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18/01/2012 | LUXEMBOURG | N°27668

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 janvier 2012, 27668


Tribunal administratif N° 27668 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2011 1re chambre Audience publique du 18 janvier 2012 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 27668 du rôle, déposée le 18 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … demeurant à...

Tribunal administratif N° 27668 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 janvier 2011 1re chambre Audience publique du 18 janvier 2012 Recours formé par Monsieur …, … (Allemagne) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 27668 du rôle, déposée le 18 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … demeurant à D- … (Allemagne), …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes 19 octobre 2010 ayant déclaré partiellement non fondée une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des années 2004 et 2005, émis le 26 août 2009 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2011 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2011 par Maître Jean-Pierre WINANDY pour le compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Georges SIMON, en remplacement de Maître Jean-Pierre WINANDY, et Madame le délégué du gouvernement Betty SANDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 janvier 2012.

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En date du 4 janvier 2006, Monsieur …, résident allemand, adressa au bureau d’imposition Luxembourg Y une déclaration d’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2004 datée du 28 décembre 2005 et il adressa en date du 25 octobre 2006 au même bureau sa déclaration d’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2005, datée du 20 octobre 2006.

Le bureau d’imposition Luxembourg Y émit le 26 août 2009 des bulletins d’impôts sur le revenu relatifs aux années 2004 et 2005.

Monsieur … fit adresser en date du 9 novembre 2009 par l’intermédiaire de la société DELOITTE une réclamation contre les prédits bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2004 et 2005.

En date du 19 octobre 2010, le directeur de l’administration des Contributions directes émit une décision libellée comme suit, par laquelle il rejeta la réclamation lui adressée comme étant non fondée :

« Vu la requête introduite le 11 novembre 2009 par la dame …, au nom du sieur …, demeurant à D-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2004 et 2005 émis le 26 août 2009 et notifiés le même jour conformément au § 89 de la loi générale des impôts (AO) ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition de l’avoir imposé, pour les années litigieuses, d’après les dispositions de l’article 157ter de l’impôt sur le revenu (L.I.R.) alors qu’il n’aurait pas d’obligation déclarative au titre de ses revenus salariés; que pour l’année 2005, seuls les revenus provenant de l’exercice d’une profession libérale devraient faire l’objet d’une imposition par voie d’assiette ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public (décision dir. du 9.9.1991 n° C 7640 du rôle);

Qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé (décision dir. du 21.5.1993 n° C 7444 du rôle) ;

Qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’en l’espèce, le réclamant est à considérer pour les années en cause comme résident de l’Allemagne et est en principe imposable au Luxembourg d’après les dispositions particulières concernant les contribuables non résidents prévues aux articles 156 à 157ter de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I. R.) ;

Considérant que le réclamant avait introduit des déclarations pour l’impôt sur le revenu des années litigieuses sans pour autant indiquer si moins ou plus de 50 pour cent des revenus professionnels de son ménage étaient imposables au Grand-Duché et qu’il n’a pas demandé d’être imposé d’après les dispositions de l’article 157ter L.I.R. ;

Considérant qu’il n’est pas contesté qu’au cours de l’année d’imposition 2004 le réclamant a perçu un revenu brut provenant d’une occupation salariée (exprimé en euros) de la part des employeurs luxembourgeois suivants :

Considérant que pour l’année litigieuse 2005, le réclamant a perçu un revenu provenant d’une occupation salariée de la part des mêmes entreprises luxembourgeoises ;

Cotisations Période du Employeur Rémunération sociales 01/01 - 31/12/04 … 602,52 69.729,12 01/01 - 31/12/04 … 301,20 34.456,71 01/01 - 31/12/04 … 200,88 22.971,09 01/01 - 31/12/04 … 100,44 11.485,50 01/01 - 31/12/04 … 100,44 11.485,50 01/01 - 31/12/04 … 100,44 11.485,50 01/01 - 31/12/04 … 100,44 11.485,50 01/01-31/12/04 … 502,08 57.427,68 Total 230.526,60 2.008,44 Considérant que les rémunérations ci-avant ont été versées par des sociétés résidentes luxembourgeoises ; que le réclamant affirme cependant qu’il aurait exercé son activité salariée partiellement au Luxembourg au siège des sociétés du groupe et partiellement en Allemagne auprès des succursales du même groupe ainsi qu’à son bureau à domicile, situé à Munich ;

Considérant que le réclamant se réfère à la loi du 17 août 1959 portant approbation de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République Fédérale d’Allemagne tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu ;

Considérant que le réclamant note lui-même que suite à des discussions avec l’administration fiscale allemande au sujet de la déduction des frais d’obtention de la partie des revenus imposables en Allemagne, l’administration fiscale allemande a renoncé unilatéralement à exercer son droit d’imposition sur la partie des revenus imposables en Allemagne; que cette décision figure d’ailleurs visiblement sur les deux bulletins d’imposition allemands émis pour les années 2004 et 2005 ;

Considérant qu’en l’espèce il résulte des deux bulletins d’impôts sur le revenu allemands que l’administration fiscale allemande n’a pas procédé à l’imposition de revenus provenant d’une occupation salariée en considérant expressément ces revenus comme étant des revenus étrangers (Ausländische Einkünfte in Höhe von 215.085 Euro wurden in die Berechnung des Steuersatzes miteinbezogen, Progressionsvorbehalt) ;

Considérant dès lors que même si le réclamant affirme qu’une partie des revenus provenant d’une occupation salariée serait susceptible d’être imposée en Allemagne, il n’en reste pas moins que cette interprétation est contredite par les conclusions de l’administration fiscale allemande qui a tranché pour dire que les revenus litigieux étaient à considérer comme revenus étrangers ;

Considérant que cette décision a comme corollaire le droit du Grand-Duché de Luxembourg de procéder à l’imposition de ces revenus ;

Considérant qu’il est partant obsolète de procéder â un quelconque partage des revenus critiqués ; que par ailleurs le réclamant a ventilé les revenus en cause sans expliquer son raisonnement ;

Considérant également que l’argumentation du réclamant pour dire que le bureau d’imposition aurait procédé â l’imposition de revenus de source allemande porte à faux, l’administration fiscale allemande n’ayant pas procédé à une imposition de ces revenus en les qualifiant de revenus étrangers ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède que tous les revenus provenant d’une occupation salariée, obtenus par le réclamant au cours des deux années litigieuses versés par des sociétés résidentes luxembourgeoises sont imposables au Grand-Duché ; que la période d’occupation du réclamant au Luxembourg s’étend de juillet 2003 à décembre 2006 ;

Considérant dès lors qu’au cours des deux années 2004 et 2005, le réclamant a été occupé comme salarié au Grand-Duché pendant neuf mois de l’année d’imposition au moins et qu’il y a exercé son activité d’une façon continue pendant cette période; qu’il résulte des dispositions contenues â l’article 157, alinéa 4 L.I.R. que le réclamant tombe sous l’application de l’article 153 L.I.R. en ce qui concerne les conditions et les modalités de l’imposition par voie d’assiette ;

Considérant que les conditions pour une imposition par voie d’assiette sont fixées par l’article 153 L.I.R. ainsi que par le règlement grand-ducal modifié du 28 décembre 1990 en portant exécution; que la situation de revenus du réclamant rentre dans une des hypothèses y visées et que, plus particulièrement, la limite générale d’assiette visée à l’article 3, numéro 1 du règlement et fixée à l’époque à 58.000 euros est dépassée ;

Considérant qu’il s’ensuit que le réclamant était imposable par voie d’assiette pour les années d’imposition 2004 et 2005 ;

Considérant que le réclamant a fait valoir pour les années 2004 et 2005 des frais d’obtention de respectivement 13.399,00 et 12.236,00 euros concernant les revenus provenant d’une occupation salariée ; qu’il s’agit des frais de voyage par avion et par train engagés pour rentrer à son domicile ;

Considérant qu’en vertu de l’article 105bis, alinéa 1er L.I.R., les frais de déplacement du contribuable entre son domicile et le lieu de son travail sont déductibles comme frais d’obtention à concurrence d’un montant forfaitaire déterminé en fonction de l’éloignement entre le chef-lieu de la commune sur le territoire de laquelle le contribuable a son domicile et celui du lieu de son travail; qu’au vœu de l’alinéa 5 de l’article 105bis L.I.R. le forfait couvre tous les frais en relation avec le déplacement entre le domicile et lieu de travail; que la loi ayant rendu la déduction forfaitaire obligatoire, le contribuable n’a pas le choix d’opter pour la déduction des frais réellement exposés ;

Considérant que le réclamant est contribuable non résident, domicilié à Munich et travaillant à Luxembourg-Ville ; que de ce fait il peut se prévaloir, en conformité avec l’article 105bis L.I.R. et l’arrêté ministériel du 28 décembre 1990 portant publication des unités d’éloignement déterminant les frais de déplacement en matière d’impôt sur le revenu, de ce que tout éloignement entre chefs-lieux de commune ne figurant pas à l’annexe (comme en l’espèce Munich) de l’arrêté prédit et dépassant 30 unités est à mettre en compte avec 30 unités d’éloignement, soit 2.970 euros ; que ce forfait a été appliqué par le bureau d’imposition ;

Considérant qu’en l’espèce, le réclamant affirme encore se sentir lésé pour avoir été imposé d’après les dispositions de l’article 157ter L.I.R. ; qu’il résulte de l’instruction du dossier que le bureau d’imposition a pris en compte uniquement les revenus provenant d’une occupation salariée exercée au Luxembourg ;

Considérant encore que dans sa lettre de réclamation le réclamant invoque un revenu provenant de l’exercice d’une profession libérale perçu au cours de l’année d’imposition 2005 ; que cependant un tel revenu ne figure pas sur la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2005 et qu’un tel revenu n’a pas été documenté autrement; que toutefois un tel revenu (2.984,00 euros) a été soumis à imposition dans le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2005 allemand ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

Qu’il résulte de ce qui précède que les cotes d’impôt fixées par les bulletins entrepris n’excèdent pas l’impôt légalement dû ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2011, inscrite sous le numéro 27668 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 octobre 2010 précitée.

Quant à la recevabilité :

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur les recours introduit contre la décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Partant, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par le demandeur contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 octobre 2010.

Il n’y a partant pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation.

Le délégué du gouvernement soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours principal en réformation pour violation de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et ce au motif que le demandeur n’aurait pas, contrairement au prescrit de cet article, annexé à sa requête les pièces dont il entend se servir, le demandeur s’étant au contraire réservé le droit de verser au dossier lors de la communication de son mémoire en réplique les pièces illustrant le nombre de jours travaillés au Luxembourg et en Allemagne, de sorte que ses moyens auraient été énoncés par rapport à des pièces non produites en cause.

Le délégué du gouvernement insiste ensuite sur le fait que les règles de procédure viseraient à garantir un débat contradictoire à toutes les étapes du contentieux administratif, ce qui impliquerait que les pièces énoncées lors de l’introduction de l’instance de manière explicite à l’appui des moyens invoqués devraient être contenues dans la requête introductive d’instance, afin de mettre la partie défenderesse en mesure de prendre position.

Le demandeur entend s’opposer à ce moyen d’irrecevabilité en affirmant, d’une part, que les pièces pourraient être versées à tout moment de l’instance à partir du moment où elles peuvent être librement discutées à l’audience et que leur dépôt ne porte pas atteinte aux droits de la défense, de sorte que le débat contradictoire serait garanti. Ayant de surcroît produit les dites pièces en annexe de son mémoire en réplique, il donne à considérer que l’Etat serait en mesure de prendre position par rapport aux moyens ainsi qu’à toutes les pièces communiquées lors d’un éventuel mémoire en duplique.

Dans le cadre du mémoire en duplique étatique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que le demandeur aurait énoncé son moyen principal en se basant sur des pièces non contenues dans sa requête introductive d’instance, ce qui ne saurait être admis, alors que cela impliquerait qu’un défendeur devrait en quelque sorte deviner que les pièces au cœur des débats seraient les mêmes pièces qui avaient déjà été remises au bureau d’imposition en 2009, et dont il a pleinement disposées au moment de l’introduction de la procédure. Ainsi, le comportement d’une partie demanderesse qui appuie l’essence de son argumentation sur des pièces dont elle a déjà disposées au moment de l’introduction du débats, et qu’elle a invoquées au moment de la requête introductive d’instance, mais qu’elle a omis de joindre à ce stade, et ceci sans motif légitime, serait contraire à la loyauté des débats, vu que le défendeur aurait ainsi été délibérément empêché de faire valoir ses moyens dès l’introduction des débats, la partie étatique en concluant qu’un tel comportement porterait atteinte à la contradiction des débats.

Aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive d’instance doit notamment contenir « le relevé des pièces dont le requérant entend se servir », tandis que l’article 2 de la même loi précise que les pièces énoncées sont jointes en quatre copies, lors du dépôt de la requête introductive au greffe du tribunal.

S’il en résulte que le demandeur est en principe tenu de déposer les pièces qu’il entend invoquer concomitamment au dépôt de sa requête introductive, ce principe est cependant à appliquer conjointement avec celui inscrit à l’article 29 de la loi du 21 juin 1999 précitée, aux termes duquel « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense », l’intention du législateur formulée par l’auteur de la proposition de loi numéro 4326 ayant abouti à la loi du 21 juin 1999 ayant été exprimée en ce sens que la disposition devenue l’article 29, qualifiée « d’importante », « constitue le reflet de l’article 173, alinéa 2 du code de procédure civile. Sa formulation s’entend plus large que celle du code de procédure civile, qui a conduit à des résultats très insatisfaisants en jurisprudence judiciaire, même après la réforme du texte en question par une loi du 7 février 1974. Les juges ne s’abstiendront de prononcer l’irrecevabilité des demandes que si l’omission ou l’irrégularité a effectivement porté atteinte aux droits de la défense. Sont visées, d’une manière générale, les irrégularités affectant la rédaction des mémoires, même des irrégularités qualifiées par les juridictions judiciaires comme étant des nullités de fond, comme les indications erronées ou lacuneuses concernant p. ex. les organes représentant des personnes morales. En tout cas la notion de nullité de fond est à interpréter très restrictivement et ne doit entrer en ligne de compte que s’il y a lésion des droits de la défense. Le non-respect des délais prévus pour l’échange des mémoires et les délais pour exercer les voies de recours, emportant déchéance, est bien entendu excepté. Par ailleurs, l’absence de sanction d’un tel non-respect porterait atteinte aux droits - acquis à ce moment - de la partie adverse1».

Cette position a encore été corroborée par le Conseil d’Etat dans son avis retenant qu’il « ne saurait que soutenir toute initiative tendant à proscrire dans la mesure du possible le recours à des moyens de procédure pour rejeter des prétentions de justiciables. Il ne faut en effet pas perdre de vue que cette approche procédurière à outrance a pour résultat l’incompréhension des justiciables (…). Le Conseil d’Etat rend toutefois attentif au fait qu’il s’agit en l’espèce également d’une question d’approche des magistrats à l’égard de ces problèmes. Le problème, dit de la violation des principes de l’organisation judiciaire (ou administrative), des nullités de fond, irrecevabilités de fond, des fins de non-recevoir et des forclusions, restera entier tant qu’aucun texte n’interdira aux juridictions de prononcer une nullité, irrecevabilité ou forclusion, sauf si un texte déterminé le prévoit expressément »2.

L’article 29 sous revue emporte dès lors pour la juridiction saisie une analyse consistant à examiner, au-delà du caractère vérifié d’une inobservation alléguée d’une règle de procédure, si celle-ci a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ;

en l’absence de pareille atteinte, l’inobservation de la règle de procédure, quelle qu’en soit par ailleurs la qualification, ne saurait entraîner l’irrecevabilité de la demande, étant donné que ce n’est que dans l’hypothèse où l’inobservation vérifiée d’une règle de procédure a pour effet de 1 Doc. parl. 4326, commentaire des articles, ad. article 26 (devenu l’article 29 de la loi), p.19.

2 Doc. parl. 4326², avis du Conseil d’Etat, p.7.

porter effectivement atteinte aux droits de la défense qu’une analyse supplémentaire s’impose à la juridiction saisie pour déterminer dans ce cas de figure précis dans quelle mesure cette inobservation doit entraîner l’irrecevabilité de la demande3.

En l’occurrence, devant le fait avéré que l’Etat a pu assurer sa défense de façon valable et complète, en prenant notamment position au travers de son mémoire en duplique par rapport aux pièces versées par le demandeur en annexe de son mémoire en réplique - étant relevé par ailleurs que l’Etat n’a ni sollicité un délai supplémentaire pour prendre position y relativement, ni demandé l’autorisation pour déposer un mémoire supplémentaire -, l’inobservation des règles de procédure invoquée plus particulièrement au niveau du dépôt des pièces querellées, n’a pu entraîner une quelconque irrecevabilité de la demande, étant entendu qu’en l’absence de grief, l’analyse de la juridiction saisie était appelée à s’arrêter dès le premier stade par le constat tiré des dispositions de l’article 29 de la loi précitée du 21 juin 1999 en ce qu’aucune irrecevabilité du recours n’était à prononcer ; il convient dès lors de déclarer le recours recevable de ce point de vue, la seule conséquence du dépôt tardif de ces pièces étant à supporter le cas échéant par le demandeur, lequel, en ne produisant volontairement et consciemment ces pièces que dans le cadre de son dernier mémoire, s’est privé de la possibilité de prendre position par rapport à l’argumentation afférente leur opposée par la partie étatique.

En ce qui concerne par ailleurs l’attitude déloyale reprochée par l’Etat au demandeur, il y a lieu de relever que si l’article 8, alinéa 5 de la loi du 21 juin 1999 précitée impose à l’autorité administrative qui a posé l’acte visé par le recours de déposer le dossier administratif respectivement fiscal au greffe, le même article 8, en son alinéa 4, impose encore au délégué du gouvernement de déposer au greffe copie des pièces dont il entend se servir plus particulièrement, cette dernière obligation revêtant une importance toute particulière au regard du fait que la communication du ou des dossiers administratifs ou fiscaux au demandeur s’avère souvent en pratique impossible, compte tenu de l’envergure de pareils dossiers, le demandeur étant alors obligé de venir les consulter au greffe, c’est-à-dire dans des conditions guère optimales, alors que les pièces dont le délégué du gouvernement compte plus particulièrement se servir - par définition moins nombreuses et volumineuses que le dossier administratif - seront communiquées aux parties par le greffe.

Dès lors, admettre que d’un côté l’administré est obligé d’énoncer dans ses écrits les pièces dont il entend se servir et de les déposer au greffe qui les continue à la partie étatique, alors que celle-ci, de son côté, se contente de déposer au greffe le dossier administratif sans inventaire et sans relevé ni copies séparées des pièces dont il entend se prévaloir plus particulièrement, devrait dès lors également être considéré, outre comme violation des dispositions afférentes, comme constituant une rupture de l’égalité des armes4.

Le moyen d’irrecevabilité tel que soulevé par la partie étatique est par conséquent à rejeter ; le recours en réformation dirigé contre la décision directoriale est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, n° 25414C.

4 Trib. adm. 16 février 2011, n° 24142b.

Quant au fond :

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir en fait avoir été un résident allemand et avoir exercé une activité salariée de 2003 à 2006 au Luxembourg au siège de huit différentes sociétés du groupe « … » et en Allemagne auprès de filiales du même groupe ainsi qu’à son bureau dans son domicile situé à l’époque à Munich.

Il expose que la rémunération relative à ces activités aurait été versée par les différentes sociétés luxembourgeoises du groupe qui seraient toutes des sociétés résidentes au Luxembourg et que pour chacune des années 2003 à 2006, le bureau d’imposition compétent aurait été informé de la proportion des activités exercées par lui au Luxembourg et en Allemagne.

Sur cette base et en vertu de l’article 10 de la convention fiscale du 23 août 1958 entre le Luxembourg et l’Allemagne, ses employeurs auraient opéré une retenue à la source sur la partie des salaires relatifs à l’activité exercée au Luxembourg et auraient exonéré de retenue à la source les salaires relatifs à l’activité exercée en Allemagne.

En droit, le demandeur argumente à titre principal, s’emparant de l’article 10 de la prédite convention contre la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg, que le droit d’imposition des rémunérations correspondant à l’activité exercée en Allemagne reviendrait à la seule Allemagne, Etat de résidence de la partie requérante, et que le Luxembourg ne disposerait pas de droit d’imposition sur ces revenus, le fait que ces rémunérations n’aient pas été imposées en Allemagne ne ré-attribuant aucun droit d’imposition en faveur du Luxembourg.

A titre subsidiaire, il expose que s’il a fait état dans ses déclarations de l’impôt sur le revenu pour 2004 et 2005 de dépenses spéciales éventuellement déductibles, il n’a en revanche pas fait une demande expresse pour l’application de l’article 157ter LIR, de sorte que cet article ne devrait pas être appliqué en l’espèce ; par ailleurs, il donne à considérer que comme il ne serait pas imposable par voie d’assiette sur base de l’article 157 alinéas 3 et 4 LIR, la décision directoriale déférée, selon laquelle l’article 157, alinéa 4 LIR et, par conséquent, l’article 153 LIR sont applicables, serait injustifiée.

En ce qui concerne le moyen principal avancé par le demandeur, le délégué du gouvernement estime que serait à tort que le demandeur reproche au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », d’avoir rejeté sa réclamation dirigée contre les bulletins d’impôt sur le revenu pour les années 2004 et 2005.

A cet égard, l’Etat considère que tous les revenus provenant d’une occupation salariée, obtenus par le demandeur au cours des années 2004 et 2005 et versés par des sociétés résidentes luxembourgeoises, seraient imposables au Grand-Duché, puisque, en application de l’article 10, paragraphe 1er de la convention contre la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg, ladite convention consacrerait comme règle générale le principe de l’Etat d’exercice de l’activité. Aussi, le pouvoir d’imposition des rémunérations revient donc en principe à l’Etat sur le territoire duquel s’exerce l’activité source des revenus et il ne serait dévolu à l’Etat dont le travailleur est résident que par exception.

Il en résulterait que ladite convention reposerait sur la conception que l’Etat de l’employeur aurait généralement le droit prioritaire d’imposition.

Aussi, le droit d’imposition devrait être attribué à l’Etat de l’employeur, sauf s’il y aurait exercice par le salarié du travail, pour le compte de son employeur, dans son Etat de résidence ou dans un Etat tiers.

La partie étatique estime encore, toujours sur base de l’article 10 de la prédite convention, que dans tous les cas où il n’y aurait pas effectivement exercice par le salarié à l’étranger du travail déterminant, pour le compte de l’employeur qui l’emploie et sur base duquel se réalise le résultat de l’entreprise en question, le droit d’imposition serait attribué à l’Etat où est établie l’entreprise qui emploie ce salarié. En d’autres termes, le pouvoir d’imposition des rémunérations reviendrait en principe à l’Etat sur le territoire duquel s’exerce l’activité source des revenus qui serait en règle générale l’Etat de l’employeur - en l’espèce le Luxembourg où s’exercent les prestations de travail pour les huit employeurs luxembourgeois - et qu’il ne serait dévolu à l’Etat dont le travailleur est résident que par dérogation.

Dès lors, il appartiendrait à un salarié non résident occupé auprès d’un employeur au Luxembourg de rapporter la preuve qu’il y aurait lieu de déroger le cas échéant au pouvoir d’imposition du Luxembourg, ceci par application des règles générales ayant trait à la preuve en matière fiscale.

Or, en l’espèce le demandeur se serait borné à alléguer que l’Allemagne aurait le droit d’imposition concernant une certaine portion des rémunérations versées par les huit employeurs en 2004 et 2005 - à savoir 40% de chacune des rémunérations - ce qui correspondrait à une activité salariée exercée en Allemagne, sans établir par ailleurs qu’il y aurait eu exercice de prestations en Allemagne pour le compte des huit employeurs résidents au Luxembourg et en exécution de ces différents contrats de travail qui pourraient le cas échéant être susceptibles de fonder un droit d’imposition de l’Allemagne.

La partie étatique relève que de surcroît l’affirmation de Monsieur … qu’une certaine portion de la rémunération payée par chacun des huit employeurs établis au Luxembourg serait susceptible d’être imposée en Allemagne aurait été clairement contredite par les conclusions de l’administration allemande qui avait tranché que tous ces revenus n’étaient pas de source allemande, l’administration fiscale allemande ayant en effet décidé, sur base du droit applicable, et après avoir examiné la situation de Monsieur … et en prenant donc en compte tous les éléments de fait, que les revenus provenant d’une activité salariée sont des revenus de source étrangère, ce qui constituerait un indice supplémentaire que le droit d’imposition n’appartiendrait en l’espèce pas à l’Allemagne.

Le délégué du gouvernement revient ensuite sur le fait qu’en vertu de l’économie de l’article 10, paragraphe 1er de la prédite convention, il appartiendrait à un salarié non résident occupé auprès d’un employeur au Luxembourg de rapporter notamment la preuve qu’une certaine partie de la rémunération reçue correspondrait à une activité « exercée » sur le territoire de l’Allemagne pour le compte de cet employeur afin qu’une exception au principe de l’imposition dans l’Etat de l’employeur soit le cas échéant susceptible d’être admise. Or, en l’espèce, des présences quelconques sur le territoire allemand ne sauraient impliquer qu’il y aurait eu « exercice de l’activité » en Allemagne pour le compte de huit employeurs, et que le droit d’imposition concernant une portion des salaires versés par ces huit employeurs reviendrait à l’Allemagne.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement expose encore des considérations ayant trait à l’employeur pour le compte duquel s’exerce l’activité, qu’il y aurait lieu de prendre en compte afin de la détermination du lieu d’exercice du travail, et invoquant dans ce contexte différentes jurisprudences belges relatives à l’application de la Convention du 17 septembre 1970 entre la Belgique et le Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, approuvée en 1971.

Le demandeur, dans le cadre de son mémoire en réplique, conteste l’interprétation effectuée par l’Etat de l’article 10, paragraphe 1er de la convention contre la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg, et plus particulièrement le principe mis en avant par la partie étatique que l’Etat de l’employeur aurait généralement le droit prioritaire d’imposition et que le pouvoir d’imposition des rémunérations ne serait dévolu à l’Etat de résidence que par exception, le demandeur considérant de son côté au contraire que le pouvoir d’imposition serait attribué en principe à l’Etat de résidence, le demandeur s’emparant à ce sujet du projet de loi relatif à l’approbation de la convention contre la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg ainsi que de la doctrine et la jurisprudence allemandes.

Le demandeur conteste encore par conséquence l’argumentation selon laquelle il appartiendrait à un salarié non résident occupé auprès d’un employeur au Luxembourg de rapporter la preuve qu’il y aurait lieu de déroger au pouvoir d’imposition du Luxembourg.

Il rappelle par ailleurs qu’il y aurait eu exercice de prestations salariées en Allemagne et il verse à ce propos divers justificatifs et un calendrier censés rapporter la preuve des jours de travail effectués au Luxembourg et en Allemagne, ainsi que de manière beaucoup plus marginale, en Suisse. Il insiste ensuite sur le fait que la non-imposition des rémunérations relatives aux jours de travail effectués en Allemagne serait une décision unilatérale de l’administration fiscale allemande n’ayant aucun effet sur le droit d’imposition du Luxembourg.

L’Etat, au travers de son mémoire en duplique, s’oppose à la thèse du demandeur selon laquelle il se dégagerait de l’article 10 paragraphe 1er de la convention que le pouvoir d’imposition est attribué en principe à l’Etat de résidence en maintenant que le principe posé par le paragraphe 1er de l’article 10 de la convention serait celui de l’Etat d’exercice de l’activité, de sorte que le droit d’imposition devrait être attribué à l’Etat de l’employeur, sauf s’il y a exercice par le salarié du travail, pour le compte de son employeur, dans son Etat de résidence ou dans un Etat tiers, principe auquel le paragraphe 2 de l’article 10 de la convention porterait une dérogation en disant dans quel cas il peut y avoir imposition dans l’Etat de résidence, alors même s’il y a eu exercice de l’activité dans l’autre Etat.

Il ressortirait partant de l’article 10 de la convention, que dans tous les cas où il n’y a pas effectivement « exercice » par le salarié à l’étranger du travail déterminant, pour le compte de l’employeur qui l’emploie, cette disposition attribue le droit d’imposition à l’Etat où est établie l’entreprise qui emploie ce salarié. Il serait également clair que dans tous ces cas, la disposition de l’article 16 de la convention ne saurait être invoquée, vu que cet article concerne uniquement les revenus qui ne sont pas traités dans les articles précités de la convention. Or, en l’espèce, le demandeur resterait en défaut d’établir qu’il y aurait eu exercice effectif de telles activités pour le compte de huit employeurs concernés qui fonderait un pouvoir d’imposition de l’Allemagne de 40 % concernant chacune des rémunérations versées, l’Etat considérant que les pièces produites ne permettraient ni de déterminer le contenu des prétendus « travaux» à l’étranger pour ces huit employeurs respectifs, ni dans quelle mesure de tels « travaux» auraient été « exercés » à l’étranger pour chaque employeur respectif, la seule présence du demandeur à l’étranger n’établissant pas automatiquement qu’il y aurait eu « exercice » de la prestation caractéristique, et ceci pour le surplus pour le compte de huit employeurs à la fois, l’Etat soulignant de surcroît que le demandeur pouvait rendre en Allemagne des services en matière fiscale à titre indépendant, de sorte que sa présence sur le sol allemand n’établirait pas automatiquement qu’il y aurait eu prestations au profit de ses huit employeurs.

Aux termes de l’article 10 de la convention contre la double imposition conclue entre l’Allemagne et le Luxembourg : « (1) Bezieht eine natürliche Person mit Wohnsitz in einem der Vertragsstaaten Einkünfte aus nichtselbständiger Arbeit, so hat der andere Staat das Besteuerungsrecht für diese Einkünfte, wenn die Arbeit in dem anderen Staat ausgeübt wird oder worden ist. Artikel 12 bleibt unberührt.

(2) Abweichend von Artikel 1 können Einkünfte aus nichtselbständiger Arbeit nur in dem Vertragsstaate besteuert werden, in dem der Arbeitnehmer seinen Wohnsitz hat, wenn dieser Arbeitnehmer 1. sich vorübergehend, zusammen nicht mehr als 183 Tage im Laufe eines Kalenderjahres, in dem anderen Staat aufhält, 2. für seine während dieser Zeit ausgeübte Tätigkeit von einem Arbeitgeber entlohnt wird, der seinen Wohnsitz nicht in dem anderen Staat hat, und 3. für seine Tätigkeit nicht zu Lasten einer in dem Staate befindlichen Betriebstätte oder ständigen Einrichtung des Arbeitgebers entlohnt wird. » Il s’ensuit que conformément à l’article 10, paragraphe 1er, le revenu perçu d’une activité dépendante exercée dans l’Etat contractant qui n’est pas le pays de résidence du contribuable est imposable dans l’Etat sur le territoire duquel l’activité est ou à été exercée5.

Le paragraphe 2 quant à lui prévoit une exception à la règle énoncée dans son paragraphe 1er en disposant que les revenus provenant d’activités salariées exercées en dehors de l’Etat de résidence sont, nonobstant les dispositions du paragraphe 1er, uniquement imposables dans l’Etat de résidence si certaines conditions sont remplies.

Dès lors, l’article 10 est à interpréter comme disposant que les revenus, provenant de l’exercice d’une activité salariée, sont en principe soumis à imposition dans le pays dans lequel l’activité, source de ces revenus, est exercée. Le salaire touché pour le travail effectué au Luxembourg est par conséquent soumis à imposition au Luxembourg. Il n’en est cependant pas ainsi si le travail exercé pour le compte de l’employeur luxembourgeois l’est hors du Luxembourg. Dans ce cas, le droit d’imposition ne revient pas au Luxembourg, mais à l’Allemagne en tant que pays de résidence du salarié.

Par conséquent, la partie du salaire qui est en relation directe avec une activité exercée à Luxembourg ou hors du Luxembourg est attribuée au pays respectif.

5 Trib. adm. 13 juillet 2011, n° 26898, www.ja.etat.lu En l’espèce, il résulte des pièces versées en cause, et notamment du Master-Agreement conclu entre Monsieur … et les huit sociétés employeuses, que le demandeur était à partir du 31 mars 2003 salarié de ces huit sociétés et occupé par celles-ci en fonction d’une clé de répartition déterminée, chaque société employant le demandeur pour une fraction de temps déterminée, définie en fonction d’un pourcentage.

Si ledit Master-Agreement ne précise pas explicitement le lieu, respectivement les lieux de travail du demandeur, il stipule toutefois que « The Employee agrees to work for the Companies (…) which in any cas will have their registered offices at 59, rue de Rollingergrund, at L-2440 Luxembourg ».

Le demandeur a, parallèlement à ce Master-Agreement, conclu séparément avec chaque employeur un contrat de travail à durée indéterminée, dont chacun contient une clause identique, intitulée « Place of work » et stipulant que « The place of work will be the office of the employer, which is at 40, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg (or, as presently processed by the respective board, in 59, rue de Rollingergrund, L-2440 Luxembourg in Luxembourg). According to the needs of the employer, the employee may be employed at different locations in or outside Luxembourg ».

Il s’ensuit que le lieu d’activité contractuel du demandeur était bien en principe pour la période 2004 et 2005 le Luxembourg, le demandeur pouvant toutefois avoir à effectuer pour ses différents employeurs respectifs des prestations à l’étranger, ce que le demandeur soutient en l’espèce.

Or, il appartient dans ce cas au demandeur d’établir positivement que par dérogation à la règle générale inscrite dans les différents contrats de travail, il a effectivement effectué de tels prestations pour ses différents employeurs, et ce afin de pouvoir revendiquer le cas échéant l’imposition par l’Etat où il a effectué ces prestations, conformément au principe inscrit à l’article 10, paragraphe 1er de la convention, pareille preuve requérant, d’une part, la preuve de la réalité matérielle de telles prestations et, d’autre part, la preuve que ces prestations se rattachent effectivement aux différents employeurs.

Le demandeur a versé à ce propos, en annexe à son mémoire en réplique, un dossier comprenant, outre deux listings indiquant pour les années 2004 et 2005 la présence de Monsieur … au Luxembourg, en Allemagne, en France (« FRA ») et à d’autres endroits indéterminables, les annotations afférentes étant soit illisibles, soit incompréhensibles, près d’une centaine de pages photocopiées comprenant elles-mêmes à chaque fois les copies de plusieurs justificatifs de transports (avion, taxis, bus etc) utilisés à diverses dates et ce, au terme d’une analyse sommaire, pour voyager principalement entre Luxembourg et Munich, ces multiples pièces étant censées établir la preuve non seulement de la présence professionnelle à ces dates de Monsieur … en Allemagne, mais encore que cette présence professionnelle s’inscrirait dans le cadre de son occupation salariée par ses huit employeurs luxembourgeois.

Or, il convient de souligner, d’une manière générale, que la mise à disposition, en vrac, de pièces diverses n’est pas nature à établir en toute état de cause la preuve requise, le rôle du tribunal ne consistant en effet pas à mener de son propre chef l’instruction de l’affaire en examinant l’intégralité des dossiers afin d’y déceler le cas échéant des pièces ou mentions susceptibles d’étayer la thèse de la partie concernée6.

Au-delà de ce constat, il échet encore de relever, de concernant avec la partie étatique, que la seul présence du demandeur sur le sol allemand à des dates déterminées, ne saurait automatiquement établir qu’il ait, à ces dates-là, effectué des prestations professionnelles se rattachant directement à l’une ou l’autre des sociétés l’employant, et ce d’autant plus que sa présence en Allemagne, et plus particulièrement de manière répétitive à Munich, peut encore s’expliquer par le fait qu’il y était domicilié, ou encore par le fait que le demandeur, en-dehors de ses activités salariées, exerçait encore, tel que cela résulte du Master-Agreement (« The companies are aware that the employee is appointed as Certified Tax Advisor in Germany and, apart from his duties set out in this agreement, renders tax advisory services from time to time. The companies herewith declare their consent with the professional activities of the employee ») à titre d’indépendant, une activité de conseil fiscal en Allemagne.

Il en résulte que la présence de Monsieur … en Allemagne semble être établie à diverses dates, cette seule présence n’établit cependant qu’il y ait eu prestation de travail en Allemagne pour ses huit employeurs à la fois, et ce à la hauteur précise des pourcentages d’occupation retenus contractuellement.

Il s’ensuit que le demandeur n’a pas, positivement, rapporté la preuve que les activités pour lesquelles il a perçu des rémunérations qu’il entend voir échapper à l’imposition par le fisc luxembourgeois, ont été effectivement prestées en Allemagne dans le cadre de sa relation salariale avec ses huit employeurs luxembourgeois, cette conclusion étant encore confirmée par l’attitude de l’administration fiscale allemande qui a décidé de ne pas imposer ces rémunérations en les considérant expressément comme étant des revenus étrangers.

Il est certes vrai, tel que le fait plaider le demandeur, que le seul fait qu’en l’espèce les autorités fiscales allemandes ont estimé que le Luxembourg serait compétent pour imposer lesdits montants, respectivement qu’elles aient décidé de ne pas imposer lesdits montants comme constituant des revenus étrangers, ne saurait ipso facto attribuer la compétence d’imposition au Luxembourg. En effet, grâce aux conventions bilatérales, il existe une autolimitation des compétences d’imposition concurrentes des Etats signataires de ces conventions, se matérialisant par un partage des droits d’imposition en fonction de différents critères préétablis, de façon à éliminer les doubles impositions éventuelles. Soit la convention fiscale internationale attribue le pouvoir d’imposition au Grand-Duché de Luxembourg au sujet d’une situation soumise à imposition et dans ce cas, la législation nationale viendra s’appliquer intégralement, soit la convention fiscale internationale réserve le pouvoir d’imposition à l’autre pays contractant, auquel cas la législation de l’autre pays étant applicable, l’autorité fiscale luxembourgeoise ne pourra que constater que le Grand-Duché n’a plus de pouvoir d’imposition à l’égard de la situation soumise à son attention. La répartition des compétences fiscales entre les deux Etats contractants est en principe définitive. Il s’ensuit que l’Etat contractant qui a renoncé, par l’effet de la Convention, à exercer son pouvoir 6 Voir en ce sens Cour adm. 20 janvier 2011, n° 27402C, concernant la production en vrac par un demandeur d’un ensemble de pièces non détaillées et non référencées, ainsi que trib. adm. 16 février 2011, n° 24142b, en ce qui concerne le seul dépôt par la partie étatique d’un volumineux dossier fiscal.

d’imposition, ne récupère pas celui-ci au motif que l’autre Etat, qui a le droit d’imposer le revenu en question, ne le soumet pas à l’impôt.7 Néanmoins, à l’instar des explications de la partie étatique par-devant le tribunal administratif, le constat factuel que les autorités fiscales allemandes ont estimé ne pas être compétentes alors qu’il s’agirait de revenus étrangers, peut constituer pour l’administration luxembourgeoise un élément de fait dont elle peut tenir compte sans y être tenue8.

La décision directoriale déférée, en ce qu’elle a confirmé les décisions du bureau d’imposition compétent d’imposer au Luxembourg l’intégralité des revenus provenant d’une occupation salariée tels que déclarés par le demandeur, est partant à confirmer, encore que ce soit partiellement pour d’autres motifs.

En ce qui concerne le moyen avancé par le demandeur à titre subsidiaire relatif à l’imposition effectuée par base d’assiette, dans le cadre duquel il critique l’application de l’article 157ter de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-

après « LIR », au motif que « l’imposition des revenus de source allemande a conduit à la fixation d’un impôt supplémentaire à l’issue de la procédure d’imposition par voie d’assiette, ce qui n’est pas compatible avec les conditions d’application de l’article 157ter LIR », le demandeur conteste plus particulièrement avoir introduit une demande afin de bénéficier de l’article 157ter, de sorte qu’il estime que le fait que les bulletins contestés par-devant le directeur énoncent qu’il aurait fait une demande pour l’application de l’article 157ter LIR, alors que la décision directoriale confirmerait qu’une telle demande n’a jamais été introduite, indiquerait implicitement que les bulletins contestés seraient basés sur des dispositions d’imposition non applicables en l’espèce, et que par conséquent la décision directoriale serait incohérente.

En ce qui concerne la question plus particulière de la non-imposition par voie d’assiette de ses revenus d’une occupation salariée, le demandeur affirme avoir exercé ses activités salariées au Luxembourg et en Allemagne pendant les années d’imposition litigieuses sans exercer une activité de façon continue pendant 9 mois au Luxembourg, de sorte que, ne remplissant pas la condition d’une activité salariée continue au Luxembourg pendant 9 mois, il ne saurait être soumis à une imposition par voie d’assiette et la retenue à la source opérée sur ses revenus salariés par ses employeurs vaudrait imposition définitive.

La partie étatique, de son côté, explique que l’article 157ter LIR représenterait un mode d’imposition par voie d’assiette, dont l’essence consisterait en ce qu’il assimile, par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis LIR, les contribuables non résidents aux contribuables résidents tant sur le plan de la détermination du revenu imposable que sur celui de la détermination de l’impôt.

Comme les revenus indigènes visés par l’article 157ter LIR seraient les revenus énumérés à l’article 156 LIR, les seuls revenus indigènes du demandeur au sens de l’article 156 LIR seraient en fait constitués par ses revenus salariés des années 2004 et 2005 : dès lors, 7 Voir trib. adm. 3 décembre 2001, n° 12831 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Impôts, n° 741, confirmé par arrêt du 23 avril 2002, n° 14442C du rôle, et plus récemment trib. adm. 13 juillet 2011, n° 26898.

8 Trib. adm. 3 décembre 2001, n° 12831 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Impôts, n° 740.

le moyen du demandeur invoquant une imposition de « revenus de source allemande » serait sans aucun fondement.

Le délégué du gouvernement relève ensuite que le demandeur n’expliquerait pas en quoi le mode d’imposition appliqué, à savoir le mode d’imposition par voie d’assiette sur base de l’article 157ter LIR en tant que tel lui causerait grief. Il expose encore que le demandeur aurait remis des déclarations d’impôt sur le revenu pour faire valoir la déduction de certains frais et dépenses spéciales. Or, par dérogation aux dispositions des articles 157 et 157bis LIR, seul l’article 157ter LIR permettrait aux non résidents de bénéficier tout comme les contribuables résidents de la déduction des dépenses spéciales au sens de l’article 109(1), numéros 1 à 3 LIR, de sorte que l’application de l’article 157ter LIR en l’espèce ne causerait aucun grief au contribuable.

Quant à la question plus particulière de la non-imposition par voie d’assiette des revenus d’une occupation salariée du demandeur, l’Etat relève que la période d’occupation du demandeur au Luxembourg s’étendait de juillet 2003 à décembre 2006, et qu’au cours des années 2004 et 2005, le demandeur aurait été occupé comme salarié au Grand-Duché de Luxembourg pendant neuf mois de l’année d’imposition au moins et qu’il y aurait exercé son activité salariale de manière continue pendant cette période, pour le compte de ses huit employeurs, de sorte que ses critiques ne seraient pas fondées.

Le demandeur, dans le cadre de son mémoire en réplique, maintient toutefois que l’imposition non justifiée par le Luxembourg des revenus de source allemande aurait conduit à la fixation d’un impôt supplémentaire à l’issue de la procédure d’imposition par voie d’assiette, de sorte que l’application des dispositions de l’article 157ter LIR s’avèrerait être en sa défaveur et lui causerait par conséquent un préjudice certain.

Concernant la condition d’une activité salariée continue au Luxembourg pendant 9 mois, il soutient, par référence au projet de loi ayant abouti à l’article 157 paragraphe 4 LIR actuel que les activités soient exercées en principe tous les jours ouvrables au Luxembourg durant la période minimale de neuf mois, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, le demandeur affirmant ne pas avoir travaillé tous les jours ouvrables au Luxembourg durant la période minimale de neuf mois, ce qui ressortirait des pièces versées en cause, affirmation toutefois contestée par la partie étatique, qui, de son côté, estime qu’il ne ressortirait pas du calendrier joint ainsi que des autres pièces qu’il y aurait eu exercice de prestations de travail en Allemagne pour le compte de huit employeurs, dans le cadre de chacune de ces relations de travail, qui justifieraient que l’Allemagne aurait le droit d’imposition concernant un pourcentage de 40 % de la rémunération versée par chacun de ces huit employeurs.

L’article 157ter LIR dispose plus particulièrement que « (1) par dérogation (…), les contribuables non résidents imposables au Grand-Duché du chef d’au moins 90 pour cent du total de leurs revenus professionnels indigènes et étrangers sont, sur demande, imposés au Grand-Duché, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d’impôt qui leur serait applicable s’ils étaient résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus indigènes et de leurs revenus professionnels étrangers. Pour l’application de la disposition qui précède, les contribuables mariés ne vivant pas en fait séparés sont imposables collectivement au titre des revenus indigènes. Dans ce contexte, les revenus professionnels étrangers des deux époux sont pris en compte en vue de la fixation du taux d’impôt applicable. (…) » S’il est constant en cause que Monsieur … n’a pas formulé de demande explicite aux fins de se voir accorder le bénéfice de l’article 157ter LIR, il n’en demeure pas moins, qu’il a, au travers de ses déclarations d’impôts, sollicité la déduction de certains frais et dépenses spéciales, déduction qui ne lui aurait, en application de l’article 157, paragraphe 2 LIR, pas été applicable en sa qualité de contribuable non résident, à moins qu’il n’ait voulu, en application de l’article 157ter LIR, être assimilé aux contribuables résidents par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis LIR.

Dès lors, par analogie à la solution retenue par la Cour administrative en matière de dépôt de déclaration pour l’impôt sur le revenu pour les résidents au sens de l’article 153 (4) LIR,9 le dépôt d’une déclaration d’impôt déposée par un non résident et notamment à pouvoir bénéficier de dispositions réservées au contribuable résident est à qualifier de demande de se voir imposer par voie d’assiette10.

Le moyen afférent du demandeur est par conséquent à rejeter.

En ce qui concerne la question plus particulière de la non-imposition par voie d’assiette de ses revenus d’une occupation salariée, le tribunal a retenu ci-avant que si la présence de Monsieur … en Allemagne semble être établie à diverses dates, cette seule présence n’établit cependant pas qu’il y ait eu prestation de travail en Allemagne pour ses huit employeurs luxembourgeois à la fois, et ce à la hauteur précise des pourcentages d’occupation retenus contractuellement.

Il s’ensuit que le demandeur n’ayant pas rapporté la preuve d’une occupation salariée à l’étranger, il ne saurait être suivi en ses affirmations selon lesquelles il n’aurait pas exercé son activité au Luxembourg de manière continue pendant 9 mois au moins. Quant à la référence à des travaux parlementaires, dont il résulterait que la notion de « de façon continue » figurant à l’article 157, paragraphe 4 LIR, signifierait « tous les jours ouvrables », il convient de rappeler que les travaux préparatoires d’une loi ne peuvent prévaloir contre les dispositions légales dénuées d’ambiguïtés, ni déroger à ces dernières11, de sorte qu’un commentaire figurant dans un projet de loi n’est pas de nature à restreindre l’application de la loi, d’autant plus qu’en l’espèce ledit projet de loi prend soin de nuancer ses propos en indiquant que « il est formellement exigé que les activités soient exercées en principe12 tous les jours ouvrables au Luxembourg », de sorte à admettre nécessairement des exceptions. Or, en l’espèce, comme retenu ci-dessus, si le demandeur peut certes établir sa présence en Allemagne à diverses dates, il n’en demeure pas moins qu’en l’état actuel du dossier, toute son activité de salarié a été exercée au Luxembourg, de sorte que son activité salariale doit être considérée comme exercée de façon continue au Luxembourg.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est partant à rejeter comme n’étant pas fondé 9 Voir Cour adm. 1er février 2011, n° 27045C du rôle, www.ja.etat.lu 10 Voir également trib. adm. 12 octobre 2011, n° 27542 du rôle, www.ja.etat.lu 11 Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm. 2010, V° Lois et règlements, n° 74.

12 Souligné par le tribunal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme tel que dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 octobre 2010 ;

au fond le déclare non justifié ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours subsidiaire en annulation ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 janvier 2012 par :

Marc Sünnen, vice-président, Claude Fellens, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Michèle Hoffmann.

s. Hoffmann s. Sünnen 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 27668
Date de la décision : 18/01/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2012-01-18;27668 ?

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