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03/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30968

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2012, 30968


Tribunal administratif Numéro 30968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30968 du rôle et déposée le 27 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître A

rdavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif Numéro 30968 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10 L.5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30968 du rôle et déposée le 27 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 20 juillet 2012 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er août 2012.

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Par décision du 20 juillet 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », que le Luxembourg n’est pas compétent pour traiter sa demande de protection internationale introduite en date du 25 avril 2012, étant donné que Monsieur … avait d’ores et déjà introduit une demande d’asile aux Pays-Bas en date du 26 mai 2011, de sorte que les autorités néerlandaises sont responsables du traitement de cette demande en vertu de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », lesquelles autorités ont par ailleurs accepté en date du 17 juillet 2012 de prendre en charge l’examen de sa demande de sorte que le transfert vers les Pays-Bas sera organisé dans les meilleurs délais et les modalités du transfert lui seront communiquées en temps utile.

En date du même jour, le ministre, prit à l’égard de l’intéressé, une décision de retour qui est fondée sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Attendu que l'intéressé n'est pas en possession d'un passeport en cours de validité ;

Attendu que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Attendu que l'intéressé n'est ni en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé ; (…) ».

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification dudit arrêté sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006. Ledit arrêté, qui fut notifié à l’intéressé en date du 27 juillet 2012, est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N° SPJ/15/2012/216321.1/HA du 25 avril 2012 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l'intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 25 avril 2012;

-qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 4§5 du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités néerlandaises en date du 16 juillet 2012 ;

- que les autorités néerlandaises ont marqué leur accord de reprise en charge en date du 17 juillet 2012 ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers les Pays-Bas ; ».

Par requête déposée le 27 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement en rétention du 20 juillet 2012.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi du 5 mai 2006, tel que modifié par l’article 155-2° de la loi du 29 août 2008 institue, par renvoi à l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’au jour du dépôt de la requête introductive d’instance aucune circonstance de fait n’aurait empêché les autorités luxembourgeoises de l’éloigner vers les Pays-Bas dans la mesure où les autorités néerlandaises auraient accepté de le rependre le 17 juillet 2012 sur base des dispositions du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par « le règlement n° 343/2003 ». Il en déduit qu’il n’existerait aucun empêchement légal de procéder à son renvoi vers les Pays-Bas et aucune impossibilité matérielle de procéder à son refoulement.

Force est de constater que le demandeur a fait l’objet d’une mesure de rétention sur base de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006, qui autorise le ministre à placer un demandeur d’une protection internationale dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois renouvelable lorsque « le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. ».

Or, il ressort à suffisance de droit des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal que le transfert du demandeur vers les Pays-Bas est prévu pour le 10 août 2012, de sorte qu’en attendant la date de ce transfert, la mesure de placement est justifiée pour rentrer dans les prévisions de l’article 10 (1) d) précité. Partant, le moyen afférent est à rejeter.

Le demandeur fait valoir ensuite qu’il serait possible de l’éloigner vers les Pays-Bas conformément aux « accords de réadmission de Benelux » prévoyant la possibilité pour les Etats signataires de renvoyer un étranger en situation irrégulière vers le territoire de l’autre Etat.

Quant à ce moyen tiré de la prétendue violation des « accords de réadmission de Benelux », accords qui permettraient aux autorités ministérielles de renvoyer le demandeur vers son pays d’origine, le tribunal doit constater qu’il ne se trouve pas en mesure de prendre position par rapport à ce moyen, à défaut par le demandeur de l’avoir clairement indiqué dans la requête introductive, la simple référence à un accord multilatéral sans indication plus précise quant aux dispositions visées de ce dernier et de la manière dont lesdites dispositions auraient été prétendument violées n’étant pas suffisante pour permettre au tribunal d’identifier de manière concrète le moyen soulevé par le demandeur. Ce moyen est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, le demandeur se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne les diligences entreprises par le ministre afin d’écourter au maximum sa privation de liberté.

A cet égard, il convient tout d’abord de relever que l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 permet à l’autorité ministérielle de placer en rétention un demandeur de protection internationale pour une durée maximale de trois mois. Il n’en reste pas moins que dans le cadre du reproche soulevé, le tribunal doit vérifier si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un transfert dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que le demandeur ne doive rester en rétention pendant une période trop longue. En effet, le placement d’une personne dans une structure fermée afin de ne pas compromettre son transfert vers l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile en vertu des dispositions du règlement n° 343/2003 est indissociable de l’attente de l’exécution dudit transfert, de sorte qu’il incombe à l’autorité administrative de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un transfert est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Quant aux démarches concrètes entreprises en l’espèce par le ministre, il ressort des pièces du dossier administratif que le 25 avril 2012, le demandeur s’est présenté au service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, afin de déposer une demande de protection internationale, que le même jour une recherche dans le système « Eurodac » a été lancée et que le Centre de Coopération Policière et Douanière a adressé une demande de renseignements à ses homologues. La demande de reprise en charge du demandeur a été adressée aux autorités néerlandaises en date du 16 juillet 2012, lesquelles ont répondu en date du 17 juillet 2012 qu’elles étaient disposées à accepter cette demande. Le 20 juillet 2012, le ministre a pris la décision de placement en rétention du demandeur, laquelle a pris effet le 27 juillet 2012. En date du 23 juillet 2012, le service de police judiciaire a été chargé d’organiser le transfert du demandeur vers les Pays-Bas en application du règlement n° 343/2003. Enfin, il ressort d’une mention manuscrite apposée sur ledit courrier du 23 juillet 2012 que le transfert du demandeur aux Pays-Bas est prévu pour le 10 août 2012.

Au vu des démarches concrètement entreprises par le ministre, retracées ci-avant, et dans la mesure où l’organisation matérielle de l’exécution du transfert nécessite un certain délai qui, en l’espèce, n’est pas à considérer comme étant excessif, dans la mesure où ledit transfert est prévu pour avoir lieu en date du 10 août 2012, soit environ quatorze jours après la prise d’effet de la mesure de placement litigieuse, il y a lieu de retenir que des démarches suffisantes ont été entreprises par les autorités luxembourgeoises afin d’écourter au maximum le séjour du demandeur dans une structure fermée. Le moyen fondé sur une absence de diligences suffisantes laisse partant d’être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 par le premier juge, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30968
Date de la décision : 03/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-03;30968 ?

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