents, vous auriez changé d'école. Vous ne vous seriez pas plaint auprès du directeur parce que vous croyez que ça ne vaudrait pas la peine. Ce dernier aurait été au courant, mais il n'aurait pas réagi pour ne pas avoir lui-même des problèmes.

Vous ne vous seriez pas non plus adressé à la police puisque votre épouse aurait eu peur que la situation s'empirerait si vous portiez plainte. Vous croyez aussi que vous auriez été tué si vous aviez porté plainte. De plus, vous n'oseriez pas dénoncer les « wahhabites » auprès de la police parce qu'ils auraient déjà attaqué le poste de police à Bugojno il y a deux ans et il y aurait eu des blessés. Ils auraient aussi attaqué l'ambassade à Sarajevo. Vous croyez que la police serait au courant des dégâts causés par les «wahhabites », mais qu'elle ne réagirait pas.

La police en Bosnie-Herzégovine serait engagée dans des actes criminels et beaucoup finiraient par être incarcérés. Vous pensez que la police réagirait uniquement quand il s'agirait de grandes affaires. Ainsi, vous indiquez qu'à Mauca, à une cinquantaine de kilomètres de chez vous, beaucoup de « wahhabites » résideraient et les forces spéciales de la police passeraient souvent pour y confisquer des armes.

Vous affirmez que vous auriez voulu vivre à Srebrenica afin d'éviter ces problèmes, mais étant donné que votre maison aurait été détruite, vous ne pourriez plus y retourner. Pourtant, après votre retour de la Suède, vous n'auriez plus été menacé parce que vous auriez loué un appartement dans un autre endroit. Les « wahhabites » auraient peut-être entendu où vous habitiez parce que vous auriez vu leur voiture circuler dans les environs.

Depuis votre retour de la Suède, votre famille aurait été radiée de la sécurité sociale. Les délais d'attente pour bénéficier de traitement médicaux seraient très longs et les médecins ne seraient pas tous compétents. Vous seriez donc aussi venu au Luxembourg pour vous faire soigner.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous précisez que les « wahhabites » auraient exigé que vous portiez la burka. Vous n'auriez pas subi des maltraitances physiques, mais ils auraient menacé de brûler votre maison. Ils auraient aussi menacé qu'ils allaient kidnapper votre enfant si vous les dénonciez à la police.

Vous affirmez qu'Ahmed aurait été un voisin, mais qu'après votre première rencontre quand il aurait proposé à votre mari de travailler pour les «wahhabites », les visites n'auraient plus été à l'amiable.

Vous indiquez que votre famille aurait été radiée de la sécurité sociale parce que vous ne vous seriez pas présentée au bureau de chômage. Votre époux n'aurait pas bénéficié d'une rente d'invalidité, parce qu'il aurait fallu payer 150.- BAM pour faire une demande.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vos demandes de protection internationale ne sont basées que sur des motifs d'ordre médical et des motifs d'ordre privé relevant du droit commun et par conséquent ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. Le fait de subir des pressions par une organisation d'islamistes fondamentalistes ne pourra être considéré comme acte de persécution ou crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Malgré le caractère répréhensible de leurs actes ainsi que de leurs moyens d'action généraux fondés sur la terreur, des craintes de persécutions commises par des groupes ou des personnes qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement ne peuvent être invoquées à l'appui d'une demande en obtention du statut de réfugié que si les autorités gouvernementales ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection adéquate des victimes.

Il est de jurisprudence que le défaut de protection de la part des autorités publiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention doit être mis suffisamment en évidence par les demandeurs d'asile.

Ainsi, 'Ahmed' et les « wahhabites » que vous craignez ne sauraient être considérés comme des acteurs de persécution au sens de la prédite Convention et de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection puisqu'un tel groupe n'est pas soutenu par le gouvernement qui, malgré ses limites, lutte contre les réseaux terroristes installés en Bosnie, comme vous l'indiquez vous-même (p. 5/10 de l'entretien du 6 juillet 2012). Il n'est donc pas établi que les autorités étatiques soutiennent ces mouvements.

Notons toutefois qu'il est vrai qu'«entre 1992 et 1995, de nombreux combattants volontaires islamiques, des missionnaires et des travailleurs humanitaires sont arrivés en Bosnie afin de poursuivre deux objectifs: la lutte armée - le jihad - et la mission islamique - la dawa.

Aujourd'hui, les wahhabites se trouvent marginalisés politiquement et ils ne jouissent généralement ni de liens particuliers, ni de complaisance auprès des autorités ». D'ailleurs, une loi a instauré une commission de révision des naturalisations accordées entre le 6 avril 1992, date officielle du début de la guerre en Bosnie, et le 1er janvier 2006. Cette commission a été mise en place pour examiner des dossiers suspects de naturalisations attribuées durant et après la guerre. «Alors que la plupart des hommes concernés ne semblent plus résider en Bosnie, ceux qui s'y trouvent toujours doivent maintenant faire face à des mesures d'expulsion ». En outre, « actuellement, le mouvement wahhabite en Bosnie ne compte qu'un très faible pourcentage d'individus prêts à utiliser la violence ».

De plus: "The constitutional and legal guarantees of freedom of thought, conscience and religion are generally respected". Par ailleurs, la Constitution garantit la liberté de religion:

"Die Religionsfreiheit, einschliesslich der Freiheit des Religionswechsels, ist durch die Verfassung grundsätzlich gewährleistet. Vergleichbare Regelungen finden sich in den Entitätsverfassungen. Nach dem Religionsgesetz vom 22. Januar 2004 hat jedermann die positive und negative Glaubens- und Bekenntnisfreiheit, ferner auch die Freiheit, eine Religion anzunehmen oder zu wechseln, allein oder mit anderen dem Glauben zu folgen und seine Gebräuche einzuhalten".

En tout état de cause, il convient de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine de ses habitants contre des agissements de groupes de population n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel. En ce qui concerne la lutte contre les mouvements terroristes, celle-ci préoccupe un très grand nombre d'Etats et dépasse bien souvent les moyens d'action des gouvernements sans pour autant que l'on puisse les tenir responsables de leur incapacité à éradiquer les terroristes de leurs territoires.

De plus, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des « wahhabites», qui vous menaceraient. Vous dites en effet ne pas avoir sollicité la police lorsque vous auriez été agressés et menacés par des membres des wahhabites. En effet, la police a fait des progrès institutionnels: "Some progress was made in police matters. Implementation of the police reform laws is slowly advancing. Police reform agencies and boards started to be operational. During the reporting period, the Directorate for coordination of police bodies (DPC) was regularly reinforced. Amendments to the State-Level Law on police officials were adopted, including extension of the transitional provisions for recruitment of active police officers to State-Level police bodies. This allows the DPC to recruit high ranking police officers from other police agencies. The DPC incorporated the Office for Cooperation with Interpol and took over the Department for protection of people and buildings, which was previously under the State Protection and Investigation Agency (SIPA)". Il n'est donc pas établi que la police ne veut ou ne peut pas vous offrir une protection. Quoi qu'il en soit, les agissements d'Ahmed et ceux des wahhabites doivent être considérés comme des délits de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissables en vertu de la législation bosnienne.

Rappelons également que d'incontestables progrès ont été observés depuis la fin des conflits et la signature des accords de Dayton du 21 novembre 1995 en Bosnie-Herzégovine.

Depuis le 24 avril 2002, la Bosnie-Herzégovine est membre du Conseil de l'Europe et dans ce contexte fait l'objet d'un suivi rigoureux du respect de ses engagements en matière de droit et en matière des droits de l'homme. Les nombreuses activités d'assistance mises en place par le Conseil de l'Europe ont par ailleurs été définies sur base de la mise en œuvre des obligations et engagements contractés par la Bosnie-Herzégovine, il en résulte qu'elle demeure l'un des principaux bénéficiaires de l'aide du Conseil de l'Europe et constitue une forte priorité de l'action de cette organisation en Europe. La Bosnie-Herzégovine est en outre candidat potentiel à l'adhésion de l'Union européenne après le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003.

C'est le 16 juin 2008 que l'UE et la Bosnie-Herzégovine ont signé. un accord de stabilisation et d'association. L'UE continue en outre à être présente en Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). A cet effet, elle continue de déployer des ressources considérables. La mission de police en Bosnie se recentre depuis 2010 sur la lutte contre le crime organisé et la corruption.

En ce qui concerne la situation générale des wahhabites en Bosnie-Herzégovine, il y a force de souligner que les autorités bosniennes ne tolèrent en aucun cas des tendances religieuses extrémistes et opèrent sur l'ensemble du pays pour contrer les activités de ce groupe.

Soulevons à titre d'exemple l'action prise par la police bosnienne en 2010 pour combattre l'extrémisme islamique: "Die dort lebende Gruppe von Islamisten setzt sich aus Ausländern und bosnischen Wahhabiten zusammen. lm Februar 2010 wurden sieben Personen verhaftet und Waffen beschlagnahmt. Vor drei Jahren vertrieben bosnische Muslime aus der Region Kalesija Wahhabiten aus der Moschee ihres Dorfes, die diese besetzt hielten. Seither gilt Gornja Maoco als letzte Hochburg extremer Islamisten in Bosnien und Herzegowina". Le rapport de l'Union Européenne sur la Bosnie constate que "Some progress was made in the fight against terrorism.

A rulebook was prepared on implementation of restrictive measures established by the UN Security Council Resolutions regarding persons and entities associated with Osama Bin Laden, the Al- Qaida network and the Taliban. This allows for implementation of the Law on restrictive measures regarding terrorism and financing of terrorism. The Joint Task Force to fight terrorism made up of representatives of the Prosecutor's Office and eight police agencies was re-established. An operational working group within this task force was set up. The legislation on terrorism was reviewed". De même, "Visa liberalisation for citizens of Bosnia and Herzegovina was granted as of 15 December 2010. It applies to holders of biometric passports travelling to the Schengen area. This decision was based on substantial progress in the area of justice, freedom and security and fulfilment of the specific conditions set out in the roadmap for visa liberalisation". Les Accords de Dayton avaient déjà, en 1995, imposé aux moudjahidines venus combattre aux côtés des musulmans de Bosnie de quitter le pays. La SFOR (branche bosnienne de l'OTAN) avait poursuivi la mise en œuvre de cette injonction en arrêtant un certain nombre d'islamistes. Le gouvernement a aussi tenté de débarrasser le pays de quelques éléments nuisibles en adoptant une loi datant de novembre 2005 qui visait à retirer la citoyenneté de Bosnie-Herzégovine aux personnes ayant obtenu la nationalité depuis le début de la guerre, sur la base de faux renseignements, visant ainsi principalement les islamistes. Bien que décriée par les organisations de protection des droits fondamentaux qui craignent que l'expulsion de certaines personnes ne les soumette à des risques de violation de leurs droits humains, cette mesure prouve la volonté de l'Etat de Bosnie-Herzégovine de lutter contre le mouvement des « wahhabites ».

Monsieur, vous indiquez aussi que la police en Bosnie-Herzégovine serait engagée dans des actes criminels. Or, déjà en 2009, le « Groupe d'Etats contre la corruption» (GRECO) se félicite des progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine en termes de corruption: "With respect to the first part of the recommendation, GRECO welcomes the steps undertaken by certain institutions, such as the Indirect Taxation Authority (lTA) and the State Investigation and Protection Agency (SIPA), to improve their cooperation during criminal investigations, including by facilitating the exchange of information, at early stages of the proceedings, with the prosecution services. The ongoing implementation of a specifie project to build up cooperation mechanisms between the police and prosecutor's office is a positive development".

Bien que des progrès doivent encore être réalisés, le gouvernement bosnien est déterminé à rayer ces pratiques.

De plus, vous affirmez que vous seriez venu au Luxembourg pour vous faire soigner (p.

6/10 de l'entretien du 6 juillet 2012). Or, il y a lieu de souligner que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique.

Madame, Monsieur, vous évoquez également que vous auriez été radiés de la sécurité sociale après votre retour de la Suède. Madame, vous affirmez que vous auriez été radiés parce que vous ne vous seriez plus présentée au bureau de chômage. Quoi qu'il en soit, force est de noter que des raisons économiques ne sauraient davantage justifier une demande d'asile politique. Vous ajoutez que votre époux n'aurait pas bénéficié d'une rente d'invalidité, parce qu'il aurait fallu payer 150.- BAM pour faire une demande. Or, il est peu crédible que vous devriez payer la somme de 150.- BAM, correspondant à environ 75.- €, sachant que le revenu moyen s'élève approximativement à 3.180.-/an, ce qui équivaut à 265.- €/mois.

Finalement, vous indiquez que depuis votre retour de la Suède, vous n'auriez plus de problèmes avec les « wahhabites» (p. 4/10 et 5/10 de l'entretien du 6 juillet 2012 et p. 4/10 des entretiens des 2 et 6 juillet 2012).

A tout cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, la Bosnie-

Herzégovine doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons économiques et votre crainte à l'encontre du mouvement des « wahhabites» ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré .par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Bosnie-Herzégovine, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif.

Contre la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif.

Contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif.

Les trois recours doivent faire l’objet d’une seule requête introductive signée d’un avocat à la Cour, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente.

Je vous informe par ailleurs que la décision du tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel, et que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2012 les époux DZEKIC-NISIC ont fait introduire, un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 juillet 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale des époux DZEKIC-NISIC dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours concernant ce volet de la décision, les demandeurs estiment d’abord que ce serait à tort que le ministre a estimé que leurs déclarations ne soulèveraient que des faits sans pertinence et qu'ils ne rempliraient pas clairement les conditions pour prétendre au statut de réfugié, pour justifier l'application une procédure accélérée au sens de l'article 20 §1 de la loi modifiée du 5 mai 2006, les demandeurs contestant tout particulièrement l’affirmation qu’ils proviendraient d'un pays sûr au sens de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006, et ce alors qu’il apparaîtrait clairement que leurs déclarations méritaient une analyse approfondie et une analyse des faits à la base de leur demande de protection internationale.

A cet égard, ils affirment avoir été exposés à une persécution, sinon à une crainte réelle de persécution en raison leur religion et ce parce qu’ils ne suivaient pas les pratiques des Wahhabites, lesquels les auraient menacés par arme, frappés, harcelés systématiquement et menacés de kidnapping, les demandeurs affirmant de surcroît être démunis et ne pas être en mesure de faire appel à la police par peur de représailles.

Les demandeurs reprochent encore à ce volet de la décision déférée de pas être motivée quant au choix de la procédure accélérée, le ministre n’ayant à leurs yeux énumérés que deux motifs, brièvement, tels que prévus dans la loi, sans les détailler et sans expliquer en quoi les faits exposés n'entraînent pas des questions pertinentes ou suffisamment pertinentes ni en quoi leur pays d’origine serait considéré comme un pays d'origine sûr.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

Le tribunal, saisi en ce qui concerne ce volet de la décision ministérielle d’un recours en annulation - et non pas, comme indiqué dans les développements des demandeurs, d’un recours en réformation -, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans ce cadre, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé. Il convient cependant de souligner que l’article 6 précité n’impose pas une motivation exhaustive et précise, seule une motivation « sommaire » étant expressément exigée.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que le ministre indique en début de sa décision les cas d’ouverture justifiant en l’espèce, concrètement, le recours à la procédure accélérée telle que prévue à l’article 20 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006, le ministre indiquant en effet deux cas d’ouverture distincts - les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 - en affirmant que les demandeurs tomberaient sous ces deux cas, le ministre ayant ensuite précisé le premier cas d’ouverture en exposant pourquoi les demandeurs ne rempliraient pas, à ses yeux, les conditions permettant de prétendre à la protection internationale.

Il résulte encore de la lecture de la décision déférée que le ministre précise plus loin dans la décision l’un des cas de figure justifiant à ses yeux le recours à la procédure accélérée, le ministre indiquant qu’« A cela s’ajoute que selon l’article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d’origine, la Bosnie-Herzégovine doit être considérée comme pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l’article 20§1 étant donc également remplies », de sorte à préciser explicitement le second cas d’ouverture indiqué en début de décision.

Il convient par ailleurs de rappeler que l’obligation de motivation formelle inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne constitue pas une fin en soi, mais consacre des garanties visant à ménager à l’administré concerné la possibilité d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de cette obligation par la décision devient sans objet1.

1 Voir en ce sens. trib. adm. 11 janvier 2010, n° 25445, Pas. adm. 2011, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 54.

Or, en l’espèce, force est de constater que les demandeurs ont pu prendre position par rapport aux deux cas de figure d’abord théoriquement énoncés par le ministre, et ensuite encore détaillés plus concrètement.

Il s’y ajoute que les motifs sur lesquels repose l’acte, si l’acte lui-même ne les précise pas, peuvent être précisés au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d’exercer son contrôle de légalité. Or, si les demandeurs maintiennent dans leur mémoire en réplique leur affirmation selon laquelle il leur serait impossible de comprendre les motifs justifiant le recours à la procédure accélérée, il résulte toutefois du mémoire en réponse de la partie étatique que le ministre a expressément considéré que les demandeurs tomberaient à la fois sous chacun des deux cas d’ouverture énoncés, cas d’ouverture par rapport auxquels, comme retenu ci-avant, ils ont pu prendre position.

Force est de constater que le moyen fondé sur l’insuffisance de motivation de la décision n’est dès lors pas justifié en fait.

La décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 qui dispose que : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

(…) ».

Aux termes de l’article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a) et c) de la loi modifiée du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Par ailleurs, force est au tribunal de constater que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant la liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006, la Bosnie-

Herzégovine a été retenue comme constituant un pays d’origine sûr, tandis qu’il se dégage des éléments du dossier que tant le demandeur que la demanderesse ont la nationalité bosnienne et qu’ils ont habité en Bosnie-Herzégovine avant de venir au Luxembourg.

Si l’énumération d’un pays d’origine sûr dans la liste du prédit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne constitue certes qu’une présomption que ce pays est à considérer comme un pays d’origine sûr et qu’aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006 un examen de la situation individuelle du demandeur de protection internationale est indispensable pour pouvoir considérer que concrètement pour le demandeur de protection internationale considéré individuellement, le pays de provenance est à considérer comme pays d’origine sûr, force est au tribunal de constater que les moyens invoqués en l’espèce par les demandeurs ne sont pas de nature à renverser cette présomption, le seul fait que des Wahhabites, à savoir une infime minorité de la population, y prônent un islam radical et que quelques activistes y aient commis des actes terroristes n’étant pas de nature à énerver le statut de pays d’origine sûr de la Bosnie-

Herzégovine et ce d’autant plus qu’il résulte des explications circonstanciées de la partie publique que les autorités bosniennes, loin de tolérer le wahhabisme, mettent tout en oeuvre afin de juguler les membres les plus dangereux de cette mouvance, tout en veillant à assurer la liberté de religion et à protéger les citoyens bosniens.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c) respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande.

Partant le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait besoin d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) de la loi du 5 mai 2006 et les développements afférents des demandeurs.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs, se référant aux faits et rétroactes de leur demande en obtention d’une protection internationale, exposent avoir été victimes de persécutions suffisamment graves en raison de leur nature et de leur caractère répété de la part des Wahhabites, lesquels, qui prôneraient un islam radical, n’auraient cessé de harceler Monsieur Adnan DZEKIC afin qu'il intègre leur groupe terroriste, responsable de plusieurs actes criminels et Madame Sanijana DZEKIC-NISIC afin qu’elle porte la burka, l’enfant Adnan, pour sa part, ayant répétitivement été harcelé à l’école par des enfants de Wahhabites. Ils affirment qu’en outre les Wahhabites les auraient également menacés à plusieurs reprises de kidnapper leur enfant.

Les demandeurs relèvent encore que la police serait impuissante face à une telle situation qui aurait perduré pendant deux ans, les Wahhabites terrorisant tant la population que la police, qui par ailleurs serait largement corrompue.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que ce serait à bon droit que le ministre a refusé le statut de protection internationale aux époux DZEKIC-NISIC.

En vertu de l’article 2 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.

Force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, il convient de constater que comme les seuls auteurs des persécutions précises telles qu’alléguées sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, en l’occurrence quelques Wahhabites habitant dans leur voisinage - les demandeurs précisant qu’il s’agirait d’« un clan de cinq, six personnes. Souvent il y a d’autres Wahhabites qui se promènent dans la rue, mais ils ne nous font rien » - , la crainte d’être persécuté ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution2.

L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. En cas de persécution par des entités non étatiques, la crainte d’être persécuté est considérée comme fondée si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective au demandeur ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 reconnaît la possibilité pour des personnes persécutées par des acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) définit la protection comme suit : « Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » Or, il résulte des récits des demandeurs que ceux-ci n’ont jamais, à quelque niveau que ce soit, tenté d’obtenir la protection des autorités bosniennes, les demandeurs n’ayant en particulier ni sollicité la police, en ce qui concerne les menaces proférées à leur encontre ni le personnel de l’école de leur fils, en ce qui concerne les trois élèves wahhabites qui le harcelaient.

A cet égard, il y a lieu de relever que les différentes allégations des demandeurs selon lesquelles la police, d’une manière générale, refuserait d’intervenir en leur faveur de crainte de subir des représailles de la part des Wahhabites ou parce que la police serait elle-même mêlée à des actes criminels, d’une part ne reposent sur aucun élément concret, et d’autre part sont énervés tant par le récit des demandeurs qui relatent eux-mêmes que les forces spéciales bosniennes seraient intervenues à l’encontre de Wahhabites à une cinquantaine de kilomètres de leur propre domicile, que part les explications circonstanciées de la partie publique décrivant les efforts et la politique poursuivie par les autorités bosniennes et tendant tant à combattre l’intégrisme wahhabite que la corruption.

2 Trib. adm. 13 juillet 2009, n° 25558, Pas. adm. 2011, V° Etrangers, n° 107.

Par ailleurs, si les demandeurs avaient le sentiment que leur plainte ne serait pas accueillie par les policiers locaux, il leur aurait été possible de se plaindre du comportement des policiers auprès d’une autorité supérieure ou de porter leur plainte par-devant d’autres policiers, ce qu’ils n’ont toutefois pas fait.

En effet, la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par une personne ou un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. A cet égard, il aurait en tout état de cause appartenu aux demandeurs, avant de baisser tout simplement les bras et de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher activement la protection offerte par leurs propres autorités et institutions nationales.

Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’agressions ou de menaces physiques, communément la forme d’une plainte.

Au vu de ce qui précède, il n’est dès lors pas démontré que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de fournir aux époux DZEKIC-NISIC une protection au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006.

Quant aux raisons médicales mises en avant - le demandeur ayant affirmé être également venu au Luxembourg pour suivre un traitement médical - de telles raisons, à défaut de toute persécution ou discrimination se trouvant à la base de l’absence de soins alléguée - ne justifient pas l’obtention de la protection internationale.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant aux demandeurs le bénéfice du statut de réfugié.

En ce qui concerne le refus du ministre de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que les époux DZEKIC-NISIC basent leur recours sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, dans la mesure où les auteurs des persécutions alléguées ne sauraient être qualifiés d’acteurs au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il n’est pas démontré que les autorités bosniennes seraient dans l’incapacité de fournir aux demandeurs une protection suffisante, les actes commis par eux ne sauraient pas non plus être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 de cette même loi.

Partant, le recours est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant aux époux DZEKIC-NISIC le bénéfice de la protection subsidiaire.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, en estimant pouvoir se prévaloir de motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution en cas de retour au pays d'origine, les demandeurs estimant plus particulièrement que suivant le principe de précaution, il resterait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y a lieu de craindre qu'elle court un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève et la loi 5 mai 2006 Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont à aucun moment fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 12 juillet 2012 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée :

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 12 juillet 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 juillet 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 septembre 2012 par :

Marc Sünnen, vice-président, Thessy Kuborn, premier juge, Alexandra Castegnaro, juge.

en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.9.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 30960
Date de la décision : 24/09/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-09-24;30960 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award