La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30682

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2012, 30682


Tribunal administratif N° 30682 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30682 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012 par Maître Hakima

Gouni, avocat à la Cour inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 30682 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30682 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012 par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cour inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Albanie), agissant en leur nom personnel et au nom et pour le compte de leur enfant mineur …, né le … à …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 25 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 25 mai 2012 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2012;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima Gouni et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er août 2012.

Le 24 janvier 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant en leur nom personnel et au nom et pour le compte de leur enfant mineur …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les époux … », furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu les 28 mars et 7 mai 2012 et Madame … fut entendue les 30 mars et 7 mai 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 25 mai 2012, notifiée par courrier recommandé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 24 janvier 2012.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous deux cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; » En mains le rapport du Service de la Police Judiciaire du 24 janvier 2012 et les rapports de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 28 et 30 mars 2012 et du 7 mai 2012.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez été condamné à 13 ans et 7 mois de prison en 1999 mais vous n'auriez fait que 5 ans. Vous dites que vous auriez été accusé de trafic de drogues par la police grecque.

Selon vos dires, vous auriez voté pour la première fois pour le parti socialiste et rassemblé tous les Roms de votre village à noter pour eux parce que ce parti aurait promis de « légaliser » les maisons. Comme vous auriez toujours voté pour le parti démocratique, vous auriez dorénavant été menacé par de membres inconnus de ce dernier parti. Selon vos dires, votre voisin aurait été payé pour vous piéger. Celui-ci aurait caché un sachet de drogue en-

dessous de votre lit. Vous dites que la police serait apparue et vous auriez été accusé de détention de drogues. Vous auriez été condamné à deux mois de prison en juin 2011 malgré le fait que votre voisin aurait avoué au tribunal avoir été obligé par le parti démocratique de le faire.

Vous dites que votre fille aurait été kidnappée par des inconnus du 28 mai au 6 juin 2011 et elle aurait été abusée sexuellement. Vous précisez que vous auriez porté plainte mais la police n'aurait pas su comment retrouver votre fille.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que des membres inconnus du parti démocratique vous auraient dit qu'ils allaient tuer toute votre famille. Vous n'auriez pas porté plainte parce qu' « Il n'y a pas de justice. ».

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vous faites surtout état de problèmes avec des membres inconnus d'un parti politique. Or, ces problèmes d'ordre privé sont à considérer comme des délits de droit commun punissables par la loi albanaise.

A titre liminaire, il y a lieu de souligner que les faits encourus en 1999 sont à écarter pour défaut de pertinence pour deux raisons. Premièrement, ces faits sont trop loins éloignés dans le temps pour fonder une demande de protection internationale en janvier 2012.

Deuxièmement, ces événements se sont déroulés en Grèce et ne concernent donc pas les motifs de votre demande de protection internationale vu que vous êtes des ressortissants de l'Albanie en possession de passeports albanais en cours de validité.

Monsieur, vous dites que vous auriez été menacé par des personnes inconnues du parti démocratique et que votre voisin aurait caché un sachet de drogues sous votre lit. De même, votre fille aurait été abusée sexuellement par des personnes inconnues. Or, s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d'asile.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Vous précisez avoir porté plainte pour que les coupables de l'abus sexuel soient retrouvés. Ainsi, bien qu'il soit regrettable que la police n'ait pas retrouvé les coupables, il ne ressort pas des rapports d'audition que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des personnes inconnues qui vous auraient menacé ainsi qu'à l'encontre des individus qui auraient abusé de votre fille, comme le prévoit l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

En ce qui concerne l'accès à la protection des autorités, il convient de mentionner l'extrait de la loi albanaise no. 8224 sur l'organisation et le fonctionnement de la police municipale : « (…) are mandated to perform functions that "serve the public order, tranquillity, and the progress of public works within the territory of the municipality or commune, (and) which are not under the competence of other state authorities in compliance with the provisions of this law ». Force est de constater qu'une police de municipalité locale est en place pour répondre aux problèmes émanant de la société civile. Ces unités sont indépendantes des autorités étatiques et peuvent mieux répondre aux besoins et soucis de la population.

Vous dites qu'il n'y aurait pas de justice en Albanie et que la police n'aurait rien fait. Or, malgré le fait que la corruption existe encore au sein de la justice et de la police en Albanie, force est de constater que des efforts importants ont été réalisés en vue d'éradiquer ces pratiques : « L'International Narcotics Control Strategy Report souligne qu'en 2009 et au cours de la première moitié de 2010, l'appareil judiciaire et la police de l'Albanie ont intensifié leurs efforts pour combattre la corruption chez les agents chargés de l'application de la loi (É.-U. mars 2011, sect. B.4). L'International Narcotics Control Strategy Report mentionne également qu'en mai 2010, une Direction des inspections a été créée au sein du Service de contrôle interne (Internal Control Service - ICS) du ministère de l'Intérieur de l'Albanie pour s'attaquer à la corruption au sein de la police (ibid.). La Commission européenne fait également mention de la création de l'ICS, soulignant qu'elle a connu un certain succès dans sa lutte contre la corruption au sein de la police, en particulier avec [traduction] « les cas de corruption mineurs » et contre les agents de la circulation qui acceptaient des pots-de-vin (UE 9 nov. 2010, 22). L'International Narcotics Control Strategy Report signale qu'en 2010, 61 plaintes au criminel concernant 111 policiers, y compris 28 superviseurs et un cadre intermédiaire, ont été transmises en vue de poursuites judiciaires (É.-U. mars 2011, sect. 8.4). De plus, le rapport précise que 25 policiers ont été arrêtés relativement à des accusations de [traduction] « corruption et d'abus de pouvoir » (ibid.) ».

Depuis 2005, le gouvernement albanais a fait, entre autres, de la lutte contre la corruption ainsi que la criminalité organisée une des priorités absolues : « Erklärte Hauptziele der seit September 2005 amtierenden Regierung unter Führung der Demokratischen Partei von Premierminister Sali Berisha sind vor allem die Bekämpfung der Organisierten Kriminalität und der auf allen Ebenen grassierenden Korruption, die Verbesserung der rückständigen Infrastruktur sowie die Schaffung eines Investitionsfreundlichen Wirtschaftsklimas. Mit der Unterzeichnung des Stabilisierungs- und Assoziierungsabkommens (SAA) am 12.06.06 in Luxemburg durch Ministerpräsident Berisha und die EU wurden die bisherigen Reformanstrengungen Albaniens, vor allem der friedliche Machtübergang nach den Parlamentswahlen 2005, die stabile Wirtschaftslage und die konstruktive regionale Rolle des Landes gewürdigt. Gleichzeitig machte die EU aber auch deutlich, dass die Unterzeichnung vor allem den Beginn eines schwierigen Reformprozesses markiere. Insbesondere die sichtbare Implementierung eingegangener Verpflichtungen und beschlossener Reformen werde Maβstab für das weitere Voranschreiten Albaniens auf seinem Weg hin zur EU sein. » Ainsi il y a lieu de noter une baisse de corruption perçue par la population : « In general, the overall experience with corruption transactions has declined from 2005 to 2009. Out of 10 ways in which an individual could be victimized, the average number of ways of victimization experience for 2009 is 1.29, a decrease from 1.7 in 2005. From the 10 scenarios presented, the percentage of people who declared at least one experience with corruption has decreased from 66.5% in 2005 to 57.1% in 2009. ». Cette tendance est confortée par le Ministère des Affaires étrangères allemand qui conclut que « Die albanische Regierung kann auf Erfolge ihres Reformkurses verweisen, besonders in Bereichen wie der Wirtschaftsreform, der Bekämpfung von Rauschgift- und Menschenschmuggel und der endemischen Korruption. Eine weitgehende Reform der Justiz ist in Vorbereitung. Die Europäische Union erwartet eine Fortsetzung und Intensivierung dieser Anstrengungen als Voraussetzung für eine weitere Annäherung an die EU. » En ce qui concerne la situation particulière de votre fille, Madame, Monsieur, j'exprime ma compassion pour les violences qu'elle a subies. Bien que ces actes soient condamnables, il y a force de constater que les lois et voies de recours existent pour faire valoir vos doléances:

« Lorsqu'il y a [traduction] « blessure grave intentionnelle », le code pénal prévoit de 3 à 10 ans d'emprisonnement, alors que dans les cas de [traduction] « blessure légère intentionnelle », le code pénal prévoit une amende ou une peine d'emprisonnement maximale de 2 ans (ibid.). Selon AI, les auteurs de violence familiale ne sont poursuivis que lorsque la victime dépose une plainte, sauf si la violence entraîne des blessures graves ou la mort (2011). (. .) La loi sur les mesures contre la violence dans les relations familiales (Law on Measures Against Violence in Family Relations) de l'Albanie a été adoptée en 2006 et comprend une déclaration visant son entrée en vigueur le 1er juin 2007 (Albanie 2006, art. 26). (…) La loi permet aux victimes de violence familiale d'obtenir des ordonnances de protection, prévoit des unités spéciales en matière de violence familiale dans les services de police et souligne les responsabilités précises des ministères de l'Intérieur, de la Santé et de la Justice, ainsi que des autorités locales (ibid., art. 7, 13). ». Ainsi « de nombreux services garantis par la loi ont été mis sur pied efficacement et ont permis aux victimes de violence familiale d'obtenir de la protection et un meilleur accès à la justice ». Qui plus est, la police est capable et volontaire à fournir de la protection dans des cas comme le vôtre : « (…) la police a mis sur pied des unités spécialisées dans le traitement des cas de violence familiale dans les plus grandes villes de l'Albanie (AI mars 2010, 3; Nations Unies 14 mars 2011, paragr. 55). Selon une universitaire, des exigences spéciales en matière de dénonciation dans les cas de violence familiale sont en place dans les postes de police et les policiers ont reçu au moins une séance de formation sur la violence familiale entre 2007 et 2010 (Orndorff févr. 2011, 3). ». Par ailleurs, le « Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes » de l'ONU constate que « Le Comité reconnait les progrès accomplis par le Gouvernement dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes, notamment la violence familiale et la violence extérieure aux relations familiales, telles que le viol et les autres formes de violence sexuelle, les assiduités agressives et le harcèlement sexuel, grâce, entre autres, à la promulgation de la loi sur la lutte contre la violence dans les relations familiales, à l'adoption de la Stratégie nationale et Plan d'action pour la parité des sexes et contre la violence au sein de la famille, 2007-2010, à l'ouverture du premier centre gouvernemental d'accueil des victimes de violence familiale et à la mise en place d'un système d'aiguillage des plaignants dans les affaires de violence familiale. » Or, bien qu'il soit condamnable que votre fille ait vécu un tel traitement, la commission de tels actes ne constituent pas une crainte justifiée de persécution pour un des motifs énoncés à la prédite Convention.

Enfin, à cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, l'Albanie doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons d'ordre privé ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Albanie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012, les époux … ont fait introduire, un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 25 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des époux … dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir évalué correctement leur situation en retenant qu’ils feraient uniquement état de problèmes d’ordre privé. Ainsi, ils exposent qu’ils auraient quitté leur pays d’origine, d’une part, en raison de la discrimination subie à cause de leur origine rom et, d’autre part, en raison de leurs convictions politiques en invoquant les articles 31, 32 et 37 de la loi du 5 mai 2006. Ils soutiennent qu’en raison de leurs convictions politiques, ils ne seraient plus protégés par les autorités albanaises qui ne s’occuperaient pas de leur condition comme elles n’auraient que peu d’intérêt pour la population rom.

Ils donnent à considérer qu’ils auraient subi des traitements dégradants parce qu’ils auraient été persécutés par les membres du parti démocratique en affirmant que leur fille aurait été kidnappée et violée et que ces mêmes personnes auraient essayé de faire passer le demandeur pour un trafiquant de drogues.

Ils se prévalent encore du rapport d’Amnesty International de 2011 dont ils citent des extraits pour arriver à la conclusion que l’Albanie ne pourrait pas être considérée comme un pays d’origine sûr pour la population rom.

Les demandeurs sont en tout état de cause d’avis que les conditions d’obtention du statut de la protection internationale seraient réunies dans leur chef de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes en protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

[…] ».

Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre de la procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, force est au tribunal de constater que l’Albanie figure sur la liste des pays d’origine sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, un pays désigné comme pays d’origine sûr est considéré comme un pays d’origine sûr pour le demandeur de protection internationale lorsqu’il possède la nationalité de ce pays ou s’il y avait précédemment sa résidence habituelle, et s’il n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité albanaise et qu’ils ont résidé en Albanie avant de venir au Luxembourg.

D’autre part, en ce qui concerne les explications des demandeurs sur la situation générale en Albanie et tendant à faire admettre que leur pays d’origine ne constituerait pas un pays d’origine sûr, malgré la circonstance qu’il figure sur la liste des pays d’origine sûrs précitée, force est au tribunal de constater que s’il est exact que le rapport d’Amnesty International de 2011 cité par eux fait état d’efforts à déployer par l’Etat albanais, il ne ressort pas de ce rapport que tout membre de la communauté rom aurait des raisons de craindre de faire l’objet de persécutions en Albanie. Quant aux développements des demandeurs sur l’expulsion de familles rom de leur logement, ainsi que sur de mauvais traitements infligés par des agents de police ou encore sur la traite de filles et de jeunes femmes, force est de constater que ces questions ne sont en aucun rapport avec le récit des demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les faits mis en avant par ledit rapport d’Amnesty International ne sont pas pertinents en l’espèce.

Il suit des considérations qui précèdent, que les demandeurs, n’invoquent pas des faits démontrant que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans leur chef.

Partant, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr, de sorte que c’est encore à bon droit qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Dès lors, le recours afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant rejet des demandes de protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, déclarant être de nationalité albanaise et d’origine ethnique rom, soutiennent qu’ils auraient à plusieurs reprises fait l’objet de menaces et d’agressions de la part des membres du parti politique démocratique albanais. Ils expliquent que le demandeur aurait adhéré au parti démocratique en vue d’une amélioration des conditions de vie des Rom de sa ville, mais n’ayant pas été satisfait de ce parti, il aurait adhéré au parti socialiste et aurait rassemblé tous les Rom afin qu’ils adhèrent également au parti socialiste. Ils exposent que depuis lors les membres du parti démocratique auraient été rancuniers et s’en seraient pris à leur famille et auraient même kidnappé leur fille cadette pendant huit jours et l’auraient traumatisée par de multiples viols. Ils déclarent qu’ils auraient à plusieurs reprises dénoncé le kidnapping à la police de Durres, qu’ils auraient remis des photos de leur fille à la police, mais que cette dernière serait restée inerte et n’aurait procédé à aucune recherche. Ils ajoutent que les membres du parti démocratique auraient encore dissimulé de la drogue sous une banquette dans leur maison afin de les faire condamner à une peine de prison. La demanderesse indique qu’il n’existerait pas de justice dans leur pays d’origine.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs estiment remplir les critères fixées par les articles 5, 26 et 31 de la loi du 5 mai 2006 et ils reprochent au ministre d’avoir basé sa décision sur un examen superficiel et insuffisant des faits. Ils soutiennent qu’ils auraient été agressés et discriminés en raison de leur origine ethnique rom et de leur adhésion à un parti politique. Ils précisent que les agressions émanant entre autres des membres du parti démocratique albanais auraient eu pour but de faire pression sur eux. Ils estiment que leurs agresseurs devraient être considérés comme des agents de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006. Ils seraient donc exposés à des éléments de persécution morale et physique, ce qui les aurait déterminé à fuir leur pays d’origine.

Ils invoquent ensuite de manière générale les conditions de vie difficiles des Rom en Albanie et indiquent que l’exclusion dont souffriraient les Rom en Albanie serait principalement liée aux discriminations administratives dans ce pays, que de nombreuses familles rom vivraient dans une précarité économique catastrophique et que beaucoup de Rom seraient la cible d’agressions racistes sans que la police ne leur accorde une protection suffisante.

Ils soulignent enfin que leurs déclarations dans leurs rapports d’audition corroboreraient la situation pénible de la communauté rom en Albanie en ce qui concerne l’accès aux soins et « à une protection policière et judiciaire suffisante ». Ils en concluent qu’ils feraient état de persécutions fondées au sens des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 en raison de leur appartenance à la communauté rom.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire. En vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.

Aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».

La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, et en ce qui concerne la situation générale des Rom en Albanie, s’il peut être admis que les membres de la communauté rom sont exposés à des tracasseries et à des conditions de vie précaires, il ne ressort toutefois ni des arguments développés par les demandeurs, ni des éléments du dossier que cette situation générale soit telle que tout membre de la minorité rom en Albanie peut se prévaloir de raisons de craindre d’être persécuté du seul fait de cette origine ethnique. Il se dégage de la motivation de la décision entreprise, ainsi que des explications du délégué du gouvernement, confirmées par les sources internationales dont la partie étatique se prévaut, que les autorités albanaises ont entrepris des efforts pour améliorer le fonctionnement du système judiciaire et policier et pour lutter contre la corruption, ces efforts étant également bénéfiques pour le sort et la condition de la population rom. Pareillement, l’Albanie a été reconnue comme pays d’origine sûr.

Ce constat n’est pas énervé par les observations des demandeurs à cet égard, étant précisé qu’un des deux seuls articles versés en cause par les demandeurs a trait aux problèmes rencontrés par certains Rom qui ont fait l’objet d’une expulsion forcée d’un terrain vague, c'est-à-dire à un problème totalement étranger à la situation personnelle des demandeurs et que l’autre article versé n’est pas complet et ne contient qu’un résumé de l’article limité à quatre lignes, de sorte que le tribunal n’est pas mis en mesure d’en tirer des renseignements suffisamment précis. Or, il appartient au demandeur d’une protection internationale de soumettre des éléments suffisamment concrets desquels on peut déduire qu’il a personnellement des raisons de craindre d’être persécuté. Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas soumis au tribunal des éléments suffisants de nature à contredire l’appréciation faite par le ministre sur la situation générale de la minorité rom en Albanie. Dès lors, les éléments d’appréciation à la disposition du tribunal ne lui permettent pas de considérer que la situation de la minorité rom en Albanie soit telle que tout membre de cette communauté a des raisons de craindre des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 du seul fait de son origine ethnique.

Il convient dès lors d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière des demandeurs, les événements dont ils font état sont susceptibles de justifier dans leur chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

Quant à la peine d’emprisonnement pour trafic de drogues à laquelle le demandeur aurait été condamné en 1999 par les autorités grecques, c’est à bon droit que la partie étatique a relevé que cet événement n’est pas pertinent en l’espèce dans la mesure où les faits se sont déroulés en Grèce et que les demandeurs sont des ressortissants albanais en possession de passeports albanais en cours de validités.

Quant aux menaces émanant des membres du parti démocratique albanais suite à l’adhésion du demandeur au parti socialiste, ces agissements sont a priori fondés sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir les opinions politiques.

Le tribunal est toutefois amené à constater que les demandeurs n’ont pas apporté d’éléments qui permettent de retenir que les pressions exercées par les membres du parti démocratique tant prises isolément que par leur effet cumulé aient pu atteindre un niveau de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de persécutions au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 rendant leur vie intolérable en Albanie, ces menaces et intimidations prises en leur globalité ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’homme.

En effet, il convient de relever que les demandeurs n’ont pas fourni de précisions sur les menaces émanant des membres du parti démocratique. Il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’à la question de l’agent ministériel : « que vous ont-ils dit exactement quant ils vous ont menacé ? », il a répondu : « Ils m’ont juste dit : « tu vas voir ! »(…) » (voir page 2 du rapport d’audition du demandeur du 7 mai 2012), ce qui ne permet pas d’établir que ces menaces aient le caractère d’une violation grave des droits fondamentaux de l’homme.

Quant au fait que le voisin des demandeurs aurait caché de la drogue chez eux pour leur causer des problèmes avec la police et qu’il aurait été chargé de ce faire par les membres du parti démocratique, aussi condamnable qu’un tel agissement puisse être, force est au tribunal de constater que les demandeurs restent en défaut de fournir des précisions qui permettraient de donner à cet agissement une qualification autre que celle d’une infraction de droit commun, qui est dès lors à considérer comme un problème interpersonnel et d'ordre privé qui ne peut de ce fait être rattachés à l'un des critères de persécution prévus à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 ou par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951.

Quant au lien que les demandeurs entendent établir entre les menaces émanant du parti démocratique albanais et le kidnapping lors duquel elle aurait été violée, force est au tribunal de constater qu’ils n’ont apporté aucun élément de preuve afin d’établir ce lien. Ils ont au contraire confirmé le caractère hypothétique de ce lien lors de leurs auditions. En effet, le demandeur a indiqué qu’il ignorait l’identité de l’auteur du kidnapping et à la question de l’agent ministériel :

« donc, vous ne savez pas si c’est un membre du parti démocratique qui a kidnappé votre fille ? », il a répondu : « non, je ne sais pas. » (voir page 5 du rapport d’audition du demandeur du 28 mars 2012). Le tribunal est dès lors amené à retenir qu’il n’est pas établi que ce kidnapping soit autre chose qu’une infraction de droit commun, certes hautement condamnable, de laquelle toute autre jeune fille albanaise aurait pu devenir la victime. A défaut de plus de précisions fournies par les demandeurs, cet incident isolé ne peut pas être considéré comme tombant dans le champ d’application de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 ou de la Convention de Genève, dans la mesure où il n’est pas établi qu’il est lié à un des motifs de persécution énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. Ce constat est encore corroboré par l’affirmation des demandeurs qu’ils ont eu la possibilité de déposer une plainte lors du kidnapping de leur fille sans qu’il puisse être reproché à la police albanaise de ne pas avoir trouvé les auteurs de cette infraction dans la mesure où un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 % qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces.

Quant aux menaces de mort visant le fils des demandeurs, force est au tribunal de constater que cette crainte repose sur une simple rumeur comme le confirme d’ailleurs expressément le demandeur lorsqu’il est interrogé sur l’identité de celui qui voudrait tuer son fils : « je ne sais pas qui s’est exactement, mais je l’ai entendu par des personnes dans la rue » (voir page 6 du rapport d’audition du demandeur du 28 mars 2012). Dans la mesure où ces menaces de mort sont donc purement hypothétiques, le tribunal est amené à retenir que les demandeurs n’ont pas apporté suffisamment de précisions pour établir qu’elles trouvent leur source dans un des motifs de persécution tels que prévus par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Ainsi, les demandeurs n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef dans leur pays d’origine une crainte justifiée de persécutions pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de leur race, de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur nationalité ou de leur appartenance à un certain groupe social.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par les demandeurs comme non fondée. Le recours des demandeurs est par conséquent à déclarer comme étant non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de leur accorder le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le tribunal constate que les demandeurs ne formulent, dans leur requête, aucun moyen explicitement dirigé contre la décision déférée en ce qu’elle leur a refusé la protection subsidiaire, dès lors que les demandeurs se prévalent de faits et motifs non communiqués dans le cadre de leurs auditions respectives auxquelles le tribunal aurait seul égard, de sorte qu’il y a lieu de considérer que les demandeurs ont implicitement entendu baser leur recours, concernant la demande de protection subsidiaire, sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été jugé que les faits et motifs invoqués par les demandeurs manquent de fondement, il y a lieu de retenir qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes événements ou arguments, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’ils encourraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 précité. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit en l’absence d’autres éléments que c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 25 mai 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de la demande de protection internationale.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire au motif qu’un retour en Albanie entrainerait des conséquences graves pour eux.

Or, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 25 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 25 mai 2012 portant refus d’une protection internationale aux demandeurs ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 25 mai 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 par le premier juge, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30682
Date de la décision : 03/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-03;30682 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award