Tribunal administratif N° 29781 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2012 1re chambre Audience publique du 21 mars 2012 Recours formé par Monsieur … et consort, … contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 29781 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2012 par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … (Macédoine), de nationalité macédonienne, et de son épouse, Madame …, née le … (Albanie), de nationalité albanaise, les deux demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant 1) à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 13 janvier 2012 par laquelle le ministre a décidé de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision du même ministre du 13 janvier 2012 portant rejet de leur demande de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2012 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel Baulisch et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2012.
Le 3 novembre 2011, Monsieur …, et son épouse Madame …, ci-après désignés par « les époux …-… », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par la « loi du 5 mai 2006 ».
En date du même jour, les époux …-… furent entendus par un agent de la police grand-
ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
En date du 15 novembre 2011, respectivement en date du 17 novembre 2011, Madame … respectivement Monsieur … furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 13 janvier 2012, envoyée aux intéressés par lettre recommandée du 16 janvier 2012, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, désigné ci-après par le « ministre », informa Monsieur … et son épouse Madame …, qu’il avait statué sur le bien-
fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères en date du 3 novembre 2011.
En vertu des dispositions de l'article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu'il est statué sur le bien-fondé de vos demandes de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée parce qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :
a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence ou d'une pertinence insignifiante au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » c) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 21 de la présente loi; » En mains le rapport du service de Police Judicaire du 3 novembre 2011 qui constate que vous êtes venus au Luxembourg avec des passeports valables. En mains également les rapports de l'agent du Ministère des Affaires étrangères datés des 15 novembre et 17 novembre 2011.
Monsieur, vous exposez que vous seriez originaire de l'ARYM et d'ethnie rom. Vous auriez fait l'école primaire mais vous n'auriez pas eu les ressources suffisantes pour poursuivre vos études. Vous auriez travaillé au noir dans la construction. Vous auriez été inscrit au bureau de chômage mais ce bureau ne vous aurait pas trouvé de travail. Vous auriez déjà circulé en Italie et en Allemagne mais sans déposer de demande d'asile dans ces pays.
Vous auriez quitté l'ARYM car vous n'auriez pas eu assez d'argent pour payer votre loyer.
Vous auriez aussi été maltraité par des Albanais que vous craindriez et vous auriez peur de circuler librement. Vous n'auriez pas été bien vu dans votre quartier. Vous n'auriez cependant pas tenté de vous installer dans une autre région. Vous auriez travaillé sans être rémunéré pour des Albanais car vous dites que tous les roms (sic) ont des problèmes avec tous les Albanais. Vous auriez emprunté de l'argent à un Albanais pour venir ici. Vous auriez travaillé pour lui et c'est comme cela que vous auriez fait sa connaissance. Vous auriez raconté que vous aviez besoin de cet argent pour consulter un médecin avec votre femme qui aurait été enceinte. Il vous aurait donné deux mois pour rendre cet argent. Des Albanais inconnus auraient demandé après vous à votre père et ils l'auraient frappé.
Vous Madame, vous seriez de nationalité albanaise et d'ethnie rom. Vous dites que votre mari n'avait pas de travail en ARYM et que votre situation économique aurait été précaire. Vous aimeriez aussi que votre futur enfant naisse ici. Vous dites avoir beaucoup de dettes, notamment des arriérés de loyer et vous ne pouvez pas demander de l'aide à vos parents car ils seraient divorcés et vous n'auriez plus eu de contacts avec eux depuis l'âge de huit ans. Vous auriez vécu avec votre grand-mère qui serait très pauvre.
En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans vos chefs une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, vos demandes de protection internationale ne sont basées que sur des motifs économiques et ne répondent à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. En effet, le fait d'avoir des dettes de loyer à payer ne saurait justifier l'octroi du statut de réfugié. Quant à vos craintes générales à l'encontre de tous les Albanais, elle n'est pas non plus de nature à constituer un acte de persécution au sens de la Convention et de la loi précitée d'autant plus que des Albanais non autrement désignés ne sauraient être considérés comme des agents de persécution. Le fait d'être inscrit dans un bureau de chômage et de ne pas se voir proposer un emploi ne peut pas non plus constituer une persécution au sens desdites convention et loi. Je constate aussi, Madame, que vous avez dit avoir travaillé comme serveuse.
Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre vos vies intolérables dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de vos demandes de protection internationale, des raisons économiques ainsi que votre crainte générale des Albanais ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre vos vies en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de I'ARYM, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.
Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif.
Contre la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans le cadre d'une procédure accélérée, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif.
Contre l'ordre de quitter le territoire, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif.
Les trois recours doivent faire l'objet d'une seule requête introductive signée d'un avocat à la Cour, sous peine d'irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente.
Je vous informe par ailleurs que la décision du tribunal administratif ne sera susceptible d'aucun appel, et que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2012, Monsieur … et son épouse, Madame …, ont fait introduire un recours tendant 1) à l’annulation de la décision précitée du ministre du 13 janvier 2012 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) à la réformation de la décision précitée du même ministre du 13 janvier 2012 portant rejet de leurs demandes de protection internationale et 3) à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.
1) Quant au recours tendant à l’annulation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Les demandeurs concluent en premier lieu à la recevabilité du recours précité, et font valoir à cet égard que si l’article 20, paragraphe 5 de la loi du 5 mai 2006 exclurait certes explicitement tout recours contre une décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, il n’en demeurerait pas moins que ce paragraphe serait contraire tant à l’article 2, paragraphes 1 et 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, qu’aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Finalement, le prédit paragraphe serait encore contraire à l’article 39 de la Directive 2005/85/CE intitulée « droit à un recours effectif ». Les demandeurs demandent par conséquent que la Cour de Justice de l’Union Européenne soit saisie d’une question préjudicielle portant sur la compatibilité de l’article 20, paragraphe 5 de la loi du 5 mai 2006 avec les dispositions communautaires précitées.
Force est au tribunal de constater, d’un côté, que la Cour de Justice, par arrêt du 28 juillet 2011, affaire C-69/10, a tranché la question posée en l’espèce, et que, d’un autre côté, la loi du 5 mai 2006 a été entre-temps modifiée en ce sens que l’article 20, paragraphe 4 prévoit désormais qu’un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée.
Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation sous analyse qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond, force est au tribunal de constater que les demandeurs n’invoquent aucun moyen spécifique à l’égard de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le tribunal, dont l’analyse est limitée aux moyens invoqués par les demandeurs, sauf en ce qui concerne les questions d’ordre public, est amené à conclure que le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale des demandeurs dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir retenu qu’il n’y aurait aucune crainte de persécutions dans leur chef pour un des motifs énumérés à l’article 1er, A paragraphe 2 de la Convention de Genève, dans la mesure où cette conclusion méconnaîtrait leur situation spécifique. En effet, ils auraient dû quitter leur pays d’origine alors qu’ils ne pouvaient plus y vivre et ceci principalement à cause des menaces lancées à leur encontre. Ainsi, Monsieur … serait originaire de la Macédoine et d’ethnie rom, tandis que Madame … serait de nationalité albanaise et également d’ethnie rom. Ils n’auraient pas eu de ressources suffisantes pour poursuivre leurs études et Monsieur … aurait ainsi dû travailler au noir dans la construction. Par la suite, ils se seraient inscrits au bureau de chômage, cependant sans succès. Ainsi, leur situation économique aurait été précaire et leurs dettes de loyer n’auraient pas arrêté de s’accumuler, faute d’emploi. De surcroît, Monsieur … aurait travaillé occasionnellement pour des Albanais, mais sans être rémunéré. D’autre part, ils auraient dû quitter leur pays d’origine dans la mesure où ils y auraient été maltraités, voir menacés par les Albanais. En effet, pour pouvoir venir au Luxembourg, Monsieur … aurait emprunté de l’argent à un Albanais, pour lequel il avait travaillé, en avançant qu’il aurait besoin de cet argent pour consulter un médecin avec sa femme qui serait enceinte. Alors que le prédit Albanais lui aurait donné deux mois pour rembourser la dette, les demandeurs auraient quitté d’urgence leur pays d’origine. Après leur départ, des Albanais inconnus auraient menacé le père du demandeur pour lui demander où se trouvait son fils et ils l’auraient de surcroît frappé.
Le délégué du gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et en vertu de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « réfugié » est définie comme tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.
En l’espèce, l’examen des faits et des motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale dans le cadre de leurs auditions respectives ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
En effet, en ce qui concerne la situation de la communauté rom en Macédoine, au vu des informations fournies au tribunal, il y a lieu de retenir que le seul fait d’appartenir à la minorité rom de Macédoine ne suffit pas pour justifier l’octroi d’une protection internationale.
Il résulte en effet des déclarations des demandeurs, telles qu’actées aux rapports d’audition, que ceux-ci n’ont subi aucune persécution dans leur pays d’origine, mais qu’ils ont quitté leur pays d'origine parce qu’ils se retrouvaient sans emploi et sans revenus. Or, le fait de souffrir de difficultés économiques et le fait de ne pas trouver un emploi ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. La simple affirmation selon laquelle il ne serait pas possible pour un Rom de trouver un emploi en Macédoine n’est pas, en l’absence d’autres précisions, suffisante pour retenir une discrimination dans le chef des demandeurs, ceux-ci n’ayant pas apporté des éléments concrets pour prouver qu’un emploi leur aurait été refusé à cause de leur origine rom. En ce qui concerne la crainte du demandeur de devoir rendre des comptes à l’Albanais auprès duquel il a emprunté de l’argent, force est au tribunal de constater que les demandeurs ont emprunté de l’argent en avançant de faux motifs et en acceptant les conditions posées par cette personne albanaise, de sorte qu’il n’apparaît pas que cet emprunt ou les éventuelles conséquences à subir au cas où les demandeurs ne seraient pas en mesure de rembourser le prédit prêt dans les conditions convenues soient influencées par un des motifs retenue par la Convention de Genève. Il en est de même de la dette découlant de l’accumulation des loyers non payés, qui constitue une relation de droit privé étrangère à la Convention de Genève.
En ce qui concerne le fait que des Albanais inconnus ont interrogé le père du demandeur sur son séjour et qu’ils l’ont frappé, force est au tribunal de constater que cet évènement est à qualifier d’incident isolé ne revêtant pas le caractère de gravité requis pour être qualifié de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs, il n’apparaît pas du récit des demandeurs que le père de Monsieur … se serait retourné en vain vers des autorités policières ou judiciaires macédoniennes, de sorte que l’incident précité, vu que les agresseurs sont à qualifier de personnes privées, n’est pas à qualifier de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006 étant donné qu’un défaut de protection de la part des autorités macédoniennes n’est pas démontré ni même allégué en cause.
Il suit que les demandeurs n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef une crainte fondée de persécution pour des raisons de race, de religion, d’opinions politiques, de nationalité ou d’appartenance à un certain groupe social dans leur pays d'origine.
Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate que les demandeurs ne formulent aucun moyen explicitement dirigé contre la décision déférée en ce qu’elle leur a refusé la protection subsidiaire, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’ils ont implicitement entendu baser leur recours concernant le refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes moyens que ceux exposés à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Force est de constater à cet égard, d’une part, que l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 parle de traitements ou de sanctions « infligés », tandis que l’article 28 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’« atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de précarité ou de pauvreté, à lui seul, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006. Par ailleurs, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des arguments des parties que la situation qui prévaut actuellement en Macédoine corresponde à un contexte de violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 37 précité.
Partant, le recours en réformation est également à rejeter comme étant non fondé en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision ministérielle refusant aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire.
3) Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 20 décembre 2011 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du ministre vaut décision de retour », laquelle est définie par l’article 2. o) de la même loi comme étant « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Les demandeurs soutiennent à l’appui de leur recours en annulation dirigé à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire qu’ils auraient créé une vie familiale effective au Luxembourg, de sorte que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Force est au tribunal de constater de prime abord que les demandeurs n’ont à aucun moment fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, ni d’atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la même loi, de sorte que, en leur refusant l’octroi d’une protection internationale, c’est à bon droit que le ministre leur a enjoint de quitter le territoire en vertu de l’article 20, paragraphe 2 en vertu duquel une décision négative du ministre vaut décision de retour et ordre de quitter le territoire.
En ce qui concerne le moyen des demandeurs que la décision déférée serait contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, force est au tribunal de constater que s’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.1 Par ailleurs, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit seulement l’exercice du droit au respect d’une vie familiale existante et ne comporte pas le droit de choisir l’implantation géographique de cette vie familiale.
En l’espèce, force est au tribunal de constater que dans la mesure où l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne confère pas un choix à une implantation géographique, les demandeurs ne sauraient se prévaloir de cette disposition pour s’opposer à l’ordre de quitter le territoire.
Il suit des considérations qui précèdent que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire, de sorte que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 13 janvier 2012 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée :
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 13 janvier 2012 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 13 janvier 2012 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
1 v. TA 24 février 1997, n° 9500 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Etrangers, n° 325 et références y citées Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mars 2012 par:
Marc Sünnen, vice-président, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Hoffmann s. Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21.3.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 9