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30/11/2011 | LUXEMBOURG | N°27645

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 novembre 2011, 27645


Tribunal administratif N° 27645 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 janvier 2011 3e chambre Audience publique du 30 novembre 2011 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27645 du rôle et déposée le 12 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, te

ndant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Développement Durable et des Infrastr...

Tribunal administratif N° 27645 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 janvier 2011 3e chambre Audience publique du 30 novembre 2011 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 27645 du rôle et déposée le 12 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Développement Durable et des Infrastructures du 13 octobre 2010 portant suspension de son droit de conduire pour une durée de douze mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2011 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Arnaud Ranzenberger et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en leurs plaidoiries respectives.

Par arrêté du 13 octobre 2010, le ministre du Développement Durable et des Infrastructures, désigné ci-après par « le ministre », en considérant que Madame … avait commis plusieurs infractions à la législation routière sanctionnées par une réduction du nombre de points dont son permis de conduire est doté en vertu de l’article 2 bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, désignée ci-après par « la loi du 14 février 1955 », qu’à chaque infraction ayant donné lieu à une réduction de points, elle avait été avertie du nombre de points retirés et du solde résiduel de points et que le capital de points affecté à son permis de conduire était épuisé, suspendit pour une durée de douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur de Madame …, ainsi que ses permis de conduire internationaux, ceci en vertu des articles 2bis et 13 de la loi du 14 février 1955 et de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2011, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel du 13 octobre 2010.

Aucune disposition du Code de la route, ni aucun autre texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose que son fils, né le 5 novembre 2007, serait gravement handicapé et nécessiterait des soins quotidiens, ainsi qu’un suivi hebdomadaire sinon bihebdomadaire en kinésithérapie respectivement en ergothérapie. Elle explique que son fils recevrait ces soins au service de rééducation précoce situé à …, service auprès duquel mère et fils ne pourraient actuellement se rendre qu’en utilisant les transports en commun.

En droit, la demanderesse se prévaut du principe du non bis in idem et donne à considérer qu’en date du 23 octobre 2008, le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière correctionnelle, l’aurait déjà condamnée à une peine d’interdiction de conduire d’une durée de dix-huit mois exceptés les trajets professionnels et ceux effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession et que le Parquet aurait fait droit à sa demande d’aménager sa peine eu égard à sa situation familiale particulièrement difficile. Elle estime que l’arrêté ministériel déféré constituerait une deuxième peine pour des faits déjà sanctionnés par le prédit jugement du tribunal correctionnel et que la sanction administrative serait plus lourde que la peine correctionnelle, puisqu’elle ne tiendrait pas compte de sa situation familiale particulière.

La demanderesse critique encore l’arrêté ministériel déféré pour avoir violé le principe de la proportionnalité des peines qui constituerait un principe d’adéquation des moyens à un but recherché et qui signifierait que l’administration pourrait uniquement prendre des mesures strictement nécessaires au maintien ou au rétablissement de l’ordre public. Elle fait valoir qu’elle aurait déjà été condamnée à une interdiction de conduire de dix-huit mois exceptés les trajets professionnels et qu’elle aurait toujours respecté cette interdiction. Elle souligne encore que des infractions mineures au Code de la route auraient été à la base des condamnations dont elle aurait fait l’objet. Elle explique que le 9 septembre 2009, le jour où elle a été interceptée par la police grand-ducale alors qu’elle conduisait un véhicule malgré son interdiction de conduire judiciaire, sa mère aurait dû se rendre à l’Administration de l’Emploi, et comme cette dernière ne disposerait pas d’un véhicule et qu’elle garderait le fils de la demanderesse pendant ses heures de travail, elle aurait décidé de ne pas prendre le chemin direct pour aller à son poste de travail et de déposer sa mère et son fils à ladite administration, afin de préserver la santé de son enfant. Elle estime donc que l’arrêté ministériel serait une peine disproportionnée, alors qu’un jugement du tribunal d’arrondissement du 14 juillet 2010 l’aurait déjà sanctionnée pour l’incident du 9 septembre 2009, qu’elle n’aurait causé qu’un faible trouble à l’ordre public et que les circonstances de son dossier seraient exceptionnelles.

Elle reproche ainsi au ministre d’avoir commis un excès de pouvoir, sinon un détournement de pouvoir, sinon une violation de la loi destinée à protéger les intérêts privés.

Le délégué du gouvernement soutient que l’arrêté ministériel déféré serait intervenu dans le respect des formes légales prescrites, de sorte que la demanderesse serait à débouter de son recours.

Quant au moyen fondé sur une violation du principe du non bis in idem, il y a lieu de relever qu’une mesure administrative de suspension du droit de conduire et des sanctions prononcées par des juridictions pénales pour des infractions au Code de la route poursuivent des objectifs distincts et sont de nature différente, de sorte qu’elles peuvent être appliquées cumulativement pour un même fait sans que soit méconnu le principe du non bis in idem. En effet, la condamnation pénale sanctionne un comportement unique, tandis que la mesure administrative traite, non seulement d'un point de vue répressif, mais également dans le but de protéger les autres usagers de la route, un comportement habituel, se caractérisant par une accumulation, pendant un certain délai, d'infractions au Code de la route dont la fréquence dénote dans son ensemble une inaptitude du conducteur de circuler sur les voies publiques sans constituer pour lui-même et les autres usagers de la route un danger. Le dispositif du permis à points se veut ainsi pédagogique et préventif et tend à responsabiliser les conducteurs en jouant sur deux volets, celui de la dissuasion et celui de la réhabilitation.1 En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier administratif que la demanderesse a été condamnée à quatre reprises pour diverses infractions au Code de la route, à savoir la conduite d’un véhicule malgré une interdiction de conduire judiciaire, la mise en circulation d’un véhicule automoteur ou d’une remorque sans que la responsabilité civile à laquelle ce véhicule peut donner lieu soit couverte (défaut d’assurance), l’inobservation de la limite de vitesse de 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération, le dépassement étant supérieur à 15 km/h, toutes commises dans un laps de temps d’environ trois ans et demi avant l’arrêté ministériel litigieux.

Au regard des principes retenus ci-avant, la circonstance que la demanderesse fasse l’objet d’une décision de suspension du droit de conduire au-delà des condamnations pénales précitées ne heurte pas le principe du non bis in idem, de sorte que le moyen fondé sur une prétendue violation dudit principe est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen de la demanderesse ayant trait à une violation du principe de la proportionnalité des peines, il convient de rappeler d’abord le libellé de l’article 2bis, paragraphe 3, de la loi du 14 février 1955 :

« La perte de l’ensemble des points d’un permis de conduire entraîne pour son titulaire la suspension du droit de conduire. (…) Cette suspension est constatée par un arrêté pris par le ministre des Transports (…) ».

Il résulte de cette disposition que la suspension du droit de conduire est la conséquence légale de la perte de l’intégralité des points du permis de conduire, intervenant de plein droit et liant le ministre. La décision portant suspension du droit de conduire se limite partant à tirer la conséquence légale des décisions antérieures ayant procédé à la réduction de points du capital dont est doté le permis de conduire, tout en constituant une décision indépendante desdites décisions antérieures qui sont susceptibles de faire l’objet d’un recours autonome. Ainsi, le ministre n’est pas investi d’un pouvoir d’appréciation en la matière. La question de l'adéquation et de la proportionnalité entre les circonstances de fait et les points réduits a été prise en compte par le législateur par la fixation dans le texte législatif de différents nombres de points à retirer en fonction des diverses infractions commises. Le tribunal n'est dès lors pas autorisé à contrôler des considérations d'opportunité se trouvant à la base de l'acte attaqué ainsi qu'une éventuelle disproportion, le nombre de points retenu découlant directement de la loi, de sorte à exclure tout pouvoir d'appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, du tribunal.2 1 cf. trib. adm. 16 juin 2005, n° 19036 du rôle, confirmé par Cour adm. 24 novembre 2005, n° 20142C du rôle Pas. adm. 2010, V° Transports, n°63 2 cf. trib. adm. 3 décembre 2008, n° 24573 du rôle, et 12 février 2007, n°21678 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Transports, n°50 et 51, et autres références y citées L’arrêté ministériel déféré ne fait en effet que constater que la demanderesse a perdu l’ensemble des douze points dont son permis était affecté suite aux différentes décisions de réduction de points intervenues préalablement, qui étaient susceptibles de faire l’objet de voies de recours propres. Dans la mesure où ces décisions n’ont pas été contestées et ont en l’espèce acquis autorité de chose décidée, le ministre a partant valablement pu se fonder dans son arrêté attaqué sur le fait que lesdites réductions antérieures ont entièrement absorbé le capital de points dont le permis de conduire de la demanderesse était doté et ordonner par voie de conséquence la suspension du droit de conduire de la demanderesse. Le ministre a donc uniquement tiré la conséquence légale de la perte de l’intégralité des points du permis de conduire de la demanderesse.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation du principe de la proportionnalité est inopérant à l’égard de la décision déférée du ministre prise sur le fondement de l’article 2bis, paragraphe 3, précité.

Quant aux moyens fondés sur un excès ou un détournement de pouvoir, respectivement une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, force est au tribunal de constater que la demanderesse n’explicite point ces moyens d’annulation qui ne peuvent donc qu’être rejetés. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de rechercher le sens qu’un plaideur a voulu donner à ses conclusions.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Martine Gillardin, vice-président, Annick Braun, premier juge, Andrée Gindt, juge, et lu à l’audience publique du 30 novembre 2011 par le vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Martine Gillardin Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 01.12.2011 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 27645
Date de la décision : 30/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2011-11-30;27645 ?

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