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29/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30782

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 août 2012, 30782


Tribunal administratif N° 30782 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 29 août 2012 Recours formé par Monsieur … … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30782 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2012 par Maîtr

e Hakima GOUNI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 30782 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 29 août 2012 Recours formé par Monsieur … … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30782 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2012 par Maître Hakima GOUNI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à … (Serbie), et de son épouse, Madame … …-…, née le … à …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en celui de leur enfant mineur …, née le … à …, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à …, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 22 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du même ministre du 22 juin 2012 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2012;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima GOUNI et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 août 2012.

En date du 20 mars 2012, Monsieur … … et son épouse Madame … …-…, accompagnés par leur enfant mineur …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Le 26 mars 2012, les consorts … furent entendus par un agent de la police grand-

ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … et Madame …-… furent entendus séparément en date du 4 juin 2012, respectivement du 5 juin 2012, par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 22 juin 2012, expédiée par envoi recommandé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées tout en leur ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 20 mars 2012.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous trois cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi. » En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 26 mars 2012 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 4 et 5 juin 2012.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que lors de la soirée du 31 décembre 2011 vous et votre frère auriez été sous l'influence d'alcool et vous auriez heurté un policier avec une voiture. Vous auriez pris la fuite mais la police vous aurait arrêté. D'ailleurs, vous ne sauriez pas où se trouverait votre frère. Vous dites que vous auriez été retenu pendant 48 heures et vous auriez été libéré par la suite. Dix jours après cet incident, une personne, que vous pensez être le fils de la victime, vous aurait téléphoné et dit de rester chez vous sous peine de vous agresser physiquement. Cette personne n'aurait pas mentionné le nom de la victime. Vous n'auriez pas porté plainte à la police. Vous indiquez que vous auriez alors contacté une agence de voyage pour organiser votre voyage en Europe.

Enfin, vous seriez venu au Luxembourg pour faire soigner vos allergies.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que depuis le 15 janvier 2012 vous n'auriez plus reçu d'appels téléphoniques vous menaçant.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vos demandes de protection internationale sont essentiellement basées sur des motifs d'ordre privé ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. Les appels téléphoniques d'une personne inconnue sont des problèmes à considérer comme des délits de droit commun punissables par la loi serbe.

Or, s'agissant d'actes émanant d'une personne privée, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Vous précisez ne pas avoir sollicité les autorités compétentes pour régler vos problèmes avec cette personne. Il ne ressort donc pas des rapports d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre de l'individu qui vous aurait agressé et menacé, comme le prévoit l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Il n'est donc pas démontré que les autorités seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection contre des menaces de cette personne non autrement identifiée.

En ce qui concerne l'accès à la protection des autorités, il ressort des informations dont dispose le Service des Réfugiés que même si un certain nombre de réformes sont encore nécessaires au sein de la police serbe, celle-ci fonctionne mieux. Ce faisant, elle s'approche davantage des normes internationales. L'amélioration du fonctionnement de la police résulte notamment de l'implémentation de la loi sur la police de 2005, qui a impliqué d'importantes modifications au niveau de l'organisation des services de police. Cette loi a amélioré la législation antérieure relative au respect de l'individu et a notamment contraint la police à l'observation de directives nationales et internationales. Des démarches positives ont en outre été entreprises pour mettre sur pied une force de police plus moderne et plus spécialisée. Un arrêté a également été approuvé en matière de directives éthiques pour les services de police et il fait à présent partie intégrante de la formation des policiers. En effet, les éventuels écarts de conduite de la part des agents de police ne sont plus tolérés. C'est ce qui ressort également de la création du Sector for Internal Control of the Police en 2006 au sein des services de police. Cet organe de contrôle interne traite les plaintes relatives aux interventions de la police. Dans le cadre de l'exécution des lois et arrêtés susmentionnés, les autorités serbes sont assistées par l'OSCE (Organization for Security and Co-operation in Europe) Mission to Serbia. Sous l'impulsion de I'OSCE, une attention accrue est accordée à la formation des officiers de police, à la lutte contre le crime organisé, au « community policing », aux relations publiques et à la communication. Le but est de renforcer la confiance des citoyens dans le système policier serbe. On encourage ainsi la création de forums réunissant des civils, la police, la société civile (« civil society ») et des structures administratives afin qu'ils discutent de sujets d'intérêt général. Grâce à l'ensemble des mesures citées ci-dessus, la police serbe a pu présenter de meilleurs résultats, entre autres dans la lutte contre le crime organisé. Il n'est pas établi que la police ne veut ou ne peut pas vous offrir une protection.

Par ailleurs Monsieur, vous dites être venu au Luxembourg pour faire soigner vos allergies.

Or, des motifs d'ordre médical ne rentrent pas dans les cas prévus par la Convention et loi en question. Néanmoins, force est cependant de constater que « Der Zugang zu Sozialleistungen wie medizinischer Versorgung, Arbeitslosenunterstützung, Rente und Bildung ist immer von einer amtlichen Registrierung und dem Besitz gültiger Personaldokumente (Personalausweis, Pass) und ggf noch weiteren Voraussetzungen je nach Art der beantragten Sozialleistungen abhängig. Alle serbischen Staatsbürger sind verpflichtet, sich bei der zuständigen Polizeistation an ihrem Wohnort anzumelden. Hierfür muss u. a. auch ein Nachweis über den Wohnsitz, entweder durch einen Mietvertrag oder durch eine Eigentumsurkunde, vorgelegt werden. Eine Registrierung ist auch im Falle einer Unterkunft bei Verwandten oder Bekannten möglich. Hat jemand weder Wohneigentum bzw. Mietbesitz, noch familiäre Unterstützung, so ist die Registrierung sehr problematisch bzw. unmöglich. ».

Les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, en vertu de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection et du règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, la République de Serbie doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de vos demandes de protection internationale. Cet aspect est d'autant plus conforté par le fait qu'en date du 1er mars 2012 la République de Serbie a obtenu le statut de candidat officiel à l'Union Européennes.

Madame, Monsieur, vous ne faites donc pas état de problèmes, discriminations ou persécutions concrètes et personnelles, de sorte que vous ne soulevez que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et que par conséquent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ne sont clairement pas remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons d'ordre privé et médicales ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Serbie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

(…)» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2012, les consorts … ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 22 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation, sinon à l’annulation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

A l’appui de leur recours, le litismandataire des demandeurs expose qu’après que Monsieur … et son frère auraient pris la fuite après avoir heurté avec leur voiture et blessé un policier le soir de la Saint-Sylvestre 2011, les demandeurs auraient commencé à faire l’objet de menaces de la part de policiers de leur village. En effet, depuis que Monsieur … aurait été relâché de sa garde à vue, les enfants du policier victime de l’accident qui seraient eux-

mêmes des membres de la police auraient continuellement proféré des menaces de mort à son encontre. Comme les auteurs de ces menaces feraient partie de la police, le demandeur n’aurait pas porté plainte contre ces personnes. Le demandeur expose qu’au vu de ces circonstances il ne lui serait plus possible de se sentir en sécurité en Serbie, de sorte qu’il aurait décidé de fuir son pays avec sa famille pour échapper à cette situation de menace constante.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir évalué correctement leur situation en décidant d’user de la procédure accélérée au motif qu’ils tomberaient sous les paragraphes a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, appréciation que les demandeurs contestent formellement.

En effet, les consorts … estiment que les faits les ayant poussés à quitter leur pays s’articuleraient autour d’un pôle essentiel, à savoir les menaces proférées par des policiers conformément aux articles 31 et 37 de la loi du 5 mai 2006 : en raison de la qualité même des personnes ayant proféré les menaces, à savoir des policiers, ils ne seraient plus à même d’être protégés par les autorités serbes.

C’est pourquoi les demandeurs reprochent au ministre, en se limitant à faire uniquement état de problèmes d’ordre privé ne justifiant pas une demande de protection internationale, de ne pas avoir correctement évalué leur situation.

Les consorts … reprochent encore au ministre de ne pas avoir reconnu sur base des faits exposés qu’ils rempliraient les conditions requises pour bénéficier de la protection internationale alors que cet ensemble de faits constituerait des éléments de persécution crédibles.

Les consorts … se prévalent encore du rapport d’Amnesty International de 2011 dont ils citent un extrait pour arriver à la conclusion que la Serbie ne pourrait pas être considérée comme un pays d’origine sûr.

Les demandeurs sont en tout état de cause d’avis que les conditions d’obtention du statut de la protection internationale seraient réunies dans leur chef, de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes en protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), b) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre de la procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, force est au tribunal de constater que la Serbie figure sur la liste des pays d’origine sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, un pays désigné comme pays d’origine sûr est considéré comme un pays d’origine sûr pour le demandeur de protection internationale lorsqu’il possède la nationalité de ce pays ou s’il y avait précédemment sa résidence habituelle, et s’il n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité serbe et qu’ils ont résidé en Serbie avant de venir au Luxembourg.

D’autre part, en ce qui concerne les explications des demandeurs sur la situation générale en Serbie et tendant à faire admettre que leur pays d’origine ne constituerait pas un pays d’origine sûr, malgré la circonstance qu’il figure sur la liste des pays d’origine sûrs précitée, force est au tribunal de constater que s’il est exact que le rapport d’Amnesty International de 2011 cité par extrait par eux fait état de l’inquiétude exprimée par la Commission européenne par rapport à l’impunité dont jouiraient les auteurs de mauvais traitements et notamment d’actes de torture, il ne ressort pas de ce rapport que tout citoyen serbe aurait des raisons de craindre de faire l’objet de persécutions en Serbie. Quant aux références des demandeurs à de mauvais traitements, y compris des actes de torture infligés, force est de constater que ces questions ne sont en aucun rapport avec le récit des demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les faits mis en avant par ledit rapport d’Amnesty International ne sont pas pertinents en l’espèce.

Il suit des considérations qui précèdent que les demandeurs n’invoquent pas des faits démontrant que la Serbie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans leur chef.

Partant, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr, de sorte que c’est encore à bon droit qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Dès lors, le recours afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs relèvent tout d’abord que pour refuser leurs demandes de protection internationale le ministre aurait procédé à un examen superficiel et insuffisant des faits alors qu’il ressortirait clairement de leurs déclarations qu’ils auraient été victimes de menaces et que les autorités serbes n’auraient pas été capables de les protéger du fait que les auteurs des menaces seraient eux-mêmes des policiers. Les demandeurs estiment que l’ensemble des faits dont ils font état constituerait des éléments de persécution morale et physique qui les auraient décidés à fuir la Serbie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire. En vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine. En effet, aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions, ainsi que les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en causes, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

En effet, il résulte sans équivoque des déclarations de Monsieur …, telles qu’actées à son procès-verbal d’audition du 4 juin 2012 et confirmées par son épouse lors de son audition le 5 juin 2012, que les consorts … ont décidé de quitter la Serbie principalement parce qu’à trois reprises en janvier 2012 une personne a menacé Monsieur … qu’il allait recevoir des coups s’il sortait de sa maison. Ces menaces auraient été proférées à chaque fois par téléphone par une personne non autrement identifiée mais dont les consorts … ont supposé, sans aucun élément de preuve, qu’il s’agissait du fils du policier que Monsieur … a heurté avec sa voiture la nuit de la Saint-Sylvestre 2011. Monsieur … a encore déclaré à ce sujet que le premier appel aurait eu lieu le 10 janvier 2012 et que le dernier appel datait du 15 janvier 2012 et que depuis il n’aurait plus fait l’objet de menaces.

Au vu de ce qui précède, le tribunal estime qu’il ne ressort d’aucun élément des récits des demandeurs que les menaces anonymes reçues à trois occasions par Monsieur … auraient trouvé leur origine dans un des critères prévus à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social des demandeurs. Ces menaces n’ont d’ailleurs jamais été suivies d’actes concrets et ne sauraient être considérées comme étant d’une gravité suffisante pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme Lors de son entretien avec l’agent compétent du ministère des Affaires étrangères, Monsieur … a déclaré qu’il serait également venu au Luxembourg pour faire soigner son allergie au soleil et aux insectes étant donné que les médecins serbes n’auraient pas réussi à trouver l’origine de ses problèmes d’allergie. Dans son pays il aurait reçu des piqûres en provenance d’Allemagne parce que la Serbie ne disposerait pas de telles piqûres. Force est à cet égard au tribunal de constater que Monsieur … ne fait état d’aucune discrimination personnelle et concrète dont il aurait été victime de la part des médecins ou institutions de santé en Serbie. Au contraire, il ressort de son récit que les médecins serbes auraient cherché à trouver l’origine de ses allergies et qu’il aurait bénéficié d’un traitement médical.

Des problèmes de santé ou le défaut de qualité des soins médicaux dans le pays d’origine ne sauraient en tout état de cause justifier l’octroi du statut de réfugié, surtout que Monsieur … est resté en défaut de démontrer que ses problèmes de santé et le prétendu défaut de qualité allégué des soins médicaux seraient fondés sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef dans leur pays de provenance une crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de leur race, de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur nationalité ou de leur appartenance à un certain groupe social.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs comme non fondée, de sorte que le recours est à déclarer non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre d’accorder à la demanderesse le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le tribunal constate qu’à l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, les demandeurs n’invoquent aucun moyen spécifique, de sorte qu’il y a lieu de conclure que lesdites demandes sont basées sur les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet des demandes en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par ceux-ci ne peuvent pas être assimilés à des persécutions et manquent de fondement, le tribunal n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir, sur la base des mêmes événements ou arguments, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants. Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des arguments des demandeurs que la situation qui prévaut actuellement en Serbie correspond à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 précité.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré les demandes de protection internationale sous analyse comme non justifiées, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 22 juin 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de la demande de protection internationale.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire au motif qu’un retour en Serbie entraînerait des conséquences graves pour eux.

Or, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 22 juin 2012 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 22 juin 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 22 juin 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire de vacation du 29 août 2012 par:

Marc Sünnen, vice-président, Paul Nourissier, juge, Alexandra Castegnaro, juge, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius, greffier assumé.

s. Anne-Marie Wiltzius s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier assumé 12


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30782
Date de la décision : 29/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-29;30782 ?

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