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03/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30951

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2012, 30951


Tribunal administratif Numéro 30951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30951 du rôle et déposée le 26 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardava

n Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 30951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30951 du rôle et déposée le 26 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité serbe, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 23 juillet 2012 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er août 2012.

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Par arrêté du 23 juillet 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dénommé ci-après le « ministre », constata que Monsieur … s’étant maintenu sur le territoire luxembourgeois malgré sa décision de retour du 27 septembre 2011, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé du 6 octobre 2011, il lui interdit pour une durée de 3 ans l’entrée sur le territoire.

Par arrêté du même jour, le ministre plaça Monsieur … en rétention au Centre de rétention. Cette décision est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 27 septembre 2011 notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 6 octobre 2011 ;

Vu mon interdiction de territoire du 23 juillet 2012 ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressé, il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; ».

Par requête déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2012, Monsieur … a fait introduire une requête en institution d’une mesure provisoire contre une décision du ministre du 4 juin 2012 refusant de lui octroyer un sursis à l’éloignement sous le numéro 30932 du rôle, ainsi qu’il a fait introduire le 3 juillet 2012 un recours en annulation dirigé contre la même décision inscrit sous le numéro 30775 du rôle. Il fut débouté de sa requête en institution d’une mesure provisoire contre ladite décision du ministre du 4 juin 2012 par ordonnance présidentielle du 26 juillet 2012.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2012, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel précité du 23 juillet 2012.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

A titre liminaire, il échet de relever qu’il est constant en cause que le demandeur n’est à l’heure actuelle plus placé au Centre de rétention sur base de la décision de placement litigieuse, le délégué du gouvernement ayant confirmé à l’audience des plaidoiries qu’il avait été rapatrié par avion plus tôt dans la matinée du jour de ladite audience.

Il échet de constater dans ce contexte que lors des plaidoiries, le litismandataire du demandeur a indiqué vouloir limiter son recours en sollicitant, dans le cadre du recours en réformation, la seule annulation de la décision entreprise.

Si dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition toutefois que l’intérêt à agir du demandeur soit vérifié par rapport à cette demande, de sorte que le recours en annulation formulé par le demandeur en lieu et place du recours en réformation prévu par la loi pourrait sous ces conditions être déclaré recevable, dans la limite des moyens de légalité invoqués.

L’étranger ayant fait l’objet d’une mesure de placement garde un intérêt à agir même s’il a été rapatrié et que de ce fait la mesure de placement a pris fin. En effet, s’il est vrai que ni la réformation, ni l’annulation de la décision de placement prise à l’égard du demandeur ne sauraient désormais avoir un effet concret, celui-ci garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé, le cas échéant, aux particuliers par les décisions en question1.

Il s’ensuit que le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable dans la limite des moyens de légalité invoqués.

A l’appui de son recours, le demandeur estime que l’impossibilité de son refoulement ferait défaut en l’espèce au motif que son passeport aurait été remis par ses soins à l’autorité ministérielle lors du dépôt de sa demande de protection internationale de sorte que ladite autorité aurait pu procéder à son refoulement vers son pays d’origine sur base de la loi du 10 janvier 2003 portant approbation de l’accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement fédéral de la République Fédérale de Yougoslavie relatif à la reprise et à la réadmission de personnes qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire de l’autre Etat membre signé à Belgrade le 19 juillet 2002.

En insistant sur son état de santé précaire, il reproche ensuite aux autorités compétentes de n’avoir pas fait « tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs ». Il estime en substance que l’autorité ministérielle serait restée en défaut de rapporter la preuve qu’elle aurait entamé des démarches nécessaires en temps utile afin que son éloignement soit exécuté dans les meilleurs délais.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

1 cf. trib. adm. 12 novembre 2001, n° 14130 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Etrangers, n° 585 et autres références y citées Quant au moyen du demandeur tiré de la prétendue violation de « la loi du 10 janvier 2003 portant approbation de l’accord entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Gouvernement fédéral de la République Fédérale de Yougoslavie relatif à la reprise et à la réadmission de personnes qui ne remplissent pas ou ne remplissent plus les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire de l’autre Etat membre signé à Belgrade le 19 juillet 2002 », loi qui permettrait aux autorités ministérielles de le renvoyer vers son pays d’origine, le tribunal doit constater qu’il ne se trouve pas en mesure de prendre position par rapport à ce moyen simplement suggéré, à défaut par le demandeur d’avoir été clairement indiqué dans la requête introductive, la simple référence à un texte de loi entérinant un accord de droit international sans indication plus précise quant aux dispositions visées de ce dernier et de la manière dont lesdites dispositions auraient été prétendument violées n’étant pas suffisante pour permettre au tribunal d’identifier de manière concrète le moyen soulevé par le demandeur. Ce moyen est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant aux contestations du demandeur ayant trait aux démarches entreprises par le ministre en vue de son éloignement, il convient de rappeler que la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite, dans le cas où le demandeur est identifié et dispose de documents valables comme en l’espèce, néanmoins l’accomplissement de démarches auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite. En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En ce qui concerne les démarches concrètement entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il se dégage des éléments du dossier et des affirmations concordantes du délégué du gouvernement à l’audience des plaidoiries que le demandeur a fait l’objet d’un placement le 23 juillet 2012. En date du 24 juillet 2012, le demandeur a introduit une requête en institution d’une mesure provisoire contre une décision de refus de sursis à l’éloignement du ministre du 4 juin 2012 devant le président du tribunal administratif dont il fut débouté par ordonnance rendue du 26 juillet 2012. Il ressort des explications du délégué du gouvernement à l’audience des plaidoiries que les autorités ministérielles ont attendu le prononcé de l’ordonnance sus-visée pour réserver, encore le même jour, le billet d’avion du demandeur et l’escorte devant l’accompagner. Finalement, le demandeur a été rapatrié le 1er août 2012. Il y a lieu de conclure que les démarches entreprises par les autorités ministérielles permettent de confirmer que l’organisation de l’éloignement a été exécutée en l’espèce avec toute la diligence requise au regard des exigences de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur n’ayant fait l’objet d’une mesure de placement que pendant 10 jours (bien qu’il ait encore introduit dans ce délai une requête en institution d’une mesure provisoire contre une décision de refus de sursis à l’éloignement du ministre du 4 juin 2012 devant le président du tribunal administratif), délai qui est à considérer comme raisonnable pour organiser l’accomplissement de démarches auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé avec escorte muni de son passeport, de sorte que le moyen du demandeur fondé sur un défaut de diligences en vue d’exécuter son éloignement est à rejeter.

Aucun autre moyen n’étant invoqué en la cause, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme et le déclare recevable dans la limite des moyens d’annulation soulevés;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 par le premier juge, Thessy Kuborn, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30951
Date de la décision : 03/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-03;30951 ?

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