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19/07/2012 | LUXEMBOURG | N°30831

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juillet 2012, 30831


Tribunal administratif N° 30831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2012 Audience publique extraordinaire du 19 juillet 2012 Recours formé par Madame …et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2012 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n

om de Madame …, née le … à …(Kosovo), agissant tant en son nom personnel qu’au nom e...

Tribunal administratif N° 30831 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juillet 2012 Audience publique extraordinaire du 19 juillet 2012 Recours formé par Madame …et consorts, …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 30831 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2012 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à …(Kosovo), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour compte de ses enfants mineurs … né le … à … (Kosovo) et …, née le … à … (Kosovo), tous de nationalité kosovare, actuellement retenus au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l'Immigration du 6 juillet 2012 ordonnant leur placement au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Kamilla LADKA, en remplacement de Maître Pascale PETOUD, en ses plaidoiries à l’audience publique du 18 juillet 2012.

La demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, introduite par Madame …le …, fut déclarée non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 octobre 2006. Un recours contentieux dirigé contre cette décision ministérielle fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 14 février 2008 (n° 23688C du rôle).

Suite à l’arrêt précité, Madame …fit l’objet d’un rapatriement volontaire au Kosovo en date du 26 mars 2008.

Le 1er août 2008, Madame …présenta une nouvelle demande de protection internationale, laquelle fut cependant déclarée irrecevable par décision ministérielle du 5 août 2008, décision qui fit l’objet d’un recours contentieux se soldant par un jugement du tribunal administratif du 1er octobre 2008 (n°24793 du rôle) déclarant ledit recours non fondé.

En date du 8 octobre 2008, le mandataire de Madame …introduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raison humanitaires, sinon d’une tolérance, sinon d’un sursis à l’éloignement pour raisons médicales qui fut rejetée par une décision ministérielle du 15 juin 2009, décision qui fit l’objet d’un recours gracieux lequel se solda par une décision confirmative de refus du 20 octobre 2009. Les décisions ministérielles en question firent de nouveau l’objet d’un recours contentieux, lequel fut déclaré partiellement fondé par le tribunal administratif dans son jugement du 13 octobre 2010, (n°26514 du rôle), le tribunal ayant en effet retenu que lesdites décisions avaient été prises en violation de l’article 103 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et ayant de ce fait annulé lesdites décisions en ce qu’elles ont refusé à Madame …une autorisation de séjour pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité et portent ordre de quitter le territoire.

Par arrêté du 24 mai 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dénommé ci-après le « ministre », ordonna à Madame …et à ses enfants mineurs … et …, ci-

après dénommés les « consorts …» de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de 30 jours à destination du pays dont ils ont la nationalité, en l’occurrence le Kosovo, « ou à destination du pays qui leur aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner », au motifs que les consorts …ne seraient pas en possession d’un document d’identité ou de voyage valable, qu’ils ne justifiaient pas l’objet et les conditions du séjour envisagé et qu’ils n’étaient pas en possession ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d’une autorisation de travail.

Le 6 juillet 2012, le ministre prit un arrêté d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans à l’encontre de Madame ….

Par arrêté du même jour, notifié à la demanderesse le 9 juillet 2012, le ministre ordonna la rétention administrative de Madame …et de ses deux enfants mineurs au Centre de rétention à Findel pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cet arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

«Vu les articles 111 et 120 à 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 24 mai 2012 ;

Vu ma décision d’interdiction du territoire du 6 juillet 2012 ;

Attendu qu’au vu de la situation particulière de l’intéressée, il n’existe pas de mesure suffisante moins coercitive qu’une mesure de placement alors que les conditions d’une assignation à domicile conformément à l’article 125 (1) ne sont pas remplies ;

Attendu que l’intéressée est démunie de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressée évite la procédure d’éloignement ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressée seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2012, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision de rétention du 6 juillet 2011.

Malgré le fait que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 11 juillet 2012, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les partie, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est en principe compétent pour connaître du recours en réformation.

Or, il s’est avéré à l’audience publique du 18 juillet 2012 que les consorts …ont été rapatriés au Kosovo en date du 12 juillet 2012. Si le tribunal ne peut dès lors certes plus utilement faire droit à la demande de réformation lui adressée en ce sens qu’il ne sera plus utile d’ordonner la libération immédiate des consorts…, ceux-ci gardent néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de l’arrêté déféré de la part de la juridiction administrative, de sorte qu’il y a lieu de recevoir le recours en réformation, lequel a été introduit dans les formes et délai de la loi, en la forme dans la mesure des moyens de légalité invoqués.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse fait plaider appartenir à la minorité bosniaque du Kosovo et avoir quitté le Kosovo une première fois au cours de l’année 2005 étant donné qu’elle y aurait fait l’objet de menaces graves de la part du père de ses enfants, lequel appartiendrait à la communauté albanaise et qui lui aurait refusé la garde de ses trois enfants. Elle explique qu’elle n’aurait pas eu de protection de la part des autorités kosovares, de sorte qu’elle se serait rendue au Grand-Duché de Luxembourg pour y déposer une demande d’asile. La demanderesse soutient par ailleurs qu’elle serait par la suite retournée au Kosovo pour récupérer la garde de ses trois enfants et que son ex-concubin aurait consenti finalement à ce qu’elle reprenne les deux aînés et elle fait plaider que cette situation aurait été un véritable déchirement, lequel aurait eu de graves répercussions sur son état de santé puisqu’elle souffrirait actuellement de dépression. Elle souligne par ailleurs qu’il serait dans l’intérêt de ses deux enfants aînés, scolarisés au Luxembourg, d’avoir une vie stable et d’être épargnés dans la mesure du possible de la mésentente de leurs parents.

En droit, la demanderesse reproche en premier lieu au ministre d’avoir violé le principe de proportionnalité, tel qu’il serait notamment prévu par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, désignée ci-après par « la directive 2008/115/CE », en ce que la mesure de placement décidée à son encontre porterait atteinte au « principe de liberté ». Elle estime plus particulièrement qu’en vertu de ce principe, les Etats membres de l’Union européenne ne pourraient recourir à une mesure de rétention qu’au cas où il n’existerait aucune autre solution de nature à permettre l’éloignement d’un ressortissant d’un Etat tiers. La demanderesse souligne que ledit principe de proportionnalité aurait manifestement été violé en l’espèce dans la mesure où la mesure de placement serait disproportionnée par rapport au but poursuivi par l’administration et elle précise que la décision entreprise se bornerait à indiquer que l’assignation à résidence serait impossible sans expliquer concrètement les raisons de cette impossibilité, raisons qui seraient d’autant plus incompréhensibles dans la mesure où toute sa famille proche serait légalement établie au Luxembourg.

Il y a cependant lieu de rappeler que la directive 2008/115/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, l’éloignement d’un étrangers étant notamment réglé aux articles 119 à 132 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après la « loi du 29 août 2008 »..

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés européennes, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par des particuliers à l’encontre d’un Etat que si les dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, et que l’Etat en question s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte1.

Dans la mesure où la demanderesse reste en défaut d’expliquer en quoi l’Etat luxembourgeois n’aurait pas transposé la prédite directive dans les délais impartis, res…tivement aurait fait une transposition incorrecte de la directive en question, il y a lieu de retenir qu’elle n’est pas fondée à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoqués, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi modifiée du 29 août 2008, étant souligné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire du demandeur, professionnel de la postulation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

En deuxième lieu, la demanderesse reproche au ministre une violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), en soutenant notamment qu’en ce qui concerne la rétention administrative d’enfants mineurs, la Cour européenne des Droits de l’Homme aurait clairement indiqué que, combiné avec ledit article 3, l’obligation que l’article 1er de la même CEDH, imposerait aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrées par la CEDH et leur recommanderait de prendre des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des tortures ou des traitements dégradants. Elle souligne encore que ces mêmes dispositions devraient permettre une 1 trib. adm. 9 octobre 2003 n°15375 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Lois et règlements, n°29 protection efficace, notamment des enfants et autres personnes vulnérables et inclure des mesures raisonnables pour empêcher des mauvais traitements dont les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance. La demanderesse estime cependant que l’enfermement de deux enfants mineurs âgés de 13, res…tivement 11 ans serait une source de grande souffrance morale et psychique et que les conditions de vie anormales qui leur auraient ainsi été imposées dépasseraient le seuil de gravité requis par l’article 3 de la CEDH.

Elle invoque encore dans ce même contexte les articles 17, 18 et 24 de la directive européenne du Conseil 2003/9/CE du 27 janvier 2003, ainsi que les articles 2, 3 et 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989.

Si l’article 3 de la CEDH dispose certes que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », une mesure de placement au Centre de rétention ne saurait, en tant que telle, être considérée comme dégradante, inhumaine ou humiliante si les conditions légalement prévues sont remplies2.

A ce sujet il y a lieu de rappeler que la loi du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention prévoit expressément la possibilité du placement en rétention d’enfants mineurs et de leurs familles, l’article 6 (3) de cette même loi disposant en effet que :

« (3) Les personnes ou familles accompagnées de mineurs d’âges placées au Centre en vue de leur éloignement séjournent dans une unité distincte qui leur est réservée. La durée de leur placement ne peut excéder 72 heures ».

L’article 7 (2) de la loi prémentionneé du 28 mai 2009 prévoit encore que :

« (2) Une attention particulière est accordée à la situation des personnes vulnérables, à savoir les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs et les personnes qui ont été victimes de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle ».

Il résulte de la lecture combinée des deux dispositions légales qui précèdent que les mineurs peuvent être placés en rétention à condition de bénéficier d’une attention particulière et que ladite mesure de placement prend fin au plus tard après 72 heures.

En l’espèce, il résulte des explications orales du litismandataire des consorts …à l’audience publique du 18 juillet 2012 que ceux-ci ont été placé en rétention le 9 juillet 2012 et qu’ils ont été rapatriés le 12 juillet 2012, de sorte que la durée de placement maximale de 72 heures n’a pas été dépassée en l’espèce.

Ainsi, et dans la mesure où seule la légalité de la mesure de placement peut faire l’objet d’un contrôle par le tribunal en l’espèce, et dès lors que la demanderesse se limite à affirmer de manière générale que la rétention serait vécue par elle et surtout par ses enfants mineurs comme traitement dégradant, sans pour autant indiquer en quoi les conditions légales prévues par la loi du 28 mai 2009 n’auraient pas été res…tées en l’espèce, le moyen de la demanderesse relatif à une violation de l’article 3 de la CEDH est à rejeter pour ne pas être 2 trib. adm. 28 février 2002, n° 14590 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Etrangers, n° 585 fondé.

Par ailleurs, et en ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse qu’il conviendrait de se référer à la directive du Conseil 2003/9/CE, il y a lieu de souligner, tout comme pour la directive 2008/115/CE du Conseil du 16 décembre 2008, que la directive en question a été transposée en droit luxembourgeois notamment par le biais de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, de sorte que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés européennes il y a lieu de retenir que la demanderesse n’est pas fondée à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoqués, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi modifiée du 5 mai 2006, étant donné qu’elle reste en défaut d’expliquer en quoi l’Etat luxembourgeois aurait fait une transposition incorrecte de la directive en question En ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse qu’il conviendrait de se référer à la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, il y a lieu de rappeler que les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, sauf à constituer des moyens d’office3.

Or, en l’espèce, la demanderesse reste manifestement en défaut de développer ses moyens et de fournir au tribunal des éléments concrets sur lesquels elle se base, la demanderesse se contentant d’affirmer qu’il faudrait se référer aux articles 2, 3 et 37 de la Convention en question, de sorte que le moyen afférent est également à rejeter.

La demanderesse conclut encore à une violation de l’article 5 de la CEDH, dans la mesure où le Centre de rétention serait un lieu inadapté à l’extrême vulnérabilité de ses enfants, même s’ils sont accompagnés de leur mère. Elle estime que dans ces conditions particulières, leur situation particulière d’enfant n’aurait pas été examinée et que les autorités administratives n’auraient pas recherché si la rétention administrative était une mesure de dernier ressort à laquelle aucune alternative ne pouvait se substituer.

L’article 5 de la CEDH prévoit que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(…) f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours (…) ».

Il convient dès lors de relever que le paragraphe 1, point f.) dudit article 5 cité ci-avant prévoit, expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Il convient encore de préciser que le terme d’expulsion utilisé à l’article 5 est à entendre dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement res…tivement de refoulement d’une personne se trouvant en séjour 3 Trib. adm. 7 juin 2010, n°26417 du rôle, Pas. adm. 2010, V°Procédure contentieuse, n°694 irrégulier dans un pays4. Le fait même d’être retenu, même s’il s’agit de ses enfants mineurs, ne saurait dès lors être remis en cause par la demanderesse au regard des dispositions de la CEDH. Le moyen afférent est partant à rejeter.

Finalement, la demanderesse conclut à une violation de l’article 8 CDEH, en soutenant que le fait de la confiner avec ses deux enfants mineurs au sein d’une structure fermée pourrait s’analyser comme ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale. Elle estime qu’il conviendrait de vérifier si cette ingérence pourrait se justifier sous l’angle du paragraphe 2 de l’article 8 de la CEDH, c’est-à-dire si l’ingérence en question poursuivrait un des buts légitimes énumérés par ledit article et serait nécessaire dans une société démocratique pour atteindre un tel but. La demanderesse soutient que les autorités administratives n’auraient pas res…té le principe de proportionnalité entre la mesure de placement et le but poursuivi de l’éloignement étant donné que le res…t supérieur de l’enfant ferait défaut en l’espèce dans la mesure où aucune alternative à la rétention n’aurait été envisagée et qu’aucune garantie n’aurait été prévue pour limiter le temps d’enfermement des enfants.

En ce qui concerne la prétendue violation de l’article 8 de la CEDH, force est au tribunal de constater que les consorts …ont fait l’objet d’une mesure d’éloignement le 24 mai 2012, date à laquelle le ministre a ordonné à Madame …de quitter le territoire luxembourgeois avec ses enfants endéans un délai de 30 jours, l’arrêté ministériel en question n’ayant jamais fait l’objet d’un recours de la part de la demanderesse. C’est dès lors sur le fondement de cet arrêté ministériel que les consorts …sont obligés de quitter le Grand-Duché de Luxembourg, l’arrêté ministériel en question étant de ce fait seul susceptible de porter atteinte à une vie familiale. Dans la mesure où l’arrêté ministériel du 24 mai 2012 constitue une décision distincte de la décision de placement, le moyen basé sur une violation de l'article 8 de la CEDH, en raison d'une séparation de l'unité familiale par le fait de l'éloignement ne saurait être invoqué dans le cadre d'un recours visant exclusivement la décision de placement5.

A titre superfétatoire, il y a encore lieu de souligner qu’il résulte du libellé de l’arrêté ministériel entrepris que le ministre a bien envisagé une alternative au placement en rétention des consorts…, mais qu’il a retenu qu’au vu de la situation particulière de ceux-ci, il n’existerait pas de mesure moins coercitive qu’une mesure de placement étant donné que les conditions d’assignation à domicile ne seraient pas remplies en l’espèce. A ce sujet, il y a encore lieu de préciser que la demanderesse reste en défaut de fournir des éléments susceptibles d’établir qu’elle remplit les conditions d’assignation à domicile. Par ailleurs, en ce qui concerne l’affirmation de la demanderesse qu’aucune garantie n’aurait été prévue pour limiter le temps d’enferment des enfants, il convient encore de souligner qu’une telle garantie résulte de la loi du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention même, étant donné que l’article 6 (3) précité, prévoit que le placement en rétention d’enfants mineurs ne peut dépasser une durée maximale de 72 heures.

Il suit partant des considérations qui précèdent que ce dernier moyen est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, la demanderesse est à débouter de son recours.

4 trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2011, Vo Etrangers, n° 571 5 trib. adm. 25 janvier 2006 n°20920 du rôle, Pas. adm. 2011, Vo Etrangers, n° 573 Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation recevable dans la limite de ses moyens de légalité ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 19 juillet 2012 par :

Claude Fellens, vice-président, Annick Braun, premier juge, Thessy Kuborn, premier juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Hoffmann s. Fellens Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19.7.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 30831
Date de la décision : 19/07/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-07-19;30831 ?

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