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26/07/2012 | LUXEMBOURG | N°30651

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2012, 30651


Tribunal administratif N° 30651 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2012 Audience publique extraordinaire du 26 juillet 2012 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30651 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2012 par Maître Olivier Lang, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 30651 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 juin 2012 Audience publique extraordinaire du 26 juillet 2012 Recours formé par Monsieur …et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30651 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2012 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à …(Serbie), de nationalité serbe, et de son épouse, Madame …, née le … à …, agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom de leurs enfants mineurs, …, née le … à …, et …, né le …, à…, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 16 mai 2012 de statuer sur le bien-

fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du même ministre du 16 mai 2012 refusant de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah Moineaux, en remplacement de Maître Olivier Lang, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juillet 2012.

En date du 1er février 2012, Monsieur …et son épouse, Madame …, introduisirent en leur nom propre ainsi qu’au nom de leurs enfants mineurs ….et …, ci-après dénommés « les consorts…», une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

En date du 1er février 2012, les consorts…furent entendus par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur…fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en date des 12 et 27 avril 2012, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale et Madame… fut quant à elle entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, en date du 12 avril 2012.

Par décision du 16 mai 2012, notifiée par courrier recommandé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les consorts…qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 1er février 2012.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous les cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré parla protection internationale ;

c) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi. » En mains le rapport du Service de la Police Judiciaire du 1er février 2012, ainsi que les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères des 12 et 27 avril 2012.

Il ressort du rapport de la Police Judiciaire que vous êtes en possession de passeports serbes, établis le 5 janvier 2012 pour Madame et le 25 novembre 2009 pour Monsieur. Il ressort des cachets de vos passeports que vous êtes entrés en territoire communautaire par la frontière hongroise en date du 28 janvier 2012.

Monsieur, il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Service des Réfugiés que vous appartiendriez à l'ethnie des Boshniaques en Serbie et que vous seriez de confession musulmane.

Monsieur, vous déclarez avoir quitté la Serbie parce que vous auriez été agressé par deux reprises par des personnes masquées qui seraient à la recherche de votre frère. Vous déclarez ne pas avoir été blessé lors de ces deux agressions. Votre frère aurait d'abord travaillé comme chargé de sécurité pour le SDP avant de changer de parti politique. Par la suite, il aurait été amené à quitter la Serbie vers le Kosovo parce qu'il aurait eu des problèmes avec les membres du SDP. Comme les menaces à l'égard de votre frère et vous-

même n'auraient pas cessé, vous seriez venu au Luxembourg où votre frère se trouverait déjà.

Vous n'auriez pas porté plainte contre vos agresseurs car les policiers ne « font rien ».

Pour finir, vous ajoutez que deux médecins auraient refusé de prendre votre femme en consultation. Vous présumez que la cause serait les problèmes que vous avez « à cause du parti politique ». De même ces soucis auraient des impacts sur votre mémoire et vous empêcheraient d'être plus précis dans vos déclarations.

Madame, vous confirmez les dires de votre mari. Vous précisez que lorsque les personnes qui étaient à la recherche de votre beau-frère, n'auraient pas réussi à le trouver, elles auraient proféré des menaces de mort à votre encontre et vous auriez reçu des menaces de viol. La première agression de votre époux remonterait au 23 décembre 2011. Le 26 janvier 2012 il aurait été menacé au moyen d'une arme. Après cette agression, il aurait introduit une plainte contre inconnu. Votre époux vous aurait dit qu'il aurait été agressé cinq fois au total. Vous présumez que ces personnes seraient membres du SDP.

Vous ajoutez avoir été sous traitement en Serbie depuis 2008, pour cause d'une tumeur à la vessie. Vous alléguez que suite au départ de votre beau-frère, votre médecin traitant n'aurait plus voulu vous soigner. Un membre du SDP aurait interdit aux médecins de vous prendre en consultation jusqu'à ce que votre beau-frère ne soit retrouvé. Vous déclarez avoir reçu des coups de pieds de policiers lorsque votre médecin traitant les auraient appelés pour vous faire escorter hors de son cabinet. Vous iriez régulièrement aux contrôles, mais vous ne seriez cependant plus suivie médicalement depuis trois mois.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans vos chefs une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

En premier lieu, il faut constater que les problèmes auxquels vous vous rapportez pour justifier vos demandes de protection internationale sont des problèmes d'ordre privé. En effet les agressions et menaces dont vous avez fait objet Monsieur, constituent des délits de droit commun, commis par des personnes privées, du ressort des autorités de votre pays et punissables en vertu de la législation serbe et non des actes de persécution. Quant aux faits invoqués (menaces, agressions), qui constituent certainement des pratiques condamnables, il convient de remarquer qu'ils ne sont pas d'une gravité telle pour fonder à eux seuls une demande en obtention d'une protection internationale.

A cela s'ajoute que le SDP ou ses membres, ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En application de l'article 28 de cette loi au cas de l'espèce, il ne ressort pas de vos déclarations que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection contre l'agissement de ces personnes.

De même, une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Vous déclarez Monsieur, ne pas avoir porté plainte contre inconnu. Il n'est donc nullement avéré que le système judiciaire serbe ne fonctionne pas.

En effet, la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Il n'est nullement établi que les autorités serbes seraient dans l'incapacité ou auraient refusé de vous fournir une protection quelconque contre les agissements de vos agresseurs. De même, il n'est également pas établi que la police aurait soutenu ou encouragé ces mêmes personnes.

A cela s'ajoute que selon l'article 1 (1) du règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre pays d'origine, la Serbie, doit être considérée comme pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la prédite loi, les conditions du point c) de l'article 20§1 étant donc également remplies. Rappelons qu'un pays est désigné comme sûr lorsqu'il est établi qu'il n'existe généralement pas de persécution au sens de la Convention de Genève. Cet aspect est d'autant plus conforté par le fait que la Serbie a obtenu en date du 1er mars 2012 le statut de candidat à l'Union européenne. De même, l'analyse de vos situations personnelles ne permet pas d'ébranler ce constat.

Il convient aussi de remarquer que vos déclarations sont contradictoires au sujet du nombre d'agressions subies par Monsieur ou encore un manque de clarté et de détails dans vos propos.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre vos vies intolérables dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

Vos séjours étant illégaux, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Serbie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juin 2012, les consorts…ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 16 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à l’annulation sinon à la réformation de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Il convient de relever que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse dans le délai légal, bien que la requête introductive ait été notifiée par les soins du greffe à l’Etat en date du 5 juin 2012. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

A titre liminaire il convient encore de relever que bien que les demandeurs ne se trouvent pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les mérites des différents moyens soulevés en s’appuyant notamment sur les informations qui lui ont été soumises dans le cadre du dossier administratif par rapport à la règle de droit applicable1.

Quant aux faits, les demandeurs invoquent en substance les motifs exposés lors de leurs auditions respectives auprès de l’agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, à savoir qu’ils auraient quitté la Serbie car ils y auraient été victimes de menaces et d’agressions tant verbales que physiques par des individus non autrement identifiés qui auraient été à la recherche du frère du demandeur. Ce dernier aurait en effet été en proie à des conflits au sein du parti politique « SDP » qu’il aurait quitté, déçu par l’attitude de ses membres, pour ensuite fuir le Kosovo fin décembre 2011. A cette même époque, la demanderesse qui aurait été suivie médicalement pour une tumeur à la vessie se serait soudainement vu refuser l’accès à des soins de santé par différents médecins, refus qu’elle rattache au départ impromptu de son beau-frère qui serait recherché par des individus non autrement identifiés.

1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée 1 trib. adm. 2 mai 2002, n° 13912 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Procédure contentieuse, n° 696 et les autres références y citées Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision déférée du ministre de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée. Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le tribunal, saisi d’un recours en annulation, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et contrôle si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés. Dans ce cadre, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision déférée, les demandeurs, s’emparant de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », reprochent en substance à cette décision de ne pas indiquer concrètement le cas déterminé sur lequel le ministre, parmi les trois cas d’ouverture cités de la procédure accélérée telle que prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, se serait basé, dès lors qu’il serait impossible, à la lecture de la décision déférée, d’isoler les motifs qui permettraient de justifier ce volet de la décision. Ils estiment en particulier que les motifs reproduits dans la décision sembleraient exclusivement concerner la décision de refus au fond.

Il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé. Il convient cependant de souligner que l’article 6 précité n’impose pas une motivation exhaustive et précise, seule une motivation « sommaire » étant expressément exigée, l’autorité ayant posé l’acte étant par ailleurs admise à compléter la motivation en cours d’instance contentieuse.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que le ministre indique au début de sa décision quel cas d’ouverture justifie, concrètement, le recours à la procédure accélérée telle que prévue à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, à savoir les deux cas visés aux points b) et c) dudit article en affirmant que le demandeur tomberait sous l’un de ces cas, sans pour autant préciser lequel, de sorte que la décision déférée pêche effectivement, de ce point de vue, par un défaut de précision.

Il ressort encore de la lecture de la décision déférée que le ministre y précise plus loin le ou les cas de figure justifiant à ses yeux le recours à la procédure accélérée, le ministre retenant ainsi que les demandeurs ne feraient valoir que des motifs d’ordre privé et que les faits invoqués ne sont pas d’une gravité telle qu’ils pourraient être qualifiés de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006, constat s’inscrivant directement dans le cas d’ouverture figurant à l’article 20 (1) a) et b). Force est encore de constater que le ministre a énoncé à titre supplémentaire que les demandeurs serait originaires de Serbie, pays qui figure sur la liste des pays d’origine sûr, telle que fixée par le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », sans que ce constat ne soit contredit par l’examen individuel de la demande de protection internationale des demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le ministre a également basé la décision déférée sur l’article 20 (1) c), de la loi du 5 mai 2006.

Il suit des développements qui précèdent que le moyen afférent laisse d’être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de ce volet de la décision déférée, les demandeurs font valoir en substance que les questions qu’ils ont soulevées seraient pertinentes en ce qu’elles seraient susceptibles de rentrer dans le champ d’application de la loi concernant les critères de qualification du statut conféré par la protection internationale. Ils insistent sur le fait que les éléments qu’ils ont présentés leur permettraient incontestablement de prétendre au statut de réfugié.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;

c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) a), b) et c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen de la prédite demande en obtention d’une protection internationale, soit s’il apparaît clairement que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raison de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social, respectivement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la même loi, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 précité de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, force est au tribunal de constater que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

En ce qui concerne le cas énuméré au point c) de l’article 20 (1) de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 21 de cette même loi : « (1) Un pays peut être désigné comme pays d’origine sûr pour les besoins de l’examen de la demande de protection internationale.

(2) Un pays qui est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, mais que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

(3) Une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr soit par l’Union européenne soit par règlement grand-ducal.

(4) Un règlement grand-ducal pourra désigner un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécutions au sens de la Convention de Genève. Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international de droit civil et politique ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ses droits et libertés. » En l’espèce, il est constant en cause que par règlement grand-ducal du 1er avril 2011 ayant modifié celui du 21 décembre 2007, la Serbie a été reconnue comme étant un pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu de conclure que c’est a priori à bon droit que le ministre a pu conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr. Cependant, dans la mesure où les demandeurs demandent à ce que ledit règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 soit écarté en l’espèce par voie d’exception, il y a lieu d’analyser si le règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007 est conforme à sa loi habilitante à savoir la loi du 5 mai 2006, contrôle effectué en vertu de l’article 95 de la Constitution qui impose aux cours et tribunaux de n’appliquer les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

A cet égard, force est au tribunal de constater que les moyens et arguments invoqués par les demandeurs ne sont pas suffisants pour énerver le constat du règlement grand-ducal critiqué, à savoir que la Serbie est réputé être un pays d’origine sûr, et que ledit règlement a dès lors respecté les conditions fixées par la loi habilitante à savoir que les droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et les libertés fondamentales, le Pacte international de droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont observés en Serbie et que ce pays respecte le principe du non-refoulement prévu par la Convention de Genève ou encore que la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ses droits et libertés y est mis en place. En effet, les demandeurs invoquent comme seules pièces, d’une part, un rapport du « Centre for Liberal-

Democratics Studys » intitulé « CORRUPTION IN SERBIA FIVE YEARS LATER » de 2007 et, d’autre part, des extraits du rapport dressé par le « Bureau of Democracy, Human Rights and Labor » américain du 8 avril 2011 portant sur des constatations à caractère général sur la corruption prévalant en Serbie au cours de l’année 2008 (pour ce dernier rapport) qui ne sauraient, pour le premier, au vu de sa date de publication, et pour le second, au vu de la période concernée, refléter la situation actuelle en Serbie.

Or, à défaut d’éléments illustrant la situation du système politique, judiciaire et policier actuel de la Serbie, voire d’éléments prouvant que la Serbie ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr, le tribunal ne saurait faire droit à la demande tendant à écarter, par voie d’exception, le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007.

Il y a encore lieu de constater qu’au vu du libellé des différents paragraphes de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr n’est pas suffisant pour conclure ipso facto qu’il soit statué sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, étant donné qu’aux termes de l’article 21 (2) de la même loi le ministre est obligé, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par voie de règlement grand-ducal, de procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de la demande de protection internationale, si le demandeur possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays. Il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que le ministre, après examen de la demande de protection internationale des demandeurs, a conclu qu’ils proviennent d’un pays qui, dans leur chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il appartient à ces derniers d’établir les raisons concrètes susceptibles de renverser ce constat. Or, tel que relevé ci-avant, les seuls éléments objectifs que les demandeurs ont présentés à cet égard sont des rapports du « Centre for Liberal-Democratics Studys » de 2007, du « Bureau of Democracy, Human Rights and Labor » américain du 8 avril 2011 qui, comme le tribunal l’a retenu ci avant, ne sont pas de nature à établir que la situation actuelle serait telle qu’on ne puisse qualifier la Serbie de pays d’origine sûr. Par ailleurs, il est constant en cause que les demandeurs n’ont pas recherché la protection des autorités serbes ou d’autres organisations internationales ou locales présentes en Serbie, de sorte que les éléments soumis au tribunal sont insuffisants pour retenir que la conclusion du ministre selon laquelle la Serbie est à qualifier, dans le chef des demandeurs, de pays d’origine sûr, serait erronée.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu conclure que les demandeurs proviennent d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 20 (1) c), respectivement de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que c’est à bon droit qu’il a décidé de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale.

Partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y a lieu d’analyser les conditions retenues à l’article 20 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006.

2) Quant au recours en annulation sinon subsidiairement en réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Avant tout progrès en cause, il y a lieu de souligner que malgré le fait que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, concluent principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle leur ayant refusé l’octroi de la protection internationale, le recours en annulation étant introduit à titre principal au motif que la décision ministérielle du 22 février 2012 violerait l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006, pour avoir omis d’analyser la situation générale du pays d’origine des demandeurs.

Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre subsidiaire, de sorte que le tribunal se déclare incompétent pour connaître du recours principal en annulation.

Le recours subsidiaire en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Force est à cet égard au tribunal de relever que si, en la présente matière, le recours principal en annulation est irrecevable, il est loisible aux demandeurs de conclure, dans le cadre du recours subsidiaire en réformation, principalement à l’annulation de la décision déférée.

Le moyen d’annulation, tel que développé par les demandeurs ayant trait à la légalité externe de la décision déférée, s’analyse en une violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979, étant donné que le ministre aurait omis d’indiquer, conformément à l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006, son évaluation des éléments de la situation générale dans le pays d’origine des demandeurs.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, « toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé (…) », étant entendu, d’une part, tel que cela a été relevé ci-avant, qu’il convient de souligner que l’article 6 précité n’impose pas une motivation exhaustive et précise, seule une motivation « sommaire » étant expressément exigée, et, d’autre part que l’autorité administrative est admise, même au cours de la procédure contentieuse, de fournir les motifs à la base de la décision, et qu’un défaut de motivation, en violation du prédit article 6, n’entraîne l’annulation de la décision litigieuse que pour autant que les motifs légaux ne se dégagent ni de la décision, ni des éléments fournis par l’autorité administrative au cours de la procédure contentieuse2.

2 cf. trib. adm. 2 février 2009, n°24399 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 75 et les autres références y citées.

Force est de constater que contrairement aux affirmations des demandeurs selon lesquelles le ministre n’aurait considéré aucun fait concernant le pays d’origine de sorte à faire « une totale abstraction de l’évaluation des éléments de situation générale dans le pays d’origine des requérants » la décision déférée fait expressément référence à l’inexistence de persécution en Serbie, constat qui « est d’autant plus conforté par le fait que la Serbie a obtenu en date du 1er mars 2012 le statut de candidat à l’Union européenne » Force est de constater que le moyen soulevé par les demandeurs sur l’absence d’indication des motifs dans la décision n’est dès lors pas fondé, de sorte qu’il doit être rejeté.

Les demandeurs font ensuite valoir en substance que le ministre ne remettrait pas en cause la crédibilité de leur récit mais tenterait de déprécier leurs déclarations et ils insistent sur l’état psychologiquement fragile du demandeur dont l’entretien aurait dû, par ailleurs, être interrompu, état qui expliquerait ses déclarations contradictoires. Ils rappellent ensuite en substance qu’ils craindraient de graves violences physiques et mentales de personnes inconnues et des abus de pouvoir des autorités policières à leur encontre au vu des agressions auxquelles ils auraient déjà été exposés.

En droit, les demandeurs exposent que les faits dont ils font état seraient à qualifier de persécution au sens de l’article 31 (2) a) et b) de la loi du 5 mai 2006 revêtant incontestablement un caractère de gravité au sens de l’article 31 de la loi du 5 mai 2006 et ils invoquent encore la violation des articles 32 (1) e) et 32 (2) de la loi du 5 mai 2006. Ils considèrent que les faits ainsi rapportés répondraient aux critères de qualification du statut de réfugié et que les persécutions subies auraient porté atteinte à sa dignité humaine, ce qui constituerait une atteinte à ses droits fondamentaux tels que protégés par les articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, ci-après dénommée « CEDH ». Ils se prévalent encore des articles 21, 28 c), 29, paragraphe 2 de la loi du 5 mai 2006. Ils font par ailleurs état des articles 18 b) et 26 paragraphe (3) a) et (4) de la loi du 5 mai 2006, pour reprocher au ministre une instruction défaillante de leur dossier.

En vertu de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi du 5 mai 2006 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 e) de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.

Force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions respectives ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Force est tout d’abord au tribunal de relever que les motifs qui sous-tendent la demande de protection internationale des demandeurs sont de deux ordres, à savoir, d’une part, les menaces et agressions physiques et verbales provenant de personnes non identifiées mais qui seraient à la recherche du frère du demandeur porté disparu, et, d’autre part, le refus d’accès au soin de santé à la demanderesse, refus concomitant à la disparition du frère du demandeur.

En ce qui concerne les menaces et agressions dont les demandeurs auraient été victimes, il y a lieu de relever que selon les propres affirmations du demandeur l’unique raison pour laquelle il aurait quitté avec son épouse la Serbie serait parce qu’il aurait été menacé et agressé par deux fois par des personnes à la recherche de son frère disparu. Quant à la première agression, le demandeur rapporte son déroulement comme suit : « Je rentrais du travail et j’étais tout seul. Soudainement, trois personnes se sont approchées de moi. Ils ont commencé à me donner des coups de pieds. Ils m’ont dit que si mon frère ne rentrait pas, ils n’allaient pas me laisser tranquille » (page 4/10 du rapport d’audition du demandeur du 12 avril 2012) et il affirme qu’il n’aurait pas été blessé au cours de celle-ci. Quant à la deuxième agression, le demandeur en fait état comme suit : « (…) ils m’ont agressé encore une fois quand je rentrais du travail. Ils étaient en voiture et ils se sont arrêtés. L’un deux est sorti et il m’a demandé si j’avais dit à mon frère de revenir. Il a commencé à me donner des coups de pieds et un voisin est venu et il m’a aidé » (page 4/10 du rapport d’audition du demandeur du 12 avril 2012) et il affirme encore ne pas avoir été blessé au cours de celle-ci. Par ailleurs, il y a lieu de relever que les autres menaces auxquels le demandeur fait référence sont des appels téléphoniques répétés sur son téléphone portable. Or, sans vouloir nier la gravité de ces deux agressions et harcèlements téléphoniques, le tribunal estime toutefois que les deux agressions intervenues à deux jours d’intervalle qui ne se sont soldées que par des coups de pieds se résument à deux incidents, qui sont certes peu agréables, ainsi qu’à des harcèlements téléphoniques, n’ont pas atteint le niveau de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 rendant la vie des demandeurs intolérables en Serbie. Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation contradictoire de la demanderesse dans son rapport d’audition au terme de laquelle elle indique que « lors de la dernière agression le 26 janvier, ils ont sorti un pistolet » (page 4/8 du rapport d’audition de la demanderesse) dès lors que cet incident, n’a pas été relaté par le demandeur dans son rapport d’audition alors qu’il était victime lui-même de l’agression et qu’il a affirmé ne pas avoir été blessé lors de cet incident alors qu’il y a tout lieu de penser que la circonstance d’avoir été menacé avec un pistolet, si ce fait était avéré, n’aurait pas été passé sous silence par le demandeur.

En ce qui concerne le refus d’accès par différents médecins aux soins de santé dont fait état la demanderesse, force est encore au tribunal de constater que ces actes ne sauraient être considérés comme constituant des motifs justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’il s’agit d’un comportement, certes peu respectueux des règles de déontologie, mais pour lequel il n’est pas établi que la motivation des auteurs se fonderait sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la demanderesse se limitant à faire un lien non autrement étayé entre ce comportement et la disparition de son beau-frère.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner la situation générale en Serbie, pour apprécier si l'Etat serbe dispose d'un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner des actes tels que dénoncés par les demandeurs et si les instances étatiques serbes étaient disposées ou capables d’assurer à la population une protection efficace.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter pour autant qu’il vise le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié.

En ce qui concerne le refus du ministre de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que les demandeurs basent essentiellement son recours sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, en ce qui concerne d’une part, les menaces et agressions que le demandeur prétend avoir rencontrés et, d’autre part le refus d’accès aux soins de santé que s’est vu opposer la demanderesse, force est constater que ces problèmes sont également insuffisants pour établir dans leur chef un risque réel de subir encore à l’heure actuelle les atteintes graves définies à l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006, étant souligné que l’article 37, lequel vise notamment la peine de mort, l’exécution ou la torture, exige que les atteintes subies atteignent une certaine gravité, laquelle n’est en l’espèce pas donnée, les demandeurs ne se prévalant en l’espèce que d’harcèlements téléphoniques et de deux agressions physiques, au cours desquelles le demandeur n’aurait même pas été blessé.

La même absence de gravité suffisante s’impose encore en ce qui concerne la crainte mise en avant par le demandeur, du fait de devoir vivre dans la crainte constante de faire l’objet des atteintes graves décrites ci-avant, le cas échéant, en restant cloîtré chez lui, ce qui constituerait pour lui de véritables tortures, sinon des traitements inhumains, sinon des traitements dégradants au sens de l’article 3 CEDH.

Par ailleurs, il ne ressort ni du dossier ni des arguments du demandeur que la situation qui prévaut actuellement en Serbie corresponde à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 précité.

Partant, le recours en réformation est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire.

3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. o) de la loi du 5 mai 2006 la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire».

En l’espèce, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire, au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection internationale devrait être annulée, voire réformée, ainsi que pour violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désigné par « la loi du 29 août 2008 ».

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs n’ont à aucun moment fait état de craintes de persécution telles que définies à l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 ni d’atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire sur le fondement de l’article 129 de la loi du 29 août 2008.

Les demandeurs soutiennent par ailleurs que l’ordre de quitter le territoire aurait encore été pris en violation de l’article 3 de la CEDH, au regard des mêmes considérations que celles ayant été développées sous l’aspect du volet du recours ayant trait à la réformation de la décision de refus de la protection internationale. Les demandeurs soulignent à cet égard, que ce ne serait pas parce qu’ils auraient été déboutés de leur demande de protection internationale qu’ils ne seraient pas exposés à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Serbie. Ils soulignent que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme prendrait en compte des risques de mauvais traitements résultant de facteurs purement objectifs, indépendants des autorités ou des droits internes de l’Etat de destination, en matière d’éloignement des étrangers. Ils concluent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale, serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe, de sorte que le champ d’application de l’article 3 CEDH serait beaucoup plus large que celui des articles 2 c) et 2 e) de la loi du 5 mai 2006, et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine, qui interdirait son éloignement vers ce pays.

Enfin, ils soulignent que l’article 3 CEDH, combiné à l’article 129 de la loi du 29 août 2008 poseraient un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 CEDH.

Il convient de rappeler que si l’article 3 CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la Convention, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés.

S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Serbie, le tribunal administratif a conclu ci-avant à l’absence dans le chef des demandeurs de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37, point b) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, étant entendu par ailleurs qu’un défaut de protection de la part des autorités serbes reste à l’état de pure allégation, de sorte que le tribunal ne saurait actuellement pas se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 CEDH3, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs en Serbie soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 CEDH.

Partant, le recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à rejeter 3 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle du 16 mai 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 16 mai 2012 portant refus d’une protection internationale ;

reçoit en la forme le recours en réformation formulé à titre subsidiaire contre la décision ministérielle du 16 mai 2012 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 16 mai portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 26 juillet 2012 par le premier juge Annick Braun en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 juillet 2012 Le Greffier du Tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30651
Date de la décision : 26/07/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-07-26;30651 ?

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