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03/08/2012 | LUXEMBOURG | N°30681

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 août 2012, 30681


Tribunal administratif N° 30681 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30681 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012 par Maître Hakima

Gouni, avocat à la Cour inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 30681 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2012 Audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30681 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012 par Maître Hakima Gouni, avocat à la Cour inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Albanie), agissant en leur nom personnel et au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs …, née le … à … (Albanie), …, né le … à … (Albanie) et …, né le … à …, tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 23 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 23 mai 2012 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2012;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hakima Gouni et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er août 2012.

Le 7 mars 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant en leur nom personnel et au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs …, … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après « la loi du 5 mai 2006 ».

En date du même jour Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les époux … », furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu le 4 mai 2012 et Madame … fut entendue le 7 mai 2012 par un agent du ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 23 mai 2012, notifiée aux requérants par courrier recommandé du 24 mai 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa les époux … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 7 mars 2012.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous deux cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale;

c) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; » En mains le rapport du Service de la Police Judiciaire du 7 mars 2012 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 4 et 7 mai 2012.

Monsieur, il résulte de vos déclarations qu'un de vos neveux nommé … aurait été tué et brûlé en Grèce le 7 janvier 2008. Vous auriez essayé pendant une année de rechercher la personne qui aurait commis ce crime. Vous dites que la police aurait rédigé un rapport écrit à ce sujet mais n'aurait pas trouvé le coupable. Néanmoins, un autre neveu à vous, …, se serait vengé sur une personne nommé … en 2009, personne que vous présumez être de la mafia, qui aurait été l'assassin de …. Vous déclarez qu'… n'aurait pas de lien familial avec vous. Selon vos dires, vous vous trouveriez dans une situation de vengeance mais vous n'auriez jamais été menacé directement. De même, des membres de la famille d'… auraient rôdé autour de votre maison deux ou trois fois.

Par ailleurs, vous dites que votre fils aurait été accidenté il y a 10 ans et vous pensez que la famille d'… aurait voulu se venger sur votre fils. Votre fils aurait été soigné en Albanie mais vous dites que les soins n'y seraient pas bien.

Selon vos dires, votre fils n'aurait pas pu suivre des études en Albanie parce qu'il serait Rom.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que vous seriez obligés par les différents partis politiques à voter pour eux pendant les élections mais vous n'auriez jamais été agressés physiquement.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vos demandes de protection internationale sont essentiellement basées sur des raison d'ordre privé et médical ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. A cela s'ajoute que votre crainte à l'encontre de membres de la famille d'… qui rôderaient autour de votre maison n'est pas non plus de nature à constituer un acte de persécution au sens de la Convention et loi précitées, d'autant plus que ces personnes ne sauraient être considérées comme agents de persécution. Le fait de ne jamais avoir été directement menacé est insuffisant à justifier la reconnaissance du statut de réfugié. D'autant plus qu'il ressort du dossier que vous auriez réclamé la protection des autorités albanaises, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elles seraient dans l'incapacité ou dans l'impossibilité de vous protéger à l'encontre de ces individus.

Premièrement, il y a lieu de noter que les événements dont vous faites état concernent principalement votre neveu. Or, des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille, notamment vos neveux, ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Vous restez en défaut d'étayer un lien entre le traitement de vos neveux et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. II n'est par ailleurs pas établi que les actes subis par vos neveux seraient dû au fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section A, § 2 de la Convention de Genève. En effet, vous ne relevez que des incidents dont la résolution émane du droit commun et dont les autorités locales albanaises sont compétentes à s'en saisir.

Deuxièmement, les faits encourus à votre cousin … se sont déroulés en Grèce. Force est de constater que vous êtes des ressortissants albanais en possession de passeports albanais en cours de validité, donc les événements qui doivent être considérés pour étayer vos demandes de protection internationales doivent avoir eu lieu sur le territoire de l'Albanie. Bien que les circonstances de mort de votre neveu … soient condamnables, il y a lieu d'écarter cet élément pour défaut de pertinence.

En ce qui concerne l'accès à la protection des autorités, il convient de mentionner un extrait de la loi albanaise no. 8224 sur l'organisation et le fonctionnement de la police municipale: « (…) are mandated to perform functions that "serve the public order, tranquillity, and the progress of public works within the territory of the municipality or commune, [and] which are not under the competence of other state authorities in compliance with the provisions of this law ». Force est de constater qu'une police de municipalité locale est en place pour répondre aux problèmes émanant de la société civile. Ces unités sont indépendantes des autorités étatiques et peuvent mieux répondre aux besoins et soucis de la population. Force est de constater que les instances nécessaires sont en place pour traiter vos problèmes. Par ailleurs, vous dites que le coupable … aurait été condamné à 13 ans de prison. Ainsi, il n'est pas démontré que les autorités albanaises seraient dans l'incapacité de vous fournir de la protection.

Concernant vos problèmes médicaux, Madame, Monsieur, force est de constater que l'Albanie a entrepris des mesures à améliorer la situation des soins et de santé en général et le rapport régulier de l'Union Européenne constate que « Overall, some progress has been made in acquis approximation and strengthening consumer protection activities, as well as in the area of public health, in particular as regards communicable diseases and mental health infrastructure.

In general, Albania needs to persevere with its efforts in the areas of capacity building and enforcement of legislation, as well as in aligning its legislation with the acquis in both areas. » .

En plus « There has been some progress in the area of public health. The Law on Compulsory Health Insurance has been adopted, with the aim of improving standards of health financing. ».

Le système de santé albanais a été révisé et mis à jour considérablement. En effet, « For the first time ever, health centres have been established which serve the local populations through teams of specialized doctors contracted by the health insurance system. These teams offer a package of well-defined health services. The goal of these health centres is to provide quality health services to all the population in the area covered by the centre. In accordance DCM No. 857, dated 20 December 2006, care for mothers and children, and health education and promotion should be a part of this package. The aim of this reform is to achieve effective and quality health services for patients in the primary care system. The Health Security Institute has concluded contracts with 418 health centres nationwide, covering all primary health-care service. Health centres are located at the municipal level. They usually employ a family physician, sometimes even a paediatrician, as well as a nurse/midwife who attend to the development of children 0-14 years.

In addition, they are responsible for children's vaccination, counselling of family members on healthy upbringing of children and treatment of children who get sick. In towns, primary services specializinq on children are offered by child counselling centres, which are responsible for the upbringing and development of children 0-6 years old. Also, in towns there are the neighbourhood polyclinics which attend to the sick children up to the age of 14. ». En ce qui concerne les soins au niveau secondaire, il y a lieu de souligner la réforme des hôpitaux engagée en janvier 2009 qui prévoit d'inclure les soins secondaires dans le schéma de la sécurité de santé, ceci en vue d'accroître la qualité des services dans les hôpitaux régionaux. Ainsi, un hôpital pédiatrique se trouve à Tirana pour traiter des enfants comme le vôtre. Qui plus est, « Legislation in the field of health is also expressly based on the principle of non-discrimination.

Health services for children at the primary level, offer services without any kind of discrimination or bias. The Code of Ethics and Medical Deontology of the year 2002 provides that the doctor should offer medical help to all, without distinction of age, sex, race, nationality, religion, political conviction, economic situation or social status, in full respect for the dignity of each individual. This Code states that in exercising his profession, the doctor should be particularly committed to the care of children. ». Par ailleurs, les Roms ne sont pas du tout exclus de cette procédure: « Also, in this context, MES has designed special programmes for the Roma population, the rural families, particularly in the north-eastern part of the country, with a view to disease prevention, adequate upbringing, early childhood development, vaccination, care for pregnant women, health awareness of households, etc. ». Force est de constater que vous, en tant que Rom, avez tout à fait accès aux soins nécessaires et, bien qu'il soit regrettable que vous n'êtes pas d'accord que les jambes de votre fils ont été amputées, vous n'êtes pas exclus des soins sur base de quelconque préjugé ethnique. Qui plus est, il y a lieu de souligner que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande de protection internationale.

Par ailleurs, vous déclarez que votre fils n'aurait pas pu suivre des études à cause de son appartenance à l'ethnie Rom. Or, la Commission Européenne soulève dans son rapport récent de 2011 que la minorité Rom est tout à fait en mesure de suivre des études : «As regards the Roma, a quota for Roma and Egyptian students takinq up bachelor and master's studies established in the academic year 2010-2011 has been implemented. Another measure aimed at increasing attendance of Roma children in compulsory school education was the free distribution of textbooks; (…) Preparatory classes for five year old children who have not attended kindergarten are being developed. The Roma Technical Secretariat has made efforts to assess progress in implementation of policies through preparation of monitoring reports. ». Il n'est donc pas établi que votre fils n'aurait pas pu suivre des études en Albanie sur base de son appartenance ethnique.

Madame, vous dites que les partis politiques vous obligeraient à voter pour eux lors des élections. Or, nonobstant le faite que vous n'auriez jamais été agressé physiquement pendant les périodes d'élection, force est de constater que les dernières élections de 2009 se sont déroulées dans le calme comme le note l'OSCE dans son rapport de 2009 « Election day was overall calm, without major incidents or violence. According to the CEC, all but five voting centers opened and voter turnout was 50.77 per cent. Political parties of the governing majority and the opposition hailed the conduct of voting as a significant improvement over previous elections. The CEC started announcing preliminary results on election night as they arrived from the BCCs and posted them on its website, down to voting center level. (…) IEOM observers assessed the voting process as good or very good in 92 per cent of voting centers visited. The overall assessment was more positive in urban than in rural areas. Regions with a relatively high proportion of negative assessments included Vlorë, Durrës, Kukês, Dibêr (Peshkopi) and Korçë. VCCs’ performance and understanding of procedures was assessed positively in the large majority of voting centers visited. Cases where VCCs were not sufficiently familiar with procedures may have been partly due to the late appointment of many VCC members, who did not undergo official training. ». Bien que Durres ait été une des villes touchées par certains dysfonctionnements le jour des élections, il ne ressort pas des informations qu'ils aient été systématiques et générales. Force est de constater que « Albania is a parliamentary democracy and political parties are able to register and contest elections. There is no evidence of persecution or a breach of Article 3 of the ECHR.

Those claiming to face threats from political opponents should be able to seek protection from the authorities or internally relocate to escape a localised threat. Therefore, a claim based on fear of members of opposing political parties is unlikely to qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and is likely to be clearly unfounded. » Ainsi, indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, à cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, l'Albanie doit être considéré comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons raison d'ordre privé et médical ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Albanie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2012, les époux … ont fait introduire, un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 23 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir évalué correctement leur situation en retenant qu’ils feraient uniquement état de problèmes d’ordre privé. Ainsi, ils exposent qu’ils auraient quitté leur pays d’origine, d’une part, en raison des menaces de mort proférés par des albanais, et d’autre part, en raison des discriminations qu’ils auraient subies à cause de leur origine rom. Ils soulignent qu’ils auraient dû faire face à l’amputation des jambes de leur fils, que la police serait restée inerte et que leur fils n’aurait reçu que des mauvais traitements médicaux en raison de leur appartenance à l’ethnie rom.

Ils se prévalent encore du rapport d’Amnesty International de 2011 dont ils citent des extraits pour arriver à la conclusion que l’Albanie ne pourrait pas être considérée comme un pays d’origine sûr pour la population rom.

Les demandeurs sont en tout état de cause d’avis que les conditions d’obtention du statut de la protection internationale seraient réunies dans leur chef de sorte que ce serait à tort que le ministre aurait décidé de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes en protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait à juste titre statué sur les demandes de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée.

En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, aux termes desquels : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

(…) c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ;

[…] ».

Cette disposition prévoit ainsi différents cas de figure dans lesquels le ministre peut statuer dans le cadre de la procédure accélérée, étant précisé que les cas de figure cités sont alternatifs, de sorte qu’il suffit que l’un des cas soit vérifié pour que le ministre puisse faire application dudit article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006.

Concernant plus particulièrement le point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée lorsque le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

A cet égard, force est au tribunal de constater que l’Albanie figure sur la liste des pays d’origine sûrs établie par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 21 (2) de la loi du 5 mai 2006, un pays désigné comme pays d’origine sûr est considéré comme un pays d’origine sûr pour le demandeur de protection internationale lorsqu’il possède la nationalité de ce pays ou s’il y avait précédemment sa résidence habituelle, et s’il n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que les demandeurs ont la nationalité albanaise et qu’ils ont résidé en Albanie avant de venir au Luxembourg.

En ce qui concerne les explications des demandeurs sur la situation générale en Albanie et tendant à faire admettre que leur pays d’origine ne constituerait pas un pays d’origine sûr, malgré la circonstance qu’il figure sur la liste des pays d’origine sûrs précitée, force est au tribunal de constater que s’il est exact que le rapport d’Amnesty International de 2011 cité par eux fait état d’efforts à déployer par l’Etat albanais, il ne ressort pas de ce rapport que tout membre de la communauté rom aurait des raisons de craindre de faire l’objet de persécutions en Albanie. Quant aux développements des demandeurs sur l’expulsion de familles rom de leur logement, ainsi que sur de mauvais traitements infligés par des agents de police ou encore sur la traite de filles et de jeunes femmes, force est de constater que ces questions ne sont en aucun rapport avec le récit des demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les faits mis en avant par ledit rapport d’Amnesty International ne sont pas pertinents en l’espèce.

Il suit des considérations qui précèdent, que les demandeurs, n’invoquent pas des faits démontrant que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans leur chef.

Partant, c’est à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d’un pays d’origine sûr, de sorte que c’est encore à bon droit qu’il a décidé de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006.

Dès lors, le recours afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Quant au recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision portant rejet des demandes de protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs, déclarant être de nationalité albanaise et d’origine ethnique rom, soutiennent qu’ils auraient à plusieurs reprises fait l’objet de menaces et d’agressions émanant d’une famille albanaise, à savoir la famille d’…, avec laquelle ils n’auraient pas de lien de parenté, et que la police serait restée inerte et n’aurait procédé à aucune recherche. Ils expliquent que le demandeur aurait élevé les enfants de sa sœur depuis leur plus jeune âge, de sorte qu’il devrait être considéré comme leur père. Ils exposent que le dénommé … aurait assassiné un neveu du demandeur, qu’un autre neveu aurait à son tour assassiné le dénommé … et purgerait une peine de prison de 13 ans. Ils indiquent que la famille d’… n’aurait pas cessé de les menacer de mort et qu’elle s’en prendrait même à leurs enfants mineurs. Ainsi, un de leurs fils, âgé de 10 ans, aurait été poussé sous un train ce qui aurait causé l’amputation de ses deux jambes. Ils précisent que la famille d’… ne les aurait pas menacés de façon directe, mais par différents intermédiaires, tels les voisins par exemple. Ils ajoutent encore qu’ils auraient subi des pressions de la part de partis politiques afin qu’ils votent pour eux sans cependant être agressés physiquement. A cet égard, ils donnent à considérer que la seule pression morale suffirait pour être répréhensible sans qu’il y ait besoin de subir des atteintes à l’intégrité physique.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs estiment remplir les critères fixées par les articles 5, 26 et 31 de la loi du 5 mai 2006 et ils reprochent au ministre d’avoir basé sa décision sur un examen superficiel et insuffisant des faits. Ils soutiennent qu’ils auraient été agressés, mais n’auraient pas été protégés par les autorités albanaises en raison de leur appartenance à l’ethnie rom, de sorte que leurs agresseurs devraient être considérés comme des agents de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006.

Ils donnent encore à considérer que le fait qu’ils ne puissent pas avoir accès au marché de l’emploi ou aux études supérieures et seraient forcés de vivre de l’assistanat étatique « les confinent dans une sorte de servitude proscrit par l’article 4 de la Convention européenne de sauvegarde et droit de l’homme ». Ils ajoutent que la discrimination sociale, l’accès limité aux soins médicaux et aux études démontreraient à suffisance que leurs droits les plus élémentaires auraient été régulièrement bafoués et que ces discriminations s’expliqueraient uniquement par leur origine ethnique.

Ils invoquent de manière générale les conditions de vie difficiles des Rom en Albanie et indiquent que l’exclusion dont y souffriraient les Rom serait principalement liée aux discriminations administratives, que de nombreuses familles rom vivraient dans une précarité économique catastrophique et que beaucoup de Rom seraient la cible d’agressions racistes sans que la police ne leur accorde une protection suffisante.

Ils soulignent enfin que leurs déclarations lors de leurs auditions corroboreraient la situation extrêmement pénible de la communauté rom en Albanie en ce qui concerne l’accès aux soins et « à une protection policière et judiciaire suffisante ». Ils en concluent qu’ils feraient état de persécutions fondées au sens des articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 en raison de leur appartenance à la communauté rom.

Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire. En vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions.

Aux termes de l’article 31, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, (…) ».

La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène toutefois le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, et en ce qui concerne la situation générale des Rom en Albanie, s’il peut être admis que les membres de la communauté rom sont exposés à des tracasseries et à des conditions de vie précaires, il ne ressort toutefois ni des arguments développés par les demandeurs, ni des éléments du dossier que cette situation générale soit telle que tout membre de la minorité rom en Albanie peut se prévaloir de raisons de craindre d’être persécuté du seul fait de cette origine ethnique. Il se dégage de la motivation de la décision entreprise, confirmée par les sources internationales dont le ministre fait état, que les autorités albanaises ont entrepris des efforts pour améliorer le sort et la condition de la population rom, notamment au niveau de l’accès aux soins médicaux et aux études. Pareillement, l’Albanie a été reconnue comme pays d’origine sûr.

Ce constat n’est pas énervé par les observations des demandeurs à cet égard, étant précisé qu’un des deux seuls articles versés en cause par les demandeurs a trait aux problèmes rencontrés par certains Rom qui ont fait l’objet d’une expulsion forcée d’un terrain vague, c'est-à-dire à un problème totalement étranger à la situation personnelle des demandeurs et que l’autre article versé n’est pas complet et ne contient qu’un résumé de l’article limité à quatre lignes, de sorte que le tribunal n’est pas mis en mesure d’en tirer des renseignements suffisamment précis. Or, il appartient au demandeur d’une protection internationale de soumettre des éléments suffisamment concrets desquels on peut déduire qu’il a personnellement des raisons de craindre d’être persécuté. Il s’ensuit que les demandeurs n’ont pas soumis au tribunal des éléments suffisants de nature à contredire l’appréciation faite par le ministre sur la situation générale de la minorité rom en Albanie. Dès lors, les éléments d’appréciation à la disposition du tribunal ne lui permettent pas de considérer que la situation de la minorité rom en Albanie soit telle que tout membre de cette communauté a des raisons de craindre des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 du seul fait de son origine ethnique.

Il convient dès lors d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière des demandeurs, les événements dont ils font état sont susceptibles de justifier dans leur chef une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.

Quant aux menaces de vengeance émanant de la famille du dénommé … dont les demandeurs font état, force est au tribunal de constater que les demandeurs restent en défaut de fournir des précisions qui permettraient de donner à ces menaces une qualification autre que celle d’infractions de droit commun, lesquelles menaces sont dès lors à considérer comme des problèmes interpersonnels et d'ordre privé qui ne peuvent de ce fait être rattachés à l'un des critères de persécution prévus à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 ou par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951.

En ce qui concerne l’affirmation des demandeurs que les soins médicaux que leur fils accidenté aurait reçus en Albanie seraient d’une qualité médiocre, notamment en ce qui concerne l’amputation de ses jambes, force est au tribunal de constater que cette affirmation ne fait que traduire le simple mécontentement des demandeurs avec les soins offerts à leur fils. Il n’est d’ailleurs appuyé par aucun élément de preuve permettant d’établir que les soins apportés à leur fils n’auraient pas été adéquats à sa pathologie, de sorte qu’il y a lieu conclure que les demandeurs n’ont pas apporté suffisamment d’éléments pour établir que ce problème trouve sa source dans un des motifs de persécution tels que prévus par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, et plus particulièrement leur appartenance à l’ethnie rom.

En ce qui concerne les pressions verbales exercées par différents partis politiques sur les demandeurs afin qu’ils votent pour eux, ces agissements sont a priori fondés sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir les opinions politiques.

Le tribunal est toutefois amené à constater que les demandeurs n’ont pas apporté d’éléments qui permettent de retenir que les pressions exercées par ces partis politiques tant prises isolément que par leur effet cumulé aient pu atteindre un niveau de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de persécutions au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 rendant leur vie intolérable en Albanie, ces pressions verbales prises en leur globalité ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’homme.

En effet, il convient de relever que le demandeur n’a pas fait état de ces pressions lors de son audition. En outre, il ressort du rapport d’audition de la demanderesse que les pressions exercées par les partis politiques n’ont pas pris la forme d’attaques physiques et que les auteurs de ces pressions se sont limités à « crier très fort » (cf. page 3 du rapport d’audition de la demanderesse du 7 mai 2012).

Les demandeurs ont encore fait état du fait que leur fils n’aurait pas pu poursuivre des études en Albanie en raison de leur origine rom.

Si les demandeurs expliquent ce problème d’accès aux études par leur origine ethnique rom, force est au tribunal de constater que cette affirmation est utilement contredite par les explications du ministre, basées sur un rapport de 2011 de la Commission européenne selon lequel des quotas ont été instaurés afin de permettre aux Rom d’avoir accès aux études supérieures, de sorte qu’un traitement discriminatoire en raison de l’origine ethnique des demandeurs n’est en l’espèce pas établi à cet égard. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Les demandeurs invoquent également des difficultés d’accéder au marché du travail et le fait de devoir vivre de l’assistanat étatique.

Or, ces difficultés constituent des problèmes d’ordre économique qui ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à moins que les demandeurs établissent que ces problèmes trouvent leur source dans un des motifs de persécution tels que prévus par l’article 2 c), précité. Les demandeurs restent cependant en défaut d’établir que ces difficultés trouvent effectivement leur source dans un des motifs de persécution tels que prévus par l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, le simple fait de citer l’article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sans pour autant préciser en quoi cet article aurait été violé en l’espèce, étant insuffisant à cet égard dans la mesure où le tribunal n’est pas appelé à suppléer à la carence des parties.

Ainsi, les demandeurs n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef dans leur pays d’origine une crainte justifiée de persécutions pour les motifs énumérés à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir du fait de leur race, de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur nationalité ou de leur appartenance à un certain groupe social.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté les demandes en obtention du statut de réfugié présentées par les demandeurs comme non fondées. Le recours des demandeurs est par conséquent à déclarer comme étant non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de leur accorder le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le tribunal constate qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs n’invoquent aucun moyen spécifique, de sorte qu’il y a lieu de conclure que ladite demande est basée sur les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.

D’après les déclarations des demandeurs, ils seraient exposés à des menaces de vengeance émanant de la famille du dénommé ….

Il convient de constater que comme les auteurs de ces menaces, à savoir la famille du dénommé …, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, ils ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective aux demandeurs ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.

En effet comme souligné ci-avant, l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 reconnaît la possibilité pour des personnes victimes de persécutions de la part d’acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale que si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) de la même loi définit la protection comme étant « généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autre lorsqu’il dispose d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ».

Il s’ensuit qu’une protection n’est suffisante aux termes de la loi du 5 mai 2006 que si les autorités étatiques ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves, sans cependant que cette exigence n’impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux, la notion de protection de la part du pays d’origine n’impliquant en effet pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais supposant des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Force est toutefois de constater que les demandeurs n’apportent aucun élément de nature à démontrer que l’Albanie ne prend pas des mesures raisonnables pour empêcher la profération de ces menaces, ni qu'elle ne dispose pas d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner de telles proférations de menaces.

Ils ne démontrent pas davantage qu'ils n'auraient pas eu accès à cette protection, étant donné qu’il ressort de l’audition du demandeur, contrairement à ce qui est indiqué par son litismandataire dans la requête introductive d’instance, qu’ils ont pu s’adresser à la police albanaise et que cette dernière a rédigé un rapport (cf. page 4 du rapport d’audition du demandeur du 4 mai 2012). Il ne peut donc pas être conclu que les demandeurs n’auraient pas eu accès à une protection effective de la part de ses autorités nationales au sens de l’article 29 (2) de la loi du 5 mai 2006.

Quant au lien que les demandeurs entendent établir entre les menaces de vengeance émanant de la famille du dénommé … et l’accident de leur fils en Albanie lors duquel il aurait été poussé sous un train, force est au tribunal de constater qu’ils n’ont apporté aucun élément de preuve afin d’établir ce lien. Ils ont au contraire confirmé le caractère hypothétique de ce lien lors de leurs auditions. En effet, le demandeur a affirmé : « Mon fils a été accidenté il y a quatre ans, je pense donc que c’est en relation avec la vengeance. » (cf. page 4 du rapport d’audition du demandeur du 4 mai 2012) et la demanderesse a indiqué : « Je pense qu’on l’a poussé, car on n’avait pas d’autre problème à part celui de la vengeance. » (cf. page 3 du rapport d’audition de la demanderesse du 7 mai 2012). Le tribunal est dès lors amené à retenir qu’il n’est pas établi que cet accident soit autre chose qu’une fatalité malheureuse qui aurait pu frapper tout autre citoyen albanais. A défaut de plus de précisions fournies, les demandeurs ne sauraient déduire de cet incident isolé un risque d’encourir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

En outre, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour dans leur pays d’origine, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 23 mai 2012 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire». Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique de la décision de refus de la demande de protection internationale.

A l’appui de ce volet du recours, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire au motif qu’un retour en Albanie entrainerait des conséquences graves pour eux.

Or, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 23 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 23 mai 2012 portant refus d’une protection internationale aux demandeurs ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 23 mai 2012 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire de vacation du 3 août 2012 par le premier juge, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 août 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30681
Date de la décision : 03/08/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-08-03;30681 ?

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