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25/07/2012 | LUXEMBOURG | N°30876

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2012, 30876


Tribunal administratif Numéro 30876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2012 Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2012 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias … …, Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L.5.06.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30876 du rôle et déposée le 18 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif

par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocat...

Tribunal administratif Numéro 30876 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2012 Audience publique extraordinaire du 25 juillet 2012 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias … …, Findel contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 10, L.5.06.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30876 du rôle et déposée le 18 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur Monsieur …, alias …, alias … …, déclarant être né le … (Afghanistan) et être de nationalité afghane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à « l’exercice du recours qui (…) est ouvert en vertu de l’article 122 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration à l’encontre de la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prise en date du 28 juin 2012, ordonnant la rétention administrative de requérant pour une durée de trois mois au Centre de rétention sis à Findel »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juillet 2012.

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Par décision du 28 juin 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur …, alias …, alias … …, ci-après désigné par « Monsieur Abullah … », qu’il regrettait devoir l’informer que le Luxembourg n’est pas compétent pour traiter sa demande de protection internationale du 21 mai 2012, au motif qu’ayant introduit une demande d’asile en Italie en date du 12 décembre 2011, les autorités italiennes sont responsables du traitement de cette demande en vertu de l’article 15 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », lesquelles autorités ont par ailleurs accepté en date du 26 juin 2012 de prendre en charge l’examen de sa demande de sorte que le transfert vers l’Italie sera organisé dans les meilleurs délais et les modalités du transfert lui seront communiquées en temps utile.

En date du même jour, le ministre, prit à l’égard de l’intéressé, une décision de retour qui est fondée sur les considérations suivantes :

« Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Attendu que l'intéressé n'est pas en possession d'un passeport en cours de validité ;

Attendu que l'intéressé n'est pas en possession d'un visa en cours de validité ;

Attendu que l'intéressé n'est ni en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé ; ».

Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification sur le fondement de l’article 10 (1) a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ». Ledit arrêté, qui fut notifié à l’intéressé en date du 16 juillet 2012, est fondé sur les considérations suivantes :

« Vu l'article 10 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N° SPJ/15/2012/22098.1/HA du 21 mai 2012 établi par le Service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l'intéressé a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 21 mai 2012;

-qu’une demande de prise en charge en vertu de l’article 10 du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités italiennes en date du 22 juin 2012 ;

- que les autorités italiennes ont marqué leur accord de reprise en charge en date du 26 juin 2012 ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

- que la mesure de placement est nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert de l’intéressé vers l’Italie ; » Par requête déposée le 18 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à « l’exercice du recours qui (…) est ouvert en vertu de l’article 122 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration à l’encontre de la décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration prise en date du 28 juin 2012, ordonnant la rétention administrative de requérant pour une durée de trois mois au Centre de rétention sis à Findel ».

A l’audience des plaidoiries, le tribunal a soulevé la question de la recevabilité du recours au motif que le demandeur a entendu baser son recours sur différentes bases légales, à savoir, dans le corps de sa requête introductive d’instance sur base de l’article 122 de la loi du 29 août 2008 et sur base de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006 tout en visant dans le dispositif de sa requête une demande tendant à l’annulation de la décision ministérielle pour excès de pouvoir et à la réformation de la décision critiquée du 28 juin 2012.

Suite aux explications concluantes fournies par le mandataire du demandeur lors de l’audience des plaidoiries, il y a lieu d’admettre que le demandeur ayant visé l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, a entendu introduire un recours contre la décision déférée sur base de l’article 123 de la loi du 29 août 2008 et non sur base de l’article 122 de ladite loi, laquelle ne prévoit aucun recours devant le tribunal administratif en la matière.

Etant donné que l’article 10 (4) de la loi du 5 mai 2006, tel que modifié par l’article 155-2° de la loi du 29 août 2008 institue, par renvoi à l’article 123 (1) de la loi du 29 août 2008, un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise sur le fondement de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Quant à la légalité interne de l’arrêté litigieux, le demandeur fait tout d’abord valoir qu’il serait mineur et que dès lors, par application de l’article 6 (3) de la loi du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention, la durée de son placement ne pourrait excéder 72 heures. Il ajoute qu’en maintenant sa rétention administrative au-delà du délai de 72 heures, il serait privé de sa liberté en violation des articles 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « CEDH », au motif que les dispositions de la loi du 28 mai 2009 précitée ne prévoiraient pas la rétention administrative d’un demandeur d’asile étant rentré illégalement sur le territoire d’un des états signataires à la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 juillet 1967, approuvé par le règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971. Finalement il fait valoir que le Comité pour les droits de l’enfant de l’ONU aurait souligné que les dispositions de l’article 37 limitant la privation de liberté s’appliqueraient à toutes les formes de privation de liberté.

Le délégué du gouvernement conteste que le demandeur soit mineur, de sorte que le moyen afférent serait à rejeter.

A l’audience des plaidoiries, le mandataire du demandeur a sollicité la communication intégrale du dossier administratif en rapport avec la communication d’une photocopie d’un acte de l’état civil qui attesterait de l’âge et de l’identité du demandeur. Or, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, la demande en communication formulée oralement à l’audience des plaidoiries, est à rejeter. Au-delà de ce constat et à titre superfétatoire, il échet de relever qu’après l’audience des plaidoiries, la partie étatique a versé une attestation selon laquelle aucun acte de naissance ni aucune autre pièce d’identité n’a été versé au dossier administratif.

Il convient encore de relever que le demandeur a lui-même versé ledit acte dans le cadre de la procédure contentieuse. Or, cette pièce est rédigé dans une langue qui n’est pas une langue officielle au Luxembourg, par ailleurs, non muni d’une traduction et dont la photographie ne permet pas de distinguer les traits de son titulaire, de sorte qu’il y a lieu de retenir que cette pièce n’est pas de nature à prouver ni l’identité ni l’âge du demandeur.

S’il est exact qu’en vertu de l’article 6 (3) de la loi du 28 mai 2009, précitée : « (3) Les personnes ou familles accompagnées de mineurs d’âge placées au Centre en vue de leur éloignement séjournent dans une unité distincte qui leur est réservée. La durée de leur placement ne peut excéder 72 heures. », il se dégage cependant d’un certificat émis en date du 19 juin 2012 par le Dr. L.V. du service de radiologie diagnostique et interventionnelle du Centre Hospitalier de Luxembourg que suite à un examen radiologique osseux effectué le 25 mai 2012, ledit docteur tire les conclusions suivantes quant à l’âge du demandeur :

« Maturation osseuse complète. Le sujet a atteint un âge osseux présentant un caractère similaire avec le standard de 19 ans. A noter cependant une image d’effacement complet de la ligne physaire radiale distale, pouvant être un facteur en faveur d’un âge osseux au-

dessus de 19 ans ».

Dans ces conditions, au vu des contestations formelles de la partie étatique sur la réalité de la minorité affirmée du demandeur, contestations qui sont, par ailleurs, confortées par le prédit examen radiologique, ainsi que par une photographie de l’intéressé qui ne laisse subsister aucun doute quant à sa majorité, ainsi que par la circonstance des nombreuses identités du demandeur sous l’une desquelles il affirme par ailleurs être né le 1er janvier 1993 de sorte à être majeur sous cet alia, l’article 6 (3) de la loi du 28 mai 2009 et les articles 3 et 5 de la CEDH, indépendamment de la pertinence de ces dispositions en l’espèce qui sont contestées par le délégué du gouvernement, ne sauraient en toute hypothèse trouver application en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.

Le demandeur soutient encore que les conditions pour prononcer une mesure de placement en rétention ne seraient pas données en l’espèce.

A cet égard, il fait valoir qu’une décision de placement présupposerait une mesure d’expulsion ou de refoulement ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison d’une circonstance de fait. Or, il ressortirait du dossier administratif que les autorités italiennes ayant accepté en date du 26 juin 2012 sa reprise sur base de l’article 10 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, il n’existerait aucun empêchement légal quant à son renvoi vers l’Italie de sorte à en conclure que la décision déférée serait non justifiée et mal fondée et entachée d’illégalité, d’excès et de détournement de pouvoir et violerait la loi et les formes destinées à protéger les intérêts privés.

Force est de constater que le demandeur a fait l’objet d’une mesure de rétention sur base de l’article 10 (1) d) de la loi du 5 mai 2006, qui autorise le ministre à placer un demandeur d’une protection internationale dans une structure fermée pour une durée maximale de trois mois renouvelable lorsque « le placement s’avère nécessaire afin de ne pas compromettre le transfert du demandeur vers le pays qui, en vertu d’engagements internationaux auxquels le Luxembourg est partie, est considéré comme responsable de l’examen de la demande. ».

Or, il ressort à suffisance de droit des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal que le transfert du demandeur vers l’Italie est prévu pour le 26 juillet 2012, de sorte qu’en attendant la date de ce transfert, la mesure de placement est justifiée pour rentrer dans les prévisions de l’article 10 (1) d) précité. Partant, le moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, Anne Gosset, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 25 juillet 2012 à 14.30 heures par le premier juge Annick Braun, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Michèle Hoffmann s. Annick Braun 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30876
Date de la décision : 25/07/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-07-25;30876 ?

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