Tribunal administratif N° 30863 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 13 septembre 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 30863 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2012 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 28 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 28 juin 2012 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiqué ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Vania Dos Santos Bernardes en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 septembre 2012.
En date du 26 avril 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Monsieur … fut en outre entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en date du 25 juin 2012, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 28 juin 2012, notifiée par envoi recommandé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 26 avril 2012.
En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous trois cas prévus au paragraphe (1), à savoir :
a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;
c) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi. » En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 26 avril 2012 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 25 juin 2012.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous vous seriez bagarré avec des voisins serbes et depuis ces personnes vous menaceraient. La raison sous-tendant cet incident serait que vous auriez fréquenté une fille serbe et que les personnes en question ne toléreraient pas cette relation parce que vous seriez d'une autre confession. Vous dites que vous n'auriez pas été blessé. Selon vos dires, vous n'auriez pas porté plainte auprès de la police pour ne pas mettre en colère vos voisins.
Vous déclarez ne pas avoir d'autres problèmes au Monténégro.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale est exclusivement basée sur des motifs d'ordre privé ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. Les agissements des voisins doivent être considérés davantage comme des délits de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissables en vertu de la législation monténégrine.
S'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
En effet, force est de constater que tous les faits relatés constituent en effet des délits de droit commun, commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissables en vertu de la législation monténégrine. Ainsi, les menaces et la bagarre dont vous dites être victime ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas des rapports d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de vos voisins qui vous auraient menacé. Il convient de préciser que vous n'auriez pas porté plainte auprès des autorités locales parce que vous n'auriez pas voulu mettre en colère vos voisins.
Or, la police est bien présente dans les villes et se rapproche davantage des soucis de la population selon un rapport de l'OSCE de septembre 2010: « A community police officer is located at approximately 122 'contact sites' throughout Montenegro. According to one deputy commander, each site aims to cover around 2.5-3km2 and contain about 2500 to 3000 inhabitants. It is claimed that one quarter of the Montenegrin population has access to a community police officer and that 40% of Podgorica is covered by the programme. The stated objective is to cover the entire country and to export the programme from uniformed police to other branches of the Directorate, including traffic police and criminal police. (…) Criminal investigation (CID) was presented to the researcher as being one of the most structurally reformed aspects of the Montenegrin Police Directorate. CID figures prominently in the Directorate's long term strategy that anticipates a 'high degree of efficiency and training in fighting all forms of crime, especially terrorism, organized crime and corruption'. ». La police est présente et il ne peut être admis qu'elle ne peut ou ne veut pas vous offrir une protection à l'encontre des voisins.
En outre, selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, le Monténégro doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi.
L'analyse individuelle de votre situation personnelle ne permet pas d'ébranler ce constat.
Monsieur, vous ne faites donc pas état de problèmes, discriminations ou persécutions concrètes et personnelles, de sorte que vous ne soulevez que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et que par conséquent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ne sont clairement pas remplies.
Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande de protection internationale, des raisons d'ordre privé ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Monténégro ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2012, Monsieur … a fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 28 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient être originaire du Monténégro et y appartenir à la communauté religieuse des musulmans. En raison de ladite confession religieuse, il aurait été agressé par des « voisins serbes » qui n’auraient pas supporté qu’il entretienne une liaison avec une jeune fille serbe de religion orthodoxe. Il craindrait ainsi des représailles de la part desdits voisins, de sorte qu’il aurait été obligé de quitter son pays d’origine.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Sous ce rapport, le demandeur soutient en substance que les éléments présentés par lui à l’appui de sa demande de protection internationale seraient manifestement pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour bénéficier d’une protection internationale. Il estime en outre, par rapport au troisième cas d’ouverture encore invoqué par le ministre, que le Monténégro ne pourrait pas être qualifié de pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20, paragraphe (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.
Par ailleurs, force est au tribunal de constater que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.
En ce qui concerne le cas énuméré au point c) de l’article 20, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.
(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.
(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme d’origine sûr :
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, le Monténégro a été retenu comme constituant un pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu de conclure que c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr.
C’est à tort que le demandeur soutient que ledit règlement grand-ducal serait à écarter en l’espèce compte tenu de sa situation particulière.
En effet, il est certes vrai qu’au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de la situation personnelle du demandeur.
Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que le ministre, après examen de la demande de protection internationale du demandeur, a conclu qu’il provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il appartient à ce dernier d’établir les raisons concrètes susceptibles de renverser ce constat. Cependant, le seul élément objectif que le demandeur a présenté à cet égard a trait au fait qu’il risquerait des persécutions de la part de personnes privées en raison de sa relation avec une fille d’origine serbe et de religion orthodoxe. Or, cette affirmation à elle seule n’est pas suffisante pour retenir que nonobstant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, précité, le Monténégro ne pourrait pas être considéré comme constituant un pays d’origine sûr pour le demandeur.
Il s’ensuit que les éléments soumis au tribunal sont insuffisants pour retenir que la conclusion du ministre selon laquelle le Monténégro est à qualifier, dans le chef du demandeur, de pays d’origine sûr, serait erronée.
Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20, paragraphe (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale.
Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20, paragraphe (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, cet examen devenant surabondant.
2) Quant au recours en réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.
Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Sous ce rapport, le demandeur insiste sur ce que les menaces et agressions émanant de ressortissants serbes résidant au Monténégro seraient à qualifier de persécutions religieuses, au motif qu’ils l’auraient menacé et agressé du fait qu’en sa qualité de musulman, il aurait entretenu une relation avec une jeune fille de religion orthodoxe.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que le recours en réformation serait à rejeter comme non fondé.
En vertu de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, il échet de relever que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
En effet, force est au tribunal de relever que la qualification de persécution est réservée aux faits qui rentrent dans le champ d’application de la Convention de Genève respectivement de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 et qui, aux termes de l’article 31 de la loi du 5 mai 2006, sont suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété et qui sont perpétrés par des auteurs pouvant être qualifiés comme acteurs de persécutions au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu que s’il s’agit de personnes privées il faut qu’il ressort des circonstances et des éléments soumis au tribunal que les autorités énumérées à l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 ne veulent ou ne peuvent pas accorder au demandeur de protection internationale une protection adéquate.
Or, s’il semble que les auteurs des faits relatés, à savoir des personnes privées de religion orthodoxe, soient mus par des considérations religieuses, de sorte qu’il y a lieu de retenir que les faits rentrent dans le champ d’application de la Convention de Genève, le tribunal est cependant amené à constater que, bien qu’il s’agit a priori d’actes se fondant sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir les croyances religieuses, le demandeur n’a pas rapporté des éléments qui permettent de retenir que ces menaces et agressions aient pu atteindre un niveau de persécution d’une gravité suffisante au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 rendant sa vie intolérable au Monténégro, cette agression se résumant à un incident isolé, sans que les auteurs de l’agression aient, dans les mois qui ont suivi l’incident, encore essayé de l’agresser, en ne proférant que de manière indirecte des menaces à son encontre par l’intermédiaire de tierces personnes, de sorte qu’il y a lieu d’en conclure que les actes ainsi invoqués par le demandeur, pris en leur globalité, ne constituent pas en particulier une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en l’espèce la liberté religieuse.
Le demandeur n’apporte en outre aucun élément de nature à démontrer que les autorités étatiques du Monténégro ne veulent pas ou ne peuvent pas lui accorder une protection contre les auteurs de ces menaces, de sorte que la simple affirmation que les autorités policières ne seraient pas capables de le protéger efficacement est à elle seule insuffisante pour ce faire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur.
En ce qui concerne le refus du ministre de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate que le demandeur base son recours y relatif sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, en ce qui concerne les problèmes que le demandeur prétend avoir rencontré avec des voisins serbes en raison de sa relation avec une jeune fille d’origine serbe et appartenant à la religion orthodoxe, force est de constater que ces problèmes sont également insuffisants pour établir dans son chef un risque réel de subir encore à l’heure actuelle des atteintes graves définies à l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006, étant souligné que l’article 37, lequel vise notamment la peine de mort, l’exécution ou la torture, exige que les atteintes subies atteignent une certaine gravité, laquelle n’est en l’espèce pas donnée, le demandeur ne se prévalant en l’espèce que d’une seule agression à propos de laquelle il ne fait pas état avoir subi une quelconque blessure.
La même absence de gravité suffisante s’impose encore en ce qui concerne les craintes mises en avant par le demandeur du fait de subir des menaces indirectes de la part de ses voisins serbes en raison de la prédite relation avec une fille d’origine serbe.
Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des arguments du demandeur que la situation qui prévaut actuellement au Monténégro corresponde à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 précité.
Partant, le recours en réformation est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20, paragraphe (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 20, paragraphe (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».
Le demandeur sollicite l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans cependant formuler de moyens à l’appui de son recours.
Le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le ministre pouvait a priori valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire. A défaut d’un quelconque moyen, le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 juin 2012 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 juin 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Claude Fellens, vice-président, Alexandra Castegnaro, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation par le premier vice-président en présence du greffier du tribunal administratif Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13.09.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 11