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24/05/2012 | LUXEMBOURG | N°28500

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2012, 28500


Tribunal administratif Numéro 28500 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2011 2e chambre Audience publique du 24 mai 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28500 du rôle et déposée le 15 avril 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis Hengel, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à ...

Tribunal administratif Numéro 28500 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2011 2e chambre Audience publique du 24 mai 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28500 du rôle et déposée le 15 avril 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathis Hengel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de refus du 19 janvier 2011 du directeur de l’administration des Contributions directes rendue sur une demande de remise gracieuse;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2011 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2011 par Maître Mathis Hengel au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marie Gilmer, en remplacement de Maître Mathis Hengel, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.

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Le 15 décembre 2010, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes émit à l’égard de Monsieur … le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2008.

Par courrier du 4 janvier 2011, Monsieur … introduisit auprès de l’administration des Contributions directes une demande de remise gracieuse d’impôts pour l’année 2008.

Cette demande de remise gracieuse fut rejetée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », du 19 janvier 2011, répertoriée sous le numéro GR 4.11 du rôle, libellée comme suit :

« Vu la demande présentée le 6 Janvier 2011 par le sieur …, demeurant à …, ayant pour objet une remise d'impôts concernant l'année 2008 par voie gracieuse;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996;

Considérant que d'après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n'est envisageable que dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que la demande de remise gracieuse est motivée par des considérations qui mettent en cause une situation financière difficile ;

Considérant qu'aucune rigueur objective n'a été constatée en l'espèce et qu'il faut statuer par rapport à l'existence d'une rigueur subjective dans le chef du requérant ;

Considérant qu'une remise pour rigueur subjective n'est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive de moyens de subsistance indispensables ;

Considérant qu'une telle rigueur excessive au sens prévisé, incompatible avec le principe d'équité au sens du paragraphe 131 AO, n'est pas à admettre;

Considérant en plus que le requérant devrait être en mesure de régler sa dette fiscale par des versements réguliers, adaptés à sa situation de revenu et fixés de commun accord avec le receveur de l'Administration des Contributions ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE La demande en remise gracieuse est rejetée. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2011, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 19 janvier 2011.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours principal en réformation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que, depuis l’année 2009, il se serait trouvé dans une situation financière très difficile, résultant de la perte de son emploi et d’une détresse psychologique subséquente ayant mené à une hospitalisation de longue durée. Il fait valoir qu’au regard de sa situation personnelle actuelle, même en ayant retrouvé un travail en décembre 2010, sachant qu’il aurait ses trois enfants à charge, le paiement des impôts pour l’année 2008 compromettrait son existence économique et le priverait des moyens de 2subsistance indispensables, de sorte que la preuve de l’existence d’une rigueur subjective serait amplement rapportée en l’espèce.

Le demandeur reproche au directeur de ne pas avoir pris en compte la réalité et l’étendue de ses difficultés financières et donne à considérer que nonobstant sa situation financière difficile, il aurait fait preuve de bonne volonté en s’efforçant de payer tout de même un montant de ….- € du montant total redû.

Le délégué du gouvernement rétorque que les moyens et arguments invoqués par le demandeur ne permettraient pas de retenir une iniquité dans son chef, ni objectivement selon la matière, ni subjectivement dans la personne du demandeur, étant donné que la dette fiscale litigieuse proviendrait de l’imposition de la plus-value de cession d’un immeuble ayant appartenu au demandeur et qu’il n’existerait aucune explication quant à la question de savoir pourquoi le produit de vente n’a pas été utilisé pour payer les impôts afférents. A l’appui de ses développements, il cite encore des jurisprudences du tribunal administratif.

Aux termes du paragraphe 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ».

Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que si, soit objectivement ratione materiae, si objectivement l'application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l'intention du législateur1, soit subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, si la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité2, sa situation personnelle étant telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables.

Il convient de relever qu’aux termes de la requête, le demandeur ne fait valoir aucun élément de nature à faire admettre une rigueur objective dans son chef, mais entend faire valoir une rigueur subjective incompatible avec le principe d’équité en raison de sa situation économique difficile.

Ainsi, en ce qui concerne les raisons subjectives pouvant justifier une remise gracieuse, dont l’existence s’apprécie au jour où le tribunal est amené à statuer, il échet de constater qu’il ne saurait y être fait droit que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables.

En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de constater que le demandeur se limite à mettre en avant ses recettes et dépenses courantes, sans établir, pièces à l’appui, sa situation de fortune actuelle, suite à la vente de son immeuble sis à …. En effet, les pièces versées par le demandeur ne permettent notamment pas de retracer le solde restant au demandeur suite à la vente dudit immeuble et au remboursement du prêt hypothécaire y relatif, étant encore précisé que le demandeur n’a versé que l’acte notarié portant sur la vente du garage sis à … et que le courrier de sa banque confirmant son accord de procéder à la mainlevée de son inscription hypothécaire sur les différentes propriétés immobilières du demandeur ne mentionne pas le 1 cf. trib. adm. 12 janvier 2000, n° 10661 du rôle, Pas. adm 2011, V° Impôts, n° 409 et autres références y citées.

2 cf. trib. adm. 5 mars 1997, n° 9220 du rôle, Pas. adm. 2011, V° Impôts, n° 408 et autres références y citées.

montant du prêt hypothécaire de ce dernier. En l’état actuel du dossier, le demandeur reste donc en défaut d’étayer concrètement, pièces et chiffres à l’appui, quelle est sa situation de fortune exacte, de sorte qu’il n’a pas mis le tribunal en mesure d’apprécier si le paiement, le cas échéant échelonné, de la dette d’impôt par lui redue compromet son existence et le prive des moyens de subsistance indispensables.

Force est encore au tribunal de relever qu’étant donné que l’impôt sur le revenu frappant les plus-values devrait amener un contribuable moyennement prudent à réserver la part du produit de vente afférent au paiement dudit impôt, toute autre façon de procéder relève du libre arbitre du contribuable et ne constitue pas par elle-même une rigueur subjective face à l’impôt échu3, sachant que le demandeur, d’après les indications contenues dans sa réclamation du 4 janvier 2011, aurait utilisé le solde restant suite à la vente de sa propriété immobilière pour acquérir un nouveau logement et y entreprendre des travaux de rénovation, pour payer les dettes de la société à responsabilité limitée en faillite …, dont il aurait été l’associé unique et garant bancaire et pour rembourser une partie du prêt hypothécaire de sa fille ….

Dans ces circonstances, le demandeur n’a pas rapporté à suffisance de droit la preuve d’une rigueur subjective dans son chef du fait de l’obligation de paiement de l’impôt sur le revenu de l’année 2008, de sorte que la décision du directeur du 19 janvier 2011 en ce qu’il a rejeté la demande de remise gracieuse du demandeur est à confirmer et que le recours sous analyse est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge, 3 3 cf. trib. adm. 25 novembre 1999, n° 10783 du rôle, non publiée.

et lu à l’audience publique du 24 mai 2012 par le premier vice-président, en présence du greffier assumé Sabrina Knebler.

s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 mai 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 28500
Date de la décision : 24/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-05-24;28500 ?

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