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29/03/2012 | LUXEMBOURG | N°28794

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2012, 28794


Tribunal administratif N° 28794 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2011 2e chambre Audience publique du 29 mars 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Schifflange en matière de fonctionnaires communaux

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28794 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2011 par Maître Marisa Roberto, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …

, demeurant à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’ann...

Tribunal administratif N° 28794 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 2011 2e chambre Audience publique du 29 mars 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Schifflange en matière de fonctionnaires communaux

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28794 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2011 par Maître Marisa Roberto, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Schifflange à la suite d’une demande d’allocation d’un cadeau d’adieu introduite en date du 21 février 2011 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre Biel, demeurant à Luxembourg, du 29 juin 2011, portant signification de ce recours à l’administration communale de Schifflange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établie en sa mairie à L-3850 Schifflange, avenue de la Libération ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal d’administratif en date du 1er juillet 2011, au nom de l’administration communale de Schifflange ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 17 novembre 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger au nom de l’administration communale de Schifflange, lequel mémoire a été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire du demandeur ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 16 décembre 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Marisa Roberto au nom du demandeur, lequel mémoire a été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’administration communale de la Schifflange ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 12 janvier 2012 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger au nom de l’administration communale de Schifflange, lequel mémoire a été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Johanne Fallecker en remplacement de Maître Marisa Roberto, et Maître Steve Helminger en leurs plaidoiries respectives.

En date du 27 septembre 2010, la commission spéciale des pensions décida que « … est atteint d'une invalidité telle que la mise à la retraite s 'impose » Suivant délibération du Conseil communal de Schifflange du 3 décembre 2010, Monsieur … fut démissionné de ses fonctions avec effet au 1er décembre 2010.

En date du 21 février 2011, il sollicita par lettre de son litismandataire l'allocation du cadeau d'adieu tel que prévu par « un règlement interne à la Commune », en faveur des fonctionnaires communaux qui quittent leur emploi «pour avoir atteint l'âge de la retraite », en remerciement de leurs services.

A défaut de réponse à ce courrier, Monsieur … a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2011, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de refus de l’administration communale de Schifflange suite à la prédite lettre du 21 février 2011.

L’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-après désignée par « la loi du 24 décembre 1985 », prévoyant un recours au fond pour les contestations auxquelles donnent lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments, à la mise à la retraite ou à la pension des fonctionnaires communaux, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

L’administration communale de Schifflange s’est rapportée à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la recevabilité du recours quant au respect du délai de recours et autres formalités procédurales.

Monsieur … soutient qu’aucun délai de recours contentieux n’aurait commencé à courir en l’espèce à défaut d’indication des voies de recours dès lors que l’administration communale n’aurait pas répondu à son courrier du 21 février 2011 par lequel il sollicitait l’allocation d’un cadeau d’adieu.

Il soutient que l’absence de décision de l’administration communale de Schifflange dans les trois mois de l’introduction dudit courrier équivaudrait à un rejet de la demande conformément à l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la loi du « 7 novembre 1996 », soit à la date du 23 mai 2011.

Il échet de rappeler que l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 dispose que « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».

En l’espèce, le recours en réformation a été introduit après l’écoulement d’un délai de trois mois. Il est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait tout d’abord valoir un moyen tenant à la légalité externe de la décision selon lequel l’administration communale n'ayant pas jugé utile de prendre position après trois mois sur l’objet de sa demande introduite par lettre du 21 février 2011, cette absence de décision équivaudrait à un refus de la demande, laquelle violerait les articles 6 et 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des Communes, ci- après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 » qui prévoient d'une part, l'obligation pour l'administration de motiver sa décision et, d’autre part, la communication à l'administré des éléments d'information à la base de la décision administrative.

L’administration communale de Schifflange rétorque que la sanction de l’obligation imposée à l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 selon laquelle une décision doit se baser sur des motifs légaux consisterait dans la suspension des délais de recours ce qui aurait pour conséquence que la décision resterait valable et que l'administration pourrait produire ou compléter les motifs postérieurement et ce, même pour la première fois devant la juridiction administrative de manière à permettre à la juridiction administrative d’en contrôler la légalité au moment où elle est appelée à statuer. En l’espèce, l’administration communale aurait précisé les motifs à la base de sa décision implicite de refus dans le cadre de la présente procédure de sorte que ce moyen laisserait d'être fondé.

Il échet de rappeler que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux. La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu´elle:

-refuse de faire droit à la demande de l´intéressé;

-révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu´elle y fait droit ;

-intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

-intervient après procédure consultative, lorsqu´elle diffère de l´avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elle accorde une dérogation à une règle générale.

Dans les cas où la motivation expresse n´est pas imposée, l´administré concerné par la décision a le droit d´exiger la communication des motifs.

L´obligation de motiver n´est pas imposée lorsque des raisons de sécurité extérieure ou l´intérieure de l´Etat s´y opposent ou lorsque l´indication des motifs risque de compromettre le respect de l´intimité de la vie privée d´autres personnes ».

Il échet de constater que dans le cadre des moyens développés dans ses mémoires que le tribunal sera amené à examiner quant à la légalité interne de la décision, l’administration a, au plus tard étayé sa motivation au cours de la procédure contentieuse, démarche qui s’inscrit dans l’interprétation que la Cour administrative fait de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dans son arrêt du 20 octobre 20091, lorsqu’elle retient que « par souci de protéger les intérêts bien compris du justiciable » il appartiendrait plutôt au juge de la légalité, statuant en matière d’annulation, de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse. Le moyen est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

L’administration communale rétorque quant au moyen tiré de la violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 que si ces dispositions imposent effectivement à l'administration une obligation de communication à première demande, cette obligation n'impliquerait cependant pas que l'autorité administrative concernée soit tenue d'y procéder de façon automatique à défaut d'être sollicitée en ce sens par l'administré intéressé, ce qui serait le cas en l'espèce. Etant donné qu’il ne ressortirait pas des pièces versées au dossier soumis à l’examen du tribunal que la partie requérante ait effectivement fait une demande de communication de son dossier, de sorte qu'aucune violation de l'article 11 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 ne saurait être constatée.

Il échet encore de rappeler que l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l´être, par une décision administrative prise ou en voie de l´être. Il peut demander, à cette occasion, le retrait de son dossier de toute pièce étrangère à l´objet du dossier, si elle est de nature à lui causer un préjudice. La décision prise par l´Administration sur sa demande est susceptible de recours devant la juridiction compétente ».

Force est de constater qu’il ne ressort pas des pièces et éléments soumis à l’examen du tribunal que le demandeur ait sollicité de la part de l’administration communale de Schifflange la communication de son dossier ainsi que l’article 11 précité l’y autorise, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant à la légalité interne de la décision, le demandeur expose que le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Schifflange, aurait manifestement commis une erreur d'appréciation en lui refusant, l'allocation d'un cadeau d'adieu, alors que les conditions d'obtention de cette gratification seraient vérifiées dans son chef au titre de l'article 2 du règlement communal du 22 septembre 2006 relatif à l’octroi de cadeaux et de dons à l’occasion d’événements, ci-après dénommé le « règlement communal du 22 septembre 2006 », qui prévoit que « les présentes modalités s'appliquent à toute personne énumérée sub 1 qui quitte son emploi soit de plein gré et d'un commun accord avec la Commune, soit pour avoir atteint l'âge de la retraite ».

Il donne à considérer que bien qu’il ait été mis à la retraite par la décision de la commission spéciale des pensions intervenue en date du 27 septembre 2010 après saisine par l'administration communale de Schifflange en date du 11 décembre 2009 de sorte a avoir été démissionné par le conseil communal avec effet au ler décembre 2010 conformément à l'article 19 § 3 de la loi du 24 décembre 1985 et qu’il n’aurait, par conséquent, pas atteint l'âge légal 1 Cour adm. 20 octobre 2009, N° 25783C du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 73 et autres références y citées de la retraite, sa mise à la retraite équivaudrait à un départ en retraite d'un commun accord avec l'administration communale de Schifflange.

L’administration communale de Schifflange rétorque que l’article 2 du règlement communal du 22 septembre 2006 limiterait l'allocation d'un cadeau d'adieu à deux cas bien spécifiques : à savoir celui d’un fonctionnaire communal quittant son emploi de plein gré et d'un commun accord avec la commune, et, celui d’un fonctionnaire ayant atteint l'âge de la retraite. Or, en l’espèce, aucune de ces hypothèses ne se trouverait vérifiée.

En effet, quant au premier cas, il ressortirait de l'exposé des pièces versées en cause que le demandeur n'aurait pas quitté son emploi de plein gré et d'un commun accord avec la commune, mais aurait été démissionné de ses fonctions suite à une décision de la commission spéciale des pensions du 27 septembre 2010 de sorte que le premier cas de figure permettant l'octroi d'un cadeau d'adieu ne se trouverait pas satisfaite. Quant au deuxième cas, il ressortirait des pièces du dossier que le demandeur n’était âgé de … ans et ne totalisait que … années de service à son actif au moment de sa mise à la retraite anticipée en 2010 de sorte que n'ayant pas atteint l'âge de la retraite (cette circonstance n’étant pas contestée par le demandeur lui-même), il ne saurait se voir allouer un cadeau visant à récompenser un fonctionnaire communal pour son assiduité et ses bons et loyaux services. Il en conclut que contrairement aux affirmations non autrement développées du demandeur une mise à la retraite pour invalidité n'équivaudrait nullement à un départ à la retraite pour atteinte de la limite d'âge ou accomplissement d'un nombre donné d'années de service. S’y ajouterait que d'après le règlement communal du 22 septembre 2006, le cadeau communal ne serait pas attribué aux personnes ayant fait l'objet d'un licenciement ou qui auraient quitté leur service suite à un litige avec la Commune, ce qui serait le cas en l’espèce, étant donné qu'il ressortirait des pièces versées qu’une instruction disciplinaire aurait été ouverte à l'encontre du demandeur laquelle aurait été classée sans suite par décision du commissaire du gouvernement du 5 janvier 2011 en raison de la mise à la retraite prématurée du demandeur.

Le demandeur réplique en substance qu’il remplirait les conditions pour bénéficier de l’octroi du cadeau d’adieu en ce que la démission qui est invoquée par l’administration communale comme justifiant le refus de l’octroi dudit cadeau ne serait pas une démission d'office résultant d’une faute qui aurait pu lui être reprochée mais trouverait au contraire son origine dans une mise à la retraite anticipée pour raisons de maladie, ayant pour conséquence que le fonctionnaire doit être démissionné conformément à l'article 49 § 3 de la loi du 24 décembre 1985, ladite démission étant un concept propre au droit administratif qui serait assimilable à la résiliation d'un commun accord d'un contrat de travail dans la mesure où il ne serait pas exclusif de l'accord des parties sur la cessation des fonctions. Il donne à considérer qu’en prononçant, en l’espèce, la démission du demandeur, le conseil communal aurait entériné la décision de la commission spéciale des pensions ayant préalablement constaté son invalidité imposant sa mise à la retraite. Il fait valoir que le conseil communal s’étant abstenu de refuser la démission d’un fonctionnaire alors qu’il lui serait loisible de le faire lorsqu'une action disciplinaire serait en cours, indiquerait à suffisance qu’il y aurait eu un accord entre le demandeur et l’administration communale de Schifflange quant à la cessation de ses fonctions. Il remplirait dès lors les conditions pour se voir attribuer le cadeau d’adieu. Quant à la motivation de l’administration communale de Schifflange de justifier son refus en s'appuyant sur la dernière phrase de l'article 2 du règlement communal 22 septembre 2006, qui prévoit que les modalités de l'octroi d'un cadeau d'adieu « ne sont en aucun cas applicables aux personnes ayant fait l'objet d'un licenciement ou qui ont quitté leur service suite à un litige avec la commune », le demandeur estime qu’il ne rentrerait pas dans cette catégorie. Il critique l’argumentation de l’administration communale selon laquelle les fautes qui lui seraient reprochées auraient pu conduire à son licenciement au motif que ce dernier concept ne serait pas consacré dans le statut général des fonctionnaires communaux, lequel traiterait de la révocation en lieu et place du licenciement ainsi que cela figurerait à l'article 58 de la loi du 24 décembre 1985. Il conclut en affirmant que l’administration communale de Schifflange interprèterait de manière erronée la disposition susvisée étant donné que le demandeur n'aurait pas cessé ses fonctions « suite à un litige avec la commune », mais suite à la décision de mise à la retraite de la commission spéciale des pensions alors que la procédure disciplinaire aurait été pendante.

L’administration communale duplique en insistant sur le fait que les conditions d’octroi du cadeau d’adieu ne seraient pas réunies en l’espèce.

D’une part, le demandeur n'aurait pas quitté son emploi de plein gré et la cessation de ses fonctions n'auraient pas eu lieu d'un commun accord avec la commune étant donné que conformément à l'article 49 paragraphe 3 de la loi du 24 décembre 1985, si la commission constate une invalidité telle que la mise à la retraite s'impose, l'autorité investie du droit de nomination doit prononcer la démission du fonctionnaire en cause dans les deux mois de la notification de la décision de la commission. Il expose que ce serait précisément cela qui se serait passé en l’espèce au vu des conclusions de la décision de la commission des pensions du 27 septembre 2010 selon laquelle : « il résulte du rapport des médecins commis qu'… n'est actuellement pas capable d'exercer ses fonctions, ni de les reprendre dans un avenir proche, ni d'exercer une autre fonction publique » et « … est atteint d'une invalidité telle que la mise à la retraite s'impose », l’administration communale de Schifflange n’aurait eu d’autre choix que de prononcer la démission du demandeur de sorte que le demandeur ne pourrait prétendre que la cessation de ses fonctions serait intervenue d'un commun accord avec la commune, alors que cette dernière se serait trouvée dans l'obligation légale d'exécuter la décision précitée de la commission spéciale des pensions, voire de le démissionner d'office de ses fonctions.

D’autre part, il ressortirait sans équivoque des pièces du dossier que le demandeur était âgé de … ans et n’avait qu’une ancienneté de … ans au moment de sa mise à la retraite de sorte à manifestement ne pas avoir atteint l'âge de la retraite au moment de la cessation d'office de ses fonctions. Il s’ensuivrait qu’une mise à la retraite anticipée ne saurait équivaloir à un départ à la retraite pour atteinte de la limite d'âge ou accomplissement d'un nombre déterminé d'années de service car admettre le contraire reviendrait à priver le règlement communal 22 septembre 2006 de son effet utile et de conférer un avantage injustifié aux fonctionnaires communaux comme le demandeur qui n'auraient pas atteint la limite d'âge voire qui n’auraient pas travaillé un nombre suffisant d'années auprès de la commune.

Enfin, l’administration communale de Schifflange conclut que le demandeur se trouverait expressément exclu du bénéfice d'un cadeau d'adieu étant donné que le règlement communal du 22 septembre 2006 dispose qu'un tel cadeau ne peut être alloué aux personnes ayant fait l'objet d'un licenciement ou ayant quitté leur service suite à un litige avec la commune. En l'espèce, bien que la procédure disciplinaire initiée par la commune aurait été classée sans suite, par une décision du commissaire du gouvernement du 5 janvier 2011, il n’en resterait pas moins que le commissaire du gouvernement aurait pris le soin de préciser que ce classement aurait eu lieu en raison de « la mise à la retraite prématurée pour raison de santé du sieur … ». Il s’ensuit que l'instruction disciplinaire n'aurait pas été classée sans suites pour défaut de fondement mais au motif que le demandeur aurait été mis à la retraite et que si la procédure disciplinaire avait suivi son cours, les fautes reprochées au demandeur dans l'accomplissement de son travail de rédacteur auraient pu conduire à sa révocation, de sorte que l'attribution d'un cadeau d'adieu aurait en tout état de cause dû lui être refusée.

Le tribunal constate que les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si les conditions posées à l’article 2 du règlement communal du 22 septembre 2006 pour bénéficier du cadeau d’adieu sont remplies par le demandeur, en l’espèce, et, plus spécifiquement, quant à celle de savoir si la mise à la retraite anticipée du demandeur équivaudrait à un départ qui pourrait être qualifiée de commun accord entre lui et l’administration communale.

Il échet tout d’abord de relever que les considérants du règlement communal du 22 septembre 2006 indiquent les motifs pour lesquels ce dernier fut modifié, à savoir, notamment, les motifs suivants : « (…) Considérant qu’il est d’usage que la commune offre un cadeau d’adieu au personnel communal et aux conseillers communaux quittant leurs fonctions auprès de la commune ; Considérant qu’il y a lieu d’éviter l’arbitraire et d’appliquer les mêmes critères pour des cas similaires (…) ».

Il y a ensuite lieu de rappeler qu’en vertu de l'article 2 du règlement communal du 22 septembre 2006, le personnel communal (ouvrier, employés, fonctionnaires, personnel enseignant) peut bénéficier d'un cadeau d'adieu à condition d'avoir « occupé une activité rémunérée auprès de l'administration communale soit à tâche complète, soit à tâche partielle pendant une période ininterrompue de cinq ans accomplis à la date de sortie.

Les présentes modalités s'appliquent à toute personne énumérée sub 1. qui quitte son emploi soit de plein gré et d'un commun accord avec la Commune, soit pour avoir atteint l'âge de la retraite. Elles ne sont en aucun cas applicables aux personnes ayant fait l'objet d'un licenciement ou qui ont quitté leur service suite à un litige avec la Commune ».

Il s’ensuit que l’article 2 sus-visé pose d’une part une condition d’ancienneté, à savoir, avoir exercé une tâche complète ou partielle à raison d’une période minimale et ininterrompue de cinq ans accomplis à la date de sortie et, d’autre part, une condition alternative quant aux conditions du départ, à savoir soit de plein gré et de commun accord avec la commune, soit pour avoir atteint l’âge de la retraite.

Il est constant en l’espèce que le demandeur ayant exercé une tâche au sein de la commune en tant que rédacteur pendant … ans, remplit la condition d’ancienneté.

Il est également constant en l’espèce que le demandeur ayant fait l’objet d’une décision de mise à la retraite anticipée ne remplit pas la deuxième branche de la deuxième condition alternative, à savoir celle du départ pour avoir atteint l’âge de la retraite.

Il reste partant à examiner la question de savoir si le demandeur remplit les conditions posées à la première branche de la deuxième condition alternative, à savoir s’il est parti de son plein gré et de commun accord avec la commune.

Il ressort des pièces et éléments du dossier que la commission spéciale des pensions prit une décision en date du 27 septembre 2010 aux termes de laquelle « … est atteint d'une invalidité telle que la mise à la retraite s 'impose ».

Il ressort par ailleurs que la décision du conseil communal du 3 décembre 2010 fait, en plus du renvoi à la décision sus-visée de la commission spéciale des pensions, notamment, référence à la loi du 24 février 1999 modifiant la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux pour décider unanimement « de démissionner le sieur … de ses fonctions avec effet au … ».

Le régime de la cessation définitive des fonctions d’un fonctionnaire communal est prévu à l’article 49 de la loi du 24 décembre 1985 qui dispose que :

« 1. Hormis le décès la cessation définitive des fonctions résulte :

a) de la démission volontaire régulièrement acceptée;

b) de la démission d’office ;

c) des dispositions relatives à la limite d’âge ;

d) de la suppression d’emploi. » Et l’article 51 de la même loi précise que « 1. La démission d’office résulte de plein droit :

a) de la perte de la nationalité luxembourgeoise;

b) de la perte de tout ou partie des droits civils et politiques ;

c) de la notification de la mise à la retraite pour des causes autres que celle de la limite d’âge ;

d) de la perte de l’emploi dans les conditions spécifiées à l’article 60 du présent statut;

e) de la revocation (…) » En l’espèce, il y a lieu de constater que la cessation des activités du demandeur, prononcée par délibération du conseil communal du 3 décembre 2010 suite à la décision de la commission des pensions du 27 septembre 2010, est intervenue sur base de la démission d’office prévue à l’article 49 b) (les autres cas de démission n’étant manifestement pas applicables), laquelle démission d’office est réputée par l’article 51 c) sus-visé résulter de plein droit de la notification de la mise à la retraite pour les causes autres que celle de la limite d’âge, comme en l’espèce, l’invalidité du demandeur.

Il s’ensuit qu’étant donné que la démission d’office est réputée par l’article 51 c) sus-

visé résulter de plein droit de la notification de la mise à la retraite pour les causes autres que celle de la limite d’âge, cette démission est dépourvue de tout caractère volontaire dans le chef du fonctionnaire concerné en ce sens qu’elle échappe à son libre arbitre. Partant, il y a lieu de constater que la condition posée à la première branche de la deuxième condition alternative de l’article 2 du règlement communal du 22 septembre 2006, à savoir celle qui exige que le fonctionnaire communal soit parti de son plein gré et de commun accord avec la commune, n’est pas remplie en l’espèce, le demandeur s’étant vu notifier sa mise à la retraite par la commission des pensions, laquelle entraîna sa démission d’office, sans qu’il ne lui ait été possible d’intervenir par l’effet de sa volonté dans ladite procédure. Partant le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu des développements qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens et arguments développés par les parties à l’instance.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’allocation d’une indemnité de procédure de … euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure formulée par la partie demanderesse ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Anne Gosset, juge, Paul Nourissier, juge, et lu à l’audience publique du 29 mars 2012 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 mars 2012 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 28794
Date de la décision : 29/03/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-03-29;28794 ?

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