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07/02/2012 | LUXEMBOURG | N°28490

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2012, 28490


Tribunal administratif No 28490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril 2011 3e chambre Audience publique du 7 février 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions de la commission d’examen en matière d’examen-concours pour l’admission au stage dans la fonction publique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28490 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2011 par Maître Marc Kerger, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans emploi, deme...

Tribunal administratif No 28490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril 2011 3e chambre Audience publique du 7 février 2012 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions de la commission d’examen en matière d’examen-concours pour l’admission au stage dans la fonction publique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 28490 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2011 par Maître Marc Kerger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, sans emploi, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation :

- d’une « décision » d’annotation de 3,5 sur 20 points à l’épreuve de langue anglaise rédigée par le demandeur lors de l’examen-concours pour l’admission au stage dans la carrière du rédacteur dans les administrations de l’Etat et des établissements publics dans la session du 15 décembre 2010 ;

- d’une décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 ayant arrêté et validé les résultats de l’examen-concours du 15 décembre 2010 ;

- d’une « décision » du 21 janvier 2011 de Madame …, conseiller de direction 1ère classe annonçant au demandeur son échec à l’examen-concours ;

- d’une décision de la commission d’examen, notifiée par le président de la commission d’examen en date du 25 mars 2011, refusant de revoir le résultat de l’examen-concours du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2011 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2011 par Maître Marc Kerger au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Kerger et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 15 décembre 2010, Monsieur … participa à l’examen-concours pour l’admission au stage dans la carrière du rédacteur dans les administrations de l’Etat et des établissements publics.

Par un courrier du 21 janvier 2011, signé par Madame …, conseiller de direction 1ère classe auprès du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Monsieur … fut informé de son échec audit examen-concours dans les termes suivants :

« Monsieur, Je vous prie de bien vouloir trouver en annexe les résultats que vous avez obtenus aux différentes épreuves théoriques de l’examen-concours du 15 décembre 2010.

L’article 9 paragraphe 17 alinéa dernier du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 déterminant les conditions générales et les modalités du recrutement et de sélection applicables à tous les examens concours d’admission au stage dans les administrations et services de l’Etat stipule que « l’examen-concours est éliminatoire pour les candidats qui n’ont pas obtenu les trois cinquièmes de l’ensemble des points de toutes les épreuves et la moitié du maximum des points dans chacune des épreuves ».

Au vu de vos résultats, je suis au regret de vous informer que vous avez échoué à cet examen-concours. Votre résultat ne vous empêche cependant pas de participer à un examen-

concours ultérieur. (…) ».

L’annexe dudit courrier renseigne, par référence au procès-verbal de la commission d’examen qui s’est réunie afin de valider les résultats de l’examen-concours, une note de 28 sur 60 points dans l’épreuve de langues étrangères et une appréciation globale « insuffisant ». Cette note insuffisante s’expliqua plus précisément par une annotation de 3,5 sur 20 points en langue anglaise.

Par courrier du 27 janvier 2011, Monsieur … demanda de pouvoir revoir ses copies d’examen à l’épreuve des langues étrangères.

Après avoir été informé que sa copie d’examen en langue anglaise avait été détruite par inadvertance, Monsieur … s’adressa, par courrier du 11 mars 2011, au président de la commission d’examen et constata l’impossibilité pour lui de connaître la raison d’être de la notation obtenue en langue anglaise, contesta ladite notation et proposa, à défaut de disposer de la copie de son examen, que soit prise en compte ou bien la notation obtenue par lui en langue anglaise lors d’un précédent examen-concours, à savoir une note de 6 sur 20 points, ou bien qu’il lui soit accordé la possibilité de refaire l’épreuve en langue anglaise.

Par courrier du 25 mars 2011, le président de la commission d’examen informa Monsieur … de ce que la commission d’examen avait décidé de ne pas réserver une suite favorable à sa demande. Ledit courrier est libellé comme suit :

« Monsieur, Me référant à votre courrier du 11 mars 2011 concernant votre résultat à l’examen-

concours pour l’admission au stage dans la carrière du rédacteur organisé en date du 15 décembre 2010 et comme suite à ma lettre du 18 mars 2011, je tiens à vous informer que le jury d’examen s’est réuni en date du 24 mars 2011 pour discuter de vos revendications formulées dans votre lettre précitée.

Au cours de cette réunion, il a été constaté que vos résultats de l’examen-concours du 15 décembre 2010 ont été arrêtés et validés par la commission d’examen en date du 20 janvier 2011. Etant donné que les décisions de la commission d’examen sont sans recours conformément aux dispositions de l’article 9.15 du règlement grand-ducal modifié du 30 janvier 2004 déterminant les conditions générales et les modalités de recrutement et de sélection applicables à tous les examens-concours d’admission au stage dans les administrations et services de l’Etat, le constat que votre copie d’examen en langue anglaise a été malheureusement détruite et que par conséquent vous n’avez pas eu la possibilité de pouvoir consulter cette copie au Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ne change rien au fait que vous avez obtenu 3,5/20 points en langue anglaise avec une moyenne de 28/60 points dans les trois langues étrangères, le droit de consultation qui vous est conféré par le règlement grand-ducal précité n’équivalant pas à un droit de remettre en cause la décision de la commission d’examen.

En ce qui concerne vos revendications formulées dans votre courrier du 11 mars 2011 qui reviennent, soit de prendre en compte votre note en langue anglaise obtenue à l’examen-

concours organisé le 8 juillet 2010 pour le résultat de l’examen-concours du 15 décembre 2010, soit d’organiser le cas échéant une épreuve supplémentaire en langue anglaise, le jury d’examen a constaté que les dispositions du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, à savoir, celles prévues aux articles 9.17. et 10.2 de ce règlement, ne permettent pas de tenir compte de vos propositions formulées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2011, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une « décision » de la notation de 3,5 sur 20 points à l’épreuve de langue anglaise, 2) d’une décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 ayant arrêté et validé les résultats de l’examen-concours et ayant arrêté une mention « insuffisant » en raison d’une note de 28 sur 60 points dans les épreuves de langues étrangères, 3) d’une « décision » du 21 janvier 2011 de Madame …, conseiller de direction 1ère classe, lui annonçant son échec à l’examen-concours et 4) d’une décision du 25 mars 2011 notifiée par le président de la commission d’examen refusant de revoir le résultat de l’examen-concours.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours en réformation contre une décision d’échec à l’examen-concours, étant précisé que les différents actes attaqués, indépendamment de leur caractère décisionnel, ont tous trait à l’admission du candidat à l’examen-concours, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce. Le tribunal est partant incompétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal.

Quant au recours en annulation, le délégué du gouvernement met en cause la recevabilité du recours par rapport à la question de savoir si les actes attaqués font grief à Monsieur … et par rapport à la question de leur caractère décisionnel.

Ainsi, en ce qui concerne la première décision attaquée, à savoir la notation de l’épreuve d’anglais, le délégué du gouvernement donne à considérer que ce ne seraient pas les notes attribuées par les deux correcteurs à l’épreuve qui feraient l’objet du recours, mais il s’agirait de la moyenne tirée par le président de la commission d’examen des deux notes attribuées par les correcteurs. Il estime que la décision en question s’inscrirait dans le cadre de la décision de la commission d’examen ayant arrêté et validé les résultats de l’examen-concours, de sorte qu’il y aurait lieu d’apprécier la recevabilité du recours par rapport à cette dernière décision.

En ce qui concerne la décision de la commission d’examen ayant arrêté et validé les résultats de l’examen-concours, le délégué du gouvernement souligne que celle-ci serait matérialisée par un procès-verbal signé par trois membres de la commission, ainsi que le relevé des notes comprenant le classement des candidats avec les mentions obtenues par ceux-ci. Il se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours pour autant qu’il vise ladite décision de la commission.

En ce qui concerne la lettre du 21 janvier 2011 signée par Madame …, le délégué du gouvernement soutient qu’il ne s’agirait-là que de l’information donnée au candidat des résultats obtenus en vertu de l’article 9.20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 déterminant les conditions générales et les modalités de recrutement et de sélection applicables à tous les examen-concours d’admission au stage dans les administrations et services de l’Etat, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 ». S’agissant d’un acte à caractère purement informatif, le recours dirigé contre cet acte serait irrecevable.

Enfin, la partie étatique se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours pour autant qu’il vise la décision du 25 mars 2011 refusant de revoir le résultat de l’examen-concours, en soulignant qu’il s’agirait en quelque sorte d’une décision confirmative de la décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011.

Toujours par rapport à la question de la recevabilité du recours, le délégué du gouvernement conteste encore l’intérêt à agir dans le chef de Monsieur …, en soutenant que l’aboutissement du recours ne pourrait apporter aucun remède effectif à la violation du droit invoqué par lui, à savoir son droit de consulter sa copie d’examen. Dans ce contexte, la partie étatique souligne que le seul argument invoqué par Monsieur … consisterait à relever un vice de la décision de la commission d’examen dans la mesure où il ne pourrait pas consulter sa copie d’examen. Or, que la copie d’examen existe ou non, l’autorité administrative serait dans l’impossibilité de réviser le résultat de l’épreuve, ni ne pourrait-elle prendre une autre décision à l’égard de Monsieur …. Dans cet ordre d’idées, la partie étatique fait encore valoir que les propositions concrètes faites par Monsieur … dans son courrier précité du 11 mars 2011 seraient contraires aux dispositions du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 et entraîneraient pour le surplus une situation contraire au principe d’égalité devant la loi, puisque Monsieur … recevrait alors un traitement de faveur par rapport à tous les autres candidats.

Au regard des contestations ainsi soulevées par le délégué du gouvernement quant à la recevabilité du recours, le tribunal est de prime abord appelé à vérifier la recevabilité du recours par rapport à la nature des actes critiqués et plus particulièrement par rapport à leur caractère décisionnel.

A cette fin, le tribunal devra examiner si les actes litigieux constituent des décisions administratives au sens de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, c’est-à-dire de véritables décisions affectant les droits et intérêts du demandeur qui les conteste.

A cet égard, il convient de relever que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame (cf. F. Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n° 59 ; trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618, Pas. adm. 2010, V° Actes administratifs, n° 26, et autres références y citées). Plus particulièrement, n'ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n'étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l'administration, tout comme les déclarations d'intention ou les actes préparatoires d'une décision (trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm. 2010, V° Actes administratifs, n° 43, et autres références y citées).

La décision qui, en l’espèce, fait grief à Monsieur … est celle de son échec à l’examen-

concours. Tel que cela a été relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, la note de 3,5 sur 20 points critiquée par Monsieur … est le résultat de la moyenne tirée par le président de la commission d’examen des notes attribuées par les deux correcteurs en vertu de l’article 9.13, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004. Force est de constater que cette décision du président de la commission d’examen s’inscrit dans le cadre de la décision de la commission d’examen de retenir une mention « insuffisant » après avoir arrêté une note de 28 sur 60 points à l’épreuve des langues étrangères. L’annotation de 3,5 points n’est ainsi en réalité qu’un acte préparatoire à la décision de la commission d’examen de retenir l’échec de Monsieur … à l’examen-concours, qui elle constitue l’étape finale dans le processus décisionnel ayant trait à la réussite ou non de l’examen-concours et qui est de nature à faire grief au demandeur. Il s’ensuit que la décision du président de la commission d’examen de retenir une moyenne arithmétique des notes obtenues à l’épreuve d’anglais n’est pas susceptible d’un recours, la légalité de cette décision étant examinée dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision de la commission d’examen de retenir l’échec de Monsieur …. Il s’ensuit que le recours pour autant qu’il est dirigé contre une « décision d’annotation » de 3,5 sur 20 points à l’épreuve de la langue anglaise est à déclarer irrecevable.

Quant au recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision de la commission d’examen d’arrêter et de valider les résultats de l’examen-concours et d’arrêter une mention insuffisante à l’égard de Monsieur …, il convient de relever que celle-ci est matérialisée par le procès-verbal du 20 janvier 2011. Le relevé annexé audit procès-verbal reprend les résultats obtenus par les candidats dans les différentes branches, et plus particulièrement ceux de Monsieur …, la moyenne générale obtenue, l’admission ou l’échec du candidat et la mention dont son résultat est assorti. Il convient encore de relever qu’au regard du libellé de la requête introductive d’instance, en ce que Monsieur … critique en substance son échec à l’examen-concours compte tenu de la note lui attribuée en langue anglaise, il y a lieu d’admettre que le recours est dirigé contre la décision de la commission d’examen, matérialisée par le procès-verbal du 20 janvier 2011, uniquement pour autant qu’il vise le résultat arrêté à l’égard de Monsieur ….

Tel que cela a été retenu ci-avant, la décision ainsi prise par la commission d’examen quant à l’échec de Monsieur … constitue la décision finale dans le processus décisionnel relatif à la réussite de l’examen-concours, qui est de nature à faire grief au demandeur en ce qu’elle retient une mention « insuffisant » et une note inférieure à la moitié des points en langues étrangères, ce qui, en vertu de l’article 9.17, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, est une note éliminatoire pour le candidat visé. Il s’ensuit que la décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 revêt un caractère décisionnel, de sorte qu’elle est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne la décision de la commission d’examen, notifiée à Monsieur … par le président de la commission en date du 25 mars 2011, dans la mesure où elle constitue la confirmation du résultat de l’examen-concours après que le demandeur a protesté contre ledit résultat.

Quant au courrier de Madame … du 21 janvier 2011, s’il est vrai qu’il y est précisé que Monsieur … a, compte tenu des résultats obtenus tels qu’ils ont été repris à l’annexe dudit courrier, échoué à l’examen-concours, ledit courrier ne véhicule pas une décision propre, mais n’a pour objet que de porter à la connaissance de Monsieur … la décision d’échec antérieurement prise par la commission d’examen lorsqu’elle a validé et arrêté les résultats de l’examen. Ledit courrier ne comportant ainsi aucun élément décisionnel propre, mais ne constituant qu’une simple lettre d’information, le recours dirigé à son encontre est à déclarer irrecevable.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à déclarer irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre une « décision » d’annotation de 3,5 sur 20 points et contre le courrier précité de Madame … du 21 janvier 2011.

Il convient ensuite d’examiner le moyen d’irrecevabilité fondé sur un défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur, en ce que son recours ne pourrait, d’après le représentant étatique, apporter aucun remède effectif à la violation du droit invoquée par lui.

L'intérêt à agir conditionne la recevabilité d'un recours contentieux. En matière de contentieux administratif portant, comme en l'espèce, sur des droits objectifs, l'intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu'une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d'un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif. (Cour. Adm. 14 juillet 2009, n° 23857C du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure contentieuse, n° 2).

Pour pouvoir justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle (Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure contentieuse, n° 7).

En l’espèce, s’il est vrai que les irrégularités invoquées par le demandeur en rapport avec la consultation de sa copie d’examen sont postérieures à la décision d’échec à l’examen-

concours, et que, le cas échéant, se pose la question de savoir si une irrégularité à ce niveau puisse avoir une incidence sur la légalité de la décision déférée antérieurement prise, cette question a trait au bien-fondé du moyen – qui sera analysée ci-après -, mais elle reste sans incidence quant à l’intérêt à agir, c’est-à-dire à la recevabilité de l’action intentée par le demandeur, pareil intérêt étant vérifié en l’espèce, étant donné que le demandeur a un intérêt personnel, direct, effectif, né, actuel et légitime à agir à l’encontre d’une décision constatant son échec à l’examen-concours qui fait l’objet du présent recours et qui, tel que cela a été retenu ci-

avant, lui fait grief.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir invoqué par le délégué du gouvernement est à rejeter comme étant non fondé.

Il convient encore de relever que s’il est vrai qu’aux termes de l’article 9.15 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, « les décisions de la commission sont sans recours », cette disposition n’entraîne pas l’irrecevabilité du présent recours en annulation, dans la mesure où en vertu des dispositions de l’article 2 (1) et (2), alinéa 2 de la loi du 7 novembre 1996, précitée, le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès de pouvoir et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements et ce recours est admis même contre les décisions qualifiées par les lois et règlements de définitives ou en dernier ressort.

Il s’ensuit qu’un recours en annulation est admissible contre la décision de la commission d’examen constatant l’échec de Monsieur … à l’examen-concours.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours subsidiaire en annulation est recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 ayant arrêté et validé les résultats de Monsieur … à l’examen-

concours du 15 décembre 2010 et ayant arrêté une mention « insuffisant » à l’égard de celui-ci et contre la décision de la commission d’examen du 25 mars 2011, notifiée par le président de la commission d’examen, refusant de revoir le résultat de l’examen-concours, ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans le délai de la loi.

Quant au fond, après avoir décrit les démarches entreprises par lui afin de pouvoir consulter sa copie d’examen, le demandeur fait valoir qu’au regard des dispositions de l’article 9.13, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, une note de 5 sur 20 points à l’épreuve de langue anglaise lui aurait permis, compte tenu des autres résultats obtenus, d’obtenir son admission à l’examen-concours et d’être ainsi classé en rang utile.

En droit, le demandeur invoque l’article 9.20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 prévoyant le droit du candidat à l’examen-concours de consulter sa copie d’examen, et souligne que ce droit serait élémentaire puisqu’il constituerait l’unique garantie de transparence dans l’examen-concours. Cette disposition aurait par ailleurs uniquement un intérêt si le candidat, sur base de la copie consultée, pourrait émettre des doutes quant à la notation lui attribuée.

Par ailleurs, le demandeur émet des doutes quant à l’annotation de son épreuve écrite d’anglais, ayant abouti à une moyenne arithmétique de 3,5 sur 20 points, en faisant état des dires du secrétaire de la commission d’examen suivant lequel une telle note serait au moins attribuée à tout candidat ayant proprement mis son nom et la date sur la copie d’examen. Le demandeur questionne la notation d’autant plus que sa copie d’examen a été détruite. Il estime que compte tenu de ce qu’il aurait rédigé lors de l’examen-concours, une note de 3,5 sur 20 points serait impossible et que sa moyenne devrait se situer facilement au-delà de 5 sur 20 points.

Le demandeur conclut dès lors à une violation de la loi, sinon à un excès de pouvoir, sinon à une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés.

Après avoir pris position sur les contestations du demandeur dans la requête introductive quant au déroulement des entrevues des 18 février 2011 et 2 mars 2011 ayant trait à la consultation de la copie d’examen par le demandeur, le délégué du gouvernement invoque l’article 9.15 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 suivant lequel les décisions de la commission d’examen seraient sans recours, disposition dont il résulterait nécessairement que le droit de consultation de la copie d’examen n’impliquerait aucune possibilité de recours interne, cette possibilité étant expressément exclue par ledit règlement grand-ducal. Le délégué du gouvernement en déduit qu’au niveau purement administratif, les notes attribuées et validées par la commission ne pourraient plus être remises en cause.

D’autre part, le délégué du gouvernement souligne que même en l’absence d’une disposition excluant tout recours interne, il résulterait du texte conférant aux candidats le droit de consulter leur copie d’examen qu’il s’agirait d’un droit n’impliquant aucune remise en cause de la note ayant déjà été arrêtée au moment où cette consultation a lieu. Le règlement grand-ducal du 30 juin 2004 ne prévoirait par ailleurs aucune procédure permettant de remettre en cause la notation opérée par les correcteurs et arrêtée par la commission.

Il donne à considérer que son analyse serait corroborée par la circonstance que les copies d’examen des candidats ne seraient assorties d’aucune annotation, de sorte que l’appréciation qui en a été faite par les correcteurs ne pourrait être déduite d’aucun élément intrinsèque de la copie d’examen. Il en conclut que le droit de consultation prévu à l’article 9.20 du règlement grand-

ducal du 30 janvier 2004 serait destiné à permettre aux candidats de revoir leur copie à titre purement informatif, sans qu’il soit possible de procéder à une remise en cause ultérieure de la note définitivement arrêtée.

Le délégué du gouvernement fait encore valoir qu’il serait totalement irrelevant de savoir si, selon les dires du secrétaire de la commission, une note de 3,5 sur 20 points serait allouée à chaque candidat ayant marqué son nom et la date sur la copie d’examen, puisque le secrétaire de ladite commission n’interviendrait aucunement dans la correction des copies d’examen.

Tout en soulignant que toutes les copies de l’épreuve d’anglais auraient été détruites par inadvertance, le délégué du gouvernement souligne qu’il serait inopérant de savoir combien de points auraient manqué à Monsieur …, puisque ses notes auraient été insuffisantes et que par ailleurs il ne serait pas pertinent de savoir pour quelle raison telle ou telle copie avait été détruite par la suite.

Le délégué du gouvernement conteste encore que le demandeur aurait été renvoyé du ministère à un moment où la copie d’examen existait encore. La raison pour laquelle le demandeur aurait été invité à quitter les lieux à la date d’un rendez-vous initialement fixé au 18 février 2011 pour consulter sa copie d’examen s’expliquerait par le comportement du demandeur et par le fait que ledit rendez-vous avait été reporté à une autre date.

Enfin, l’avis du demandeur que son épreuve mériterait une note supérieure à celle obtenue relèverait de sa pure appréciation personnelle.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur questionne la réalité de l’information de la partie étatique suivant laquelle toutes les copies d’examen auraient été détruites, puisqu’il aurait été informé dans une première phase que seulement « sa » copie de l’épreuve aurait été détruite.

Il donne encore à considérer que même si aucune annotation n’était faite sur la copie d’examen, le droit de consulter ladite copie tel que consacré par l’article 9.20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 ne pourrait avoir qu’une seule et unique raison d’être, à savoir celle de permettre au candidat de remettre en cause la note lui attribuée. Il souligne que si la copie d’examen existait encore et si le tribunal administratif avait pu la consulter, il aurait pu, ou bien annuler la notation s’il était manifeste que la note attribuée était insuffisante, ou bien instituer une expertise afin de déterminer si, dans les circonstances de temps et de lieu identiques, un correcteur normalement prudent et diligent aurait aussi annoté l’épreuve à 3,5 sur 20 points.

En invoquant le principe d’égalité des armes dans un procès, le demandeur soutient qu’il ne serait pas à lui de pâtir de l’inadvertance de l’Etat en ce que sa copie d’examen avait été détruite. Il donne encore à considérer que l’Etat aurait une obligation juridique de concourir à la manifestation de la vérité, qui impliquerait nécessairement que sa copie d’examen doit exister encore. Il souligne encore que le fait que sa copie d’examen avait été détruite rendrait inutile les obligations à charge de l’administration en vertu des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Il en serait ainsi à plus forte raison eu égard à la circonstance que même des candidats avec une moyenne de 36 points, alors que la sienne avait été de 46,43/60, auraient passé l’examen avec succès en rang utile, alors que lui-même serait le premier sur la liste des candidats ayant échoué.

Le demandeur invoque une violation de son droit de consulter sa copie d’examen consacré par l’article 9. 20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 et de son droit d’obtenir accès à son dossier administratif consacré par les articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, en soutenant que ce droit serait mis en échec en l’espèce par la circonstance que sa copie d’examen a été détruite et que de ce fait il lui serait impossible de remettre en cause le résultat de l’examen-concours, tandis que le délégué du gouvernement soutient en substance que la circonstance que le demandeur ne peut plus consulter sa copie d’examen n’aurait aucune incidence sur la légalité de la décision retenant l’échec du demandeur à l’examen-concours antérieurement prise et que par ailleurs, le droit à la consultation des copies d’examen n’impliquerait pas le droit de remettre en cause le résultat de l’examen.

Il convient de prime abord de relever que, tel que cela a été retenu ci-avant, l’article 9.15 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, suivant lequel « les décisions de la commission sont sans recours », n’exclut pas le droit d’un candidat ayant échoué à l’examen-concours d’introduire un recours devant le tribunal administratif contre cette décision d’échec. L’exercice d’un tel recours implique nécessairement le droit de remettre en cause le résultat de l’examen et partant aussi les notes attribuées, étant précisé cependant que l’examen du tribunal est limité dans le cadre du recours en annulation, en ce que qu’il n’appartient pas au tribunal siégeant comme juge de l’annulation de vérifier le caractère justifié ou non des notes attribuées aux candidats d’un examen. En effet, l’appréciation portée sur les prestations d’un candidat par les membres de la commission d’examen étant souveraine, elle ne saurait être discutée devant le juge administratif, à moins que le demandeur n’établisse une erreur manifeste d’appréciation ou que les appréciations soient fondées sur des considérations autres que les mérites du candidat.

Il s’ensuit que c’est à tort que le délégué du gouvernement fait valoir qu’en toute hypothèse, le demandeur ne saurait remettre en cause la note définitivement arrêtée.

Aux termes de l’article 9.20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004, « le président de la commission informe les candidats des résultats obtenus. A partir de cette date, et endéans un délai de 8 jours, le candidat a le droit, sur demande écrite, de consulter sa copie d’examen sur place et sans déplacement des pièces ».

Ladite disposition traduit le droit à l’accès à son dossier administratif tel que consacré par l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, en vertu duquel « toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d’obtenir communication des éléments d’informations sur lesquels l’Administration s’est basée ou entend se baser ».

Il est constant en l’espèce que le demandeur a demandé de pouvoir consulter plus particulièrement sa copie d’examen de l’épreuve d’anglais et que cette consultation n’a pas pu se faire, étant donné que ladite copie a été détruite, de sorte que le tribunal ne peut que retenir une violation en l’espèce des dispositions précitées des articles 9.20 du règlement grand-ducal du 30 janvier 2004 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, le demandeur étant de fait dans l’impossibilité de consulter sa copie d’examen de l’épreuve en langue anglaise qui est à l’origine de la note insuffisante lui attribuée dans la matière des langues étrangères.

Quant à l’incidence de cette violation sur la légalité des décisions critiquées, à savoir la décision de la commission d’examen de retenir l’échec du demandeur à l’examen-concours et la décision confirmative ultérieure, il échet de relever que le défaut d’accès aux éléments du dossier administratif, fût-elle vérifiée, ne constitue pas nécessairement et automatiquement une cause d’annulation de la décision déférée, laquelle reposant sur les motifs qui lui sont propres, sans être conditionnée directement par des questions de communication du dossier administratif ou d’accès au dossier administratif qui constituent, dans le cadre du processus administratif de prise de décision, un incident qu’il convient de toiser au cas par cas suivant son implication directe sur la décision administrative effectivement critiquée, au sujet de laquelle l’incident est soulevé (cf. en ce sens à propos du droit à la communication du dossier administratif Cour adm. 11 novembre 2008, n° 24169C du rôle, publié sur http://www.ja.etat.lu).

Il est certes vrai qu’en l’espèce la demande du demandeur de consulter sa copie d’examen est postérieure à la prise de la décision de la commission d’examen d’arrêter et de valider le résultat de son examen ayant impliqué son échec. Néanmoins, la circonstance que le demandeur n’a pas pu consulter sa copie d’examen puisque celle-ci a été détruite est en l’espèce de nature à porter atteinte à ses droits de la défense dans la mesure où de facto celui-ci est mis dans l’impossibilité de pouvoir contester les notes lui attribuées dans le cadre de son recours en annulation introduit devant le tribunal administratif. S’il est exact, tel que cela a été retenu ci-

avant, que le contrôle du tribunal est limité aux pouvoirs lui conférés dans le cadre d’un recours en annulation, il n’en reste pas moins qu’à défaut de disposer de la copie d’examen, qu’elle soit annotée ou non, le demandeur est dans l’impossibilité de faire retenir en l’occurrence une erreur manifeste d’appréciation au regard des prestations qu’il estime avoir fournies comparées à la note finalement arrêtée par la commission d’examen dans l’épreuve d’anglais.

Il s’ensuit que la décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 pour autant qu’elle vise le résultat de l’examen du demandeur est à annuler, tout comme la décision confirmative du 25 mars 2011, pour violation du droit du demandeur de consulter ses copies d’examen ayant entraîné en l’espèce une violation des droits de la défense, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les contestations du demandeur quant au bien-fondé de la décision d’échec.

Quant à l’indemnité de procédure de l’ordre de 5.000 euros réclamée par le demandeur, la demande afférente est à rejeter, le demandeur n’ayant pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation pour autant qu’il est dirigé contre une « décision » de notation de 3,5 sur 20 points à l’épreuve de langue anglaise et contre le courrier du 21 janvier 2011 annonçant au demandeur son échec à l’examen-concours ;

déclare ledit recours recevable pour le surplus ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision de la commission d’examen du 20 janvier 2011 pour autant qu’elle arrête et valide le résultat de l’examen du demandeur, retient son échec et lui attribue une note insuffisante, ainsi que la décision confirmative de la commission d’examen du 25 mars 2011 ;

renvoie le dossier au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par le demandeur ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 7 février 2012 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 07.02.2012 Le Greffier du Tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 28490
Date de la décision : 07/02/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-02-07;28490 ?

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