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08/08/2012 | LUXEMBOURG | N°31139

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 août 2012, 31139


Tribunal administratif N° 31139 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 8 août 2012 Recours formé par Monsieur …, … en présence du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31139 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 août 2012 par Maître Bouchra FAHIME-AYADI, avocat à la Cour, ass

istée de Maître Katrin DJABER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avoc...

Tribunal administratif N° 31139 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 8 août 2012 Recours formé par Monsieur …, … en présence du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 31139 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 août 2012 par Maître Bouchra FAHIME-AYADI, avocat à la Cour, assistée de Maître Katrin DJABER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai de quinze jours imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration portant refus de la protection internationale du 26 avril 2012, lui notifiée par courrier recommandé du 2 mai 2012 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin DJABER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives en la chambre du conseil en date du 8 août 2012.

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Le 22 février 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Le 26 avril 2012, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du même jour, envoyée par courrier recommandé du 2 mai 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le 3 août 2012, Monsieur … a fait déposer une requête tendant au relevé de la déchéance de son droit d’agir en justice résultant de l’expiration du délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la prédite décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 26 avril 2012.A l’appui de sa demande, il expose que son mandataire n’aurait été désigné que le 12 juillet 2012, soit deux mois après l’expiration du délai de recours, par le bâtonnier de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour assurer sa défense dans le cadre de l’assistance judiciaire relativement à la décision de refus précitée ; par conséquent, il estime tomber dans le champ d’application de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, Monsieur … affirmant avoir fait toutes les diligences utiles pour introduire un recours contre la décision ministérielle précitée du 26 avril 2012 et avoir immédiatement, dès réception de cette décision, contacté le Barreau du Luxembourg pour se voir designer un avocat dans le cadre de la procédure d’assistance judiciaire. Monsieur … considère en effet que le fait qu’un mandataire ait été désigné dans le cadre de la procédure d’assistance judiciaire postérieurement à l’expiration du délai de recours serait un fait indépendant de sa volonté qui ne saurait lui être imputé, de sorte à constituer un cas d’impossibilité d’agir au vœu de l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 précitée.

Le représentant étatique a conclu à l’audience au rejet de la demande en relevé de la déchéance en relevant que la décision ministérielle comporterait explicitement une indication des voies et délai de recours - en l’espèce quinze jours - de sorte qu’il aurait appartenu à Monsieur … de s’adresser immédiatement, de son propre chef, à un avocat, et non d’attendre sans réagir et sans relancer le Barreau l’expiration du délai de recours de quinze jours, le délégué du gouvernement ayant encore, pièce à l’appui, rappelé que conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée, tout demandeur de protection internationale - dont Monsieur … - est informé dès le dépôt de sa demande en protection internationale de son droit de se faire assister à titre gratuit d’un interprète qui maîtrise une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend et de son droit de choisir un avocat ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats.

D’après l’article 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir » ; d’après l’alinéa 1er de son article 2 « le relevé de la forclusion est demandé par requête à la juridiction compétente pour connaître de l’action pour laquelle le relevé de la forclusion est sollicité » tandis que l’article 3 de la même loi porte en son alinéa 1er que « la demande n’est recevable que si elle est formée dans les quinze jours à partir du moment où l’intéressé a eu connaissance de l’acte faisant courir le délai ou à partir de celui où l’impossibilité d’agir a cessé ».

A l’instar du respect du délai pour agir en matière contentieuse, le tribunal doit, au besoin d’office, contrôler si la demande en relevé de forclusion basée sur la loi modifiée du 22 décembre 1986 a été produite dans le délai légal, étant constant qu’en l’espèce la question a été contradictoirement discutée, le demandeur ayant affirmé à cet égard que le recours sous analyse aurait été introduit dans le délai de quinze jours prévu à l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi du 22 décembre 1986, ayant couru à partir du jour où l’impossibilité d’agir a cessé puisque à son avis ledit délai aurait commencé à courir à partir du 20 juillet 2012, jour de prise de connaissance de la décision du 26 avril 2012 par son mandataire.

Force est toutefois au tribunal de souligner que le délai court soit à partir du moment où l’intéressé a eu connaissance de l’acte faisant courir le délai, soit à partir de celui où l’impossibilité d’agir a cessé, mais non à partir du jour où le mandataire a pris connaissance de la décision litigieuse : aussi, en l’espèce, comme l’impossibilité d’agir alléguée réside dans l’absence de désignation par le Barreau d’un avocat, l’impossibilité d’agir alléguée doit être considérée comme ayant pris fin le jour où un tel avocat fut désigné, respectivement où l’avocat désigné a pris connaissance de sa désignation ou où l’intéressé s’est vu informé de la décision du Barreau.

En l’espèce, le tribunal constate que si la décision du Barreau porte certes la date du 12 juillet 2012, il ne résulte toutefois d’aucune pièce si cette date constitue effectivement la date d’envoi de ce courrier tant à Maître DJABER qu’à Monsieur … ni à quelle date précise ces deux destinataires ont obtenu communication effective de la décision du Barreau, de sorte que le tribunal - à défaut de toute contestation circonstanciée de la partie étatique - admet les explications du litismandataire de Monsieur … selon lesquelles il n’aurait obtenu connaissance de cette décision du Barreau que le 20 juillet 2012 : aussi, la présente requête en relevé de forclusion, présentée le 3 août 2012, doit être considérée comme ayant été introduite dans le délai de quinze jours prévu à l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi du 22 décembre 1986.

En ce qui concerne l’impossibilité d’agir alléguée, il ressort du dossier administratif que Monsieur … s’est vu adresser la décision ministérielle de refus du 26 avril 2012 par courrier recommandé du 2 mai 2012, de sorte qu’il doit être considéré, en application de l’article 6 (9) de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée, comme s’étant vu valablement notifier ladite décision trois jours après l’envoi, à savoir en date du 5 mai 2012, et qu’il fut à cette occasion informé des voies et délai de recours, qui figurent en outre expressément sur ladite décision.

Il en résulte que le demandeur a eu connaissance de ladite décision le 5 mai 2012.

Or, il se dégage des pièces versées en cause que si Monsieur … a introduit une demande en assistance judiciaire dès le 8 mai 2012, comportant en annexe copie de la décision de refus ministérielle, laquelle, comme relevé ci-dessus, mentionne les voies et délai de recours, ce n’est que le 12 juillet 2012, soit près de deux mois après l’expiration du délai contentieux, que Maître Katrin DJABER a été désignée comme mandataire pour assister Monsieur … dans le cadre de son affaire administrative.

Monsieur … rentre donc effectivement dans le deuxième cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance, à savoir l’hypothèse dans laquelle, bien qu’il ait eu connaissance de l’acte en question, il était dans l’impossibilité d’agir.

En effet, un plaideur qui fait personnellement toutes les diligences nécessaires lui incombant en vue d’introduire un recours contentieux dans le délai légal mais qui, en raison de circonstances qui ne lui sont pas imputables, a été mis dans l’impossibilité d’agir, est à relever de la déchéance encourue par l’expiration dudit délai. Le demandeur qui prouve s’être adressé dans le délai contentieux au secrétariat du Barreau en vue de se faire désigner un avocat à commettre d’office par le bâtonnier du conseil de l’Ordre, ledit secrétariat n’ayant pas donné au dossier déposé les suites que le demandeur pouvait légitimement escompter, s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir et est à relever de la déchéance encourue par l’expiration du délai de recours contentieux. Dans ce contexte, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir contacté personnellement un avocat du Barreau en vue de la défense de ses intérêts, étant donné qu’il a légitimement pu admettre que sa demande en vue de la désignation d’office d’un avocat serait traitée avec les diligences nécessaires en vue de l’introduction dans le délai légal d’un recours contentieux contre la décision qui lui fait grief1.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le fait que le demandeur aurait pu obtenir, dès le dépôt de sa demande de protection internationale, l’assistance d’un avocat, l’assistance d’un avocat, toute utile qu’elle soit au stade de la procédure administrative et précontentieuse, n’étant toutefois que facultative, de sorte que le choix par le demandeur à ce stade précoce de ne pas recourir à l’assistance d’un avocat, ne saurait constituer une faute dans son chef.

Au vu de ce qui précède, la requête en obtention d’un relevé de déchéance est à déclarer fondée et, conformément aux dispositions de l’article 4, alinéa 2 de la loi précitée du 22 décembre 1986, le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de la date de notification du présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit la demande en relevé de forclusion en la forme ;

au fond, la dit justifiée ;

partant dit que le délai de quinze jours pour introduire le recours recommence à courir à compter de la date de notification du présent jugement ;

réserve les frais.

Ainsi jugé par :

Marc Sünnen, vice-président, Andrée Gindt, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 8 août 2012, 15.00 heures, à laquelle le prononcé avait été fixé par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 08.08.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 1 Trib. adm. 31 mai 2000, n°11862, Pas. adm. 2011, V° Recours contentieux, n° 247.


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 31139
Date de la décision : 08/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-08;31139 ?

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