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24/05/2012 | LUXEMBOURG | N°28631

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2012, 28631


Tribunal administratif N° 28631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2011 2e chambre Audience publique du 24 mai 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28631 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2011 par Maître Nicky Stoffel, avocat Ã

  la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 28631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2011 2e chambre Audience publique du 24 mai 2012 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28631 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2011 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, née le … à …, …, né le … à …, …, née le 20 … à … et …, née le … à …, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à …, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 21 avril 2011 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2011 ;

Vu le courrier de Maître Yvette Ngono Yah, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, du 7 novembre 2011 par lequel elle informa le tribunal de ce qu’elle occupait dorénavant comme avocat à la Cour en remplacement de Maître Nicky Stoffel ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yvette Ngono Yah et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 février 2011, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants …, …, … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci après désignée la « loi du 5 mai 2006 ».

Monsieur … et Madame … furent entendus séparément en date du 8 mars 2011 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 21 avril 2011, envoyée par courrier recommandé du 2 mai 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci après désigné le « ministre », informa Monsieur … et Madame … de ce que leur demande avait été rejetée, la décision étant libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 15 février 2011.

En application de la loi précitée, vos demandes de protection internationale ont été évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères du 8 mars 2011.

Monsieur, il ressort de vos déclarations que vous auriez vécu au village de … de la commune de …. Depuis 19 ans vous travailleriez comme ….

Vous auriez quitté la Serbie parce que vous auriez des problèmes avec des « wahhabites » que vous considérez comme une secte. Elle serait liée au …. Attiré uniquement par les avantages financiers, vous seriez devenu membre à la fin 2010. Vous auriez reçu … euros. Ils auraient imposé que votre épouse se voile, ce qu'elle n'aurait pourtant pas voulu. Vous n'auriez pas désiré la forcer. Vous dites n'avoir été membre que pendant un à deux mois, puis vous auriez quitté la secte n'étant pas d'accord avec les contraintes imposées. En décembre 2010, après que vous vous seriez coupé votre barbe que vous auriez laissée pousser pour les « wahhabites », vous auriez reçu des menaces anonymes sur votre portable. On aurait menacé de vous tuer ainsi que votre famille. On aurait avancé qu'on vous retrouverait où que vous alliez. En janvier 2011, vous auriez porté plainte à la police. On vous aurait répondu que vous n'auriez pas de preuves, notamment sur l'identité des auteurs des menaces. Vous auriez peur pour votre vie et celle de vos enfants, les « wahhabites » seraient des « extrêmes », des «fanatiques ».

Vous ne mentionnez pas d'autres problèmes. Vous ajoutez avoir eu des « soucis et malheurs » avec votre belle mère.

Vous auriez quitté la Serbie par bus moyennant le paiement de … euros. Il ressort de vos passeports, établis les … et … 2010 respectivement le … 2010 par les autorités serbes de … que vous êtes entrés en territoire communautaire en date du … 2011. Le dépôt de vos demandes de protection internationale date du 15 février 2011.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Il n'y aurait pas d'autres raisons pour lesquelles vous auriez quitté la Serbie.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Madame, Monsieur, force est de constater que les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, vous auriez quitté la Serbie en raison des menaces téléphoniques anonymes que vous auriez reçues de « wahhabites ». Vous auriez adhéré à une secte pendant quelques mois uniquement pour recevoir de l'argent, puis vous l'auriez quitté parce que vous n'auriez pas été d'accord avec les contraintes qui vous auraient été imposées par cette secte. Or, ces menaces sont davantage à considérer comme des délits de droit commun punissables par la loi serbe que des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève de 1951 et la loi modifiée du 5 mai 2006. De même, les faits invoqués sont d'une gravité moindre pour fonder à eux seuls une demande en obtention d'une protection internationale.

A cela s'ajoute des « wahhabites » non autrement déterminés ne sauraient être considérés comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En application de l'article 28 de la cette (sic) loi au cas de l'espèce, il ne ressort pas de vos rapports d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection contre l'agissement de ces personnes. Vous dites que vous vous seriez adressés à la police, mais qu'aucune plainte n'aurait pu être déposée parce que vous n'auriez pas pu donner des indications quant aux auteurs des menaces téléphoniques.

Or, il ne ressort pas de vos déclarations que la police vous aurait matériellement refusé de porter plainte ou de faire votre déposition. Vous avez eu accès à la police et il n'est donc pas établi que la police serbe aurait refusé de vous accorder une protection quelconque. Le simple fait qu'une plainte n'aurait pas pu être ouverte (sic) parce que vous auriez reçu les menaces par appel téléphonique en numéro caché ne saurait être considéré comme un tel refus. De même, il résulte d'informations en nos mains que les autorités serbes ont déjà lancé des actions contre des «wahhabites » et que des procès ont été ouverts1. On ne saurait alors conclure que ces groupements soient soutenus pas les autorités serbes.

De même, pour éviter les menaces de ces « wahhabites » il vous aurait été possible de vous installer dans une autre ville du … comme par exemple …, …, …, … et … où les musulmans sont majoritaires, voire dans une toute autre région de la Serbie. Monsieur, vos avancements (sic) qu'en tant que musulman vous ne sauriez pas où aller ou que vous devriez scolariser vos enfants sont insuffisants pour justifier une impossibilité concrète de vous établir dans une des villes mentionnées.

Vous ne faites pas état d'autres problèmes. Monsieur, des « soucis et malheurs » causés par votre belle-mère ne sauraient davantage fonder une demande en obtention d'une protection 1 http://news.bbc.co.uk/2/hi/7188190.stm, http://www.paixbalkans.org/press_….htm internationale car ils ne rentrent également pas dans le champ d'application de la Convention de Genève ou de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Enfin, en vertu de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection et du règlement grand-ducal du 1er avril 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, la République de Serbie doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de vos demandes de protection internationale.

Par tout ce qui précède force est donc de conclure que vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Etant donné que les faits invoqués à la base de votre demande de protection internationale ne sauraient être actuellement admis comme justifiant à suffisance une crainte de persécution ; dès lors, et a fortiori, l'absence matérielle de crainte actuelle fondée s'impose également en ce qui concerne la demande tendant à obtenir la protection subsidiaire.

En effet, Madame, Monsieur, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Par ailleurs, la Serbie a aboli la peine capitale pour tous les délits en date du 26 février 2002. Vous ne faites également pas état de risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou de risques réels émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international.

La situation actuelle en Serbie ne saurait être considérée comme conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2011, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, …, … et …, ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 21 avril 2011, par laquelle ils se sont vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard l’ordre de quitter le territoire.

1.

Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs déclarent être originaires de … dans la région du … en Serbie et y avoir fait l’objet de pressions par des « fanatiques religieux » appartenant au mouvement des « wahhabistes » afin de les faire adhérer « aux principes sectaire et extrémistes » de ce mouvement religieux. Ils soutiennent dans ce contexte qu’au vu du refus de Monsieur … d’adhérer aux principes et pratiques dudit mouvement religieux, des membres de celui-ci l’auraient régulièrement menacé au téléphone et ils se seraient même rendus à leur domicile pour le menacer ensemble avec les autres membres de sa famille. Ces actes commis à leur encontre auraient entraîné dans leur chef une peur de sortir dans la rue ensemble avec leurs enfants, d’autant plus que des membres dudit mouvement religieux auraient fait pression sur Monsieur … afin que celui-ci oblige son épouse à se « voiler intégralement », ce qu’il aurait toutefois refusé de faire. D’une manière générale, ils font état du développement du wahhabisme notamment dans leur pays d’origine, et plus particulièrement dans la région du … où cette évolution aurait pour conséquence des incidents entre les adhérents du mouvement du wahhabisme et ceux d’un autre groupement religieux musulman plus modéré. D’après les demandeurs, cette situation de fait, ainsi que la considération selon laquelle, d’après eux, l’Etat serbe ne serait pas en mesure de les protéger contre des « fanatiques religieux », les auraient obligés à quitter leur pays d’origine afin de fuir les pressions dont ils auraient fait l’objet en vue d’adopter un mode de vie qu’ils refuseraient, mode de vie qui serait notamment caractérisé par la soumission totale des femmes à la religion ainsi qu’à son époux, et qui se traduirait, dans le chef de la femme « par une abolition radicale des droits les plus élémentaires ».

D’une manière générale, les demandeurs critiquent la décision ministérielle sous examen pour avoir effectué un examen erroné et insuffisant des faits soumis au ministre en rejetant leurs demandes respectives au seul motif qu’ils seraient restés en défaut d’invoquer, de manière crédible, une crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine.

Concernant le volet de leur demande en obtention du statut de protection subsidiaire, les demandeurs estiment remplir les conditions telles que prévues à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, étant donné qu’au regard des menaces subies, il existerait un risque réel de subir des représailles graves en cas de retour en Serbie.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et il conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

L’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 définit les actes de persécution et dispose ce qui suit : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme (…) ».

La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laisse supposer un danger sérieux pour sa personne.

Une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

Force est, d’une part, au tribunal de relever que les motifs qui sous-tendent la demande de protection internationale des demandeurs, à savoir les menaces provenant de personnes qui feraient partie d’un groupe religieux appartenant au « wahhabisme », pourraient constituer des motifs justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’il s’agit d’actes pour lesquels la motivation des auteurs de ces actes se fonde sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social. Il y a lieu de constater que l’origine de ces menaces semble a priori provenir des croyances religieuses des demandeurs, étant donné que ces derniers, selon leurs agresseurs, ne pratiqueraient pas leur foi suivant les préceptes établis par le « wahhabisme ». Le tribunal est cependant amené à constater que, bien qu’il s’agit a priori d’actes se fondant sur un des critères de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la religion, les demandeurs n’ont pas apporté des éléments qui permettent de retenir que ces événements tant pris isolément que par leur effet cumulé aient pu atteindre le niveau de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006 rendant leur vie intolérable en Serbie, ces menaces, qui n’ont jamais été suivies d’actes concrets, pris en leur globalité, ne constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en l’espèce de la liberté de religion.

Quant aux développements des demandeurs relatifs aux tensions existant dans la région du …, qui ne sont étayés par aucune documentation, ils ne sont pas, à eux seuls, suffisants pour retenir que toute personne originaire de cette région aurait des raisons de craindre d’être persécutée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en reconnaissance du statut de réfugié des demandeurs.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que les demandeurs entendent baser leur recours, concernant la demande de protection subsidiaire, sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où il a été retenu que les faits et motifs invoqués par les demandeurs ne sont pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être assimilés à des persécutions, le tribunal n’aperçoit aucun élément susceptible d’établir, sur base des mêmes événements, qu’il existerait un risque dans le chef des demandeurs de subir des atteintes graves, telles que la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré leur demande de protection internationale comme non justifiée.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

2.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 21 avril 2011 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 19, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.

Les demandeurs sollicitent l’annulation de l’ordre de quitter le territoire sans cependant formuler de moyens à l’appui de leur recours.

Le tribunal vient de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que le ministre pouvait a priori valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire. A défaut d’un quelconque moyen, le tribunal ne saurait en l’état actuel du dossier mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 avril 2011 portant rejet d’un statut de protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 21 avril 2011 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 24 mai 2012 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 28631
Date de la décision : 24/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-05-24;28631 ?

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