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11/06/2012 | LUXEMBOURG | N°30017a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2012, 30017a


Tribunal administratif Numéro 30017a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2012 2e chambre Audience publique du 11 juin 2012 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du préposé du bureau d’imposition, section sociétés … de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 30017 du rôle et déposée le 15 mars 2012 au greffe du tribunal administratif

par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Numéro 30017a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 mars 2012 2e chambre Audience publique du 11 juin 2012 Recours formé par la société anonyme …, … contre une décision du préposé du bureau d’imposition, section sociétés … de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 30017 du rôle et déposée le 15 mars 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître André Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision prise en date du 15 février 2012 par le préposé du bureau d’imposition, section sociétés …de l’administration des Contributions directes ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 24 mai 2012 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Marc Kohnen en remplacement de Maître André Lutgen, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.

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Le 15 février 2012, le préposé du bureau d’imposition, section sociétés … de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le préposé », prit une décision adressée à la société anonyme …, ci-après dénommée la « société … », libellée dans les termes suivants :

« Le bureau d'imposition Sociétés … a été saisi d'une demande d'assistance administrative émanant des autorités fiscales françaises et dont le but est d'obtenir des renseignements au sujet de votre société dans le cadre de l'examen de la situation fiscale des personnes physiques résidentes en France, M. … et Mme … épouse … et portant sur les exercices fiscaux 2005 -2010.

Pour me mettre en mesure de donner suite à cette demande je vous invite à me fournir jusqu'au 7 mars 2012 au plus tard les documents et renseignements suivants :

1. Veuillez me faire parvenir le bilan, le compte profits et pertes et les annexes fiscales y relatives (détails des différents postes, détails des participations avec dividendes reçus…) pour les exercices 2006 à 2010.

2. Veuillez me faire parvenir des copies des procès verbaux des assemblées ordinaires et extraordinaires des actionnaires concernant les exercices 2005 à 2010.

3. Veuillez me faire parvenir des copies des listes de présence établies lors des assemblées visées sous le no.2.

4. Veuillez me faire parvenir la balance, le journal et le grand livre des comptes pour l'année 2010.

5. Veuillez me faire parvenir le détail des comptes bancaires de la société en 2010. (banque(s), titulaire(s), numéro(s), procuration(s) sur ce(s) compte(s), mouvements).

Les bases légales de la présente demande sont l'article 22 de la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg et approuvée par la loi du 17 août 1959, la directive CEE 77/799 du 19 décembre 1977, la loi et le règlement grand-ducal du 15 mars 1979 concernant l'assistance administrative internationale en matière d'impôts directs ainsi que les paragraphes 201(1) et 175 de la loi générale des impôts (AO).

En outre veuillez noter que les instructions sur les voies de recours jointes en annexe font partie intégrante de la présente. » Le litismandataire de la société … informa le préposé par une lettre du 12 mars 2012 qu’il était chargé d’introduire un recours au regard des dispositions de la « loi du 31 mars 2010 » à l’encontre de ladite décision du 15 février 2012 et il requit dudit préposé de « [lui] faire tenir la demande des autorités françaises, ceci au regard du jugement rendu par le tribunal administratif en date du 6 février 2012, valant jurisprudence en la matière (…) ».

La société … fit introduire, par requête déposée le 15 mars 2012 au greffe du tribunal administratif, un recours tendant à l’annulation de la décision du préposé du 15 février 2012.

Le tribunal décida dans son jugement précité du 24 mai 2012 (n° 30017 du rôle) que le recours est irrecevable en ce qu’il a trait aux années d’imposition 2005 à 2009 et, pour le surplus, le déclara recevable.

La question de la recevabilité du recours ayant été tranchée par ledit jugement du 24 mai 2012, il s’agit partant d’examiner les moyens au fond invoqués par la demanderesse à l’appui de son recours à l’encontre de la décision déférée en ce qu’elle a trait à l’année d’imposition 2010.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que s’agissant d’une demande d’échange de renseignements tombant dans le champ d’application de la loi du 31 mars 2010, seul le directeur des contributions serait compétent pour adresser la décision d’injonction de fournir des renseignements et non le préposé, comme ce serait le cas en l’espèce, de sorte que la décision déférée en son volet qui porte injonction de fournir des renseignements pour l’année d’imposition 2010 encourrait l’annulation pour défaut de compétence.

Le délégué du gouvernement résiste à cette argumentation en faisant valoir que la décision déférée en son volet qui porte injonction de fournir des renseignements pour l’année d’imposition 2010 ne serait pas une décision au sens de l’article 4 de la loi du 31 mars 2010 qui pourrait être attaquée directement devant le tribunal par un recours en annulation mais qu’il s’agirait d’une mesure d’instruction régulière à la disposition du préposé dans le cadre de ses propres pouvoirs d’investigation et qui devrait être contestée par le biais d’un recours hiérarchique formel devant le directeur de l’administration des Contributions directes de sorte qu’il en conclut que la décision déférée ne violerait pas les dispositions de la loi du 31 mars 2010 mais qu’elle serait, en revanche, compatible avec celles-ci.

Il échet de constater que la décision déférée en son volet qui porte injonction de fournir des renseignements pour l’année d’imposition 2010, en ce qu’elle enjoint à la demanderesse de fournir au préposé pour le 7 mars 2012 certains documents et renseignements ( à savoir « le bilan, le compte profits et pertes et les annexes fiscales y relatives (détails des différents postes, détails des participations avec dividendes reçus…), les copies des procès verbaux des assemblées ordinaires et extraordinaires des actionnaires, les copies des listes de présence établies lors des assemblées concernées, la balance, le journal et le grand livre des comptes et .le détail des comptes bancaires de la société (banque(s), titulaire(s), numéro(s), procuration(s) sur ce(s) compte(s), mouvements ») ne saurait être qualifiée de mesure d’instruction comme le soutient le délégué du gouvernement mais entre dans les prévisions de l’article 6 (1) de la loi du 31 mars 2010 qui prévoit un recours contre les décisions de l’administration fiscale adressée au détenteur des renseignements concerné de fournir les renseignements demandés.

Or, suivant les enseignements de la Cour administrative1, il y a lieu de retenir que s’il est vrai que la loi du 31 mars 2010 ne désigne pas plus précisément l'autorité compétente pour prendre les décisions d'injonction adressés au détenteur des renseignements faisant l'objet de la demande d’échange de renseignements étrangère mais vise seulement l'administration compétente selon la nature des impôts concernés, la 1 Cour adm., 9 février 2012, n° 29655C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu logique inhérente à cette loi implique que la décision d’injonction prévue à son article 4 et la sanction en cas de non-respect de cette décision par la fixation d’une amende administrative fiscale doivent nécessairement émaner d’une même autorité, à savoir le directeur. En outre, l'article 2 § 5 de la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg et approuvée par la loi du 17 août 1959, ci-après dénommée « la convention », désigne le directeur « ou son représentant dûment autorisé » comme autorité compétente pour l'application des dispositions de la convention. De plus, la loi modifiée du 17 avril 1964 portant réorganisation de l'administration des Contributions directes instaure en son article 2 le directeur comme chef de cette administration et le règlement grand-ducal modifié du 6 novembre 2009 fixant l'organisation de l'administration des Contributions directes dispose en son article 1er que celle-ci « est placée sous les ordres du directeur, assisté de deux directeurs adjoints » qui le remplacent en cas d'absence ou en cas de vacance de poste. Enfin, l'article 2 du même règlement grand-ducal du 6 novembre 2009 introduit la division n° 15 intitulée « échange de renseignements » comme subdivision de la direction qui est gérée, au vœu de l'article 3 (1) de ce règlement grand-ducal, par un fonctionnaire qui fait partie de droit de la direction et qui porte le titre de chef de division. Conformément à l'article 4 du même règlement grand-ducal, « le directeur peut déléguer celles de ses attributions, pour lesquelles une délégation n'est pas prévue par une loi, aux fonctionnaires qui font partie de droit de la direction ».

Il découle de l'ensemble des dispositions qui précèdent que le directeur est l'autorité compétente pour vérifier si la demande d'échange de renseignements étrangère répond aux exigences de l'article 22 de la convention dans sa teneur lui conférée par l'avenant du 3 juin 2009 et, dans l'affirmative, enjoindre au détenteur luxembourgeois des renseignements demandés de les lui fournir et qu'il peut seulement déléguer ce pouvoir au fonctionnaire gérant la division n° 15 « échange de renseignements » ou à un autre fonctionnaire faisant partie de droit de la direction de l'administration des Contributions directes.

Par voie de conséquence, le préposé était incompétent pour prendre la décision déférée dans la mesure où elle enjoint à la demanderesse de lui soumettre des renseignements relatifs à l’année 2010.

Le recours sous examen est partant à déclarer fondé concernant le volet relatif à la demande de renseignements portant sur l’année 2010 et la décision attaquée du 15 février 2012 encourt l'annulation sous cet aspect.

Au vu de l’issue du litige, il y lieu de faire masse des frais et de les partager en raison d’une moitié pour l’Etat et d’une moitié pour la demanderesse.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

vidant le jugement du 24 mai 2012, annule la décision du 15 février 2012 du préposé du bureau d’imposition sociétés … de l’administration des Contributions directes en ce qu’elle porte sur l’année d’imposition 2010 et renvoie le dossier en prosécution de cause au directeur de l’administration des Contributions directes;

fait masse des frais et les partage en raison d’une moitié pour l’Etat et d’une moitié pour la demanderesse.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 11 juin 2012, par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 juin 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 30017a
Date de la décision : 11/06/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-06-11;30017a ?

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